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 Promesse de sang [Léo]

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Aya Murazaki [Sky]

Aya Murazaki [Sky]

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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeLun 16 Mai - 13:26

Promesse de sang [Léo] Hakuouki7 & Promesse de sang [Léo] Iconaya-28cc92c
Plongeant dans cet abîme
Tu te perds, t'abime
Ensanglantée, lessivée
Crevée, fatiguée ...



    Une déflagration.
    Comme un tonnerre qui vous éclate au coin de l'oreille, vous talonne dans un rire sardonique qui veut tout dire. Vous ne lui échapperez pas.
    Le cri d'une arme, la gueule entourée de flammes qui projettent cette balle qui file, perce, transperce, éclate, arrache, déchire, fait souffrir. Sans aucun remords.
    Un bruit sonore qui vous assourdit les tympans puis une deuxième suivit de plusieurs autres dans une chasse qui ne faisaient que commencer. Nous étions la cible à abattre, le lapin dans une course-poursuite où ils avaient lâché des chiens affamés de sang et de larmes. Ils en auraient ...
    Sa main crispée dans ma paume me rappelait la peur qui s'insinuait lentement mais surement dans le cœur d'Hanako. Ses yeux nacrés reflétaient une incompréhension et une panique qui menaçaient de la submerger à tout moment. Un infime mouvement de la main, prise chaude sur la sienne pour lui signifier silencieusement que j'étais là. Que je ne les laisserais pas faire.

    Un souffle. Respiration qui s'accélérait tandis que les pavés défilaient sous nos pas précipités. La terrasse du café où on s'était donné rendez-vous ne devait maintenant n'être plus qu'un amas de tables brisées, de verres et de chaises branlantes et balancées, maigres remparts improvisées.
    Dommages collatéraux. Ce que je devais être d'ailleurs aux yeux des escouades armées qui venaient de nous tomber sur le coin du nez, en ce début de soirée. Mais ces bouffons masqués ne se doutaient pas d'une chose: Ce n'était pas une seule pactisante qu'ils coursaient, mais deux; dont la dernière qui leur feraient regretter amèrement de s'en être pris à elles.
    Mais pour l'instant, impossible. Ils nous talonnaient, flairant l'odeur du sang malgré le jeu de cache-cache auquel on s’adonnait, les filaments du pouvoir d'Hanako parcourant nos êtres. Changement, altération moléculaire qui vous donnait à voir un autre visage dans le miroir ... Il n'y avait pas que la concentration erratique de ma camarade qui était en cause de notre échec. Ils savaient, ils savaient qui est-ce qu'ils traquaient exactement. Ses pouvoirs, ses faiblesses comme ses bottes secrètes. Une réponse s'imposait à mon esprit : Le GPD. Ces salopards de tueurs de pactisants et leurs cliques d'atrocités perpétrées sur des stellas - pour voir. Juste pour comprendre. Un nom qui était peu à peu passé de la rumeur à la réalité sous une pression et une méfiance constante. Des sigles aux teintes acides.
    Fuir ... Il ne nous restait plus que ça, fuir pour en semer le plus possible, achever les plus acharnés au milieu des lumières chaudes de Milan. Et se perdre encore, le souffle court d'avoir trop couru, d'avoir dévoré la piste avec au coin de l’œil l'éclat d'une arme de métal bien trop proche.
    Une ruelle, puis un autre, éviter les passants interloqués, tourner et se retourner pour constater que les chiens de l'enfer nous coursaient toujours, inépuisables dans leur quête de notre anéantissement. Je détestais ça. Être la proie et sentir le piège se refermer inexorablement sur vous, la fuite n'étant que le retour vain vers la pointe et le canon d'une arme. En général, ce sentiment intrusif, c'était moi qui le provoquais d'un seul regard, d'un seul sourire. Ils me le payeraient ... Plus tard, mais pas trop, mon esprit dévoré par la rage et l'inquiétude, sentant monter une haine viscérale pour nos poursuivants.
    Serrant des dents, j’accélérais encore le rythme, forçant l'allure imposée à celle qui marchait dans mon ombre, garante d'un dernier espoir pour moi. La pensée que mon existence avait un autre but que d'abattre les gardiens noirs, ces visages inconnus de l'autre côté. Je sentais Hanako faiblir derrière moi, trébucher et pousser un cri de terreur pure à voir que nous étions loin d'être sorties d'affaires. Se relever, encore et toujours, embarquée par ma course têtue pour ne pas s'avouer que les repères ne sont plus les mêmes, que les coins des rues sont inconnues.
    Mais ne jamais s'arrêter.

    De nouvelles déflagrations, langues de feu et de fer qui léchaient nos oreilles d'un bruit assourdissant. Une salve annonciatrice d'une deuxième tandis que d'une poussée, j'envoyais la jeune femme dans une petite rue bordant un recoin d'habitation. Obsidienne contre Crystal de roche tremblant. Je pouvais percevoir les larmes s'écouler sur les joues d'Hanako, comme un torrent qui ne voulait pas s'arrêter, noyant sa vue et sa raison. Elle avait perdu le contrôle, regardant de tout côté, comme une chienne à l'affut, folle de la menace qui rodait au dessus d'elle, épée de Damoclès qu'elle avait voulu ignorer, se jouant des gens aussi facilement qu'une gamine au visage d'ange. D'une main, je lui fis signe de se calmer et de ne pas bouger, mais autant parler Turc. Formant des mots silencieusement, j'essayais de la rassurer de loin dans notre langue natale mais sans que j’aie pu m'élancer pour la retenir, je vis la silhouette d'Hanako changer, se déformer à plusieurs reprises dans un sursaut de désespoir et foncer dans la rue centrale, couloir de la mort. Sa mort.

    Du sang gicla, une grimace se forma un instant sur mes lèvres, la raison et l'instinct de conservation jetés aux orties. Sans même sortir la lame d'ébène de son fourreau sombre, je m'élançais, balançant en même temps une gerbe d'éclairs et d'étincelles dans la rue, illuminant trop fort, avec l'espoir d'aveugler une seconde ou deux les tireurs. Les balles ricochaient contre la pierre, déchirant le tissu, chauffant, griffant la peau, dans l'espoir d'enfin la trouer, pour mieux la dévorer.
    Brouiller les pistes, luminosité exacerbée et pirouettes retournées pour un instant de répit. Bien court, trop court seulement avant d'entendre le bruit des bottes battant le pavé pour nous rattraper, vouloir nous encercler.

    Volonté avortée.

    Les gouttes tombaient, abreuvant Milan d'un liquide carmin. Pourpre, symbole d'un désir mortel, d'une mortelle étreinte, d'un espoir taché. Il perlait de mes mains serrées, armes de destructions massives en perspective. Mais pas seulement ... Mon regard glissa sur Hanako, son souffle devenu plus rapide, la douleur de ses yeux cristallins, restés bleus par sa précédente pirouette visuelle, et ce sang qui s’épandait petit à petit sur le côté de son corps. Ma bouche s'ouvrit légèrement pour former des mots qui ne virent pas le jour, rattrapant la jeune femme qui s’effondrait sur le trottoir, me suppliant du regard de ne pas la laisser là. Ne pas perdre son sang-froid, rappelles-toi les gestes Aya ... Maitrisant à grande peine ma propre nervosité, je m'activais, glissant un bandage sur la blessure, la comprimant le temps d'être un minimum en sécurité et me retourna vers le bout de la rue.

    Je ferma les yeux. Força la dose. Vie mise entre parenthèse pour n'être que le réceptacle d'une rage croissante. L'air se chargea d'électricité d'un coup, pour fuser en un souffle sur les premières victimes, les yeux écarquillés devant cette menace incontrôlable. Léchant les vêtements pour les enflammer sous le pression, se glissant à la recherche de l’élément qui vous trahirait, vous anéantissant sans le savoir. Des arcs d'éclairs successifs emplissaient la ruelle tandis qu'un sourire carnivore se formait sur mes lèvres. Ce n'était pas assez. Ils avaient réveillé le Cerbère endormi dans un regard d'Onyx. Le chuintement sinistre d'une lame tout de noir vêtue se fit entendre dans le silence crépitant de ce cul de sac qui deviendrait bientôt un lac pourpre.

    Mais un murmure inconnu m'arrêta, me fit me retourner brusquement. Je ne l'avais pas senti. Un homme était accroupi vers Hanako, dessinant du bout des doigts le contour de son visage, mais malgré le sourire désolé qui flottait sur les lèvres de ma comparse, je ne pouvais m'empêcher d’éprouver de la méfiance envers cet inconnu. Un être dont l'aura dangereuse me semblait pourtant familière, comme une vieille impression qui vous frôle sans pourtant se retourner et continue son chemin en vous narguant d'un sourire. Un stella.
    Captivée par cette scène, je m'avançais et capta quelques mots, oubliant la menace imminente du GPD qui allait de nouveau envoyer ses chiens enragés; cette foule avide dans laquelle j'avais cru voir l'espace d'un instant l'éclat d'une chevelure argentée, souvenir douloureux d'une entêtante serpillière qui me suivait du regard. Vargas par dessus tout ça, c'était me donner l'autorisation de les déchirer avec plaisir.

    « - Non, Kelpie s'il te plait ... Sauves-moi. »
    « - Tu le savais, tu as abusé, dépassé la limite. Un pacte est un pacte. »

    Ses yeux le suppliaient, se noyant dans des prunelles dorés imperturbables, tranquilles. Il n’éprouvait aucune émotion, froid comme la glace. Le stella aux cheveux d'un blanc étrange, une lueur d'or dans les yeux, ne ressentait rien que la satisfaction discrète d'un acte dont il attendait les prémices, sagement, dans l'ombre. Et sans plus entendre, attendre, il posa ses mains sur la poitrine d'Hanako tandis que celle-ci était prise de soubresauts horribles, du sang coulant entre ses lèvres.
    Un "non" silencieux s'échappa de mes lèvres, moi spectatrice immobile d'un abandon manifeste, d'une fin qui était déjà écrite. Et malgré la connaissance que j'en avais, je ne pouvais l'accepter, pas de cette façon là, pas avec autant de souffrance à la clé.
    "Il" se retourna, m'adressa un sourire mystérieux et disparut, ses dernières paroles flottant dans mon esprit, insipide poison qui s'étendait.

    « - Surprise ? Ton stella te cache bien des choses … »

    J'avais toujours su que la fin d'un pacte signifiait bien souvent le trépas du contractant, j'en avais conscience sans vraiment connaître le pourquoi des contreparties, de la mienne notamment. Les cachoteries de Sky étaient nombreuses, autant sur ses raisons, cette douleur constante, et sur ses pouvoirs, les distillant au compte-goutte. Je connaissais par cœur l'aura noire qui entourait mon stella et pourtant, un frisson glacé me traversa l'échine à la manière dont il mettra fin à notre accord. La méfiance se teintait d'une pointe de peur envers lui ...
    Un mouvement, enfin. Je m'avançais, hébétée, mon regard accroché désespérément à celui d'Hanako, se voilant petit à petit.
    Mon esprit refusait ça, faisant barrage à une vérité qui s'insinuait, fissurant les barrières éphémères. Elle était condamnée, il l'avait condamnée ... et eux aussi.

    Tout devint noir, parsemé d'éclairs blancs. Je ne voyais plus rien, ne voulait plus rien comprendre, que cette rage et ce sentiment amer au fond de ma gorge. La respiration hachée, je luttais pour ne pas tomber dans cet abime qui me tendait les mains, douce et vengeresse, familière. Un esprit faible ? Peut-être bien car je m'y glissais au bout du compte, laissant ces sentiments trop violents pour être contenu prendre le dessus. Crac.
    Un sourire apparut sur mon visage tandis que je me relevais, me retournais vers l'objet de ma sanglante vengeance. Le bruit de leur pas plus nombreux ne me faisaient pas peur, la sensation oubliée, évanouie dans les méandres d'un subconscient où la raison avait disparue au profit d'un désespoir, d'une colère noire.
    Mon sang se mélangea bientôt à celui qui s'échappait du corps d'Hanako, les lèvres bleuies, le regard fixé à jamais sur mon dos. La lame entamait la chair sans qu'un seul frisson ne s'échappe, retraçant des chemins connus et éprouvés, des cicatrices endormies, et le crépitement se fit plus nerveux, plus rageux. Plus seulement à l'extrémité des griffes, mais parcourant la totalité de mon corps, armure mortelle au premier qui tenterait de m'approcher de trop près.
    Pas encore ... Les arcs de lumière volaient, ma silhouette les acculaient, les faisant reculer, assommant, perçant, emplissant l'espace et le ciel de particules piquantes, grillant leurs appareils, comme tout ce qui pouvait l'être dans les appartements trop proches.
    Un sifflement. Puis un autre, comme un avertissement dont je ne tiendrais pas compte.

    Je recula néanmoins, pour me retrouver une fois de plus en bouclier, barrière futile devant Hanako. Un cri s'échappa de mes lèvres, rugissement du Cerbère pendant qu'un cercle étrange , teinté de pourpre à mes pieds, se formait autour de nous, changeant la donne. Je grimaçais sous l'effort et la douleur, poussant mes limites encore plus loin, pour les attirer, eux et leurs armes de mort jusqu'au point de non retour. Champ magnétique.
    Mais pas assez rapide pour la vicieuse qui se planta dans ma jambe droite, dévorant mon être à pleine dents. Un genou à terre, accrochée comme à une bouée au sabre, je ne tomberais pas pour autant. Je crachais, m'étouffant légèrement dans mon propre sang mais ne démordrait pas.

    Et la tombée de nuit de Milan fut illuminée.
    De loin, on ne vit qu'une poignée d'éclair monter toujours plus haut. Étrange phénomène. L'électricité crépitait et comme si une main invisible avait agit, les armes, conductibles idéaux avaient glissé de force des mains des agresseurs pour filer droit vers cette attraction. Et la foudre tomba. La surprise ne leur laissait pas le temps de réagir devant la déferlante qui s'abattit sur eux, comme un château de cartes. Ils étaient les victimes de leur ignorance, les soldats de première ligne sacrifiés. Tout ceci n'avait duré que quelques minutes, mais il ne restait qu'une odeur de chair brulée, grillée, des yeux pleurant du sang et le corps sans vie des plus malchanceux.
    Les autres attendaient, les yeux horrifiés devant ce barbecue à échelle humaine, ce spectacle éclatant de sang.

    Au milieu de ce carnage, une silhouette, la mienne, ensanglantée, coupée, griffée, dévorée par cette foudre qui crépitait encore par moment sur mes bras, à genoux auprès d'un autre être. Au travers de la crasse, de la sueur et du sang, de fines larmes rougeâtres traçaient leur chemin.
    La première finit sa course au delà de mon menton, suivit par tant d'autres que je ne maitrisais plus. Plus en état de rien.
    Je ne maitrisais plus rien à vrai dire, tout me tombant dessus d'un seul coup. La fatigue accumulée, la dispute parmi tant d'autre avec Sky, Hanako, nos retrouvailles, ses rires acerbes mais enfantins, tout ce sang, et son immobilité qui me terrifiait. Un trop plein de tout.
    Une suite sans fin de coups infimes qui avaient réussi à fracturer, casser en morceaux étincelants ce masque de diamant qui entourait mon cœur.

    Au travers des hoquets, des mains crispées sur le tee-shirt de celle que j'aurais pu considérer comme ma demi-sœur, de la toux et des sillons de larmes; résonnait un appel, désespéré, soupiré, murmuré, et hurlé tout à la fois.
    Le nom d'une âme aux prunelles opalines.

    Léo.


Spoiler:


Dernière édition par Aya Murazaki [Sky] le Ven 17 Juin - 5:42, édité 2 fois
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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeMar 17 Mai - 19:44

« Je t’aime, et c’est un crime. »
Une étoile.

Ça avait commencé avec le déclin du soleil. Ses rayons léchaient les dernières hauteurs des immeubles, flirtèrent une ultime fois avec les dalles de Milan, bercèrent la peau de ses habitants d’une dernière caresse de chaleur. Et lentement l’astre stellaire mourut, offrant le ciel à la Dame d’argent, mère d’un groupe d’exilés de la voute céleste. Mais nous n’étions pas encore à ce moment où sa robe éphémère surplombe la ville. Nous étions juste à cet instant. Où le bâton de relais se passe, où Solar, en un soupir final, tutoie furtivement les courbes de la Lune et perce l’obscurité d’un râle d’abandon, pour se cacher derrière l’horizon. Voilà. Nous en étions là. Durant sa dernière prestation, ce fut la voix des rues qui s’éleva. En un cri de terreur. En un cri de panique. C’était un appel. A tous ceux qui le reconnaitraient. A tous ceux – aussi - qui le voudraient. Et il l’avait entendu. Car il entendait toujours.

Sa silhouette s’était avancée, élancée entre les figurants de cette histoire. Captant les exclamations horrifiées, évitant les coups de ces gens pressés et sentant l’odeur de leurs sueurs. Il avait filé. Dans un sens inverse. Molécule libre de son chemin. Molécule maitre de son destin. Il ne laisserait rien passé. Pas dans cette ville. Pas dans sa ville. Car il lui appartenait. Jusqu’au bout de la chair. Jusqu’au bout de l’os. Jusqu’au bout de la moelle. Jusqu’au bout de l’âme. Il perça l’amas d’individus sans visage, traversa une petite ruelle. L’animal à ses arrières s’arrêta là, écoutant docilement l’ordre émis. Il tourna par trois fois sur lui-même, l’homme –que nous ne qualifierons pas d’humain- s’envola. D’une force dont il était maitre, sans vraiment la possédée. En un bond surréel, il atterrit sur le toit de la bâtisse. Le chien aboya, son camarade lui décrocha un sourire et partit. Plus vite que lorsqu’il fut entre les passants. Le brun sauta au-dessus d’une rue, atterrit sur le bâtiment en face duquel il avait décollé. En un voile de poussière, il continua sa course, balança hâtivement le blouson recouvrant ses épaules, l’étouffant d’une chaleur indésirable.

Nanananananananana.Batmaaaaaaaaaaan.Batmaaaaaaaaaaaan.
Nananananana.Batmaaaaaaaan.Batmaaaaaaaan.Batmaaaaaaaaaaaaaaaaan.

« Ici Bruce, j’écoute. »

Une voix calme divulgua l’information à travers le combiné. Toujours en s’aventurant entre les différentes toitures, l’individu hocha distraitement la tête entre deux respirations. L’interlocuteur parla encore un peu. Et un éclair déchira le ciel. Et un battement déchira son cœur. Ses doigts manquèrent de lâché l’appareil noir. N’écoutant plus les paroles se noyant dans le vide, il détailla ce ciel sans nuage, où les formes de la Lune se firent plus lumineuses, plus oppressantes. Il raccrocha, rangea l’appareil dans la poche arrière de son pantalon. De nouveau, la foudre brisa le silence angoissé de Milan. De nouveau, un sentiment brisa le calme serein du pactisant. Ici commence notre histoire.

Deux iris bleues, azures d’une autre mer, contemplèrent encore une fois ces décharges mordant l’horizon. Il ne ferait plus la même erreur. Il l’avait perçu. Cette pointe d’inquiétude se nichant entre sa poitrine. Oui. L’orage aurait beau frapper, l’Horizon resterait stable. Car on ne peut pas l’atteindre, ni le toucher, on ne peut que le voir, le pressentir. Sous la surprise, il s’était arrêté, au bord de cette chute charmante. L’obscurité naissante ne fut pas assez puissante pour cacher la scène de cette histoire. Une bouffée d’air, longue, profonde, traversa ses lèvres, sa gorge, ses poumons et se nicha dans son sang. Sa chevelure se teinta d’un noir flamboyant. Une expiration débuta, s’échappant d’entre ses dents. Et il disparut. Plus profondément dans le dédale de cette ville, perdu dans les entrailles saignant de Milan. De quelle monstruosité cette Dame allait-elle accouché ?

Un petit groupe d’inconnus se déplaçait dans les rues en une rapidité qui pourrait paraitre alarmante pour les habitants. Au pas de course, ils se dirigeaient dans des espaces de plus en plus étroits, oppressant à chaque mètre qu’ils rognaient de leur cible, la tension augmentant parmi eux. Une ombre passa au-dessus de leurs têtes, sans qu’aucune d’entre eux –bien sûr- ne s’en aperçoive. Ombre qui les détailla à peine de son regard opalin, taillant les raccourcis de ses doigts, de la lueur de la Lune également. Ses pieds dérapèrent sur un morceau de bois. Sa main se rattrapa à une cheminée, tira sur ses muscles et continua son marathon, perles d’inquiétude ruisselant le long de sa peau. Un nuage brillant s’extirpa d’entre les bâtiments, se réfugiant dans sa maison première, l’espace. Et son cœur s’amusa à battre un peu plus, à nouveau. Le sang afflua dans ses veines, alimentant avec joie sa chair, rougissant sa peau, raccourcissant son souffle imperceptiblement. Son corps s’arrêta de lui-même, à la limite du vide de l’altitude. De son perchoir, le corps affaissé d’un nippone se grava dans sa rétine, lui remémorant des souvenirs mi-douloureux, mi-joyeux. Un murmure traversa sa volonté, profitant d’une brise portant l’odeur de la mort pour s’échapper.

« Aya. »
« Leo ! »

Un écho. Car ce n’était que ça. Ca ne serait jamais que ça. Un appel. A l’effigie de sa personne. Porteur de son nom. La tension accumulée dans sa course-poursuite face à des pseudos-fantômes glissa de sa conscience, pour s’enfuir dans une boule d’appréhension plus profonde, caché à la vue de notre pactisant. Les cadavres avoisinants la japonaise le fit frissonner, plongea sa crainte en un tourbillon de calme, de colère également. Ses yeux virèrent dans une teinte rougeâtre. Ce n’était pas bon. Il n’aimait pas le rouge. Détestait cette couleur. Spectateur invisible, il contempla momentanément les opposants de la noiraude. Le groupe qu’il avait dépassé plus tôt arriva. Le choc de terreur face à cette représentation les arrêtèrent tous au moins une seconde. Mais ce ne fut qu’un entracte insipide. La pause était finie pour eux. La chasse pouvait continuer. Un de ces soldats avança, s’approcha dangereusement de la pactisante, posa sa main sur son épaule. Les iris tamises de l’homme se foncèrent davantage.

Il n’y eut qu’une souffle. Ce ne fut que l’instant d’un innocent souffle que tout se déroula. Le pactisant fit un pas en avant, s’offrant à la chute libre. Ses doigts s’illuminèrent de ces éclats bleutés. Il créa un espace infime entre la noiraude affaiblie et l’agent de terrain. Il s’y immisça, atterrît entre les deux protagonistes. Le souffle l’avait accompagné, courant d’air qui, amplifié par la volonté des étoiles, devint plus fort, soulevant les cendres, balayant faiblement les corps carbonisés que le noiraud s’efforçait de ne pas voir, fit reculer les membres de cette agence. Maudite GDP, quand tu nous tiens. Il ne laissa pas le temps à ces intrus d’intervenir, plongea son poing dans la mâchoire de cet idiot qui avait osé toucher son antinomie. Coup amplifié, l’os se brisa certainement, la pauvre victime, elle, s’envola pour se planter dans le corps d’un de ses comparses. Oh ! Leo ♥️

Il ne décrocha aucun sourire victorieux, encore moins un rire moqueur. Buffone n’était pas mêlé à cette affaire. Ce combat, c’était celui de Leo. Celui de Leo et de personne d’autre. Non. Le temps n’était pas à la plaisanterie, au laxisme auquel il aimait se donner face aux adversaires du dimanche. Il n’était question que de lui, d’Aya et du GDP. Et de ce plan à trois, l’un d’entre eux était indésirable. Les paris sont ouverts.

En un mouvement unique, tous ces humains reculèrent d’un pas. Il était connu le bougre, bien qu’il n’y eut pas de foulard pour cacher son visage. Seul les pouvoirs de son stella étaient en jeu. C’était suffisant. Pour s’assurer un anonymat et pour être reconnaissable aux yeux de ces intrus. Il fallait prendre garde. Leo était là. Et il était mécontent. Les traits de son visage étaient fermés, de sa stature, il formait une barrière protectrice envers Aya. Il fit mine d’approcher un peu. Mais à l’issu de ces observations rapides, seul les gémissements de douleurs des victimes frôla les tympans de l’homme. Ils furent loin d’intéresser le pactisant, se retourna vers la nippone accroupie dans son dos. Ses yeux redevinrent bleus, apaisés de voir la vie encore présente entre ses bras frêles. Il s’abaissa, toucha les épaules tremblant de la pactisante, s’arrêta. Des perles cristallines. Un sourire triste s’accrocha à son visage. Alors tu es capable de pleurer finalement, Aya… Un sentiment étrange l’apaisa, et sut plus ou moins mettre un doigt sur ce qu’il représentait. Mais ce n’était pas le moment de se pencher sur ses ressentis intérieur. Non, certainement pas. Il secoua faiblement la noiraude par son épaule.

« Aya, tu m’as appelé. Je suis là. »

Pas de réaction. Seul le silence du glissement des larmes sur une peau blessée, dans un cœur fissuré. Il réitéra son mouvement, l’appela encore une fois par son prénom. Et toujours ce liquide pure glissant de ses yeux d’ébène. Il s’arrêta une seconde, ne détailla même pas les individus, qui dans l’obscurité, s’étaient rapprochés à pas de loups. Il se pencha un peu plus sur la silhouette de la femme, ne s’attardant pas sur le corps de cette autre femme, morte. Les traits asiatiques étaient la preuve qu’elles se connaissaient. Leo en avait vaguement entendu parler, d’une personne que la pactisante recherchait. Mais il ne s’en formata pas, mettant fin à ces réflexions stériles.

Un traitre s’aventura un peu trop loin, tenta une approche musclée, se heurta à une barrière invisible, renvoyant le coup en un flash bleuté. La lumière éclaira un fragment de seconde la scène, dévoilant le cadre macabre de la ruelle. Leo poussa un soupire. Ses mains longèrent les bras ensanglanté de la nippone, l'étreignant par l’arrière. Arrivé aux doigts de cette dernière, il tenta de défaire l’emprise de ses ongles sur le vêtement de la victime. Le GDP… Il chassa cette pensée coléreuse, essayant, en vain, de défaire la prise de la japonaise. Ca ne fit pas avancer les choses, puisqu’elle se débâtit violement entre les bras du noiraud. Les épaules d'Aya cognèrent la chair du lion, ses coudes s’enfonçant dans les côtes du pactisant. Et ça ne lui faisait rien, pas même une égratignure ou un vague engourdissement de ses membres. Rien. Aya, tu es au bout de tes forces. Tu le sais. Pourquoi ne pas laisser le Cerbère se reposer un peu ?

« Aya. Ca ne sert à rien. On ne peut plus rien pour elle. Tu le sais. Elle… Elle est morte. »

Elle se débâtit plus violement encore. Il ne se laissa pas faire cette fois-ci, profitant des mouvements chaotiques de la nippone pour la forcer à lâcher prise, en un mouvement qui pourtant, débordait de douceur. Parce qu’on ne peut pas changer Leo. Elle gigota dans tous les sens, lui offrit un coup de tête dans la mâchoire, où il se mordit en surface la langue. Il renforça ses efforts, défit ses doigts autour du t-shirt poisseux de la défunte, la tira jusqu’à son torse. C’est là qu’il remarqua qu’elle était blessée à la jambe. En plus. Pourquoi faire les choses à moitié, hein ? Ni une, ni deux, il la souleva du sol, nichant un de ses bras sous ses genoux, les enserrant de ses grandes mains sèches, l’autre bras soutenant son dos, tout en muselant le peu de force qu’il lui restait en s’accrochant à l’épaule. Son regard bleu observa les plaies creusant la peau de neige de l’étrangère, vint se ficher dans son regard perdu. Un pincement à l’âme survint au même moment où il pinça ses lèvres. Et elle était perdue, pataugeant dans un univers sombre, baigné de ténèbres.

Leo se retourna, fit face à tous ces individus armés, prêt à s’opposer à lui, à sa fuite et celle de l’autre pactisante. Il ne se laisserait pas faire. Les yeux brillant d’une lumière bleuté et d’un éclat de colère sourde, profonde, c’est la rage à l’estomac, lui serrant la gorge qu’il fit un premier pas. Les agents se mirent en position. Un sourire fendit l’air, mourut aussi vite. Le sol devint solvable, sables mouvants dans la ville de béton. Ils s’enfoncèrent. Tel une fleur qui s’enfonce dans les profondeurs des eaux. Ils se débâtirent sous l’étonnement. Et cela ne changea rien, n’empira pas leur cas non plus. Ce n’est que quand leurs bassins furent entièrement immergés que la lumière bleue des iris de Leo se calma. Le sol reprit sa texture originale, capturant les individus dans une emprise immuable. Les bougres ne se laissèrent pas faire, usant de leurs armes diverses pour blesser un tant soit peu l’ennemi. Erreur. Les membres du GDP auraient dû s’en souvenir, apprendre, justement, de leurs erreurs. Détaillant en un battement de cils les projectiles, ceux-ci s’arrêtèrent à la frontière de la peau du noiraud, disparaissant dans un égrainage de la matière. Leurs armes subirent le même sort, s’évaporant dans la nature.

Il fit un nouveau pas en avant, passant calmement à travers les différents corps piégés dans les entrailles de Milan. Leo ne les observa même pas, toujours cette colère muette dans le regard, il traversa leur groupe, s’échappant de ce cul de sac où pourrissait la mort, où pourrissait la vie. Aya se débattait toujours entre ses bras, bien que sa vivacité commençait à diminuer quelque peu. Bien… Mauvais. Il l’entendit, au loin. Des bruits de pas. Il tourna sa tête dans la direction de ce son.

« Bien, on va courir un peu. Désolé si je te fais mal… »

En réalité, la dernière syllabe n’eut pas vraiment le temps d’être prononcé, que déjà, il s’élançait dans le sens opposé d’où émanaient les nouveaux adversaires. Ils étaient coriace là-bas. Comme quoi, même au GDP on devait mériter son salaire. Ca ne serait pas suffisant, d’avoir une bonne endurance pour attraper le jeunot. Il traversa plusieurs rues, pivota soudainement sur un embranchement à gauche, rencontra une nouvelle troupe. Leo lâcha un juron, raffermit sa prise sur Aya, fuit dans la direction opposée. Petit lapin blanc et petit lapin noir qui s’échappaient tous les deux dans le labyrinthe de la Dame de Cœur. De cette projection d’Alice au Pays des Merveilles, il n’y avait que les cartes soldats de la reine qui furent un peu plus efficaces que dans le conte. Le lapin blanc vint même à lâcher un nouveau juron.

En un geste rapide, il fit passer Aya sur une de ses épaules, là où une balle de revolver s’était fichée quelques semaines auparavant. De sa main libre, il effleura le mur de brique du bâtiment qu’il longeait. Tous les détritus de la rue se jetèrent sur les assaillants, même aidée par certaines briques se détachant de leurs enclaves, s’éjectant sur les corps des inconnus, eux qui venaient déranger la paix de leur sommeil. Ralentissant l’allure des GDPiens, il bifurqua dans plusieurs directions au hasard, pour arriver dans un nouveau cul-de-sac. Si on aime ça, on n’y peut rien. Une mimique ravie vint se coller sur le visage du jeune homme. Sereinement, il posa à nouveau sa main gauche sur un des murs. Et une par une, les briques vinrent les enfermé dans un coin oublié dans la ville. Car il n’existait pas. Car il n’existait plus.

Reprenant Aya dans une position correcte –position princesse svp- il s’affaissa contre la paroi, y glissa de tout son long. Il plongea ses iris turquoise dans les obsidiennes brisées de la nippone, toujours noyées dans un torrent de larme et de désespoir. Il sourit un peu, effaçant la colère brulant ses viscères. Il passa un doigt sur la joue de la nippone, attendrit une seconde.

« Calme-toi, ne fais pas de bruits. Ils peuvent toujours nous entendre… Respire, calmement, Aya. »

Et taire cette envie de la serrer un peu plus fort dans ses bras, un peu plus longtemps.

Spoiler:
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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeJeu 19 Mai - 19:40

Laissé à l'abandon
Le cœur tourmenté
Le souffle d'un vain pardon
L'âme fissurée
Je dérive en murmurant ton nom ...



    Inéluctablement, les briques qui composaient le labyrinthe de mon esprit s’effritaient comme du bois sec que l'on aurait trop travaillé, découvrant un gouffre sans fin à ses pieds. C'était comme si on avait tout balayé, emporté dans la violence d'un cri, pour tout remplacer par une page blanche où aucune encre ne pouvait laisser sa trace. Vide. Vide de cette colère qui avait animé si violemment mon corps, de ce désespoir qui s'accrochait pourtant à mon cœur, de cette raison devenue folle. Vide de sens.
    Emplie de tant de sensations que mon esprit en charpie ne parvenait plus ne serait-ce qu'à effleurer. Tout ce que je voyais, dans ce monde teinté de sang était cette tâche blanche, cette silhouette d'une pâle aura, immobile. Sans un souffle. Plus jamais ... Plus jamais je ne pourrais entendre ses sarcasmes, ses rires moqueurs et voir cette lueur qui animait ses prunelles si particulières.

    Et même les rares sursauts de conscience qui me secouaient ne parvenait pas à chasser cette apathie dangereuse qui s'était emparée de moi. Hého Aya, réagis ! Un cri animal qui ne m'atteignait pas, comme une phrase jetée dans une tempête opaque. J'étais plus forte que ça, un cadavre ne m'avait fait que rarement ciller, la mort était ma compagne, celle qui suivait discrètement le moindre des pas de danse que j’effectuais souvent sous le ciel nocturne de Milan. Mais pas ici...
    Pas devant la silhouette à jamais figée d'Hanako. Ce n'était pas n'importe qui, une pauvre victime d'une vengeance insignifiante, un nom rayé sur une liste, une anonyme. Pas même un camarade tombé au combat. Elle n'avait rien à voir avec tout ça, petite fée qui avait trop fait de tours sur elle-même pour attirer l'intérêt du GPD. J'aurais pu me réfugier derrière le pan de la fatalité, m'enrouler dans son rideau rouge pour me détourner et leur faire payer, mais je n'y arrivais pas, figée, agrippée à elle comme une naufragée.

    " Murazaki hein ? Tu le portes bien au final ... "

    Je me perdais au rythme de ce cynisme si jumeau au mien qui m'avait fait sourire au final. C'était comme si Hanako était encore en face de moi, rebelle et contradictoire.
    Après avoir eu autant de mal à l'approcher, l'apprivoiser, la saisir du poignet pour plonger mes prunelles dans celle qui maintenait un pan de ma vie en suspens, je ne voulais pas croire que tout avait disparut dans un sourire, dans une telle violence soudaine. Déni total. Refus catégorique d'une vérité qui pourtant s'infiltrait dans la froideur de mes doigts.

    Une autre fraicheur vint me frôler, un pas en avant d'une silhouette que j'aurais reconnue sans un seul regard. Un echo qui avait réagit à mon cri, appel déchirant d'un instinct sauvage. Une évidence. Une trace infime qui s'accrochait à un esprit qui, bien que noyé, n'avait pas encore abandonné.
    Mais ce n'était pas l'ombre sanglante de mon stella. J'aurais pu, Sky aurait été là en une étincelle... mais la scène défilait encore dans mon esprit et tout me paraissait si soudainement aussi compliqué et sombre que je n'avais pas osé. Ça aurait été rapide, le cul de sac rayé de la surface de Milan dans un spectacle de cris de douleur et le grondement de l'orage. Mais non, pas après ça ... Juste une demande d'aide murmurée, désespérée.

    Pas un seul mouvement, pas un battement de cil pour l'accueillir sur les cendres de ma victoire éphémère. Pas même une réaction fulgurante à la main qui s'était tout d'un coup abattue sur mon épaule, comme une serre annonciatrice de milles souffrances. En temps normal, l'impudent se serait déjà retrouvé à mes pieds, se vidant de son sang, les yeux écarquillés.
    Les larmes roulaient toujours, torrent cristallin qui ne semblait plus vouloir s'arrêter. Je n'en avais plus rien à faire.

    Over.

    Une poupée cassée... Voilà ce que j'étais, si je ne l'avais pas été depuis le début de tout. Bouton pause appuyé. Je n'arrivais plus à rien, réfléchir ou même répliquer à cette menace qui grondait dans cette main posée. A force d'encaisser, se relever et faire mine de rien, continuer son chemin de sang, il arrivait un point de non retour, comme le stop silencieux d'un corps et d'un esprit qui refusait tout d'un bloc.
    La menace fut effacée, propulsée sans que j’émette le moindre son, le moindre coup d’œil, le regard toujours posé sur le corps d'Hanako. Je n'avais pas su la protéger, les rôles auraient du être inversés... Après tout, qui avait été la plus dangereuse des deux ? Elle, elle ne faisait rien de bien répréhensible que de jouer de simples tours de miroir. Juste pour satisfaire le désir enfoui d'un passé qui s'estompe. Mais j'aurais du la retenir. Et ce sentiment d'injustice et de culpabilité me saisissaient, me prenaient à la gorge, me fermaient à tout autre chose.
    Deux autres mains se posèrent sur mes épaules tremblantes, plus douces, sans la moindre agressivité.

    « Aya, tu m’as appelé. Je suis là. »

    Ah ... Ah oui. C'est vrai. Léo. Mais je ne relevais pas la tête, perdue dans un monde où sa voix avait fait une percée, sans pour autant chasser l'opacité de ce sentiment qui enserrait mon cœur dans un étau implacable, diluer ces tâtonnements sans fin. Seul mes doigts crispés sur la chemise d'Hanako me maintenaient dans un semblant de réalité, sous un voile d’atrocité. Mon prénom, répété doucement, plusieurs fois, me parvenait comme un murmure dont je n'arrivais pas à capter la source.
    Un frisson.
    Une chaleur, une odeur que je reconnaissais du fond de mon esprit perdu. Je m'y serais engouffrée, raccrochée si le propriétaire de ces bras rassurants ne voulait pas me défaire d'Hanako. Je ne voulais pas, je ne devais pas la laisser à ces chiens, seule certitude dans un univers qui s'effondrait aussi surement qu'un château de cartes par une bourrasque de vent.
    Réaction purement instinctive, vestige d'un esprit dont la combativité n'est qu'endormie, salie. Sans lâcher mes griffes, je me démenais, coudes, hanches, pour le faire s'éloigner de moi.
    Tu ne comprends pas Léo...
    Haletante, je n'avais plus conscience de ce liquide poisseux qui m'entourait et traçait des sillons sur mon corps par les coups que je m'étais moi-même infligée, en plus des quelques côtes cassées que j'avais récolté et cette jambe folle qui ne voulait plus m'obéir. La douleur ne parvenait même plus à effacer le vide qui s'était emparé sans douceur de mon cœur mutilé, à me permettre de tout chasser pour leur faire payer. Une dernière fois.
    Les coups étaient des pichenettes, caresses ridicules. Pathétique. Une étincelle s'éleva, léchant les doigts de Léo dans une vaine tentative de le piquer. Le faire reculer. Je voulais me croire encore capable de ça...
    Mais ce ne fut qu'un léger contact sans un picotement, ma conscience troublée, perturbée, épuisée, absente aux commandes et à tout ce qui passait autour.
    Les soldats qui s'avançaient, étaient des ombres que je ne voyais que du coin de l’œil.

    « Aya. Ca ne sert à rien. On ne peut plus rien pour elle. Tu le sais. Elle… Elle est morte. »

    "Morte". Le mot s'enfonça comme un poignard dans une plaie déjà béante, creusant un peu plus la barrière de brume que j'avais formé autour de cette idée ravageuse. NON !
    Et en réponse à mon hurlement intérieur, mes coups se firent plus violents, désespérés tandis que derrière un hoquet de fureur et de douleur discret, les larmes redoublèrent, peignant mon visage d'un masque sinistre. Deux foyers vides, gouffres sans fin de ténèbres qui rongeaient tout, et autour, du sang, et des larmes.
    Deux enfers noirs qui vinrent enfin rencontrer les opalines inquiètes de celui qui avait répondu. Le seul. Cette silhouette que je savais toujours là, un sourire au coin des lèvres. Je le voyais sans le voir, perçant cette ombre rassurante d'un regard colérique mêlé d'incompréhension. Un coup de tête, une main libérée qui griffe, frappe, sonne, bloquée enfin, par une poigne dont je n'arrivais pas à me déloger, des protestations furieuses mais muettes au bout des lèvres.
    Nageant en plein brouillard, je ne pouvais décidément pas m'empêcher d'avoir les éternelles mêmes réactions face à lui...
    Pourtant, cette fois, le désespoir diluait la violence de mes gestes, clouant dans un silence glacé cette bouche qui ne demandait qu'à hurler.

    Ses bras puissants, nerveux, m'empêchait de faire tout mouvement et la perspective de voir le corps d'Hanako s'éloigner, laisser là à l'abandon m'était insupportable, ajoutant à la tempête qui soufflait joyeusement dans mon esprit en ruines. Mes larmes me brouillaient la vue, plongeant toute la scène dans une réalité déformée.
    Une lueur de lucidité me fit cependant m'accrocher à ma lame noire, son tranchant m'entamant la main sans que j'y donne une quelconque importance.

    Les opposants, comme des poupées désarticulées furent balayées, englouties par un pouvoir contre lequel ils ne pouvaient rien faire, contre une colère qui irradiait Léo, sans que j'en comprenne vraiment le sens. Comme s'il était le réceptacle de la fureur qui animait toujours une partie oubliée, enfouie de mon esprit. Même si mon regard ne s'accrochait à rien, une partie de moi observait l'étendue de ce que Léo était capable de faire, pour lâcher cette attention l'instant d'après, retournant se noyer dans un monde sombre.
    J'avais fini par m'accrocher à lui, désespérément, enfonçant mes ongles à travers son tee-shirt, tendue comme un arc au travers des sanglots qui me secouaient tout autant que le début de cette course.

    Mal ? Je n'avais plus mal ... Je ne ressentais plus rien, rien que cette sensation qui me tuait à petit feu, ce vide pourtant empli de cette culpabilité, ce sentiment d'échec et cette fatigue qui entravait mes membres, mon esprit. Un paradoxe qui me perdait, rendait mon existence futile et sans aucune importance. Je glissais, comme jamais.
    Léo restait mon seul point d'attache dans ces ténèbres. Un éclat d'opale azure dans un paysage aux couleurs sombres et pourpres.
    On courait, zigzaguant dans des ruelles qui devenaient vite éphémères. Un juron traversa les lèvres de mon sauveur attitré. Cela aurait du me tirer au sarcasme, mais rien ne vint. Rien que ce regard perdu et noyé. D'un seul coup, mon champ de vision se modifia, juchée sur cette épaule que j'avais pansé. La vue des agents qui nous talonnaient réveilla en moi le pourquoi, et ces conséquences de notre situation.
    " Hanako ... "
    Un murmure douloureux, teinté d'une colère qui me donna le temps d'une seconde, d'avoir la force de repousser encore ces limites qui régissaient ma survie pour leur lancer un éclair meurtrier. Intention mortelle qui, au final, ne fit pas grand dégâts, avortée par une volonté brisée, les diversions émises par Léo les ralentissaient pour nous laisser suffisamment d'avance.
    Ma dénégation se noya dans le fond de ma gorge. Une vengeance de sang se dessinait dans mon esprit rongé, comme seul et unique but à atteindre. J'en devenais folle de douleur. Mais contre qui la diriger ? Le stella envolé de celle que j'avais enfin retrouvé lui avait enlevé son dernier souffle de vie, mais le GDP avait tiré. Faites la soustraction, c'est vite décidé ...
    Mais cela n'arriverait pas. Pas tout de suite en tout cas, le décor ayant une fois de plus changer sous mes prunelles paumées.
    Obscurité rassurante d'une chaleur contre moi, réchauffant mon corps glacé, secoué par une fatigue ancrée depuis plusieurs jours, un épuisement que je n'étais plus arrivée à endiguer. Le contact du sol me fit légèrement sursauter, reprenant pied avec une réalité oubliée, comme on sort d'un cauchemar éveillé.

    « Calme-toi, ne fais pas de bruits. Ils peuvent toujours nous entendre… Respire, calmement, Aya. »

    Je ne m'étais pas rendue compte de la précipitation qui habitait les battements de mon cœur, déchiré par cet air qui parfois circulait mal et ces pulsations de douleurs qui m'étreignait. Je ferma les yeux, comme une petite fille qui rêve qu'au matin, tout n'ai été qu'un mauvaise rêve. La réalité avait cependant ce goût bien connu d'acier.
    L'intonation de la voix de Léo, son contact, et cette senteur devenue familière qui émanait de lui, était comme un baume miracle, capable de calmer mon esprit, le rassurer avant qu'il ne replonge encore s'enfoncer dans les méandres d'une perte. Était-ce dû à ce semblant de nuit passée à ces côtés ?
    Était-ce cela aussi qui me fit me rapprocher de son torse, sans vraiment y réfléchir et y enfouir mon visage dans un sanglot étouffé, les dents serrées, agrippée à lui. S’effondrer, pleurer pour ce qui avait été, aujourd'hui et au delà.
    Un murmure. Une supplique.

    " Laisse-moi y retourner. Je dois ... je dois aller la chercher et ... "

    Et les faire cramer jusqu'à ce qu'on ne puisse même plus les identifier, mais ce regain assassin était resté coincé dans ma gorge. Je tentais de me lever, griffant les briques, enfonçant la poussière sous mes ongles, mais ma jambe droite refusait obstinément de me porter. Un frisson plus fort que les autres me déchira l'échine, si bien que je retomba, rageuse, entre les jambes de Léo. Il souriait étrangement, et j'accrochais son regard, intriguée ... Je connaissais cette expression et pourtant, il y avait ce petit truc en plus, cet éclat de douceur, sans aucune trace de moquerie, qui frôlait le désespoir de mon regard.
    Mes lèvres s'ouvrirent, puis se refermèrent sous une nouvelle crise de larmes. Je me haïssais, pour cette faiblesse dont je n'arrivais pas à reprendre les rennes. Cette douleur que je ne maitrisais plus, qui se noyait dans un vide qui menaçait de m'engloutir.
    Rattrapes-moi Léo ! Retiens-moi

    " Ils nous sont tombé dessus ... Il l'a tué, elle avait rien fait. Rien .. Stella..la protéger, ...Promesse .. "

    Mon chuchotement s’entremêlait de sanglots refoulés, mes lèvres formant des mots sans suite dans le but vain d'expliquer à Léo cette plainte que j'avais émise, ce cri d'espoir brisé que tout s'arrête. Je me perdais, encore.
    Après une énième vaine tentative de tenir à peu près débout, je me noyais dans les iris opalines de Léo, regard vide où pointait une faible lueur de rage contre sensation qui se voulait rassurante.

    Les prunelles noyées de douleur d'une âme qui hurle vengeance au fond d'un gouffre, avant de s’y perdre totalement.

    Le bruit de pas de nos assaillants se fit plus perceptible à chaque seconde, tandis qu'ils passaient sans nous voir pour s'éloigner à jamais et quelques unes des larmes que j'essayais d’effacer d'un geste tombèrent dans le sang qui s'écoulait. Une étincelle jaillit suivit d'une autre, qui moururent peu après, mes yeux se plissant devant la difficulté à ne pas se fermer pour se laisser aller. Sursaut intempestif.
    Tentative kamikaze avortée à la présence trop proche de Léo.
    Je ne pouvais pas. Perdre quelqu'un d'autre m'aurait achevée sans l'ombre d'un doute.


    Je tenais trop à lui pour l'entrainer avec moi.




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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeSam 21 Mai - 12:43

« Tu m’appartiens. Pour le restant de l’Eternité. »
Souffrance.

Boum. Il le sentait. Chaud. Doux. Affaibli aussi. Palpitation palpable. Au creux de sa main, sur le bout de ses doigts, posés sur ses reins. Sérénité diffuse. Tristesse confuse. Dans cette aura d’un blanc limpide, que ses yeux ne voyaient pas, il percevait les vibrations de cet être. L’envie de vivre réfuté dans sa plus simple apparence. Boum. Pulsion fascinatrice, captant un fragment de son attention, bercé dans ce coin d’obscurité. Ses oreilles distinguaient l’appel de l’être, oiseau fébrile. Comme résonnant dans son même être. Fréquence apaisante, capturant son propre rythme de vie, l’entrainant dans une danse similaire. Boum. Encore un coup. Propulsant milles valeurs à travers son partenaire. Image d’un enthousiaste inimaginaire. Faire vibrer son propriétaire et l’inconnu l’accompagnant. Faire naitre un sourire sur des lèvres. Douceur, embaumant son maitre, et lui-même. Ba-Boum. Echo. Symphonie à deux instruments. Il le captait. Une douce musique embaumait ses sens, captivait sa peau, enjouait ses iris. C’était ça. Le cœur d’Aya. Remarquable ouvrage. C’étaient des battements furtifs, pourtant ils faisaient trembler tout son être, se propageaient même à travers celui de l’autre pactisant, s’échangeant en un fin courant électrique parcourant sa peau. Et lui se battait. Aussi fort que sa maitresse. Alors que brisé, blessé, il l’aidait à avancer. Car c’était un cœur. Chaud. Doux. Affaibli aussi.

Leo détaillait la touffe de cheveux juste sous son nez. Impassible, il écoutait la plainte silence d’Aya, ses larmes ruisselant dans des sanglots contenus. Toujours aussi noble, hein ? Sa main se déposa sur le sommet du crâne de la nippone, lui offrant de vagues caresses comme on l’aurait fait à une enfant à qui l’on soignait un bobo. Et cet acte était inutile, et il le savait. Ce n’était pas une simple écorchure qui se soignait avec le secours d’un bisou magique et d’un pansement Winnie l’Ourson. La tape maternelle sur la tête n’aurait été d’aucune aide ici non plus. La blessure était profonde, saillante sur les larmes d’Aya. C’était un cri étouffé dans la détresse. Il l’aurait bien bercé, mais ça n’aurait rien apporté de plus qu’une image ridicule de sa personne, voir même un sarcasme de la part de la demoiselle, bien qu’il doutait qu’elle fusse capable de lui offrir de telles paroles à ce moment. Alors il se contenta d’attendre, appuyé contre les briques fraiches de leur cachette.

Et elle s’accrocha un peu plus à lui, à son t-shirt –qu’elle se serait fait un plaisir à réduire en charpie, il en était persuadé. Il l’observa une seconde, détourna ses yeux bleus de sa silhouette fatiguée et blessée. Tout ce qu’il ressentait, il l’immola dans son esprit, le ferma au plus profond, dans ce nœud aillant élu domicile dans son ventre. Tout y était contenu. La crainte ressentie, qui lui prodiguait des caresses malignes à de rares occasions. La colère de la scène précédente, l’envie d’écraser, de broyer ces misérables insectes du GDP. L’horreur de ce cul de sac mal éclairé, de toutes ses vies qui s’étaient éteinte à la lueur d’une étincelle. La douceur persistante, envers cette même étincelle rayonnante, pourtant presque éteinte. Elle trembla entre ses bras. Elle lui parut faible, fut même à l’origine de ce sourire triste qui peignit son visage.

« Laisse-moi y retourner. Je dois ... je dois aller la chercher et ... »

Elle sera un peu plus ses poings sur son habit. Elle se raidit. Les larmes durent s’arrêter de couleur quelques secondes, pour laisser la place à une vague de rage. Assis, il l’observa se lever. Difficilement, s’aidant de l’âpreté du mur pour se redresser. Il la contempla, ne put s’empêcher de faire éclore une expression de bonheur dans son regard. Si elle arrivait encore à raconter de telles salades, c’est qu’elle devait être en pleine possession de ses moyens. Parfaitement digne de toi, petit Cerbère. Malgré le fait que le lion ne fut pas étonné une seconde de l’aura de combativité et de détermination qu’elle eut la force de dégager, il ne put s’empêcher de la détailler dans le début de lueur de la lune. Les épaules brisées, le souffle court, le sang barrant son visage, les vêtements déchirés, les blessures ouvertes, dévoilant la chair au plus profond de son intimité. Et dans son élan pour continuer sa marche funèbre, regarder plus loin que devant elle. Plus loin que Leo. Plus loin que la Vie. Poser son regard sur un chemin sans retour. One Way. Dead-End… No way. Sa tête se secoua d’elle-même. Une pensée lui brula l’esprit. Tu es belle Aya. Mais qu’est-ce que tu peux être renfrognée parfois. Il faillit en rire. Mais Buffone ne rigolait presque plus.

Aussi impressionnante qu’elle pouvait l’être dans sa position bancale, Aya tomba comme une feuille abandonnée par son arbre. Il n’eut qu’à la cueillir au milieu de sa chute, la réceptionnant de ses bras, amortissant l’atterrissage. Ses yeux bleus la détaillèrent, et tut. Encore une fois. Une nouvelle fois. Tout ce qui refaisait surface et qu’il s’efforçait d’enterrer au plus profond de lui-même, de l’oublier le temps d’une folle course poursuite. Des nouvelles perles cristallines dévalèrent ses joues, s’offrant aux reflets des regards. Ca le prit plus fort aux entrailles, aux tripes. Des sentiments qui s’accrochaient à lui au plus profond de son être. Il le savait. Il pouvait donner un nom là-dessus. Mais il ne le ferait pas. Jamais. Qu’on ne s’y méprenne pas. Leo ne fuyait pas. C’était juste... Voilà. J’aurais voulu te serrer dans mes bras. Aussi fort que je le pouvais. Au risque de t’étouffer s’il le fallait. Juste me rassurer que tu es là, dans une étreinte désespérée. Te protéger de mon dos essoufflé et te garder. Rien que pour moi. Juste pour moi. Et tout taire. Faire silence.

« Ils nous sont tombé dessus ... Il l'a tué, elle avait rien fait. Rien .. Stella..la protéger, ...Promesse … »

Les sanglots s’amplifièrent, les émotions s’engouffrèrent dans sa gorge. Leo ne comprit pas la fin de sa phrase, si tentée qu’elle en fasse vraiment une. Cependant il saisit à moitié. Il l’aurait compris les oreilles bouchées, à moitié assommé par n’importe quel pouvoir. C’était la guerre, même si parfois ils étaient tentés de l’oublier. Elle n’avait pas besoin de le dire. Dans des moments pareils, les frontières entre « nous », « les autres », « ceux d’en hauts » étaient opaques, s’effaçaient d’un coup de doigts gras sur la ligne du destin. Dans cet amas d’incertitude, il ne restait plus que la solitude des cœurs égratignés, décomposés. Nous sommes tous pareils. Pourquoi penses-tu que chacun de ces pactisants se soit tourné vers la Lune, pour s’engager dans un combat qu’ils ne comprennent même pas ?

Leo s’était caché dans un mutisme peu commun, alors que la nippone déversait ses flots de douleur sur le corps du Milanais. Les rares mots de réconfort qu’il connaissait, il les savait inutiles pour Aya. Certains auraient pu être prononcés –peut-être- mais ils auraient ricochés contre la peau de l’asiatique –surement. « Ca va aller » N’aurait été qu’un mensonge, une douce illusion de rabaisser le moment présent à une banalité. « Ne t’inquiète pas. » Et ne pas personnellement s’engager. « C’est pas grave, tu en trouveras un autre. » Mauvais canal… Ces mises en forme d’hypocrisie notoire n’étaient pas conformes pour ce genre de situation. Ce dont Aya avait besoin –son petit doigt lui disait- était d’une implication parfaite de la personne. Dans son unité totale. Entier.

Une question demeurait cependant : Leo serait-il capable de s’offrir à cette éventualité ? Aya avait déjà tout détruit de ses certitudes, de ses habitudes. Elle était comme une fleur de muguet, qui somnole pendant une année, pour refleurir plusieurs jours, dans un magnifique spectacle enivrant. Pendant qu’elle déploie insidieusement du poison dans le sol de sa conscience. Il l’avait invité beaucoup plus loin que n’importe quel camarade ou compagnons vivant. Elle s’y était immiscée sans aucune pudeur. Demeurant en une pensée sur le voile poussiéreux de son âme de solitaire. Fil rouge de la fatalité. Leo hésita une seconde.

Les bruits de pas d’une troupe traversèrent la couche de briques salvatrices. Le plan avait fonctionné, il était prévu pour ça. Cette nouvelle inquiétude lui berçant le bord de l’estomac n’était pas due à cette pseudo-menace. Non. Ce fut ce regard. Celui plein de rancunes, dans lequel il s’était reconnu plusieurs années dans le passé. Et il connaissait suffisamment Aya pour savoir ce qu’elle avait en tête. Un gros feu d’artifice. Pour mourir en une belle petite luciole. Il l’attrapa par le bras, comme si elle allait s’échapper, s’envoler. Fuir ce huis clos et ne plus revenir. Réaction futile. Idiote. Elle ne partirait certainement pas. Mais il eut peur. Un fragment de seconde, qui s’offrit dans ses yeux turquoise, détaillant le puits noir, plongeant dans les Ténèbres. Les siennes, peut-être.

« Non. »

Le temps cessa son court, Chronos observant d’un œil intrigué la scène, soucieux du bon écoulement de son sablier. Son cœur battait la chamade, résonant solennellement dans sa tête. Pour lui, tout avait cessé de fonctionner, d’être. Il ne voulait pas la perdre. Soit. Leo ne voulait pas qu’elle fasse quelque chose de stupide. Soit. Il voulait la protéger, l’embêter, lui poser des soucis, la faire rire. Pleurer même avec un peu de chance. Lui en faire voir de toutes les couleurs, l’engueuler, se faire gronder en retour. Soit. Il voulait la soigner, la faire sortir de cette cachette miteuse, lui offrir un nouveau matelas, lui faire un sermon, lui remonter le morale, lui faire gouter à son chocolat chaud-menthe. Soit. Et il voulait la contempler. L’observer dans le noir, dans la lumière, à l’aube, au crépuscule. Lui voler des regards, des sourires. Lui offrir un restaurant au coin d’une rue. Soit. Et il voulait tant. Et il voulait plus. Il voulait lui voler des baisers, la taquiner de caresses, se moquer de sa pudeur. Lui susurrer des mots doux entre deux demi-nuits, lui voler sa culotte, la faire rougir plaisir. Soit.

Et il voulait tant. Et il voulait plus. Soit. Chronos sourit tendrement, le temps reprit son cours, filtrant à travers les sens de son être. La douceur l’emplit, le gonfla. De cette force qui avait germé plusieurs soirées dans le passé. Les pleurs d’Aya lui mordant le bord du cœur, alors que ses larmes renvoyaient le reflet de cette réalité. Il passa une main chaude sur ce liquide, essuya le sillon qui creusait ses joues. Sa tête vint se coller sur le front de la nippone, de l’encore noir dans de l’eau, des ombres chinoises se projetant dans le miroir de ses pupilles, le souffle du noiraud se heurtant sur la peau d’albâtre, communiquant la force de son esprit à celui de Aya, encourageant ce cœur à battre un peu plus, sans filtrer une once de défaillance.

« Ecoute Aya, je ne vais pas te mentir. Je n’ai pas envie que tu joues aux kamikazes, même si tu ne penses qu’à ça. Tu vas rester près de moi. Je ne vais pas te lâcher d’une semelle. On va te soigner. Puis tu vas te reposer. Ta vengeance et ta folie, tu y repenseras plus tard. Là, tu ne te fais que du mal. Et c’est inutile. Tu pourras pleurer de tout ton saoul plus tard. Tu pourras détruire tout ce que tu veux plus tard. Maintenant, on fait profil bas… et il n’y a pas de « mais ». Juste. Fais-moi confiance. »

Les paroles s’étaient mues dans un murmure constant, appuyé de cette intonation que Leo seul savait manier. Il prononçait son nom d’une manière délicate, alors que tous les états d’aliénation dont son mental était la cible, il marquait une pause avant de les trancher d’une désapprobation à moitié cacher. Il s’étonna presque de la facilité avec laquelle il avait prononcé ces mots, les épaules débarrasser de ce poids le tirant dans une confusion gênante. La dernière phrase, il s’en était servi pour transpercer Aya de ses iris électriques, dans des couleurs de force et de foi nouvelles. C’était un regard dur de bonté. Un qui ne cillerait pas. Jamais.

Il passa une dernière fois ses doigts sur la peau fraiche de la noiraude, se recula, se redressa en prenant soin de déposer Aya correctement sur le sol. Il saisit le sabre ensanglanté, détailla l’usure de sa lame, bien qu’entretenue régulièrement –Leo l’avait souvent vu faire. Une lueur bleutée illumina faiblement sa main. Et l’arme se modela en une substance noire, matière se mouvant à un rythme modéré. Quand ses doigts cessèrent de jouer l’ampoule, ce fut une multitude de collier qu’il tenait. Dans un cliquetis de métal, il les passa autour du cou de la pactisante. Un sourire vint fleurir le bout de ses lèvres. Leo se retourna, offrant son dos à Aya, dans l’attente qu’elle lui grimpe dessus.

Debout, il faisait face à l’issue dissimulée par son pouvoir. Il s’y approcha d’un pas, frôla la paroi. Les briques lui frôlèrent la peau une seconde. La suivante, elles reprenaient leur position initiale sur les murs leur appartenant. Aya accrochée à ses épaules, il partit en direction des artères de la ville. C’était une marche silencieuse. Ses pas ricochant contre les dalles de Milan et ses maisons. Il guettait les environs, l’air parfaitement serein, alors que son attention était développée au possible. Et il avait raison. Parfaitement. Juste devant, un agent en uniforme contrôlait les identités des passants. Le GDP avait déjà bouclé la zone. Leo envisagea la possibilité de s’échapper par les toits, comme il aimait le faire. Et ils seraient certainement à l’attendre dans les hauteurs. Ah, les soucis d’être un criminel… Un hélicoptère balaya le ciel au-dessus de sa tête, voilant la lueur de la Lune.

Décidé, il avança d’un pas serein vers le policier. Mais à la dernière ombre passant sur leurs silhouettes, il s’arrêta, dévisageant l’agent en face de lui. L’idéal aurait été de courir dans le sens inverse, et de recommencer une nouvelle course poursuite. En temps normal, Leo s’en serait donné un malin plaisir. Mais Buffone n’était pas de sortie ce soir. Et il n’était pas seul non plus. Le plus important était de sortir de ce quartier corrompu par les forces de l’ordre et de soigner la Aya fatiguée qu’il tenait dans ses bras. L’individu en face d’eux détourna le regard momentanément. Leo décida d’agir.

« Ca va chatouiller un peu ma grande. Chut. Non. Ne dis rien. »

Son corps se tendit à l’extrême. Inspire. Expire. Inspire. Caller la respiration dans ses poumons, fermer ses yeux bleus sur une obscurité charmante. Juste sentir. Le battement de son cœur, le grésillement de ses pensées, la force de ses jambes. Leo connaissait tout ça. Ce corps qui n’appartenait qu’à lui. Il devait aller plus loin. Se concentrer un peu plus, calmer son cœur. Expirer une fois. Inspirer par deux fois. Sentir une odeur de menthe et de fer familière. Le poids de ce corps frêle sur son dos. Laisser un frisson parcourir sa colonne. Et s’immiscer dans le corps d’Aya. Ca pouvait fonctionner. Il la connaissait depuis longtemps maintenant…

Il respira une nouvelle fois, fit craquer sa nuque. Sentir. La douleur des blessures ouvertes, des brulures, des fissures. Le martèlement de ses côtes qui laisseraient certainement un bleu sur la peau de l’asiatique. Le frisson lui mordant la peau, le mal de son crâne. Et aller plus loin encore. Plus profondément. Le sang qui coulait de ses blessures, le picotement de ses yeux, le poids de son épée transformée, la chaleur du corps de Leo contre la sienne. Et ce n’était pas suffisant. Respirer une dernière fois. Oublier son propre corps. Capter les pulsions de son propre cœur, la pression dans ses veines, le froissement des os entre eux, le fil électrique des nerfs. Y arriver. Plus profondément encore. S’immiscer dans l’intimité la plus cachée.

Il releva la tête, expira tout l’air accumulé dans ses poumons. Il secoua la tête, respirant pleinement, jouissant de la fin de son apnée difficile. Il ne souriait pas. En réalité, il avait horreur de faire ce qu’il venait de faire. Pourtant, il ne le regrettait pas. Ce goût acide qui lui martelait la bouche ne l’incommodait pas plus que ça. Maintenant qu’il ressentait parfaitement le contacte de vie qui brisait Aya au plus profond d’elle-même, il était hors de question de faire marche arrière. Une grimace s’accrocha à son visage, toujours sur le coup de la concentration. C’était nécessaire. Il avait dû le faire. Voler les sensations d’Aya, savoir ce qu’elle ressentait pour s’enfuir au plus profond de sa personne. Elle l’avait certainement ressentit. Comme un picotement parcourant l’ensemble de son corps, dans une vibration continue et sourde à toute protestation.

Sa langue claqua contre son palais. Horizon n’aimait pas faire ça, en avait horreur même. Ce fut la naissance d’un lien plus profond qui les unissait à présent. Un lien que Leo venait de créer. Plus puissant que cette intuition qui lui avait soufflé le danger que Aya courût quand les éclairs eurent déchiré le ciel. Plus important que cette empathie qu’il avait ressentie en la voyant agenouillée dans ce cul-de-sac puant. Leo s’enchainait à Aya en une allure à sens unique. S’accrochant un peu plus dans les démarches qu’il faisait pour la sortir de ce pétrin. A présent, c’en était fini de lui. Chemin à sens unique. Tu sombres Leo.

L’agent des forces de l’ordre s’approcha d’un pas. Leo redressa la tête. Et sortit de l’obscurité. Ses cheveux blonds mi-longs s’accordaient parfaitement avec ses yeux verts. Son nez avait pris un contour différent de l’habitude, la cicatrice à la tranche de sa mâchoire avait disparu. Leo et Aya arrivèrent à l’entrée de la rue peuplée, que le policer ne manqua pas de barrer l’accès d’un bras.

« Déclinez vos identités et ce que vous faisiez dans cette ruelle . »
Leo sourit faiblement, l’air un peu niais. « Antonio et Dana Vasco. Euh. On fêtait son anniversaire pas loin d’ici. Elle a eu 22 ans vous savez. Et elle ne teint pas bien l’alcool, surtout qu’elle l’a triste aussi… On est sorti du bar, puis il y a eu un grand bruit. L’idiote blonde est partie en courant se cacher. Elle a vomi aussi. »

L’homme détailla rapidement la demoiselle en question. Les traits européens, les mêmes cheveux blonds que son frère, quoique plus court. Et il ne voyait pas ses yeux. Tant pis. Leo resta néanmoins toujours concentré. Changé l’apparence d’Aya était difficile. Ses plaies s’étaient bouchées, le sang s’était arrêté de s’écouler, avait même disparu des vêtements de la nippone. Sa tenue avait retrouvé un aspect convenable, portant même des motifs enfantins, dont Leo savait pertinemment qu’Aya n’achèterait jamais. Il la redressa un peu sur son dos, dévisagea l’individu.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé au fait ? » Se montrer curieux. Pas trop.
« Une fuite de gaz. Les pompiers vont pas tarder à arriver. »

Leo secoua la tête, laissa perler une goutte de sueur. C’était bon. Ils avaient passé le point de contrôle. Il fit un signe de la tête à l’agent, s’excusa. Il se faufila dans la ville, la nippone toujours sur son dos.

« S’il-te-plait, ne fais rien de stupide. On va dans un endroit sûr. »

Et Leo dévisagea du coin de l’œil les membres du GDP qui étaient déguisés parmi la foule. Il devait faire vite, parce qu’il ne tiendrait pas longtemps. Il força un peu le pas, tandis qu’un individu se rapprochait d’eux, comme parmi tant d’autres.

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Dernière édition par Leo H. Accettura [Ray] le Lun 23 Mai - 17:39, édité 1 fois
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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeSam 21 Mai - 19:51

Ne me lâches pas
Ne te détournes pas
Malgré ça, malgré tout.
Laisses-moi me noyer dans ton regard fou.



    Un bruit assourdissant. Le sang me battait les tempes, bruit systémique qui m'engloutissait dans les ténèbres d'un battement, vif, unique vestige d'une volonté qui ne voulait vivre que pour une seule chose. Voir se répandre sur le sol, ce liquide carmin, signe de la souffrance éternelle de ceux qui avaient percé son cœur et fait ralentir à jamais un autre. Tout était soudainement accentué, le contact de ce sol rendu granuleux par la poussière accumulée, lissé par les passages à répétitions des vies qui nourrissaient Milan de leurs feux hésitants. Cette respiration saccadée que je n'identifiais pas tout de suite comme étant la mienne, jouant une mélodie étrange avec celle, plus calme de mon sauveur. Cette odeur qui emplissait mes narines et collaient quelques mèches de cheveux sur mon visage, le recouvrant d’un masque effrayant, vicieuse et poisseuse. Connue et reconnue. Et ce contact, chaud et rassurant qui s'insinuait doucement pour prendre tout l'espace et répandre sa douceur, apaisant par petites touches la tempête de mon esprit.

    Seulement en surface, comme un lac dont les vagues disparaissent en profondeur, pour mieux creuser le trou béant d'une tornade à venir. Mais ça me permettait de reprendre peu à peu pied, refaire surface au milieu de ces lagons opalins qui m'observaient sans un mot. Reprendre en main un contrôle éphémère.
    La sienne sur le sommet de ma tête, geste insignifiant, mais significatif de sa présence à mes côtés. Léo.

    J'ai honte, Léo, honte de ces sillons de larmes qui creusent mes joues, ces gouttes de cristal qui ne veulent pas s'arrêter de couler. Honte de ma propre faiblesse, de mon échec. Honte que tu me vois ainsi.
    Rage, culpabilité, colère, haine, aussi fort que ces sensations qui submergeaient mes sens mis à rude épreuves, crescendo, grondait en moi un cri de fureur animale, la vengeance d'une âme à qui l’on n’a pas laissé le choix. Les déchirer, les déchiqueter encore et encore plus fort, et illuminer Milan d'un dernier grand feu d'artifice. Une haine qui enflait, gonflait mon cœur meurtri, se battant toutes griffes dehors contre un épuisement qui menaçait de m'engloutir dans un sommeil de sang.
    Une étincelle vengeresse qui s'était éteinte au seul son de sa voix.

    « Non. »

    Je tournais la tête brusquement vers lui, retenant cette bile qui me montait dans le fond de la gorge sous l'étourdissement qui m’enserrait la tête comme un étau. Reflexe à un ordre lancé, montrer les crocs. Encore une fois, l'acier se confronta au cobalt de son regard, au travers des larmes, vive mais avec une pointe de douceur cachée, comme pour le mordre juste en guise d'avertissement. Le cerbère émit une grimace moqueuse. Toi, le lion me dire non ? Je suis le gardien des ténèbres, le gardien des enfers. De tes enfers !
    Et pourtant, j'étais troublée, la respiration coupée par ce regard. Ne me regardes pas comme ça ... Je ne voulais pas voir ça, tout ce qui transparaissait dans ces étoiles opalines qui me fixaient comme si j'allais disparaitre en un claquement de doigt. Une seconde, suffisante pour laisser entrevoir une lueur d'inquiétude et une détermination étrange, provoquant ce déchirement que je refusais de tout mon être. Ce petit quelque chose qui vous susurre l'importance grandissante d'un être à vos côtés, son affection, son attention. Et cette chaîne qui vous lie à lui sans qu'il n'en ait conscience véritablement. Cette secousse si particulière au fond de mon être, comme une évidente que l'on nie en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles.
    Il était mon garde-fou, le gardien fou de cette existence que je voulais laisser partir en fumée. Et bien plus encore ...

    Léo. Tout simplement.

    Je l’observais, attentive, le détaillant comme pour graver ses traits à jamais dans mes rétines. Ces gouffres d’un bleu étincelant, dans lesquels je me noyais dans un souffle. Sa silhouette silencieuse dans un crépuscule qui annonçait bien des choses. Comme toujours ... Lui, immobile dans le coin de mon regard, comme un souffle invisible que l'on sent sur sa nuque, étrange mais un brin rassurant, réchauffant le froid qui s'installait dans une âme fatiguée. Il avait toujours été là, depuis le début, dès le premier regard acéré de ma part. C’était comme s’il n’avait pas quitté l’ombre de mes pas, jouant, souriant, grimaçant, secourant.
    La seule voix encore capable de m’arrêter dans cette voix sanglante. Son arme, sa douceur.

    Sa main de fer enserrait mon bras avec une force et une douleur si forte pour n’être seulement l’intention de me retenir. C’était un appel, une prière, un exorcisme, pour contrer ce qui sommeillait dans mes prunelles incandescentes l’instant d’avant. Une larme s’échappa à nouveau, rebelle, représentante discrète du combat intérieur qui faisait rage au fond de moi. Le repousser, et fuir, fuir dans un ultime cri rauque, ou rester à ses côtés, secret souhait inavouable et impossible, tuer dans l’œuf, du moins pour l’instant, cet éclat rougeâtre qui vacillait dans mes prunelles. Et pire … Abandonner Hanako.
    La laisser aux mains de ces fous en blouse blanche, qui rejetteraient son corps une fois leur curiosité malsaine satisfaite. Penser à elle abaissait les fragiles barrières mentales que je cherchais avec peine à reconstruire, rendant mon souffle douloureux.

    « Ecoute Aya, je ne vais pas te mentir. Je n’ai pas envie que tu joues aux kamikazes, même si tu ne penses qu’à ça. Tu vas rester près de moi. Je ne vais pas te lâcher d’une semelle. On va te soigner. Puis tu vas te reposer. Ta vengeance et ta folie, tu y repenseras plus tard. Là, tu ne te fais que du mal. Et c’est inutile. Tu pourras pleurer de tout ton saoul plus tard. Tu pourras détruire tout ce que tu veux plus tard. Maintenant, on fait profil bas… et il n’y a pas de « mais ». Juste. Fais-moi confiance. »

    Immobile, j’écoutais cet aveu murmuré, entrer en moi pour s’y graver. Un léger sourire déchira mes lèvres. Les larmes se tarissaient, les yeux humides et rouges d’avoir trop pleurer.

    Je pourrais détruire hein ? Mais Léo, me laisserais-tu seulement détruire mon existence ? Regarderas-tu cette descente aux enfers déjà commencée d’un œil stoïque, acceptant. Non, bien sur que non. Et tes mots sont des chaines qui m’y empêcheront.

    Au milieu de ces mots qui sortaient en flots de paroles murmurées, suppliées, doucement, les doigts de Léo avait essuyé les quelques traces de peintures de guerre qui parsemait mon visage, appuyant son front contre le mien, m’obligeant à fermer les yeux. Je n’arrivais pas à soutenir son regard, cédant petit à petit, m’abandonnant à lui, mélange d’envie et de réticence. Je n’avais plus d’échappatoire, de pirouettes aériennes à effectuer. Douce prisonnière de prunelles qui m’incitaient, me noyaient, m’encourageaient au-delà des mots.
    Un frisson me secoua violemment l’échine à ces dernières paroles.
    Mesures-tu seulement ce que tu me demandes Léo ?
    Faire de nouveau confiance à quelqu’un d’autre qui n’est pas une partie de vous-même, lui accorder le doute, l’attention sans condition qu’elle mérite, la suivre les yeux fermés où que l’amèneront ses pas.
    Ma bouche entre-ouverte ne put proférer aucune menace, aucune protestation. Derrière cette colère qui grondait toujours, patiente, attentive à la moindre faille, au fond, tout au fond, je savais que c’était le cas avec lui depuis un bon moment déjà.
    J’avais refusé de l’abandonner, au mépris de la prudence, je lui avais révélé ma tanière. Je l’avais soigné, veillé et protéger comme si cela avait été naturel, comme un simple souffle dans le vent d’hiver. Léo. Je lui avais ouvert une part de mon monde sans qu’il ne le demande, prenant conscience qu’il en faisait parti, discrètement mais petit à petit prenant plus de place. Doucement.
    Je lui faisais confiance. Léo. Sinon pourquoi aurais-je hurlé son nom dans un moment de désespoir absolu ? Une évidence douloureuse, impossible à refouler, mais pas à accepter. De mauvaise grâce, j’hochais la tête imperceptiblement.

    Un son familier. Je levais la tête, et furieuse, saisit la lame de mon sabre entre les mains illuminées de Léo, faisant fi du tranchant. Regard empli d’incompréhension et d’appréhension à son égard. Pourtant, je me résignais, essayais de me relever, prenant de nouveau appui sur le mur, la jambe tremblante sous l’effort.
    Une chaine d’acier vint trouver sa place autour de mon cou. Joli collier… Je ne savais qu’en penser… synonyme d’appartenance cachée ou simple illusion pour ne pas éveiller des soupçons ? Le contact froid me faisait un bien fou, repoussant la chaleur et les picotements des blessures, coupures diverses.
    Je n’eus d’ailleurs pas le temps d’en demander la raison à mon compagnon, qui me montrait, tout sourire, son dos pour que j’y crapahute maladroitement. Sa main sous ma jambe blessée me tira un râle que j’aurais voulu silencieux, serrant les dents au maximum, le temps d’être installée pour se reposer quelques instants. Juste quelques instants.
    L’équilibre trouvé, l’abri se résorba pour ne laisser que le paysage d’une ruelle sombre d’où provenait des voix aux accents pressés et autoritaires.

    « Ca va chatouiller un peu ma grande. Chut. Non. Ne dis rien. »

    Hein ? De quoi il parlait là … ? Mon corps se raidit comme un écho à ce que je ressentais du sien. Concentration. Inspiration. Nervosité cachée, fouille explorée. Expiration. Altération. La compréhension s’accompagna d’une sensation d’une froideur mortelle, d’un frisson qui secouait mon corps. L’apothéose d’une branche de son pouvoir. Faire glisser le miroir pour agrandir l’illusion plus vrai que nature.
    J’avais senti les battements de son cœur ralentir petit à petit que sa concentration se faisait plus intense, jusqu’à toucher la perception de mon corps. Je pouvais le sentir, il s’immisçait, explorait ce qui consistait mon être mais pas seulement…
    Sans bouger, je me rebellais, rejetais, paniquée, ce contact que je sentais sur moi, en moi.
    Un vol consenti, ou presque. Une sensation de vide absolu qui me tétanisa, comme si la simple notion de sensations venait de voler en éclats.

    « Non… Léo … »

    Un murmure emporté par le vent d’un pouvoir trop puissant pour être contrer.
    Mes mains, mes doigts s’était raidis pour agripper, griffer ses épaules, tandis que Léo continuait son exploration et son changement d’apparence commune. Je ne pouvais pas m’empêcher de vouloir l’éloigner, m’arracher à lui, lutter contre cette sensation étrange et dérangeante. Rien de sur, juste une impression. Mon instinct me dictait que c’était plus que ça, qu’il était allé plus profondément encore qu’une simple enveloppe charnelle, mais qu’avait-il vu, qu’avait-il lu ?
    Je ne pourrais jamais lui demander, recouvrant mon calme petit à petit en me calquant sur les battements de son cœur à lui, le mien trop bouleversé pour être d’une quelconque aide. Trop secouée et intriguée par le processus, je ne pouvais dire un mot et resta bouche close quand l’agent nous demanda nos identités. Son regard passa sur moi sans s’y accrocher.
    Le mensonge était un domaine où Léo excellait autant de moi, et une partie de moi écoutait toujours alors que je posais un instant ma tête sur sa nuque, les cheveux chatouillant ses épaules.
    A l’explication donnée par Léo, je relevai la tête un peu trop vite mais ne me priva pas pour lui pincer les côtes, rageuse. J’étais bien consciente que ce n’était que du baratin mais s’entendre dire que l’on est une pauvre petite créature qui ne tient pas l’alcool et qui va se refugier dans les jupes de sa mère pour une explosion était un peu vexant.
    De toute façon, en bon acteur, Léo ne broncha pas et j’en remis une petite couche comme pour lui signifier que je l’écoutais plus attentivement qu’il ne l’aurait
    pensé.
    « Une fuite de gaz. Les pompiers vont pas tarder à arriver. »

    Mais bien sur ! L’obscurité cachait mon sourire un brin moqueur. Je vais vous en donner, moi de la fuite de gaz … Cet idiot en uniforme avait l’air de croire aux inepties qui sortaient de sa bouche en plus ! Quel con.

    Ca et la douleur, même masquée, me permettrait de garder l’esprit à peu près alerte, même si mon regard balayait la foule d’un regard opaque. J’avais les circonstances pour jouer à merveille la jeune fille vaseuse …

    « S’il-te-plait, ne fais rien de stupide. On va dans un endroit sûr. »

    « Mhh »

    Pour seule réponse, tandis que mes yeux désormais d’un vert d’eau fixait une silhouette qui marchait comme si de rien n’était en sens inverse. Une démarche trop travaillée pour être naturelle, des prunelles alertes malgré un sourire qui se voulait accueillant. Et comme seul rempart, le corps de Léo, transpirant sous l’effort, ses muscles contractés par le fait de me porter. Son souffle qui s’était imperceptiblement accéléré à la vue de l’homme. Il savait aussi.
    Un objet froid frôla les reins de Léo, l’éclat caché par l’ombre de mon propre corps.
    Simple précaution.
    Approches, approches impudent.
    On aurait pu passer et se faufiler dans une autre ruelle sombre pour aller je ne sais où, là où dans mon état, je suivrais Léo partout. Mais non, comme si le destin en avait décidé autrement.
    Je ne disais absolument rien, essayant d’alléger mon propre poids pour soulager Léo quand l’intrus suspect attrapa son bras alors que l’on bifurquait au coin de la rue.
    L’ombre, mon amie, ma douce, aides-moi. Caches aux yeux du monde l’étincelle de vie que je vais prendre d’un geste pour la regarder disparaître de son regard trop sur de lui.

    Pardon, Léo. Pardon pour avoir dans un sursaut de folie et de vengeance mordante, planter cette petite lame, et le léger éclair qui a filé dans son corps, dans son abdomen, trop proche de toi. Je suis désolée que tu ais du voir ce regard s’éteindre dans tes prunelles, emplies d’incompréhension.

    J’en crachais du sang. Cette couleur carmine dans des mains qui l’avait déjà trop versé, habituées. Mais j’assumais, les yeux secs, froids l’espace d’un instant pour te demander dans un souffle.

    « Désolée...
    On file,vite. Maintenant. »


    Serrant les poids, à la limite de l’inconsciente, je pris une inspiration, visualisant notre parcours, du moins une partie, remontant autant que possible.
    Au loin, une ligne électrique claquait, attirant l’attention de ses étincelles folles.

    Aussi folle que moi.
    Aussi folle que je le suis de toi.




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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeDim 22 Mai - 20:04

« Tes yeux luisent dans la foudre. Tu guides mes pas. Cours à en perdre l’haleine. Ne vois-tu pas qu’ils nous suivent, plein de haine. »
Orféo.

Il s’essoufflait, porteur d’un dilemme grandissant. Il aurait tout arrêté. Oui. Il en aurait été capable. Juste la laisser là sur le bas-côté de la rue et s’en aller en sifflotant un air connu d’une chanson populaire. Il ne l’aurait même pas regardé. Peut-être aurait-il pris le temps d’écouter ses pleurs, et les quelques soupirs de douleurs l’habitant. Il aurait continué sa marche solitaire, se mêlant aux passants, et s’effaçant à la vue de ses poursuivants. Ca n’aurait été que ça. S’échapper de cet endroit, pour ne plus y réapparaitre. Même s’effacer de Milan. Oui, tout plaquer en écoutant la lassitude lui susurrer des mots tentants. Tout abandonner. Et en finir. C’était tentant. J’déconne. C’pas Leo ça.

Au contraire. Le super héro avait les yeux fixés sur un futur incertain, mais un futur qu’il ne laisserait pas s’échapper. Il l’attraperait de ses longs doigts et l’arracherait de ses caprices ennuyeux. Si la Fatalité ne voulait pas de lui, il s’imposerait à elle. Il était hors de question que la nuit se termine sur le corps de deux fauteurs de troubles, associés des étoiles, de la Lune. Non. Ce ne serait ni son corps, ni celui de Aya qui reposeraient sur le sol froid de Milan, ville désabusée. Il inscrirait le sort dans un hasard qui l’arrangerait. Il ne se laisserait plus faire. Never More. Alors ses yeux verts dévoraient la nuit, d’une soif ardente d’arranger les caprices de la malchance, du destin ou d’une autre sottise dans le genre. Il fit sauter un peu Aya sur son dos, réajustant sa prise sur ses jambes à l’apparence indemne. La concentration lui brulait le cerveau, réquisitionnant toutes ces cellules nerveuses. Il poussa une bouffée d’air hors de ses poumons, leva la tête un peu sur la Lune leur indiquant le chemin de sa face rieuse. Un sourire lui échappa. Ainsi qu’une question le narguant de sa jalousie. Seras-t-il capable de rire à nouveau ?

Il remarqua l’homme qui s’approchait. Une inquiétude lui marqua le bas des reins, alors qu’il fit semblant de ne pas le voir. Surtout ne pas accrocher son regard. Faire comme si de rien n’était. L’occasion était mal choisie pour qu’il commence à faire étalage de son pouvoir en plein milieu de la foule, et surtout en plein milieu d’eux. Son corps se tendit malgré lui. Aya esquissa un mouvement dans son dos, qu’il ne perçut qu’à peine. Pourtant il savait. Ce lien, à présent plus solide que jamais l’unissait à Aya dans une symbiose étrange. Il capta le crissement de ses muscles, le touché du métal froid sur ses doigts, le courant électrique léchant sa peau, lorgnant ses ongles et l’acier de la lame. Il perçut mêmes les électrons libres se ficher dans le cœur de cet agent lambda.

L’homme, à l’épilogue de sa vie, s’accrocha à son bras. Ses yeux inquiets rencontrèrent ceux quelque peu déroutés du pactisant. Quelque chose lui piqua le bras. Il voulut se dégager de la poigne de l’individu, en tirant un coup sec. Et le bougre à présent mort ne lâchait pas. Un grognement s’échappa. Des spasmes traversèrent le corps d’Aya. Que Leo sentit très bien, empreint de ses sensations étrangères à son être. Il détestait devoir faire ça. S’immiscer ainsi, dans une démarche inéluctable et indéfaisable, de se rapprocher un peu plus de la nippone. Ce sceau qui sournoisement se marquait à vif dans son être pour le faire vibrer à la moindre chute de son antinomie. Ah. Qu’il allait le regretter. Vas-tu cesser de te plaindre oui ?

Leo secoua la tête, chassa ces pensées stériles de son esprit. Le sang qu’Aya vomi lui coula dans la nuque, en une sensation plus familière que ce qu’il ne pouvait se l’avouer. Un œil se posa sur le mort, toujours accroché en une posture suspecte à son bras. Ce même œil s’illumina momentanément. L’individu problématique se mut en une démarche étrange, qui pourtant ne choqua pas l’ensemble des gens. Leo fit craquer sa nuque, recommença à marcher alors que la sombre silhouette alla s’affaisser sur d’autres passants. Et il savait son action inutile, avait déjà repéré l’approche d’autres agents qui se révèleraient certainement embêtants. Il claqua sa langue, agacé.

« Désolée... On file, vite. Maintenant. »
« Tu fais chier Aya. »

Il esquissa un sourire, en se remémorant ces mêmes paroles, proférées envers lui-même des jours plus tôt. Un câble, dans son dos éclata. Plus besoin de dire qu’il savait à qui était dû ce caprice du matériel. Avant que la foule ne se mette dans un mouvement de fuite, il accéléra. Leurs poursuivants, en un temps de décalage firent de même. Se regroupant dans un point central, où ils furent certains de capturer les fuyards. Leo ne fit rien, ralentit même le pas. Ce genre de situation, et ce qui allait arriver, il le connaissait bien. Oui. Ah, si tu savais Aya… Un mouvement de panique émana de la foule des passants. La surprise de l’erreur technique –nous dirons ça- passée les moutons de la société se déplacèrent en un même corps, à des vitesses désordonnées. Ce fut la panique générale. Les figurants se bousculaient, et s’écartaient de cet endroit inquiétait. Ils n’étaient pas bêtes. S’il y avait une fuite de gaz, avec des électrons libres, le total pouvait s’avérer… explosif.

Dans ce chaos d’italiens, Leo se mouvait avec une simplicité déconcertante, zigzaguant souplement. C’était son jeu favori. Une mimique amusée se balada sur ses lèves. Il repéra les agents du gouvernement facilement, habillés de tenues trop classes, avec de faux airs ennuyés, seuls idiots à se mouvoir dans des directions différentes que celle qu’empruntait la masse populaire. Et lui se laissa porter par le mouvement, s’aida même pour accélérer leur escapade. Au pas de course, il sentit Aya faiblir un moment. Il tourna sa tête, soucieux de l’état de la nippone. Il ne la reconnut presque pas avec cette nouvelle apparence tout à l’européenne, ne s’en formalisa pas plus que ça. Le contact visuel ne servait qu’à le rassurer. Il avait parfaitement conscience de l’état dans lequel elle se trouvait. Il ressentait tout, comme une fraiche sensation lui parcourant les veines. Il décida de s’arrêter là, entre les passants pressés qui n’hésitaient pas à les insulter. Il déposa Aya sur le sol, la tenant pas les bras pour s’assurer qu’elle ne s’effondrât pas sur elle-même. Il lui prit la main, serra ses doigts entre les siens.

« Surtout, ne me lâche pas. »

Il lui offrit un clin d’œil rassurant. Beaucoup de choses passèrent dans ses iris de Jade. Son inquiétude cuisante pour la japonaise, la concentration sur le pouvoir qu’il utilisait en continue, toujours ce mince fil de colère, et cette douceur, à n’en plus finir. Il inspira un grand coup. Sa main s’illumina de cette teinte bien connue. Les yeux de Leo se fermèrent une seconde. Il centra la plaie à la cuisse de la demoiselle, doubla d’effort pour la soigner temporairement, inviter la force à revenir dans ses muscles. Les côtes brisées, il les ressouda rapidement, avec de minces craquements accompagnant son action. En Bonus, il offrit un peu plus d’énergie à Aya, suffisamment pour qu’elle puisse courir.

Il rouvrit ses iris sur le monde les environnant. Et partit. Fila à travers ces inconnus, ces individus perdus. Il les lorgna à peine d’un coup d’œil, les dépassants au pas de course. Sa main fermement accrochée à celle de sa partenaire, il dessinait un tracé de leur fuite à travers cette masse humaine. Courir. Courir. Trébucher à moitié. Sentir son cœur qui bat dans ses tympans, ses joues rougies par l’effort, ses doigts qui s’accrochent à ceux d’Aya. Et en un écho parfait, miroir de son être, entendre en résonnance le cœur d’Aya, ressentir la même chaleur sur son visage, et sa peau sur la sienne. L’étirement de son épaule, les tremblements de ses jambes. Etre emportée par les pas rapides de Leo, faisant de grandes enjambées quand il le pouvait, accélérant la marche, martelant le sol de ses converses abimées. Se faufiler entre les espaces suffisamment grands pour s’y introduire, où s’aider de son pouvoir pour créer des sorties. Et faire une douce romance de ce qui n’est qu’une balade en Enfers.

Et malgré tous ces efforts, quand il tourna la tête, il remarqua encore ces chiens les suivants à la trace. Il les vit, loin derrière, mais derrière quand même. Il pesta, assura un peu plus sa prise sur le poignet de la japonaise, voir ses cheveux aux reflets blonds s’envoler et suivre la danse imposée par le vent et le peu de saleté encore présente. Laisser un brin d’euphorie envahir sa poitrine, et lui procurer un peu de chaleur dans cette course-poursuite. Ça lui vidait la tête en une douce léthargie salvatrice. Un calme régnant dans son être, sérénité provoquée par l’affluence de l’adrénaline suintant de ses pores. Le souffle qui se raccourcissait infiniment à chaque enjambée, ressentir la douleur croitre sensiblement dans les membres d’Aya. Ses sens occultés par trop d’information. Par cette chaleur, cette peur, ce frisson les enlacer dans une ressemblance familière. Un gloussement s’échappa de ses lèvres. Et il éclata de rire. Dégorgeant tout ce qu’il retenait dans cette expression presque folle. Il se vida les poumons, et bien plus encore, alors que les larmes lui montaient aux yeux. Il les essuya du revers de sa main, passa face à des habitants des rues.

La panique s’était calmée, étanchée dans les différentes artères de Milan. Pourtant ils couraient encore. Ces agents ignares aux trousses. Il bifurqua dans une ruelle. C’est dans cette obscurité encore plus profonde qu’il remarqua une tache sur son bras, qu’il savait récente. Il tiqua, eut un faible sifflement agacé. On se laisse aller Leo. Aurais-tu la tête ailleurs ? D’un geste, le traceur se détacha de sa peau, se désagrégea sans un bruit. Comme une fois auparavant, ses ongles raclèrent les murs des maisons. Et le passage qu’ils venaient de prendre se referma derrière eux, en une illusion salvatrice. Il ralentit le pas, mais ne s’arrêta pas pour autant, anxieux pour Aya. Leurs apparences originales revinrent. Son nez craqua subtilement, accueillit par une faible grimace. Ses yeux redevinrent bleus, ses cheveux bruns. Il passa une main sur sa cicatrice retrouvée. La tension accumulée dans son dos s’allégea un peu plus. Il tourna vers la noiraude, apaisé de la retrouver telle qu’elle était. Le blond ne lui allait vraiment pas. Leo avait une préférence pour ses yeux de goudrons qui le submergeaient à chaque fois qu’il les détaillait.

« On est bientôt arrivé. »

Mais où allaient-ils vraiment ? Pas chez lui. Jamais. Personne. Non. Ils se dirigeaient vers un endroit différent, synonyme de sécurité. Sans lâcher une seconde les doigts de la nippone, car il savait que ça lui serait fatale, qu’elle reviendrait à cet état initial où un nombre incalculable de blessures lui recouvraient son corps d’albâtre, Leo tourna dans plusieurs directions différents, dans le labyrinthe qu’était cette ville, pour finalement arriver devant une bâtisse de style américain, qui jurait avec le reste des façades. L’escalier, exosquelette du bâtiment, donnait sur trois étages. Plusieurs fenêtres laissaient filtrés de la lumière, bien que des stores empêchaient de voir une quelconque activité dans les différentes pièces. Leo poussa un soupir, invita Aya d’un coup d’œil à le suivre.

Boum. Boum. Deux coups. Deuxième étage. Sur cette vielle porte en bois, un autocollant d'un orchestre rouge, branlante sous les coups de poing du pactisant. Une attente silencieuse, les cliquetis d’une clé dans une serrure plus tard, la porte s’ouvrit, sur un homme de taille moyenne, cheveux blonds coupé courts, une paire de lunette. L’individu ne parut pas surpris une seule seconde. Se décala de l’embrasure de la porte, les laissant rentrer en pointant une pièce du menton.

« Salut. Kaya est là ? »

Ils arrivèrent dans la pièce principale de l’appartement, où plusieurs fauteuils étaient installés de manière éparse. La télé fonctionnait, diffusant l’information d’une fuite de gaz non loin d’une rue commerçant. Heureusement, comme le soulignait le journaliste, il n’y avait aucun blessé. Mon cul oui. Trois colocataires les accueillirent avec un regard peu intéressés, continuant à manger leur plat chinois sans même leur adresser une salutation. Une femme charismatique arriva. De longs cheveux roux cascadant dans son dos. Elle détailla à peine Leo de ses yeux verts, se concentrant un peu plus la pactisante l’accompagnant. Elle fronça les sourcils. Commença les hostilités.

« T’as pas raté ton coup. Franchement. En faire grillés plus d’une dizaine. Tu te croyais à un barbecue-party ou quelque chose dans le genre ? » Elle se retourna vers le brun. « Et toi, j’te jure. Qu’est-ce qu’il t’a pris de l’amener ici ? »

Ah, rien de plus agréable que de se savoir indésirable... Leo ne cilla pas sous le regard de glace de la propriétaire de bar. Non. Il était fort. Avait quelque chose à protéger aussi. Il lui aurait mordu le bec proférant de telles insanités. Typique d’elle. Il serra juste un peu plus la main d’Aya, qu’il se refusait inconsciemment –même consciemment- de lâcher. Pour une fois qu’il la tenait fermement, il n’allait pas la laisser filer. Puis, il lui avait dit, n’est-ce pas ? Qu’il ne la lâcherait pas d’une semelle. Il ne faisait qu’appliquer ce qu’il avait dit. C’était tout. Un sourire arrogant fleurit sur le visage de la rousse, tranchant l’air de ses prunelles.

« L’urgence. Tu préfères que je la laisse crever entre deux poubelles, Nova ? Super. J’imagine la tête de Granny… Kaya est là ? »
« Sale morveux. » Sec. Insulte prononcé nettement, sans bavure. « Non. Il est sorti. Et vous allez faire comme lui. Je n’ai pas envie qu’ils nous tombent dessus. »

Un nouveau duel entre quatre iris commença. Nova passa une main dans ses cheveux, s’en arracha trois. Elle approcha ses doigts manucurés de la nippone, qu’elle voulut poser sur le haut de son crâne. Il se dressa en bouclier protecteur, ne laisserait personne porter un seul geste sur elle. Personne. Le ressentit murmurant en arrière dans sa tête, éveillée de tout ce que ressentait Aya. Ca ne trahissait pas. Aya se tendit. Leo le sentit, il agit. Attrapant par sa main libre le poignet de la rousse, il enfonça ses opales dans le vert de la dame. Elle se débâtit un peu. Son ton monta, presque comme un grognement. Premier et Dernier avertissement.

« Ne la touche pas. »

Sérieux indéniable, sa menace avait claqué dans l’air, faisant relever la tête aux téléspectateurs ici présents. Ses iris faillirent un moment, se couvrant d’un trait de tristesse. Ainsi s'était comme ça qu'ils voyaient les choses? Aya, en un gentil Cerbère bien dressé par la haine? Pourtant ne voyaient-ils pas la fatigue dans son regard, ni ses yeux rougis par les larmes, ni les faibles tremblements de son corps ? Il pencha sa tête sur le côté, se remémora sa première rencontre avec la nippone. Lui avait-elle jamais donné cette image ? Oui, plusieurs fois. Trop de fois pour qu’il ne puisse les compter. Et maintenant, il la voyait différemment. Evolution irréfutable. Tout ce qu’il ressentait pour elle tournoyait en lui, dans un bouillon d’émotions et de couleurs. Ce n’était pas de la magie. Ce n’était pas des hormones. Ce n’était pas le Destin. Ce n’était qu’Aya, son Echo.

Certes, peut-être ne lui ressemblait-elle pas. Rien que pour cette soirée, elle avait éliminé une série considérable de pnj. Mais sa vie ne se résumait pas à quelques personnages fictifs assassinés sur le coin d’une page blanche. Il y avait aussi cette détresse mordant ses membres, la rendant dans un état de faiblesse qui fascinait le jeune milanais. Et elle refusait cette situation, gardant toujours ces mêmes yeux goudronnés hypnotisant un peu plus Leo à chaque fois qu’il l’observait. Ses silences. Ses remarques. Ses rares rires. Ses blessures. Oui, peut-être n’avaient-ils pas grand-chose en commun. Mais peut-être en avaient-ils de trop pour qu’ils puissent le remarquer. Les mêmes blessures, les mêmes peines, les mêmes rêves irréalisables, les mêmes désabusements. Se retrouver dans des situations aussi pourries l’une que l’autre. Leo serra un peu plus la main d'Aya, lui permettant, par ce simple contacte de tenir sur ses jambes. Passer à la limite de la mort, alors qu’elle porte un regard sur le corps écorchés des saloperies de la vie, et faire vivre la même expérience à son antonyme deux semaines plus tard. Certains diront qu’il n’y a pas de hasard. Pour Leo, ce n’était qu’un Echo.

« Aujourd'hui, je suis de gout à donner sens à la réalité. Ne plus s'enfuir, ni pardonner. Juste affronter la réalité de nos jours. La vie vraie telle qu'elle se présente. Serrer mes bras un peu plus fort autour d'elle, la réconforter. S'étonner à moitié des larmes qui coulent de ses yeux, de son accrochage à mon corps, à ma peau. Sentir ses larmes mouillées le vêtement, ne rien en penser. Juste avoir le cœur serré, et vouloir lui faire subir le même sort. Le serrer si fort. Qu'il oublierait tout. Autre que le désespoir de cette perte. Vouloir initier le mouvement, et abandonner au dernier moment. S'en vouloir un peu, prétendre avoir une autre réalité à fouetter. Ne plus pouvoir s'en vouloir. Faire semblant d'affronter. Parce que c'était quand même nécessaire. Et que dans le plan arrière, commencé à être fatigué de tout ça. Trop de tristesse, pas assez de sagesse. Vouloir pleurer avec elle. Trouver l'idée ridicule, continuer d'avancer. »
Leo.

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Aya Murazaki [Sky]

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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeJeu 26 Mai - 21:14

Des bleus sur mon corps
Des bleus sur ton cœur
Et cet éclat dans tes yeux
Une étincelle vêtue de bleu.


    La réplique fusa, claqua, comme un écho connu, aussi familier qu'un sourire moqueur qui s'évaporait sous les pleurs du temps.
    Deux volontés qui avaient encore à faire avant de s'entrelacer, se contentant de se frôler sous quelques gouttes de sang. La danse mortelle de la petite lame avait fait le reste, vive, discrète. Juste un éclat, une étincelle qui se meurt doucement, s'enfuit au bout d'un corps de plus en plus lourd, d'un esprit qui s'évade.
    Oui, c'était exactement ça. Je faisais chier mon monde, ton monde, sans un regard en arrière, les regrets s'accrochant par filaments invisibles autour de mon armure de glace. Juste un soupir et une grimace, signe de l'humanité encore présente de l'ombre noire qui s'abattait sur leurs yeux.
    J'avais fait ce qui me semblait nécessaire, pour nous protéger. Pour te protéger . Même si cela signifiait aussi, de moi ... Et je n'hésiterais pas à le refaire.
    Je ne réfléchissais plus, mon esprit engourdi par l'effort, le front posé sur la nuque de celui qui me sauvait la vie, celui qui s'y accrochait, capturant de ses prunelles mon envie et ma survie.
    Les cris de la foule paniquée me parvenaient au loin tandis qu'un mince sourire s'étirait sur mes lèvres fatiguées, mes doigts s'agrippant plus encore au corps de Léo, seule trace tangible dans ce paysage qui défilait à toute allure.
    Honnêtement, leur réaction tenait plutôt de la chance qu'un calcul résistant dans le bordel de mon esprit. Fuite de gaz. Étincelle. Boom !
    Du moins en théorie, mais le genre humain est prudent et un risque de flammes qui s'élèvent pour lécher les hauteurs de la cité en larmes a toujours réveillé les plus grandes peurs.
    Les ombres chinoises de leurs esprits et leurs croyances aveugles les perdront ... ou pas.
    La seule qui résonnait en moi était le souffle de Léo qui résonnait à mes oreilles comme un tambour, ses muscles qui se mouvaient dans une danse taquine, comme aérienne, évitant, frôlant, se jouant des passants affolés. Sa tension, ses efforts que je devinais, pour maintenir l'illusion au grand jour. Et au dessus de tout ça, comme veillant sur moi d'un sourire malsain, cette douleur qui enserrait mes membres, s'insinuant dans les moindres recoins de mon être pour en prendre possession.

    Je m'appelle douleur. Et ton nom susurre douceur...

    Et cette chaleur, ce volcan aux courbes pourpres qui me brûlait la gorge à chaque respiration, de plus en plus rauque. Pas une plainte ne filtra de mes dents serrées. J'avais tiré un peu trop sur la corde ce coup-ci, jeté la prudence aux orties, fait fi de ma propre survie... pour au final la confier à un autre. Pathétique.
    Sous la coupe de cette sentence carmine, vicieuse, même la fierté s'était tue, attendant sagement son heure pour venir raviver les lambeaux d'une réputation, de la robe sombre du Cerbère. Blackout. Tout ceci était néant, effacé, dispersé, non avenu. Ne restait qu'un fragment de conscience que la course ralentissait, les ballotements moins forts et des échos d'insultes aux accents de peur.
    Léo ?
    Arrivait-il à son point de non-retour, à cette délicate décision de laisser le poids mort pour assurer sa propre survie ? Qui lui en voudrait ? C'était plus que raisonnable, les chiens affamés nous poursuivant toujours. Qu'étais-je réellement pour lui, un regard mordant suivi d'un sourire cynique ? Amie sans l'être, présence invisible qui frôlait son cou sans pour autant le toucher du doigt. Une chieuse aux prunelles ténébreuses et pas seulement ...
    Trop de choses pour être décrites en de simples mots... Je me retrouvais de nouveau engloutie toute entière dans son regard, rassurant, chaleureux malgré la situation. Ses mains qui me maintenaient d'aplomb, m'évitant de m'affaler sur le sol, comme une poupée désarticulée, trop fatiguée; m'y conduisant doucement, sans à coups. Chaudes, d'une profonde douceur, sans rompre ce contact étrange, connectant nos corps plus que par le simple toucher.
    Un autre, d'une autre sorte, comme un fil de lune reliant son âme à la mienne, une confiance non dite, mais acquise en un sourire. Une myriade de sentiments sans nom qui papillonnaient, balbutiaient ...

    Les mots se coinçaient dans ma gorge, m'enfermant dans un silence de sang, détruits par cette lueur familière dans le regard de Léo, sous ses doigts entrelacés dans les miens. Éclat bleuté, jumeau à ces yeux qui me fascinaient, qui m'avaient emprisonné sans que j'y oppose la moindre résistance. Ce pouvoir que je reconnaissais maintenant entre mille ...

    « Surtout, ne me lâche pas. »

    Happant l'air d'une respiration hachée par une douleur réveillée au contact des pavés, je serrais plus fort ses mains pour lui signifier que j'avais compris le fond de ses paroles, d'un hochement de tête. Ces mots qui résonnaient comme un écho au désir muet qui secouait mon esprit, caché sous une fierté tenace. Ne me lâche pas. Restes mon ombre, restes le souffle en diapason du mien, restes le sillage que j'apercevrais. Restes, tout simplement. Les iris de Léo se fermèrent un instant, tandis que je sentais en moi comme une sorte de nouveau souffle, une vitalité étrangère et qui pourtant se moulant très bien, endormait pour un moment cette douleur qui ne voulait plus lâcher du terrain.
    Je fermai les yeux à mon tour, respirant plus facilement, la poitrine moins comprimée, les jambes moins lourdes, l'aura de souffrance qui m'entourait diminuée. Sa main toujours accrochée à la mienne, me tira hors de cet enfer à ciel ouvert.
    Sans même un avertissement, je me retrouvai debout, dévalant les pentes des rues commerçantes de Milan, derrière Léo qui avait filé. Tout allait si vite, les couleurs, les odeurs m'envahissaient au fur et à mesure, je n'arrivais pas à visualiser, à me repérer, à la dérive d'une silhouette qui savait parfaitement où nous mener. Trop d'informations.
    Mais toujours ce contact de ma paume sur la sienne. Toujours là. J'avais confiance. Je devais lui faire confiance et ne pas le lâcher, suivre coûte que coûte ses pas rapides, ses esquives amusées, contrôlées. Se rattraper in extremis, rétablir un équilibre forcé, ne plus penser. Une légère pause, puis repartir toujours plus loin, toujours plus vite tandis que s'élevait dans les airs ce cri caractéristique de mon compagnon. Ce rire. Ces notes qui s'envolaient, emportant avec elle une partie de la tension accumulée et cette vitesse qui le grisait. Ce rire que je n'avais plus entendu depuis un petit moment, ou simplement son faible écho légèrement moqueur.
    Ce rire qui provoqua en moi un écho d'une joie enfouie depuis des années et un sourire. Cette même mélodie qui m'avait prise à la gorge, plus jeune, virevoltant dans les rues de Chiba.
    Dans l'ombre de Léo, mes lèvres s'étaient étirées dans un vrai sourire. Pas celui que je servais au quotidien, cette façade secrète, légèrement moqueuse ou polie. Non, un de ces sourires que Sky se tuait à faire réapparaitre petit à petit. Cette chose rare. Ce signe que sous le masque de noirceur se cachait quelque chose de fragile, de véritable, d'encore vivace, fugace fragment de la jeune fille rebelle et souriante d'avant.
    Et toujours sous nos pas, les rues défilaient, se tordaient, s’effaçaient petit à petit pour n'être qu'une illusion au coin de l’œil. Devenaient plus sombres dans la pénombre des contours d'une nuit qui prenait peu à peu sa place. Et toujours cette main qui enserrait la mienne, comme le fil d'or me sortant de l'antre du Minotaure.
    Léo. Qu'avait-il fait ?
    J'avais comme cette impression que mon monde avait changé petit à petit de centre de gravité, mes yeux ne pouvant se détourner, comme attirée irrémédiablement vers le gouffre océan de ses prunelles. Ne pas pouvoir s'empêcher de se retourner et tenter de frôler du bout des doigts cette silhouette qui s'éloignait parfois, sans jamais disparaître complètement. Sans jamais me lâcher pour autant.

    Léo devenait mon Horizon.

    Un frisson de peur me secoua l'échine, ne pas comprendre, refouler tout ceci, malgré cette sensation que ces pensées désordonnées s'étaient gravées profondément, comme une évidence au fer rouge. Et se perdre de nouveau pour se rattraper au regard de Léo.
    Je jetai un coup d’œil derrière nous. Des briques, nous protégeant de la même manière que dans cette ruelle, mur cachant nos présences invisibles aux regards des chasseurs. Une ruse étudiée, déjà utilisée mais qui faisait indéniablement ses preuves.
    Il y avait comme un picotement fin sur mes bras alors que les cheveux de Léo redevenaient bruns, les courbes de sa mâchoire reprenaient leurs aspects d'origine, de même que mes vêtements à demi déchirés et cette apparence d'onyx qui me caractérisait.

    « On est bientôt arrivé. »

    Un soupir s'échappa de mes lèvres, cela signifiait que les agents ne nous suivaient plus, pour un moment au moins. Mais ce n'était pas terminé. Oh non, c'était loin d'être fini, les étincelles de cette soirée n'étant que les prémices d'un affrontement qui ferait trembler Milan. Essoufflée, je suivais pourtant du mieux que je pouvais la cadence imposée par Léo, bien que plus lente qu'auparavant. Je m'accrochais, perdue dans ce dédale de rue, à ses doigts comme une damnée, sentant la rupture proche. Je ne faisais plus vraiment attention où nous étions, fixant le sol comme pour graver sur mes rétines l'ombre du corps de Léo et les pavés poussiéreux.
    Un détour, un embranchement, puis encore un autre et il stoppa son avancée. Je levai la tête, plissant les yeux sous la lumière du soleil couchant, pour détailler cette bâtisse détonnant au milieu des autres. D'elle, je ne parvins à retenir que deux choses. L'escalier infini, dernière étape de mon chemin de croix, vicieux, et ce dessin rouge en forme d'orchestre.
    Les jambes légèrement tremblantes sous l'effort, je distinguais vaguement la silhouette qui vint ouvrir, pour s’effacer et nous laisser rentrer. Où est-ce que Léo avait bien pu m'emmener ?
    Kaya ? Qui était-ce ?

    "Où est-ce ..."
    Ma réserve naturelle me poussait à résister mais je savais qu'au moment où je laisserais mes doigts quitter le contact de ceux du jeune homme, je ne serais plus en état d'esquisser le moindre retour en arrière. Et surtout pas dévaler ou même sauter ces escaliers. La pénombre du couloir s'estompa peu à peu, révélant une pièce assez grande, dans laquelle un écran crachotait les informations.
    Les paroles du journaliste me captivèrent, mes prunelles reconnaissant les lieux que nous avions quittés il y avait peu de temps. "Pas de victimes". Il se foutait de ma gueule celui-là ... Mes yeux se rétrécirent, ma respiration se fit plus vive. Mon poing se serra, enfonçant mes ongles dans la paume de ma main jusqu'au sang.
    Hanako ...
    Et plus encore que son corps ensanglanté, c'est le visage de son Stella qui me revient en tête, le sourire qu'il avait affiché en disparaissant. Vision douloureuse qui s'estompa bien vite à l'agressivité des mots prononcés.

    « T’as pas raté ton coup. Franchement. En faire grillés plus d’une dizaine. Tu te croyais à un barbecue-party ou quelque chose dans le genre ? »

    Les mots claquaient encore à mes oreilles, lames sonores qui s'enfonçaient dans mon crâne et me mettait en rage. Sky aurait ri, se serait moqué en faisant le fanfaron, mais je n’étais pas mon étoile. Plus sombre que lui en cet instant. J’étais épuisée, à deux doigts de m’effondrer, je ressentais encore la haine des chiens du GPD, et cette peur qui m’avait saisie aux tripes. Je fixais mes prunelles incandescentes de colère dans celles, de jade, de sa propriétaire. Ses sourcils arqués montraient clairement sa contrariété à ma présence en ces lieux.
    Rejet pur.
    Je ne m'attendais certainement pas à être féliciter pour les morts provoquées, à part peut-être par cet idiot de Sky, mais ses mots étaient du poison, du goudron qui salissaient la mort d'Hanako plus que le sang encore. Un murmure s'échappa de mes lèvres, insultes soufflées dans une langue natale et ma voix chargée de cynisme et de colère s'éleva doucement et claqua sans que le ton ne soit monté.

    " Parce que j'aurais du la laisser se faire charcuter, la laisser crever peut-être ? Pas de victimes ... Qu'est-ce que tu sais de ce qui s'est réellement passé là-bas ! Alors ne te permets pas de donner de leçons ... "

    Je n'avais qu'une envie, lui sauter à la gorge et faire taire ce regard inquisiteur, qui me jugeait sans rien savoir, cette moue sure d'elle, arrogante. Ignorante vieille bique !
    La rage reprenait ses droits, se mêlant à la fatigue qui me saisissait à voir pareille réaction. Dans quel endroit m'as-tu embarqué Léo ? Il aurait été peut-être été plus sage de sauver ta peau, même au prix de la mienne... Mais non, il était toujours là, l'avait toujours été, à mes côtés. Sa main serrait la mienne, comme un bouclier invisible que les mots de cette femme à la chevelure flamboyante traversaient comme dans du beurre.
    Un combat se déroulait juste devant mes yeux, les répliques acides se heurtant l'une à l'autre. Une insulte, encore. Qui était-elle pour se permettre de prendre les gens de haut comme cela et d'apposer de ses prunelles un jugement sans valeur.
    Un pressentiment, comme un liquide glacé qui me parcourait les veines à voir les gestes fin de la rousse. Comme les pas de danse d'une tueuse. D'une joueuse de flûte.
    Sans comprendre réellement, l'instinct cria, prit le dessus, et je me tendis, enfermant les doigts de Léo dans une prison dont je ne sentais pas la force. Je reculai imperceptiblement ...

    « Ne la touche pas. »

    Un grognement, comme un écho, miroir de celui qui grondait dans ma gorge. Les mots avaient été prononcés avec force, simple mais dangereuse mise en garde. Je sursautai à la voix rauque de Léo. Rugissement du lion protecteur. Il se mettait en danger en faisant rempart entre cette femme et moi et je le supportais assez mal. Leurs yeux étaient comme des épingles qui nous griffaient, nous piquaient d'une pensée commune.
    Dangereuse. J'étais trop dangereuse, pas acceptable pour eux.
    Voir le reflet d'un Cerbère menaçant dans leurs prunelles ne me fit pas vaciller, j'avais l'habitude. J'encaissais un peu moins bien qu'à l'ordinaire, m'accrochant au tee-shirt de Léo, mais refusait de baisser la tête. Quelque part, c'était une réaction normale, provoquée par un comportement sauvage. Je le méritais. Mais pas lui ... Je me mordis la lèvre inférieure, affrontant tout de même ces jugements hâtifs mais pas si faux. Une crevasse venait de s'élever entre ces gens et moi. Je ne savais rien d'eux, et eux ne connaissaient que ce qu'ils semblaient percevoir de ma silhouette. Ne voulaient connaître que ça ...

    A leurs yeux, je ne serais jamais qu'une ombre obscure, qu'une lame trop coupante pour être approcher. Une arme incontrôlée. Une gêne trop bruyante. Le goût amer du sang revenait dans ma bouche, comme une défaite de plus.
    Un sourire acide naquit sur mes lèvres, vacillant, désabusé. Un murmure.

    " Laisses tomber..." J'inspirais difficilement. " Juste deux minutes".

    Juste deux petites minutes, fermer les yeux, me laisser couler dans la douceur de cette main sur ton dos, ta chaleur rassurante que je ne voudrais jamais quitter. Mais ce n'est pas à toi, Léo, de payer à ma place. J'étais têtue et pire encore, mais au fond, je me battais, partagée entre ce mal que je me voyais faire indirectement à Léo et cette envie irrésistible de ne pas lâcher sa main.
    Mais je savais prendre mes responsabilités, aussi atroces soient-elles.
    Une dernière chose avant.
    Je relevai la tête, balayant la salle de ces silhouettes qui n'avaient pas bougés, le regard acéré, pour se noyer dans celui de cette Nova.

    " Qui êtes-vous pour juger ? Qui parmi vous aurait eu assez de courage pour aller s'opposer à eux hein !? Pas un seul ! "
    Les larmes de rage pointaient au coin de mes yeux, sans pour autant dévaler en cascade de cristal. Non, ils ne les méritaient pas !

    Je la fixai, la provoquai, l'obsidienne se parant d'une note flamboyante, lui renvoyant ce qui était à mes yeux une couardise de sa part, à elle, si arrogante dans la place qui était la sienne. Sans connaître sa véritable identité et ce qu'elle connaissait vraiment, j'étais sure que Nova en savait suffisamment sur le GPD pour avoir eu connaissance de ce qui avait provoqué cette scène de théâtre sanglante.
    Je les accusais, oui, comme ils l'avaient fait pour moi. Projetant comme sur un miroir cette intransigeance injuste qui guidait leur esprit. Juste pour leur montrer.

    Le reste n'avait plus d'importance.

    Et mes doigts fins voulurent se dégager et se détacher de la douce attraction de ceux de Léo. Mon cœur se déchirait. Je n'avais pas le droit de gaspiller tous ses efforts mais coincés ainsi, comment faire ? Je ne pouvais, je n'avais pas le droit de lui imposer tout ça. Le protéger, encore une fois. Mal, mais tenter ce que me dictait mon être tout entier.

    De la folie, de l'arrogance, de la stupidité certainement.




    Et la douleur refit surface, envahissant tout, avide, s'empara à nouveau de tout. Pour un instant ... puis reflua, le contact toujours là.
    Je n'y arrivais plus, perdue.


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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeDim 29 Mai - 21:54

« Frigide, tu es la femme glaçon. Tes doigts se baladent sur ma peau de braise. Tout fond de ton incorrigible froideur. Tu me gèles. Je te brule. Tu es le monstre des neiges. Ton corps sur le mien, en un contact tacite. Tu rougis. Perds ta peau de glace. Gémis et susurre mon nom. Je briserai tes chaînes. »
Éternité.

Et le doute pointa son nez, en un imperceptible dérangement. Bouton d’or fleurissant à l’orée de sa chair, développant ses racines entre ses cellules nerveuses. L’ombre de l’inquiétude se penchant sur ses épaules, le gratifiant d’une caresse sensuelle. De quoi as-tu peur Leo ? Crains-tu de ne pas avoir fait le bon choix ? Effectivement, il y avait un peu de ça, de cette mauvaise impression, que tout finirait mal dans cette histoire. C’était un cri d’alarme qui résonnait dans le fond de son être. Imperceptible mouvement de la Fatalité. Et il se méfiait de tout. De ce repère. De ces occupants. De cette main agrippée dans son dos. De la faiblesse dans son regard. Son esprit vacilla un instant. De gauche à droite. De droite à gauche. Trois petits tours et puis s’en vont. Et il s’accrocha à cette main, à ce regard noir pointé sur sa nuque. Il ne laisserait rien passé. Pour la protéger elle. Qu’importe le prix. Un vrai héros, mon Leo.

Et la tension était à son comble, la serre de ses doigts prise sur le poignet de la rousse. C’était un affrontement, comme il les haïssait tant. Dans une position de faiblesse cuisant. Ce contact. D’une peau contre une autre. Et ce poison qui s’échangeait par cette simple promiscuité. En un picotement familier sur la paume de sa main. Il la sentit s’immiscer tel un renard. Nova. Vil chienne. Il se défit de cette union étrange, alors que déjà la Fleur du Mal s’ancrait dans son être. Sa langue claqua, agacé parce que la pactisante faisait dans son être, s’invitant de par sa seule volonté. L’esprit de Leo n’était le terrain de jeu de personne. Il ne l’acceptait pas. Et pourtant, cette femme se jouait de ses propres règles. Tout devint noir une seconde. Il cligna des yeux. Revit. Ces yeux verts que la transperçait, ce sourire plus que satisfait, alors qu’elle reculait d’un pas, marchant sur les cheveux précédemment arrachés.

Personne ne touchait à Aya. Oui. Mais à quel prix ? Qu’est-ce que Leo serait prêt à parier pour faire en sorte que cette maxime devienne la réalité. Qu’il soit la seule à la posséder. A être sûr qu’aucun vice ne couvrira ses bras. C’était égoïste. Idéaliste. Aya était le Cerbère. Aucune chaîne ne pourrait l’arrêter. Elle serait toujours libre de faire suivant des désirs, même quand elle serait transpercée de toute part, les membres collants par son propre sang. Leo le savait. Cette vérité, elle lui avait parcouru l’échine lors de leur première rencontre. Et il en avait ri de cette manière légère, acte qui la révulsait par excellence. Oui. Leo connaissait la raison de ce rejet, l’avait toujours su. Ses exclamations de joies brisaient les couches de glaces, armures invisible de la nippone. Et ça l’amusait. De détruite ces lois de cruauté sur lesquelles se basaient Aya. Car ça n’était pas le Vrai monde. Pas celui de Leo.

Il fit craquer sa nuque, se retourna vers la nippone. Un sourire calme se posa sur ses lèvres, alors qu’il s’abaissa un peu, pour observer l’état de santé d’Aya. Il croisa son regard. Crut manquer un battement de cœur, effondrement de son âme si calme. La colère gronda. Forte.

« Laisse tomber… Juste deux minutes. »

C’était ça. Un Berserk fou de rage qu’il tut. Son cœur se serra. Serait-elle vraiment capable d’abandonner maintenant, après tout ce qu’elle avait enduré pendant cette soirée ? Leo chercha ses mots, envahis par cette sensation dérangeante. La Graine du Vice s’implantant dans son esprit, le secouant d’une impression indésirable. Il agita la tête. Petit Cerbère qui prétend vouloir s’arrêter. Alors que jamais, à la limiter de la vie, à la limite de la mort, tu te bats encore. A force de montrer les crocs, tu oublies peut-être comment te reposer petit Cerbère. Serais-tu seulement capable, toi, un jour, de t'arrêter de combattre? Au-delà de la mort tu barreras la réalité de ton regard d'ébène. Ne me fais pas rire. Tu ne t’arrêteras jamais. Jamais. L’arrière de son crâne fut capturé par des démangeaisons. Et il sera un peu plus fort la main de la nippone, emprisonnant ses doigts entre les siens. Etreinte mutuelle. Appel désespéré l’un de l’autre, qui se répondait, toujours en un écho parfait. Parce que tu es parfaite Aya

« Qui êtes-vous pour juger ? Qui parmi vous aurait eu assez de courage pour aller s'opposer à eux hein !? Pas un seul ! »

Elle bougea. Avec force. Cette voix presque éteinte, qui pourtant chassait le bruitage de fond de l’appartement, balayait l’air de ses propos tranchant. Leo la sentit se crisper entre ses doigts, l’émotion la rendant fébrile. Et il se crispa à son tour, miroir de la situation d’Aya. Jeu de mime sans réels fondement. Se fixer sur ce que l’autre ressentait, pour en faire suivre une succession de gestes dans une symphonie alléchante. Ce n’était qu’une danse, qui lentement, les vouait à la mort l’un de l’autre. Et Leo s’y attachait fermement. A cette vision idyllique qu’il ne saisissait pas complètement. Qui pourtant serait annonciatrice de sa fin, offerte sur une scène d’argent, d’or, de diamant. Et il ne voulait rien de ces pierres superficielles, ses yeux juste attiré par un Etre bercé de noir, au regard d’encre. Il s’y perdit deux secondes. Nova profita pour dégainer.

« Si. Il y en a un. Et tu lui tiens justement la main. »

Coup de grâce. Elle décocha un sourire, cruel, satisfait. La rousse s’était retenue, de fracasser les idées sur lesquelles reposaient la nippone. Elle ne désirait qu’une chose : la briser et la mettre à la porte. Et elle ferait tout pour y arriver. Nova n’était pas connue pour être une femme sympathique, elle allait le montrer. Elle affaiblirait Aya encore plus, la saignerait de souffrance. Tu as mal au cœur, petit cœur ? Offres lui tes derniers baisers, je vais te le déchirer. Va. Et Pleure. Juste, ne déversant la vérité dans un semblant de tromperie. Aya attaquait les habitants de ce monde, soit. Nova lui montrera vers qui ses crocs se tournaient, dans quelle gorge elle s’efforçait de mordre.

Leo retint une insulte. Sa mimique, au contraire, lui marqua le visage en une grimace étrange. Les yeux plissés, la bouche pincée. Il voulut se diriger vers cette idiote, la rage au ventre, la rage au cœur. Il fit même un pas en avant. Et s’arrêta, ses doigts toujours prisonniers de l’étreinte d’Aya. Alors c’était ça que tu voulais faire, Nova ? Elle tomba. Sa main s’échappant de celle de Leo, l’évitant en une magnifique valse. Se furent ses jambes qui lâchèrent en premier. Et elle tomba. Comme dans ces films où tout se passe au ralentit. Le cœur de Leo qui s’arrête, son souffle, qui lui, s’accélère. Et la rattraper. Toujours. Car si elle était le Cerbère, il serait son ombre. Si elle était la foudre, il serait le ciel qui la couve. Si elle était la nuit, il serait les étoiles. Ainsi, sans fin. Dans une succession d’actes, points antinomiques de leur historie.

Leo saisit Aya. Dans cette même position que quand il l’avait retrouvé dans cette ruelle morbide. Et cette même colère lui brulant le fond de la gorge, asphyxiant ses sens. Il la serra conte lui, inquiet, le sang continuant de couler de ses blessures. Etre proche d’elle sans en avoir assez. Ressentir ce manque se creuser au fond de l’estomac, cette peur zébrant sa peau. Ressentir trop de choses aussi. Et sans cesse être en manque d’elle. Pas assez. Vouloir aller plus en profondeur. Douleur de trop. Candeur de trop. Une émotion de trop lui pinça le cœur, l’âme. Il s’avança dans l’appartement, s’invitant dans la pièce de séjour principale. Où Nova, en chien de garde, s’interposa. Cet air parfaitement fier d’elle, il lui aurait fait manger jusqu’à ce qu’elle en soit écœurée. Leo regretta momentanément d’être un pacifiste, ravala un peu plus sa rancune personnelle. Il la dévisagea, une expression trop sérieuse pour son visage.

« J’en ai marre de jouer Nova. T’as fait ta dominatrice, maintenant tu rentres à la niche. La prochaine fois, je ne serais plus aussi gentil. Je t’avais dit de ne plus la toucher… Tu dégages, s’il-te-plait. »

Leo n’attendit aucune réponse. Leo n’attendit aucune réaction. Ces mots, ils les crachaient rien que pour elle, avec cette rancœur envahissant sa peau, sa respiration, ses pensées. Voilà. C’était ça. Un Leo en colère. De la fureur à l’état pur. Fracture de l’image. Aucune pitié. Aucune gentillesse. Ce n’était qu’un désir puissant d’annihiler tous les obstacles. De détruire ce qui briserait son rire. Il dépassa Nova, la bouscula presque, trop étonnée pour esquisser quoique ce soit. Il ne lui daigna plus un regard. Plus une once d’attention. L’océan de sentiments qu’il ressentait à lui n’était qu’une tempête, bouillonnant les réactions de Leo. Et il restait imperturbablement calme.

L’un des occupants se retira du meuble, l’offrant au brun. Il ne le détailla même pas. Rien n’existait autour de lui. Ni les murmures incessants du poste télé, ni ce chat qui miaulait dehors. Ni cette odeur de nouille, ni le parfum d’ambiance à la lavande. Ni les déchets au sol qu’il écrasa à ses pieds, ni la couverture recouvrant le divan. Leo était fermé à tout élément perturbateur. Les contours de la pièce étaient futiles, s’évaporant sur le blanc de l’esprit du pactisant. Seul un corps se représentant en une netteté parfaite. Aya. Le faible haussement de sa poitrine, la sueur perlant sur ses tempes, le frisson de sa chair.

Sa main saisit ce collier noir qui lui seyait tant, le déposa au pied de la table de salon, puis la coucha en douceur sur le canapé. Il soupira, les sourcils froncés. Ses forces lui étaient revenues partiellement. Tant mieux. Il en aurait besoin. De ce pouvoir qui la reliait à lui. Fragile Fil de la Fatalité. S’il en avait eu l’occasion, Horizon se serait certainement perdu dans un mouvement de tendresse. Sa main aurait peut-être balayé ses mèches rebelles, ou il lui aurait simplement caressé la joue, dans un geste dépourvu de toute animosité. Et il ne le fit pas, se mordit plus fort l’âme. Le temps ne lui permettait pas de s’abandonner à ce genre de douceur. Ses sentiments ne lui permettaient pas de se laisser aller à ce genre de candeur. Son corps brulait d’une folie étrange. D’une folie qu’il ne se connaissait pas vraiment non plus.

Il se redressa, voulu partir à la recherche d’une trousse se cogna presque sur une petite fille, lui arrivant au nombril. Ses yeux bruns la regardèrent profondément. Leo ne sut pas comment, mais il se calma un peu. Entrée brutale dans sa réalité, en cadeau, elle lui offrit le kit de soin de l’appartement. Un mince sourire vint perforer le masque d’inquiétude de Leo. Au moins, il y aurait de quoi faire un bandage dans les normes. Leo prit la boite, qu’il déposa sur le sol, après avoir déblayé un peu le chemin en un coup de pouvoir magique. La gamine ne le lâcha pas, se rapprocha de la nippone. Et le bras du milanais l’en empêcha. Il l’avait dit, personne ne poserait ses doigts crasseux sur la peau pâle de son antinomie.

« Dasha. Enchantée. Je vais t’aider. Ne t’inquiète pas. Elle a juste besoin de souffler un peu. Quand elle se réveillera, elle t’engueulera même. »

Et la brune lui serra la main de ce bras qu’il avait tendu en une barrière désespérée. Ses yeux trahirent son égarement soudain. Et fini par rire, tout en se frottant le coin de l’œil droit. Le monde est plein de surprise, n’est-ce pas Leo ? Dans un même mouvements, ils se nouèrent tous les deux les cheveux. Elle en un chignon rapide, qu’elle fit de manière éparse. Lui en une légère queue, retenant les mèches se baladant face à ses opales. Leo tapa dans ses mains, annulant toute trace de tremblements de ses membres, de ses doigts, de ses bras, de son âme. L’effervescence de ses pensées inquiétantes partit rejoindre le nœud de colère de son être. Et ils commencèrent.

En réalité, tout se passa très vite. Leo n’eut jamais le besoin de parler. L’empathie liée au don de télépathie était un réel atout dans ce genre de situation. Dès qu’il osait ouvrir la bouche pour sortir une suite de syllabe, il devait s’arrêter, observant Dasha s’atteler à l’ordre non prononcé. Elle ouvrit le manteau déjà abimé, n’hésita pas à le couper pour lui permettre un accès optimal aux bras nus de la nippone. Leo, quand à lui, après s’être battu quelque peu avec les bottes de Aya, qu’il n’hésita pas à bazarder au loin, enleva des bas sombres, parfaitement troués. Leo ne s’attarda pas sur les blessures légères recouvrant sa peau blanche. Passant distraitement ses doigts sur les genoux de la pactisante. Un garrot au-dessus de la plaie, il saisit le désinfectant, de l’ouate et s’attela à nettoyer la blessure, profitant de l’inconscience de l’hôte pour le faire avec plus de facilité. La balle avait traversé, il soupira de soulagement, se souvenait combien il était douloureux d’enlever un projectile logé dans la chair.

Serait-il vraiment nécessaire de préciser les quelques minutes qui passèrent, où Leo et Dasha s’attelèrent à la tâche de soigner du mieux qu’ils le pouvaient la nippone évanouie. Sans trop s’attarder, nous dirons juste que Dasha soigna les plaies les plus superficielles, à coup de mercurochrome –le pansement des héros- tandis que Leo se concentra sur la cuisse, où il avait déjà recousu un coté de la plaie, s’attela à en faire de même sur le côté opposé, cette lueur bleutée sur les doigts.

C’était une concentration saine. Dans un vide serein de l’esprit, où une mélodie passait en boucle dans la tête de Leo, sans qu’il ne s’attarde sur son origine. Ce qu’il savait, c’était que cette musique calmait ses nerfs, le rendait moins nerveux aussi. Elle l’encourageait à continuer dans ce sens, lui offrant plus que confiance que nécessaire. Il était étrangement calme, et ça lui allait très bien. Dasha était à son image, malgré son jeune âge. Elle passait le désinfectant, nettoyait les plais un peu plus profondes sans présenter une seule attitude de dégout. Et quand elle collait un sparadrap normal ou avec le visage de Winnie l’Ourson, un mince sourire naissait à la commissure de ses lèvres.

Deux yeux noirs s’ouvrirent sur la pâle lumière de l’appartement. Dasha tourna la tête, s’offrant à la vue de la nippone. Elle lui sourit, comme l’aurait fait Leo, puissant dans l’expérience du jeune homme pour savoir ce qui aurait vraiment fait effet sur la demoiselle. La brune empêcha Aya de commencer le moindre mouvement, désignant du bout de son index la figure sérieuse du pactisant. Leo ne remarqua rien. Plongé dans cet espace de soin qu’il s’était créé, en une bulle d’une opacité efficace. Rien ne l’atteignait. Il était dans ce monde qui portait le doux nom d’Aya. L’enfant pencha sa tête sur le côté, s’introduisant sans le contrôler dans la tête de la noiraude. Elle sourit encore une fois.

« Et Maintenant que plus rien ne te relie à ton passé, que feras-tu, que deviendras-tu? »

La question lui brulait les lèvres, placée en un parfait Echo de ces deux âmes qu’elle percevait en une parfaite Union. Elle ne s’était pas vraiment contrôlée, s’excusa du regard quand elle se rendit compte de son erreur. Mais ce qui était fait était fait. Dasha rougit légèrement, voulu prétexter quelque chose, puis préféra se taire. Elle baissa, gênée, les yeux, même si rien ne pouvait l’empêcher de savoir ce qui se tramait dans la tête de la nippone. Elle se gratta les cheveux, puis continua son soin, percevant bien la frustration de la noiraude. Elle dut se retenir de rire, comme l’aurait fait le brun à sa droite. Ces deux-là, ils fonctionnaient en contretemps. Une distance infime, mais qui faisait vibrer leur mélodie d’une manière douce, parfois maladroite.

La main de Leo se posa sur son épaule, l’invita à s’écarter un peu. La gamine ne se fit pas prier, s’écarte rapidement, se savant être les cheveux dans la soupe par excellence. Elle fuit. Tout ce qu’elle ressentait, et qu’elle ne méritait pas de vivre. Car ces sentiments n’étaient pas à elle, mais bien à ces deux idiots. Des sentiments durs, certes hésitants, mais la sérénité qui découlait de l’âme de Leo à ce moment failli faire naitre des larmes aux bords des yeux de Dasha. Alors elle fuit. Car c’était la seule chose qu’elle pouvait faire.

Assis sur le sol, les jambes croisées, il s’appuya d’une de ses mains sales sur le canapé, ne s’inquiétant pas de frôler la jambe nue d’Aya. Il la regarda du coin de l’œil, un air mutin étrange sur son visage, qui bordait ses lèvres. Il n’y avait aucune trace de colère, de culpabilité, de rage. Tout avait disparu dans cette ellipse de soin. Un service pour un service, n’est-pas ? Ce n’était plus qu’un calme serein, une trace de sérieux qu’on ne lui connaissait pas. Et toujours cette même force dans ce regard Opalin, narguant presque ces orbes de ténèbres l’avalant en entier. Le goudron de sa vie qui capturait toutes les saveurs, les rendant trop fade, insipides aventures. Il se rapprocha un peu, par son attitude conviait involontairement Aya au silence. Juste le plaisir des retrouvailles. Ne pas en faire une hyperbole. Ne pas en un faire un euphémisme. Accueillir ce moment d’intimité à deux comme il se présentait. Simplement.

Sa tête se posa sur le ventre de la nippone, toujours couchée. Il se moqua de son gène apparent, en un mince sourire, scrutant de ses iris ce qu’il découvrait, suite à l’écoulement des secondes, de nouveau chez Aya. Ce n’était pas un jeu. Non. Ce n’était pas un défi. Non. Ce n’était que l’éclipse de leur vie. Dans un moment perdu par la Fatalité. Vivre cet instant comme si c’était le premier. Vive cet instant, comme si c’était le dernier.

Elle voulut parler. Il la coupa.

« Tu sais, tu m’as vraiment fait peur sur ce coup là. A l’avenir, si tu pouvais être un peu plus prudente, ça me ferait plaisir tu sais… »

Il se redressa à nouveau, se rapprocha encore une fois. Il s’appuya à nouveau sur son coude, le déposant juste à côté de l’épaule d’Aya. Son souffle frôlait la gorge de l’asiatique, il la détailla une demi-seconde, habitué aux traits de son visage, à la courbe de son menton, à ses yeux en amande. Toujours ce sourire sur le bord des lèvres. Deux secondes s’écoulèrent, toujours sa respiration guidant le rythme de la pièce. Doki. Doki. Il sourit de plus belle, le bruit du cœur d’Aya parvenant au plus profond de son être, en un résonnement enchanteur. Doki. Doki.

« Non. Jamais. » Ses iris incandescentes glissèrent vers des Tourmalines trop connues. « Jamais je ne te laisserai tomber Aya. Même pas une seconde. »

Ses mots vibrèrent dans l’air. C’était dit. L’accomplissement de leur histoire. Cette promesse, elle s’inscrivait dans sa chair, dans ses muscles, ses organes, ses os, son sang, sa moelle. Elle signait l’apogée de leur parcourt, tournant de leur épopée. Et Leo se pencha. Et il l’embrassa.



« Je t'appartiens. »
Leo.


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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeMer 1 Juin - 18:14

Vivre et mourir dans tes yeux
Ne faire plus qu’un avec eux.
Te gouter du regard, étoilé
T’apprendre, et t’aimer.


    Juste un silence, un échange muet, une observation mutuelle de l'Autre.

    Pas de mots.
    Ils auraient été inutiles, auraient écorché, fané de leur présence les sentiments qui flottaient dans ces opalines diamantées qui me fixaient. M'entouraient d'une douce chaleur. Me montraient plus que n'importe quel geste esquissé. Me brulaient de cette présence immuable à mes cotés, devenue naturelle. Burning in the skies.
    Ces iris bleutées dans lesquelles je me perdais inexorablement, irrémédiablement, sans résistance aucune, où l'essence et la méfiance du Cerbère s'effilochaient. Ce regard d'où perlait une certitude éclatante malgré les doutes qui l'habitaient. Oui, il y avait des risques, des coups durs à encaisser, des erreurs qui pouvaient s'avérer fatales et toujours, la douleur. Et pourtant, c'était des risques à prendre, s'y jeter de tout son être pour ne devenir que le réceptacle d'un désir qui nous dépassait, nous possédait tout entier. Un choix, le sacrifice de quelque chose, même infime, en retour.
    Et ce choix, Leo l'avait fait pour moi. Pour me protéger. Pour devenir ce bouclier humain face à une main qui fusait, mue par un seul souhait : me prendre à la gorge et faire en sorte de m’étouffer dans mon propre sang. Il aurait pu s'écarter, laisser cette sorcière aux cheveux de feu se saisir de l’étincelle vacillante de mon existence pour la taillader à coups de serres. Mais non, toujours à jouer le preux chevalier.
    Et encaisser, une partie seulement.

    « Si. Il y en a un. Et tu lui tiens justement la main. »

    La réalité de ses paroles s'enfonçait dans mon armure de sarcasmes et de colère, comme dans du beurre. Doucement, elle se creusait et s'accrochait aux pans de mon cœur en charpie. Le mince sourire de Nova les y aidait, aussi surement qu'un coup de marteau sur un pieu sur de la terre meuble. Voilà, elle avait craché le venin qui goutait sur le bout de sa langue, et encore, c'était surement loin de ce qu'elle aurait voulu. Elle allait être déçue.
    Pas un mot.
    Juste un rire qui filtrait au travers de mes lèvres, acide, au gout amer de fatalité et de tristesse.
    Oui, elle avait raison. Seule, j'étais constamment seule, dans cette noirceur qui me caractérisait, lame noire au bord des yeux, au bord de l'âme. J'étais ce chien sauvage qui montrait les crocs au moindre signe. De la solitude et de sentiments, de rires mordants, débordants de fiel sous le regard carmin d'une étoile; mon monde n'était constitué que de ça, et de rien.
    Nothing but you. Rien si ce n'est toi. Toi qui provoque ce sentiment si fort qu'il en est douloureux, si fou qu'il étreint mon âme dans une danse chatoyante de flammes. Les autres transitaient sans pour autant s'approcher de trop près, m'utilisant à leurs aises. Une arme aux yeux de ténèbres. Mais pas lui. Sauf lui. Une seule personne assez folle pour vouloir se fondre dans mon ombre, suffisamment cinglée pour m'approcher et en essuyer coute que coute les douloureuses conséquences.
    Leo.
    Leo qui enserrait mes doigts à m'en briser les phalanges, comme s'il sentait inconsciemment que ma présence intérieure s’effritait, s'estompait à son contact. Un pressentiment qui s'avéra exact quand les lianes de nos doigts se rompirent. C'était comme sentir un souffle glacial sur sa nuque en plein désert. Une déchirure ténue mais qui ouvrait la porte aux démons avides de douleur.
    Un pas en avant et une chute rapide, soudaine, d'un corps qui lâche, plus aucun fil ne le maintenant debout. Plus qu'une marionnette presque désarticulée dont le souffle s'était coupé sous la violence du choc d'une jambe sur le sol. Dont la conscience s'assombrissait, se raccrochant désespérément à cette chaleur qui la maintenait dans ses bras. Ce parfum, fruité, épicé, fugace souvenir d'une même nuit, synonyme d'une présence. Encore là. Un mince espoir de Toujours ...
    La douleur, plus vivace que jamais, assombrissait ma conscience, rendant ma vigilance, ma raison inerte. Une mer de souffrance qui avait emporté le maigre château de carte et de sable qui me protégeait. Elle reprenait ses droits, redevenait maitresse en ces lieux qui lui appartenait désormais. J'étais perdue dans un esprit vidé de toute sensibilité à force de la ressentir, suffocant sous les sensations, comme si quelque de sauvage y avait élu domicile avant de le laisser abandonner dans un immense fracas.

    La vision floutée par une volonté qui haletait de souffrance, je n'arrivais à percevoir que ce contact rassurant et cette voix. Avant de sombrer. Ses éclats purs, durs comme une lame d'acier trempée dans de l'acide. Les mots m'échappaient mais la rancœur et la colère profonde qui y grondait me saisissaient. La part noire, la face sombre d'un cœur en fureur. Était-ce Leo ? Frôlais-je l'éclat tranchant, abrupt d'une vérité enroulé dans un nom et un masque aux couleurs héroïques ?
    Mes pensées dérivaient, questionnaient en vain.
    Et puis vint le noir.

    Cette couleur sombre, absorbant toute autre teinte d'une main de fer. Ma vision s'était obscurcie jusqu'à ne laisser rien d'autre que des paupières closes sur une réalité qui s'oubliait à mon esprit. Tout avait disparu. Les sensations, comme la douleur, les efforts. Tout, juste un vide infini où mes ongles ne pouvaient se raccrocher à rien. Fini. Stop. Inconscience. On éteignait la lumière, laissant l'enveloppe à l'abandon, l'esprit se perdre dans une angoisse diffuse et tomber encore et encore au plus profond. Reclus tout au fond de ce labyrinthe de Pan que l'on avait écrasé, égratigné.

      Un bruissement familier. Une brise fraiche qui semblait jouer avec mes mèches de jais. Et le craquement de mes pas sur la neige, tombée du matin, pure, pas encore foulée par une multitude de vies. Un terrain vague aux couleurs d'un hiver qui tissait peu à peu l'esquisse de son propre tableau. Rien que ce blanc éclatant, qui m'agressait les pupilles et au milieu, une petite silhouette accroupie, une écharpe d'un rouge vif autour du cou, une légère fumée filtrant de sa bouche. Sentiment de reconnaissance étrange, et la tentation brulante, de l'approcher.
      Deux paires de prunelles se croisèrent pour se mélanger l'espace d'un instant. Quatre billes d'obsidienne identiques. Des traces d'encre aux pinceaux sur une toile immaculée. Moi. Elle. Encore moi... La gamine me regarda étrangement, avant de se perdre dans un paysage invisible. Je connaissais les expressions de son visage par cœur, les mimiques de ses lèvres à peine visibles et cette lueur mordante, revancharde dans ses yeux aux couleurs des ténèbres. Un drôle de sourire naquit sur son visage tandis qu'un frisson me déchirait l'échine.
      " Qu'est-ce que tu fous ici ? Il t’attend. Il t'appelle. "



    Combien de temps ? Des secondes, des heures ?
    Combien de temps mon esprit s'était-il enfui pour se retrouver dans cet ailleurs dont le souvenir faible s'estompait au prix d'une lumière trop vive ? Je plissai les yeux, aveuglée par le néon pale de la pièce, et détourna la tête pour me retrouver devant une paire de prunelles chocolat qui me fixaient, tranquille, avec un sourire. Qui ?
    Fronçant imperceptiblement le nez, je voulus tenter de me relever, reprendre des repères dans un univers à la fois étranger mais connu. Les mêmes senteurs de bois verni, d'une vague odeur de cuisine aussi, et celle plus prononcé du sang et du désinfectant. Sa main m'en empêcha, déclenchant la colère sombre de mon regard. Qui c'était cette crevette qui se permettait de me dire quoi faire ou non ? Un regard de noisette au début de l'hiver, une chevelure brune attachée dans un chignon sommaire, quelques mèches rebelles qui cascadaient dans son cou et toujours cet air intriguant de sérénité sur son visage enfantin. Elle ne devait pas dépasser les 12 ans et pourtant quelque chose dans ces prunelles clamait le contraire. Étrange. Mon regard suivit silencieusement la direction que la gamine indiquait, toujours ce sourire aux lèvres, comme si elle savait quelque chose que tout le monde ignorait autour d'elle, détentrice d'un savoir secret.

    Leo.
    Sa silhouette se dessinait sous la clarté de la pièce mal éclairée. Accroupi, concentré de manière à ce que rien ne vienne perturber l'attention avec laquelle il pansait cette blessure, réduite à une tache rouge sur du coton. J'observais en silence le tressaillement de sa mâchoire sous la concentration, les traces de sang sur ses mains, le pli de sa bouche, éclairés de l'aura bleutée de son pouvoir. Étincelle précieuse aux couleurs de ses yeux. Un soulagement se glissait dans mon cœur à la constatation qu'il était toujours là, présence adjacente, discrète à la mienne. Les prémices d'une sensation de sécurité que la gamine brisa en quelques mots.

    « Et Maintenant que plus rien ne te relie à ton passé, que feras-tu, que deviendras-tu? »

    Un miroir jeté au sol violemment par une main enfantine, l'illusion éclata et mon corps tout entier se crispa, répondant à ce frisson plus violent que le précédent me secouant. Le Cerbère était furieux, en colère, rugissait contre cette intrusion involontaire dans son antre. Qu'importe. Qu'importe son âge, son innocence, elle avait bafoué les barrières de mon esprit, s'en jouant encore sans avoir aucun contrôle. Mes prunelles d'encre la transpercèrent, coupantes comme les lames cachées dans les poches intérieures de mon manteau. Comme si une claque mentale retentissait dans un silence assourdissant. La gamine recula sous l'assaut furieux et mécontent de mon regard, ses pommettes se teintant d'une lueur rosée, ses yeux baissés dans une excuse muette. Un soupir s'échappa de mes lèvres crispées...Sans même la voir, je pouvais sentir les joues rouges de honte de la jeune fille, son sourire toujours présent, concentrée à me soigner, en rajoutant sans pour autant en être responsable à la frustration qui palpitaient dans mon cœur. Sa question avait provoqué un soubresaut dans ma respiration redevenue moins sporadique et les mots jetés au vent, comme s'il s'agissait d'un parfum de glace, s'étaient gravés en moi. Doucement. Insidieusement.

    C'était faux. Comme si on pouvait effacer tout ce qui se raccrochait à mon passé en soufflant sur l'existence d'Hanako. Les chaines qui me retenaient à elle, et à son père étaient plus solides et plus dures que la douleur d'une perte. Ils m’avaient forgée, formée, éduquée. L'un par ses regards sans concession, l'autre par une absence et une présence invisible, regrettée. Les Murazaki étaient un des piliers de mon existence de sang, accrochés dans ma chair, mon esprit. Le vieux avait fait glisser la lame acérée que j'étais dans un fourreau aux ornements travaillés. Il avait dressé le Cerbère à se cacher, à se fondre dans la masse pour mieux frapper, mieux happer sa proie, donner à mon existence un but éphémère, une importance. L'illusion d'une famille et de l'affection aussi, sous le couvert de son regard d'acier. Comment l'oublier ?
    C'était vrai. Ma venue en Italie, à part l'envie de Sky de se foutre dans les emmerdes, avait été provoquée par cette recherche incessante d'une jeune femme répondant au doux nom d'Hanako. Maintenant, et bien ... Il n'y avait plus rien. Plus rien qu'un remords qui m'assaillait et une rage à contenir d'avoir échoué. Plus que cela à s'accrocher. Border son regard de noir pour masquer la souffrance d'un regard vide. Et se raccrocher au rire d'un héros en collant vert, à ce rire cascadant les murs pour s'éteindre dans l'étincelle d'un regard complice.
    Il n'y avait pas de raison. Rien. Je ne savais pas, je n'avais pas envie de savoir réellement, fermant les yeux pour effacer d'une pichenette mentale tout ceci. Y reléguer au second plan, dans les tréfonds d'une âme qui se perdait déjà.

    L'obscurité projetait l'ombre de Leo, plus proche encore, assis en tailleur à la hauteur de mon bassin. La gamine, elle, comme tous les autres, s'étaient éclipsés je ne savais où, dans les coulisses d'un théâtre dont nous étions les seuls acteurs. Une pièce toute en douceur et en regards, découvrant l'autre, le couvrant d'un regard taquin ou curieux, inquisiteur dans une vision de l'Autre différente. Comme si une légère tension électrique planait entre nous, attirante, provocante.
    Je suivais le chemin de son regard sur mon être comme on surveillerait un curieux, attentive, accrochant son regard pour m'y noyer, le reconnaître, s'y perdre et le happer à mon tour. Une danse d'ombres et de ciel. Seules nos respirations pulsaient dans le silence, presque irréel d'un moment hors du temps. Hors de ces banalités que l'on se lançait à la gueule constamment, ces habitudes qui s'étaient peu à peu installées entre nous, tissant dans notre inconscience les premiers fils d'un lien tangible, ces répliques, ces regards en coin, taquins, provocateurs jusqu'au sang.

    Un mouvement. Et cette chaleur sur mon abdomen, ce contact nouveau sur mon ventre, sans pourtant peser de tout son poids. Leo avait posé sa tête sur moi, naturellement, souriant face à ma respiration coupée sous la gêne et la légère crispation de mon corps. Geste affectif qui m'était étranger, ne sachant trop comment réagir si ce n'est s'empêcher de tortiller ses mèches de cheveux entre mes doigts fin par réflexe.
    J'ouvris la bouche, ne serait-ce que pour le remercier pour ma jambe et pour l'abri, même temporaire, m'excuser auprès de la gamine, lui apprendre à faire des milliers de cocotte en papier, bien qu'elle paraisse déjà bien sage.
    Et d'autres questions qui pleuvaient à propos de cet endroit mais la voix de Leo trancha le silence avant qu'un seul mot ne filtre entre mes lèvres.

    « Tu sais, tu m’as vraiment fait peur sur ce coup là. A l’avenir, si tu pouvais être un peu plus prudente, ça me ferait plaisir tu sais… »

    La sincérité qui transparaissait dans ses paroles et dans ces opalines qui me fixaient me troublaient. Je penchai la tête de coté en un sourire timide, et un léger rire s'échappa. Il avait beau être le plus sérieux du monde ... Leo savait parfaitement que la prudence et moi, et bien, on ne s'entendait pas très bien, se liant à de rares moments seulement. La plupart du temps, je l'oubliais purement et simplement ou la reléguait au second plan, fonçant dans le tas avec un calme assassin.
    "L'avenir" hein ?
    Quel avenir ? Se moquait-il de moi ou était-ce une promesse tacite de sa présence à mes côtés, suivant mes pas, pour encore un moment ?
    Il s'était redressé, son équilibre marqué par un coude posé, frôlant mon épaule. Trop près, beaucoup près. Son souffle caressait la courbe de mon cou pour venir se loger tout près de mon visage. Captivée, une légère lueur rosée qui apparaissait à mon grand dam sur mes joues, happée, j'observais, suivais la danse de ses iris, fixant sur mes rétines les traits de son visage, geste miroir de ses fouilles minutieuses. Observer, écouter de ce silence qui m'était familier, coutumier. Noter la courbe carrée de sa mâchoire, la fine cicatrice, la volonté du menton et revenir se perdre dans des lagons au travers de fines mèches de cheveux chocolat.

    « Non. Jamais. »

    Interrogation.

    « Jamais je ne te laisserai tomber Aya. Même pas une seconde. »

    Cette fois, le souffle me manquait, le regard troublé, confus, désemparé par cette réponse à une question qui miroitait au fond de moi, sans jamais franchir la barrière de mes lèvres. Lui, il l'avait franchit. D'une douceur infinie, il esquissa un geste et avant que j’aie pu faire le moindre mouvement, posa ses lèvres sur les miennes. Un pacte, mais plus que l'illusion d'un contact. Une promesse silencieuse, emprunte de douceur et d'espoir.
    A laquelle je faillis croire.
    Je m'étais laissée aller, entrouvrant les lèvres pour y répondre, happant à mon tour celles de Leo, m'y perdant délicieusement, avant de le repousser d'un geste brusque, valser contre le poste de télévision, l'amenant à rompre la promiscuité de l'instant.

    "NON Leo ! "

    Un cri qui déchira le silence.
    Réponse, réaction instinctif d'un doute qui s'insinuait en moi comme un poison se répandant partout. Au fond de moi, je savais que ce baiser refermait bien des choses, qu'il y avait plus qu'une simple envie physique mais à cette impression nuageuse se disputait une expérience froide et douloureuse. Plus que de la peur, de la gêne profonde, de la panique c'était une terreur qui brulait mes prunelles.
    Des baisers empressés, délicats puis sans douceur aucune, et leurs mains, leurs doigts parcourant, pétrissant mon corps sans éveiller la moindre véritable émotion, et se forcer, pour leur livrer dans un soupir juste un semblant de satisfaction. Des baisers à vous en écorcher les lèvres, revendicateurs, incisifs, pour m'emmener me perdre dans des draps de soie, le temps unique d'une nuit. Le crime d'une nuit. D'une nuit à répétition.
    Instants incapables de s’effacer, de se fondre dans les tréfonds obscurs de ma mémoire, qui ressortaient sournoisement pour se rappeler à moi, comme une voix murmurée, une mise en garde guidée par des nuits répétées. Fermer les paupières ne servait à rien, futiles barrières face à quelque chose d'intangible, hantée.

    " Désolée, je ... Je ... "

    Je m'étais redressée légèrement, la douleur, le regret se mêlant à la panique de mon regard. Je ne savais pas l'expliquer, le faire vivre à voix haute. Le rendre encore plus réel que cela l'avait été. Je ne comprenais pas, je ne comprenais plus. Était-ce cela que Leo attendait de moi ? Que je lui cède, comme dans un jeu, qu'il effeuille le reste de mes vêtements.
    Je ne voulais pas le croire, tendant inconsciemment les bras vers lui, dans un geste infime d'excuse. Restes. j'essayais de me conforter dans ce que je savais de lui. Sa droiture à toute épreuve, rendant absurde toute pensée malsaine, ses sourires et sa confiance donnée sans hésitation. Et cette promesse à travers des mots et un regard. Ce n'était pas possible. Pas Leo.
    Et pourtant, fissurant tout ça, il y avait une terreur, une peur irraisonnée. De la peur, de la peur et des doutes qui engendrait une pulsion, une réaction violente. Qui réveillait l'instinct du Cerbère.
    Il fallait que je me calme, que je reprenne cette vacillante confiance en lui, que je reprennes ce contrôle si précieux en une inspiration puis deux. Ouvrir de nouveau les paupières pour le fixer, réprimer un frisson, cette envie de fuite et de s'engouffrer dans ses bras, vouloir se mouvoir, redresser sa position et sentir les chairs tirer sous la brusquerie du mouvement.

    Détourner le regard, encore plus gênée. De cette réaction et de la suivante. De ce rejet et de cette demande de rester tout de même. De cette ambiguïté, ambivalence d'un esprit qui n'a jamais appris à faire. A réagir à cela.
    Les yeux baissés sur les taches sombres du canapé, du sang - on est quittes maintenant - j'emprisonnai ses doigts dans mes mains dans une prière muette d'un pardon.

    " Qui était la gamine tout à l'heure ? On est où ... ? "

    Ma voix se voulait forte, mais déraillait par moment. Vouloir être forte, tenir tête à ses propres désirs. Détourner le regard, autant que la conversation pour éviter de devoir expliquer. Cacher les larmes silencieuses, intérieures, face à un moment magique brisé.

    Des pôles qui s'attirent irrémédiablement et se repoussent au son de la mélodie de leur souffle, voilà ce que nous étions. Toujours.
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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeLun 13 Juin - 18:07

« Tes doigts reposent sur mon corps en une empreinte acide, corrosive. Mon cœur se crampe. Je te regarde me fuir, courir à l’opposé de mon ombre se projetant sur ta silhouette blessée. »
Blue.

C’était une épreinte nacrée. Se tatouant à la commissure de ses lèvres, inscription indélébile à la frontière de son être. En une cicatrice révélatrice. En une marque possessive. Brulure ardente. Fer rouge plaqué sur sa peau, crépitement d’une âme qui s’enflamme. C’était un feu de joie, un feu rituel, un feu de pyromane, un feu de colère, un feu de foudre, un feu de minuit. C’était un feu d’artifice, un feu follet, un feu sacré, un feu de fin. Et cramait tout en une empreinte cendrée, jeu de piste sur ses sensations édulcorée. Un frémissement irrita ses nerfs, friction électrique au plus profond de sa chair. Frisson. Griffant toute la profondeur de ses cellules, tremblement impulsif. Lui & Elle ? Elle & Lui ? Lui ou Elle ? Elle ou Lui ? Qu’importe. Le temps où tout s’égrenait en un limpide vecteur. Tout droit vers un futur massacrant. Sceau oblique barrant son visage. Promesse en retour. Je te tiens.

Ce n’était pas des petits papillons qui flottaient dans son estomac. Ce n’était pas des petits nuages qui le portaient dans le ciel. Ce n’était pas des battements de cœur incessants et assourdissants. Ce n’était pas la révélation de sa vie. Ce n’était pas l’étirement en une faille temporelle infinie. Ce n’était pas des petits poneys galopant sur des arc-en-ciel, ni des double rainbow. Ce n’était pas un Vithon avec des fleurs dans ses cheveux mode Rapunzel. C’était une suite logique, inscrite dans le cours du temps, dans sa course folle pour rattraper sa propre forme. Une douceur infinie, perdue dans un océan de remords et de tristesse. Une clé de sol dans le malstrom de Wagner. Un éclat de lumière perdu dans l’obscurité de son regard.

Un mouvement d’une délicatesse bancale que Leo ne connaissait pas de la part de la nippone. Un appel inconnu. Qui ne l’inquiéta pas. Ce fut une euphorie brumeuse qui s’empara de ses sens, réaction sulfureuse à la limite de son épiderme. Il sourit. Et la Fatalité reprit sa course mortelle, signant d’un rire morose la fin de ce moment égaré de son attention. Elle dévasta tout sur son passage. De la première seconde de leur vie perdue, jusqu’à l’acmé de leur rencontre. Tout détruire. Icare s’était brulé les ailes. Leo, lui, s’était brulé les lèvres. Aya le projeta en arrière. Sans vraiment trop de force, mais ce fut suffisant pour briser l’équilibre dans lequel s’était positionné le lion. Entre ce que lui dictait sa raison et sa folie. Entre ce que lui susurrait son courage et sa couardise. Entre le canapé et la télé. Son corps heurta l’appareil, coupant le début du souffle qu’il avait capturé. Il expulsa l’air, dégonfla son regard qui s’écrasa sur le tapis de la salle de séjour.

« NON LEO ! »

La tête toujours penchée vers le sol, il finit par relevé les yeux alors qu’il se grattait l’arrière du crâne. Leo possédait une force qu’il était difficile à décrire. Quand quelque chose lui tombait dessus, il continuait d’avancer, faisant fi de tous les sarcasmes que lui adressait la vie, les balayant de son aura sereine, un peu comme son rire qui déchirait la nuit et les ennuis. Il fut parfaitement normal, dans la logique du Bouffon, de le voir avec un faible sourire couvrant les prémices de ses lèvres. Parce que même s’il avait fait le premier pas de cette marche, qui marquait le tournant définitif de ce que les deux pactisants avaient partagés, le regret n’apparaissait sur aucun trait de son visage. C’était plutôt de l’amusement paisible qu’on lui connaissait si bien. Parce que Leo, dans n’importe quelle situation restait Leo. Un idiot au regard fort.

Et il en croisa un autre. Blessé. Troublé. Ses iris bleus descellèrent un sentiment plus profond, comme une intuition malsaine parcourant les veines d’Aya. Leo s’était appuyé sur ses genoux pour se relever. Quand il croisa l’ébène le pourfendant de sa noirceur, il manqua son geste, retomba aussi tôt sur ses fesses. Ces yeux. Ses yeux. Un coup de revolver. C’était ça. A bout portant. Pointé sur le milieu de sa poitrine, juste là, entre les deux poumons. Déchirant le silence en une détonation morbide. Perçant Leo de couche en couche, trouant la plus fine parcelle de peau, s’immisçant en une douleur, poison dans les recoins de l’être, cherchant, se faufilant jusqu’aux liens tissés avec cette silhouette trop sombre pour sa lueur. Des liens puissants, qui luisaient de cette lueur fragile, transcendant toutes les connaissances de Leo, tout son savoir, tout son passé. Leo avait oublié son expérience. Tous les clichés de l’épouvante de la vie qui marquait son histoire d’épisodes hasardeux. Il avait effacé les doutes, les soucis qui s’énoncèrent d’eux-mêmes. Les chemins balisés qu’il s’était créé de toute pièce, il les avait franchis, se baladant dans une aventure marquée par la signature de la détresse. Leo n’avait pas peur. Leo était un fou.

Et ce regard, empli de désespoir, comme si Leo était l’émissaire de cette terreur frappant le corps d’Aya, en un repli infime, dans ces pâles tremblements, qu’il aurait voulu mettre sur le coup de la fatigue. Une blessure à ciel ouvert. Qui fait mal. Qui brûle, comme l’acide de sa tristesse dans ses rétines. Il eut un rire amusé, amer. Sa main frotta le coin de son œil droit. Il ne comprenait pas tout ce dégout qui lui était destiné. Aya se releva. Il aurait voulu en faire de même, s’extraire de cette position de soumission, pour l’aider. Oui, il aurait voulu. Et il y avait cette force invisible, horreur insipide le clouant au sol.

Il appuya sa tête sur l’écran froid de la télévision éteinte. Vas. Fuis Leo. Tu n’as pas ta place ici. Ne vois-tu pas cette détresse qu’elle t’offre ? Tu n’es plus le bienvenu. Il était vide. Vide de toute cette force, de toute cette certitude. Le Monde avait frappé de son horreur caractéristique. Maintenant, c’était au tour de Leo de trinquer, de jouer au désabusé. Le fil rouge reliant son âme à celle d’Aya s’effritait en un frémissement terne, brisant en une morne mélodie ce qui avait été leur histoire. La pulsation de son attache au Cerbère vibrait trop fort, à la limite de la fissure. Les doigts de pieds qui se baladent dans le vide, en attendant la chute. Der Untergang. La mort d’un soleil derrière un horizon trop lointain. Et cette voix malsaine, lui racontant la perte de ses repères. Leo s’attendait à être rejeté. Il l’aurait parié. Mais il aurait voulu prévoir. Oui, seulement anticiper les illusions de cette soirée, de cette aversion que déversaient les orbes de ténèbres le regardant d’une souffrance plus profonde qu’il n’aurait peut-être pu le comprendre, le saisir.

Un élan de noirceur. En un mouvement, qui capturait toutes les certitudes du pactisant, les enfermant dans une cage. Les bleus, causés par sa rencontre violente avec le poste de télévision, disparaîtraient. La fatigue accumulée s’en irait. La tension entre lui et Nova s’effacerait. La blessure de cette nuit le creuserait davantage, les berçant dans une réalité plus maussade que celles qu’il connaissait. Et il s’écarterait lentement, discrètement. Comme l’été qui laissait la place à l’hiver en un long processus. Non ! Un éclair lui traversa le cerveau, ralentissant tout son environnement, le plongeant dans une succession rapide de réflexions. Des entrelacs de mémoire se mélangeant, partageaient tous la même finalité.

« Tu la laisseras tomber ? »
« Je te l’ai déjà dit je crois. Jamais. Je deviendrai plus fort. »

« On est d’accord, tu ne fais rien de stupide, pas même pour cette blonde. »
« Elle est pas blonde. »

« Tiens, t’as l’air différent. T’es plus stupide que d’habitude… »
« Désolée, je…Je… »

Aya. En une douce caresse à la frontière de ses lèvres, un morceau de soleil baignant tout son être de lumière, aveuglante et rassurante. Etonné, il sentit le contacte de la peau froide sur la sienne. Cru sentir. L’appel de la chair, résonnait au fond de son corps en une intuition rassurante. Son sourire vint briser l’écran sombre sur lequel il s’était projeté. Volontairement. Ne l’avait-il pas dit ? Dit et redit ? Le répétant en une prière étrange, des jours durant, en une sensation dérangeant en son sein. Ce n’était pas un pacte qu’il avait signé avec la nippone. Ce n’était pas des promesses d’un avenir meilleur, de fleurs et de petits Vithons galopant dans tous les sens. Ce n’était même pas l’assurance de revoir la japonaise le lendemain, avec cette même mimique qu’il plaquerait sur son visage, en tentant de lui voler un baiser d’une quelconque manière.

Et s’en fut trop. Et s’en fut pas assez. Leo prit rapidement appuie sur ses genoux, se redressant, quittant la position parfaitement affalée qu’il avait adopté. La Vérité lui éclata aux yeux, finissant de supprimer toutes les craintes qui mordillaient encore son esprit. Ca n’avait été que ça. Tout le temps. Attraction et répulsion, en un jeu de Gravité défaillante. Je t’aime, je t’adore, je te tue. Et tu pousses ton dernier soupir en un râle ravis. Parce que tu n’attendais que ça, que je te dégomme de mon regard trop sombre pour tes espoirs. Leo adorait ça, même s’il se perdait parfois dans les règles de ce jeu muet. Mais il l’avait dit, n’est-pas ?

« Jamais je ne te laisserai tomber. »
Ses doigts se refermèrent sur ceux plus fin de son antinomie, réchauffant cette poigne d’une étreinte rassurante. Ce qu’il avait prononcé à ce moment-là, le choix qu’il avait pris, les sentiments qu’il avait acceptés, ils s’étaient cristallisés en une chaine solide, le reliant sans consentement à la sombre silhouette du Cerbère. Un choix. C’est bon Aya. Je suis là. Je ne partirais pas. Tu m’as demandé de rester, je suis là. Un mince fil de bonheur happa son visage, retint un rire mutin. Il ne pouvait se permettre de briser un peu plus la réalité de la nippone qui s’effritait morceau par morceau. Il se contenta de la dévisager, de ses rétines luisant dans la pâle lueur de la pièce. La pourfendre de ces étincelles de pure malice, qui jouaient avec la force de son être. Leo s’amusa du gène apparent de la noiraude. Mais comprit, encore. Ce n’était qu’un écho de ce qu’elle avait ressenti. Il balayerait tout ça.

« Qui était la gamine tout à l’heure ? On est où … ? »

Il s’agenouilla, pour être à sa hauteur, chercher ses yeux cachés entre ses mèches, décelé le teint rosé de ses joues. Toujours ces doigts entre les siens, dans ce lien infaillible, en une chaleur apaisante, rendant le cœur du petit lion un peu plus euphorique. Du bout des doigts, il toucha le bas du menton de la nippone, invitant Aya à le regarder. Ses orbes noirs glissèrent sur le côté, évitant le contact visuel. Un claquement de langue agacée plus tard, il se pencha un peu sur la droite, croisant le goudron de son regard. Il découvrit un nouveau jour, un nouvel être.

Une Aya à la fragilité presque indécente. Le feulement d’un Cerbère indigné, pointant son regard de fer sur la peau du lion. Les épaules voutées, une main qui s’agrippait à la sienne tandis que l’autre se repliait nerveusement sur elle-même. La blancheur de son corps bandé, souillé par les traces de sang trop récurrentes. La gêne de son visage, qui fit sourire Leo un peu plus. Ses cheveux en bataille retombant à l’unisson sur son front, et le début de ses cils. Le pansement jaune Winnie l’Ourson cachant une blessure sur le début de sa pommette. Et tous ces sentiments qui s’échappaient de ces tourmalines, comme le coffret d’un trésor détruit, offrant à la vue de tous Aya dans sa totalité.

Trouble. Frustration. Colère. Timidité. Envie. Crainte. De l’horreur aussi. Et de la fragilité. Union tout en beauté, en décadence folle, qui pourtant correspondait si bien à la nippone. Un mélange hétérogène aux contours sombres, dans lequel Leo ne manqua pas de se plonger. Une Attraction. Trop forte. Trop puissante. Cette image d’une Aya qu’il n’espérait voir que pour lui. La garder en enfant égoïste qu’il se savait être. Jalousie. Et ce sentiment trop chaud qui régnait au centre de sa poitrine. Dire qu’elle ressemblait à un oisillon ou un bébé chat aurait été une insulte. A ce moment, elle n’était que l’idéologie, le paroxysme des erreurs de la vie, que cette dernière essayait d’effacer. Aya se dressait face à elle, en une survivante brisée. L’ouverture de son coeur sur la cruauté du monde.

Et s’en fut trop. Et s’en fut pas assez. Ses doigts emprisonnés dans les siens, il se releva vite. S’approcha vite. C’était un réflexe inné. Désire timide trop souvent refoulé qui reprenait le dessus. Dans l’élan de ce corps qu’il ne contrôlait presque plus. Alchimie de ses sens. Ses lèvres rencontrèrent celles d’une asiatique. Rencontre fugace au grésillement symbolique que deux âmes. Aussi rapidement, il recula, captant une dernière bouffée de l’arôme de menthe. Reculer, juste assez pour sentir encore le souffle troublé de la nippone heurter la base de sa joue. Et plonger ses lagons dans le goudron brulant. Dans un espace où les secondes se firent discrètes. En un moment où Leo n’osa pas reprendre son souffle, la respiration callé dans ses poumons. Il lui offrit un sourire.

« Oups. Ça m’a échappé. /vlan/ »

Sa tête pivota un peu sur le coup. Un picotement narquois vint titiller la limite de sa peau, alors qu’une marque rouge prenait déjà possession de son derme. Le pauvre ne put retenir un faible rire, alors qu’il lâchait la main de la japonaise pour fuir ces yeux pleins de colères, ces quelques insultes qu’elle profana. Il contourna la table, se heurta sur le corps d’un précédent personnage, étrangement toujours en vie. Il baissa les yeux, rencontra deux orbes émeraudes pas très amicaux. Nova, le retour. Il s’écarta d’elle en un mouvement viscéral, craignant l’usage de son étoile. La tension grimpa à nouveau, emplissant l’air d’une aura malsaine. Elle soupira.

« T’inquiètes cocotte. Je te ferai aucun mal. De toute façon, vous allez bientôt partir. »

Dasha arriva à son tour, portant des vêtements entre ses petits bras. Elle dépassa les deux pactisants, rassurant Leo d’un mince sourire, l’invitant à se calmer. Elle s’approcha d’Aya, lui proposa de l’aide à s’habiller. Leo porta à moitié son attention sur la nippone, qui le détaillait toujours avec un regard mauvais. Il rigola mal à l’aise, alors que la rouquine le rappela à l’ordre par une tape sur l’épaule. Il la regarda du coin de l’œil, alors qu’il observait la plus jeune des filles. Nova s’installa sur un des fauteuils, choppa une cigarette qu’elle s’alluma d’une manière élégante. Si on ne la connaissait pas, on aurait caractérisé Nova comme une bourgeoise un peu trop agaçante. Les gens auraient eu raison à moitié.

«J’ai demandé à Delia de faire passer des infos dans tous les sens. Ruby s’en occupe aussi. Ils sont partis, ou en tout cas, ne vous courront plus après. » Leo s’était rapproché d’elle. « Orféo n’est pas content. »
« Quoi ? Non, mais… »
« Tais-toi le môme, sinon je lui raconte tout. En profondeur. » Ses yeux brillèrent d’une lueur mauvaise, le brun sembla se calmer. « Tu aurais dû faire plus attention. Je te rappelle que tu ne décides pas comme bon te semble des choix à prendre dans ce genre de situation. Ils auraient pu... Leo, tu m’écoutes ? »

Le principal concerné s’éloigna, évitant le remontage de bretelle inutile qu’il aurait subi. Nonchalamment, il se dirigea vers la cuisine où il s’empara d’une bouteille d’eau, faisant la sourde oreille à la renarde qui l’avait suivi, continuant de lui répéter des règles qu’il connaissait par cœur, hochant la tête distraitement. Il but quelques gorgées, s’approcha de la nippone qui était dos à lui. Il lui tendit le récipient. Lui intimant de boire au moins quelque chose, il se baissa, ramassa les chaines noires dans lesquelles il faillit prendre ses pieds. En un cliquetis métallique, ses doigts luisirent et l’épée se reforma d’elle-même, comme si elle n’avait jamais été que ça, qu’un sabre coupant les vies. Il l’observa un moment, le noir de sa lame aiguisée, le même acier sombre que sa maitresse. Une arme qui lui allait parfaitement en soi. Il échappa un soupir, se pinça l’arête du nez.

La fatigue attaqua sournoisement. En un frisson lui secouant l’échine. Il le retint, ne voulant le montrer à personne. Il avait aussi sa propre fierté, même s’il n’arrivait pas à la cheville d’une certaine asiatique. Il s’assit sur un des canapés, en profita pour refaire les lacets de ses converses abimées. Les doigts engourdis, il s’y reprit à deux fois, jurant dans sa tête, insultant son pauvre corps, son idiotie aussi. Ray n’était pas là et Leo le supposa trop loin, mettant ainsi le doigt sur la raison de cette fatigue, occultant la dernière fois où il avait passé une vraie nuit de sommeil. L’engourdissement de son pacte, en attente d’être satisfait par les closes d’un vieux contrat, qui n’avait plus vraiment d’importance de nos jours, mais qui continuait de paralyser Leo de temps en temps par des retours de flamme.

La tête toujours penchée sur ses chaussures, il sentit à peine les deux petites mains qui se posèrent sur ses cheveux. Il s’en voulu, de ne pas avoir remarqué la présence de Dasha plus vite. Mais qu’aurait-il pu faire pour cacher ce léger manque d’énergie ? Chanter la Traviata peut-être… La petite brune rigola en entendant cela, secoua la tête en ressentant ce que Leo s’apprêtait à dire, dans les arcades d’une discussion silencieusement.

« Merci, même si tu le sais déjà. C’est mieux de le dire à voix haute, non ? »

Elle sourit, reflet de cette même mimique qui bordait le visage du petit lion. Il voulut se relever, mais la faible prise de Dasha sur ses épaules l’en dissuada. Ses yeux bleus laissèrent passer une interrogation, alors que la jeune pactisante posa son front contre celui de Buffone. Les longues mèches chatouillèrent le nez du garçon, alors qu’une étrange sensation de tranquillité surgit de nulle part. Il bougea quelque peu la tête, la faiblesse s’atténuant. C’était une étrange symbiose, entre deux pactisants aux buts nettement différents, qui pourtant se rejoignaient. Leo aurait bien voulu être comme elle à son âge, ça lui aurait évité des ennuis qu’il ne pouvait s’empêcher d’attirer dans son adolescence et même après. Il y avait des casse-cous et des prudents. Ce n’était pas très compliqué de savoir dans quel domaine Leo exerçait.

« Ne t’inquiètes pas, tes épaules la porterons jusqu’à ta destination. Tu es fort petit Leo. »

Voix apaisante qui résonnait jusqu’au plus profond de son âme, marquant son esprit d’une certitude nouvelle, rassurante. Oui, il pourrait le faire. Dasha ne faisait que renforcer les convictions branlantes du brun, tout en s’emparant des doutes narguant son avenir de ses doigts chauds pour les détruire. Elle s’écarta de son nouvel ami, lui donnant une tape sur l’épaule, en signe d’encouragement. Leo rigola. Qui était le plus vieux d’entre les deux ?

Il passa une main dans ses cheveux, se redressa. S’étirant en arrière, il fit craquer son dos à deux reprises, tourna ses épaules dans différents sens. D’un pas serein, il se rendit face à Aya, lui adressant un sourire. Avait-il vraiment besoin de mots pour se faire comprendre ? Nous supposerons que non, puisque l’auteur a parfaitement la flemme de faire une nouvelle discussion entre nos deux pactisants chéris. Aya monta donc docilement sur le dos de Leo, qui sortit, en adressant un dernier au revoir aux habitants de l’appartement qu’ils avaient occupé, disons le franchement, sans demander l’avis des principaux concernés.

L’air frais les accueillis à la sortie du bâtiment, où Leo envisagea de descendre les escaliers de métal sans trop se casser la figure. Sentir le poids d’Aya sur ses épaules le rassurait un peu, preuve indéniable qu’ils avaient passé le moment le plus pénible de la nuit, bien que celle-ci commençait tout juste son ascension dans le ciel. Son corps contre le sien, veillant à ne pas faire de gestes brusques pour ne pas rouvrir les plaies tout juste pansées de l’asiatique. S’assurant qu’elle était bien installée, il leva un peu la tête, cherchant à se repérer avant de partir, direction l’appartement de la pactisante.

A peine eurent-ils commencé leur marche silencieuse, qu’une ombre se profila sur les murs de Milan. Si Aya se tendit sous l’inquiétude –imaginez, de nouveau une course poursuite avec le GDP, merci, mais ils avaient déjà donné- la tension dans le dos de Leo s’allégea, alors que l’animal s’approchait d’eux, sortant de l’obscurité des rues. Ray, en chair et en poils, s’approchait d’eux à une allure rapide, à la manière de ces border collie que l’on voit dans les pubs, la langue pendant sur le côté. Une fois à leur hauteur, le stella s’arrêta près d’eux, reniflant son maitre, la queue battant dans tous les sens. Il tourna par trois fois autour d’eux, où Leo faillit se prendre les pieds dans son chien, jura. Il finit par se calmer, s’asseyant près de son maitre.

« Je vois que quand c’est pas l’un, c’est l’autre qui passe à la boucherie. Chacun son tour, d’accord, mais faudrait arrêter ce jeu malsain, tu ne penses pas Aya ? » Le chien aboya avant de partir à rire. « Plus sérieusement. Je sais pas dans quelle merde vous vous êtes foutus les enfants, mais c’est pas joli à voir. Faudrait arrêter là. »

Leo ignora un peu les remarques stériles de son compagnon, reprenant sa route, légèrement impatient de finir cette balade, de se débarrasser de ses chaussures et de s’affaler dans n’importe quel lit. Ray lui barra la route de son corps de canin.

« A ta place, j’irais pas chez elle. Ils ont retrouvé son mignon appartement. Sky est en pétard. »

Leo faillit faire tomber Aya sous la surprise. A ce point ? La panique lui attrapa un moment le bras, le tirant dans des conclusions farfelues. Déjà les rouages de son cerveau cherchaient une solution, tandis que de nombreuses hypothèses se terminaient en dead-end. Agacé, il marmonna quelques pensées qui ne plurent pas au chien. Il intima à son partenaire de se traire, qui ne l’entendit pas de cette oreille. Il leva ses oreilles, l’air alerte, la voix un peu plus grave que d’habitude.

« Leo, tu ne vas tout de même pas faire ça… »

Le concerné posa ses yeux sur la tête de son compagnon, le dévisageant avec force alors que la pensée qui passait en boucle comme la conclusion de ses réflexions s’annonçaient en une révélation intéressante. Puisqu’il n’avait pas le choix. Batman l’avait bien fait pour sauver Rachelle du poison de l’Epouvantail, alors, pourquoi pas lui ? Il était plus que temps de faire la scission entre le rêve et la réalité. Le temps ne permettait plus à Leo de jouer ses jeux de justicier sans en affirmer les pleines conséquences. Un jour un oncle qui fit pleurer à de nombreuses reprises mon frère dit : « De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. » Le rapport ? Aucun. Leo devait, à présent, se confronter avec les choix difficiles qui découlaient de cette décision de suivre Aya partout. Coute que coute.

Il changea de direction, plus que certain de sa destination. Dasha avait raison, il porterait Aya là où était sa place. Et ça ne lui plairait pas. Oh que non. Un sourire se dessina sur son visage bien qu’il paraissait plus déterminé que jamais.

Dans la nuit, les bruits de pas résonnent. La respiration calme des passants se heurte au vide des rues. Le battement de leurs cœurs, à l’unisson, se perd dans l’infini de Milan. Tout se bouscule dans l’esprit de Leo, alors qu’une multitude de chiffre s’échappent d’entre ses lèvres, compensant un tribut qu’il n’avait pas fourni depuis longtemps.
Un cliquetis familier, une poignée qui s’abaisse. La lumière bleue à l’orée de ses doigts qui se fait clé de toutes les serrures. Il raffermit sa prise sur le corps de la nippone, alluma les lampes du couloir grâce aux pouvoirs fournit par ce cabot. L’animal passa en dernier, ferma la porte d’un coup de patte arrière. Sans détailler les photos de sa famille recouvrant les murs du couloir, il dépassa l’entrée fermée du salon, celle ouverte de la cuisine, où un frigo appelait le pactisant qui ne manquerait pas d’y faire un tour plus tard. Au fur et à mesure qu’il avançait dans la maison, les lumières s’allumaient ou s’éteignaient, bien qu’il n’eût pas réellement besoin de ces repères pour se diriger sans difficulté. Ici, c’était son territoire, son chez soi. Bienvenue dans mon antre. Mi casa es su casa.

Dernier étage. Une porte simple, où des lettres en bois datant de son enfance reposaient en trois petites lettres vertes. Leo. Des autocollants de superhéros et d’autres décorations infantiles. A nouveau, la lueur des étoiles l’aida à ouvrir la porte, qui se referma sur Aya et Leo sans un bruit. Ray se dépêcha de rejoindre son panier en osier, juste en dessous de la fenêtre. Il tourna dedans à plusieurs reprises avant de se coucher, gardant tout de même un œil sur les deux humains. Les craquements du parquet vieilli, quelques mètres, et il déposa le Cerbère sur le lit à draps bleus.

« Sois gentille, le salope pas hein ? J’ai d’autres matelas à bousiller si tu veux. »

Il adressa un sourire à la nippone, faisant fi de ses yeux noirs. En poussant un grand soupir, il s’affala à son tour sur le lit deux places, se laissant tomber comme une masse. Il avait plus vingt ans, et ça se voyait. Ou alors c’était dû à la fatigue qui reprenait ses droits. Il ne savait pas, n’avait pas la tête à débattre sur ce sujet. Il s’étira une nouvelle fois, chassant l’engourdissement de ses muscles ankylosés. Enlevant ses chaussures avec la seule aide de ses pieds, il arriva à les balancer dans un coin de la pièce, juste à côté d’une de ces grandes armoires remplies de livres et d’autres comics. Sa fierté, sa collection.

Son dos suffisamment relaxé, il se redressa en un seul mouvement, s’assis rapidement en tailleur. Sa chambre devait bien être un des rares endroits où il pouvait faire retomber sa vigilance. Sanctuaire de sa vie, le moindre trou dans la tapisserie, il le ressentait. La moindre fêlure dans le plancher, il la connaissait. Le moindre tremblement du mur, il le percevait. Comme une suite logique de Leo, une extension de son corps. Si la pièce pouvait parler, elle n’aurait pas assez de toute une vie de maison pour tous relater. Tout détailler de la vie de cette enfant qui réveillait l’aura endormie du bâtiment. Petit, il pleurait dans le coin près de la fenêtre, avait déposé le panier de son vrai chien au pied de son lit, cachait ses bonbons sous la troisième latte du plancher en partant de la droite, alors qu’aujourd’hui c’était de toutes autres choses qui recelaient là-dessous –mais nous y reviendrons plus tard. C’est là où se trouvait le pouf vert qu’il avait pleuré la mort de son animal de compagnie, là également que Ray lui était apparu la première fois, de nombreuses années en arrière. Sous les armoires trainait encore d’infimes particules des ampoules qu’il avait cassées lors de son entrainement intensif. Dans sa garde-robe, c’était sous ses chaussettes qu’il planquait les foulards qu’il appréciait tant, avant qu’il ne les dissimule dans un pan de mur creux. Et tant d’autres choses dont cette pièce avait été le témoin silencieux. D’un bout de l’existence de Leo. Existence cachée, qui aujourd’hui se révéleraient passivement aux yeux d’une étrangère que la chambre semblait déjà apprécier.

Leo se pencha sur son genou, se retrouvant à la hauteur de la nippone. Dans une proximité ni trop proche, ni trop lointaine, il la dévisagea une seconde, ne se cachant plus de cet exercice qu’il se plaisait à pratiquer. Observer le soulèvement de sa poitrine, le froissement du t-shirt qui n’avait vraisemblablement pas été repassé, le bandage de son bras gauche qui se laissait aller. Il tendit les bras, entreprit de le serrer un peu mieux, en un geste doux, calme. Il y eut quelques électrons libres qui parcoururent l’espace entre les deux pactisants, électrifiant le derme de l’italien en une sensation malicieuse. Il se frotta les doigts, annihilant cette impression qui prêtait à sourire. Il passa une main dans ses cheveux, intrigué par une question. C’était la curiosité qui l’habitait. Une curiosité vil, mais il mettait un point d’honneur à savoir. Nécessité de comprendre qui le creusait de l’intérieur. Il inspira.

« Et si tu me racontais tout maintenant Aya ? »

Question venin. Question poison. Racontes moi à quel point ta nuit a été longue. A quel point tu regretteras que ce jour ce soit levé. Leo voulait tout savoir, déguster la terreur des évènements. Pour qu’ils disparaissent de ce corps meurtri, et pour qu’elle continue d’avancer. Qu’elle ne stagne pas dans cette vengeance maligne. Il l’avait demandé, pour comprendre. Pour savoir. Pour partager une peu sa peine aussi. Même s’il devinait. Que ce ne serait pas facile. Que ce ne serait que les prémices d’une chute plus profonde vers le désespoir. Mais il serait là. Pour elle. Rien que pour elle. Car il avait promis. Il resterait pour Aya. Qu'importe lui. Rien que pour elle. Rien que elle.

« Tu auras beau pleurer, me hurler dessus ou me maudire pour mille raisons dont j’ignore l’existence, jamais je ne t’abandonnerai. Je resterai immobile, en t’attendant. Toujours. Mais toi, pourras tu m’attendre jusqu’à la fin de l’éternité ? »
Leo.
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Aya Murazaki [Sky]

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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeJeu 16 Juin - 21:37

Je crie ton nom,
Tu murmures mon nom,
Dans cette danse d'horizon
Nos deux cœurs à l'unisson.


    Un écho.
    Un miroir de blessures. Comme la réponse fissurée à ce flot de douleur que je lui donnais à voir. Que je lui jetais au visage comme une ultime défense pourpre, l'achevant dans un semblant de rire désespéré, amer. Son regard fixé sur moi, blessé plus profondément encore que j'aurais pu le vouloir me chamboulait, secouant mon cœur d'une culpabilité acérée. C'était un abyme, une eau clair qui se fonçait au fur et à mesure que mes prunelles s'ancraient en lui, dévastant tout sur son passage, lui montrant ce qu'il n'aurait jamais du voir, jamais su voir. Une infime partie de mes ténèbres les plus sombres, les plus sales.
    Et les billes opalines qui me fuyaient, se détournaient de mon regard brulant comme pour essuyer un coup invisible, me rendant la pareille dans sa douleur silencieuse. Ne ferions-nous que nous blesser mutuellement sous le coup d'instincts trop forts ? Étions-nous destinés à ne se frôler au risque de s'écorcher plus que l'on ne l'était déjà ?
    Au fond de moi s'installait le sentiment insipide de mon inutilité, une rage sourde de tout ça, l'impression vague de ne le faire que souffrir continuellement au gré de mes caprices de princesse de sang, de griffer son sourire par un instinct et des réactions ancrées dans un passé qui se voulait survie. C'était une danse étrange qui se jouait entre nous, entre envie folle et mouvement de recul incessant, et je me sentais bloquée, piégée. Par moi-même plus que par Leo en réalité. La culpabilité avait posé ses serres en moi, mais je ne pouvais rien faire, rien dire, la véracité de mes peurs effaçant tout d'une chape blanche et froide. Coincée entre ma foutue fierté encore là, ma peur ébranlant les tréfonds de mon être, et cette envie de lui montrer que le rejet n'avait pas été contre lui. Ou presque.
    Lui dire mon désir contradictoire de ne pas voir s'éloigner cette silhouette comme on chasse une vision nocturne. Silencieusement, doucement, dans cette main attrapée au vol, capturée, désespérément.

    « Jamais je ne te laisserai tomber. »

    Ces mots prononcés avec la force d'une conviction sans fin me firent légèrement écarquiller les yeux, comme une réponse détournée, acceptation de ma supplique muette. C'était une litanie rassurante, répétée. Sa voix était un doux poison se jouant des craintes, futiles, tachant d'un espoir et se diluant dans le liquide carmin qui parcourait mes veines.
    Un murmure chaleureux qui provenait de ce contact raffermi sur mon poignet, aussi chaud et rassurant que ces mots qui perdaient indéniablement leur possible manteau de mensonges. Ces mots qui sonnaient comme une promesse indescriptible, réitérée, plus solide que la plus terrible de vos peurs enfouies. Le croque-mitaine n'aurait qu'à bien se tenir...
    Une partie de moi, discrète, voulait y croire de toutes ses forces, renforçant cette gêne manifeste devant le regard attentif, scrutateur de Leo. Je n'avais pas perçu le mouvement de son ombre, la promiscuité reprenait ses droits, comme si cela avait été toujours ainsi, sa silhouette accroupie à ma hauteur.

    Quelques secondes. Quelques secondes seulement sous une observation minutieuse, comme on découvre une nouvelle illustration, comme on hésite à tourner la première page, pour se plonger dans l'au delà d'une couverture. Dévoilée, nue et rageuse, à sa merci. L'étincelle de son regard dans le coin du mien, alors qu'il cherchait à se plonger tout entier dans l'acier de mes prunelles, moi déjouant ses stratagèmes, gênée. Malgré tout, la porte était ouverte, les espoirs timides, les acquis, la lumière comme les ténèbres d'une âme coulée dans les flammes glaciales d'une réalité aux couleurs criardes. Un jeu de regards, du jeu du chat et de la souris, où celle-ci est de toute façon à découvert. S'échapper dans son ombre, s'y tailler une écharpe pour cacher l'éclat d'un sentiment qui enfle.
    Quelques secondes avant que cette ombre ne recouvre tout et que d'une poussée, mes lèvres se retrouvèrent collées aux siennes dans un mouvement fugace. Une brise d'été qui s'enfuyait sous un sourire satisfait, joueur. Tout avait été si vite que mon temps de réaction s'en trouva décalé, dérangé. Trop surprise, le souffle court et troublé avant qu'un éclat de colère noire vienne poindre sur mon visage devant son sourire de renard.

    Le geste partit plus vite et plus fort que je ne l'aurais voulu. Trop fort pour l'intention de base, mais tant pis, il l'avait voulu ... La gifle retentit pour marquer la joue de Leo de mon agacement cuisant.
    Plus que l'idée qu'il n'avait rien compris à mon geste précédent, l'envoyant contre la télévision, c'était surtout ce sourire narquois qui avait provoqué ma main volant contre son visage. Je serrais des dents, furieuse. En secret, écrit en tout petit, je savourais l'éphémère de ses lèvres, leur douceur, leur chaleur, pour me maudire dix fois plus l'instant suivant. J'étais en rage, de cette manche perdue. Échec. Rageuse, agacée de s'être faite avoir, de ne pas avoir anticipé le geste stupidement délicieux de Leo, de lui avoir permis de prendre l'ascendant dans ce jeu d'enfants pour adulte.

    "Imbécile ... "

    Suivit de petits sobriquets et noms d'oiseaux murmurés en Italien et dans les autres langues que formaient la mienne. La gêne s'était vue mêlée d'un autre aspect, d'une légère défaite face à un acte pas si anodin que ça. Et Leo, sur le point de rire, comme un gamin ayant gagné haut la main la première manche. Son sourire victorieux, malin, qui réchauffait un peu mon cœur, l'agaçant, l’enlaçant dans une douceur qui m'aurait fait rater un battement si la vexation n'était pas si forte. Il avait peut-être gagné là, mais pas la guerre, un affrontement, un duel puéril de deux esprits en mal d'innocence, dans un monde où tout n'était que décision sombre et souffle court. Une bulle d'espoir, un code rien qu'à eux.

    Leo reculait, mais j'avais parfaitement conscience que ce n'était pas la menace onyx de mes yeux qui avait généré ce mouvement. L'ambiance s'était soudain alourdie, se teintait d'une note malsaine, de menace sous-jacente à l'apparition d’une silhouette aux yeux émeraude et à la chevelure de feu. Assurance, regard coupant. Un nouvel adversaire dans cet univers sans répit. Nova. Mais non.
    Le regard qui s'encra brutalement dans le mien n'était pas agressif, juste sur ses gardes, reconnaissant un loup solitaire sur un territoire qui était le sien.

    « T’inquiètes cocotte. Je te ferai aucun mal. De toute façon, vous allez bientôt partir. »

    " Cocotte" ? Une grimace se forma sur mes lèvres à la familiarité feinte du ton de ce qui me semblait être la maîtresse de maison tandis que je lui jetais un regard empli de méfiance. Il y a des moments où il faut savoir rester bouche close et serrer des dents, s'enfoncer les ongles dans les paumes en attendant un revers. Je connaissais la dangerosité de la femme et avait plus de jugeote que cela pour lui sauter à la gorge. J'acceptai sa présence sans broncher d'autant qu'elle avait évoqué mon départ.
    Partir ? Oui, s'enfuir de cette endroit où ma présence n'avait été que peu désirée et désireuse de rester, c'était le moins que l'on puisse dire. Si j'avais pu, il y avait un bon moment que je me serais éclipsée, ombre d'un instant sur leurs existences. Mais ils m'avaient aidée, accueillie même si ça avait été parfois de mauvaise grâce. Je n'avais pas le choix, autre que la raison physique. Je ne pouvais faire autrement que de ne pas gâcher leurs efforts et ceux de Leo. D'une autre silhouette aussi, qui s'avançait en dépassant Leo et Nova en pleine discussion. Le ton était inquiet, préoccupé et je ne suivais pas tout; toujours assise, handicapée sur ce canapé taché, captant des bribes de phrases, d'informations cachées, des noms, sans pouvoir tout à fait les relier entre elles. Juste une impression de vague protection malgré le ton bourru de Nova.
    Mais Dasha n'était pas apparue que pour eux. Elle me regarda, m'adressa un sourire auquel une vague mimique sur mon visage lui répondit alors que mes prunelles la brulaient d'un regard toujours aussi alerte.

    Toujours aussi calme, comme dans un monde à des années lumières du nôtre, avec dans ce regard une compréhension au delà des mots. Toujours plus profond. De ses prunelles chocolat, la gamine était capable de toucher des idées, des pensées. Ce qui n'était pas loin de la vérité ... A son arrivée, l'ambiance s'était tout doucement calmée, allégée, comme un parfum doux et diffus. Elle apposait par sa simple présence un ordre murmuré d'éclats de voix interdits, apaisants les esprits par un sourire. Ses bras tendus tenaient des vêtements propres, que j'observais avec interrogation. Hum, oui, les miens étaient en charpies, imbibés de ce sang, le mien et celui de tant d'autres.

    " Merci ... "
    Une grimace légèrement dépitée, je les pris et m'attendait à ce que la silhouette de Dasha disparaisse, sa tâche accomplie, mais non. Elle me regardait intensément, doublant la surveillance de celui de Leo que je sentais dans mon dos, mon ombre au coin de ses yeux tandis qu'il se faisait manifestement remonté les oreilles, sans plus d'intérêt que cela d'ailleurs ... Un léger sifflement d'agacement coléreux, mais pas sérieux, s'échappa de mes lèvres alors que je tentais d'enfiler le teeshirt, difficilement, avec l'espoir de ne pas finir complètement nue et d'arriver à passer les bras sans encombre. Un seul regard suffit à faire comprendre à la petite que je ne voulais pas de son aide.
    Pas besoin. J'y arriverais seule, comment aurais-je fait sinon ? Si Leo n'était pas intervenu et que j'aurais du me cacher, panser et m'atteler à me cacher. J'avais l'habitude, se débrouiller seule était une seconde nature. Je voulais que cela le soit ... Un bien beau mensonge qui s’effritait sous la douleur, éhonté, brisé encore une fois.
    Accepte d'avoir les autres à tes côtés Aya ...
    Une phrase, souvenir d'un autre temps, sourire amer.
    Mes bras blessés n’entendaient pas respecter ma folie, ma fierté mal placée. Ces bras dont les cicatrices formeraient à présent un fin tatouage sanglant d'hélices torsadées. Je morflais, le souffle court sous des côtes qui grinçaient, ne faisait plus trop attention au dialogue en fond, concentrée au maximum malgré l'inquiétude.

    ‘Laisse-moi-t’aider’.
    La voix fluette, douce, résonnait dans mon esprit alors que la gamine avait déjà saisi le pantalon pour enfiler ma jambe récalcitrante dedans et lacer les bottes éparpillées dans la pièce. Ses mains étaient un voile de soupline sur ma peau, ses épaules un appui plus sur que sa frêle apparence ne le laissait deviner. Toujours cette pointe de méfiance dans le regard, je l'acceptais pourtant, un soupir de soulagement au bord des lèvres, sincère.
    Je sentais sa présence dans mon esprit par petites touches fugaces, comme on caresse du bout des doigts une œuvre fragile. Ce léger picotement caractéristique, typique de son pouvoir, trop curieux pour en connaître les limites. Et cette limite, je la lui imposai. Non pas en la rejetant violemment, comme j'aurais pu le faire d'un contact physique, même si l'envie me démangeait, mais en polluant mon esprit de questions et de pensées sans lien. Faire remonter les dernières vingt-quatre heures, les chamailleries, avec Leo, avec Sky. Le boulot, les soirées dans les hauteurs ... Toutes ces choses faisant obstacles à la curiosité naissante de Dasha quand à la lueur de terreur qui stagnait tout au fond de mon regard.
    Rompant le silence entre nous deux, je posai une main sur son bras avant de me détacher d'elle.

    " Non. Stop. Tu verras ça bien assez tôt. "

    Le ton de ma voix était ferme, un peu rauque, agressif malgré mon sourire discret, comme un grondement sourd d'avertissement qui tua dans l’œuf la protestation silencieuse qui se formait chez Dasha.
    Des mots, barrière à une réalité trop dure, trop pure de monstruosité. Oui, c'était mal de tout garder, ingérer, digérer pour y engloutir tout au fond de son être, mais c'était mon choix, à respecter. Et surtout pas la responsabilité d'une enfant d'une dizaine d'années. Elle avait encore la chance de pouvoir savourer le reste de son enfance avant que celle-ci s'envole, trop tôt, comme toujours. Pas besoin de venir la tacher avec des visions de puanteur humaine.
    Ce moment arriverait bien assez tôt ...
    Une pensée douce filtra, vestige d'une affection que je lui vouais malgré le couperet de mon regard.

    Je tournai la tête, prenant appui sur l'accoudoir du canapé, avide d'inquiétude quand à la suite des évènements. Je n'étais définitivement pas en état de rentrer tout de suite dans mon minuscule appartement et à la pensée d'appeler Sky à la rescousse, un frisson parcourra mon échine, mais il fallait partir d'ici. Urgence au goût étrange.
    Leo avait disparu des environs, une Nova mécontente à ses talons. Son absence dans mon giron provoquait un sentiment de froid, l'hiver tombait, comme si seule son attraction avait le pouvoir de raviver les couleurs des instants. Comme si sa seule présence stoppait l'horreur du temps.

    Peur irraisonnée, coupée dans son élan par une bouteille d’eau qui apparut dans mon champ de vision. Geste impérieux de Leo, m’intimant de boire, ne serait-ce qu’un peu. Je m’apprêtai à refuser, mais mes lèvres sèches, fendues, et la raideur de mon corps me rappela à l’ordre et le liquide ne fut bientôt qu’un souvenir. Le sang versé, une contrepartie douloureuse et dangereuse qui tuait mon corps à petit feu. Le fatiguant jusqu’à plus soif.
    Et une fatigue jumelle s’assit à mes côtés, sous mon regard de biais, constatant et culpabilisant de son épuisement sans le mesurer véritablement. Les conséquences de son pacte peut-être, et plus encore ... J’aurais voulu lui enlever cette chape de plomb qui semblait peser sur ses épaules d’une pichenette aérienne, comme on chasse une mauvaise pensée, un moustique agaçant.
    Là où mon incapacité brillait, sentiment, reflet d’une autre nuit où je l’avais sauvé in extremis, les mains de la petite Dasha semblait faire des merveilles. Je ne cherchais pas à savoir ce qu’il se passait entre eux, intriguée mais distante, moi l’étrangère à leur monde où tout semblait aller de soi, sans fausse note.
    Ailleurs, où ne marchait pas mon ombre …
    Je laissais mon esprit dérivé loin d’eux, les mains posées sur le fourreau de la lame à nouveau reformée, reforgée dans un aspect rassurant, acier connu. Mes doigts caressaient la lame à peine sortie, aussi froide que la mort, comme d'habitude, contact auquel je pouvais me raccrocher, signe d'un passé, d'une existence tangible.
    Je relevai la tête à la main tendue au dessus de moi, demande silencieuse d'un bouffon au sourire calme. Pas besoin de mots, je savais qu’elle représentait mon ticket de sortie, loin de cette atmosphère légèrement tendue, loin de Dasha aussi. J’étais mitigée, la regrettant un peu et à la fois soulagée de ne plus être sous la coupe de ses perles qui en savaient beaucoup trop.

    Une seconde d'hésitation bien vite effacée, et j'étais accrochée à son dos, ses mains sous mes cuisses et me tenant les poignets pour ne pas m'accrocher trop à Leo et faire peser trop de poids sur ses épaules. Un signe de tête en guise de remerciement tacite, mais sincère, à la silhouette entourée de fumée de Nova, et celle plus petite de la gamine, avant de se retrouver sur le palier.
    L'air frais me semblait une caresse de liberté, jouant avec les mèches de cheveux devant mes yeux. La nuit, une amie bienvenue, confidente des pensées vagabondes, cachées dans une obscurité rassurante. Sans vraiment le vouloir, mon souffle chaud caressait la nuque de Leo, preuve de ma présence, de mon attention éveillée au travers d'un corps dont la tension s'apaisait, se laissait aller petit à petit.
    Moment de répit qui fut de courte durée puisque une ombre vint se loger au coin des yeux, lancinante, rapide, éveillant une méfiance acerbe, comme le regain d'une peur connue, une course-poursuite sans fin. Mon corps se tendit par instinct, même avant qu'aucune pensée inquiète ne vienne effleurer ma conscience, le Cerbère veillant. Toujours. Mouvement contraire, au diapason de celui de Leo qui savait déjà l'identité de l'ombre qui se projeta dans ses pieds, un aboiement joyeux pour le saluer. La louve n'avait pas besoin de gronder face à ce clebs aux prunelles plus intelligentes qu'il n'y paraissait.
    Je me retins, habituée à cette pointe de condescendance dans sa voix, ses reproches devenus presque familiers.

    « Je vois que quand c’est pas l’un, c’est l’autre qui passe à la boucherie. Chacun son tour, d’accord, mais faudrait arrêter ce jeu malsain, tu ne penses pas Aya ? »

    Prenant légèrement appui sur les épaules de Leo, je me penchai pour plonger mon regard dans le sien, malicieux. Un sourire acerbe vint fleurir sur mes lèvres, et je ne pus m'empêcher de lui répondre, nécessité obsolète.

    " Ce n'est qu'un jeu ? Pour toi peut-être ... "
    Le rire du Stella était une réponse à lui tout seul. Oui, pour lui, nous n'étions que deux lueurs dont l'une brillait plus que l'autre, garant de son existence, de sa consistance. C'était un Stella, une poussière d'étoile, détachée et pourtant là, dans toute sa complexité, et cette seule nature expliquait son point de vue, bien qu'il semblait en apparence bien préoccupé par la situation dans laquelle j'avais mis Leo. Dans laquelle il m'avait mise à s'accrocher à mes pas. Responsabilité partagée.
    Le pactisant, lui, ne semblait avoir cure des recommandations de son étoile jusqu'à ce que les mots prononcés éclatent dans un silence assourdissant.

    « A ta place, j’irais pas chez elle. Ils ont retrouvé son mignon appartement. Sky est en pétard. »

    La réaction bancale du corps de Leo sous la surprise fit écho à mon exclamation soudaine. C'était prévisible ... mais pas aussi vite. Encore fuir, s'en aller pour ne plus se retourner. Une obligation possible que mon cœur refusait, barrait de gras, raturait pour ne plus la voir. Ma gorge se serrait, comprimée dans un étau d'inquiétude et de colère. Ils avaient osé profaner ma tanière, le seul endroit à peu près sécurisé, le point d'encrage que j'avais réussi à me dégotter, le seuil d'une tranquillité enfumée. Ma voix était blanche, d'un calme seulement apparent, la nervosité cachée sous un contrôle d'acier et de rage latente.

    " Il était là bas ? S'il les as déjà croisé, ils sont déjà morts ... "

    En pétard était surement un euphémisme de la part du chien. Je connaissais Sky, pas réellement besoin de s'en faire pour sa santé, je savais qu'il était dans les parages, toujours en ville. J'aurais quand même savoir où il se planquait, même si ce serait surement le premier à me retrouver, quand il le voudrait. Il possédait tout mon savoir en plus de son côté naturellement débrouillard. Ce qui m'inquiétait le plus était sa réaction face aux agents venus fouiller notre chez-nous, la rage pouvait bien l'amener à raser la quartier entier. Sky était le maître de la foudre sous toutes ses formes, de la plus sauvage à la plus concentrée et je savais d'avance que quiconque s'étant retrouvé sur son chemin n'avait du entrevoir qu'une mince étincelle avant de s'éteindre. Il était le seigneur d'un enfer étincelant et un véritable démon quand il s'agissait de vengeance. Un miroir aux traits sanglants.
    Un soupir s'échappa de mes lèvres alors que je soupçonnais Leo d'être en grande conversation avec son Stella.

    " Je vais me débrouiller. Il faut juste que je vérifie certaines choses, si tu pouvais juste m'aider à aller au Quartiere Isola ... "

    Un quartier pas loin du Magenta, où je pourrais facilement savoir si mon lieu de travail était ou non connu du GPD, savoir jusqu'où leur nez de fouine avait-il pu se faufiler. Un mince espoir d'une vie pas complètement détruite. Réduite à néant, à reconstruire, loin de tout ça, loin de lui.
    Mais c'était comme si je parlais à un mur, le flot des mes réflexions rendu à néant par la détermination manifeste des pas de Leo, semblant savoir parfaitement où il allait. Ma voix ne comptait, pas plus que celle de son Stella apparemment. Sourd à tout sauf à ce que lui dictait son esprit, je me méfiais tout de même.

    " Leo ... "
    Plus un grondement qu'un avertissement, mais quelque chose me disait que la protestation de son compagnon n'était pas anodine et que le pactisant s'engageait sur un sentier sans retour. Le souci principal étant que je n'avais pas la force physique pour l'en empêcher, mes mots s'envolaient dans la nuit comme invisibles, alors que mes jambes étaient prises dans l'étau solide et salvateur de ses mains.
    Je ne pouvais que m'en remettre à lui, m'entourant de ce silence qui rythmait nos pas, la voix de Leo murmurant des chiffres à la suite, seul tempo de notre marche silencieuse sur des pentes de Milan dans lesquelles j'étais rarement allée. Pour atteindre notre but: une lourde porte en bois qui se referma sur un corridor qui s'illumina d'une pensée, bouton actionné par une volonté bleutée. Toujours perchée sur les épaules de Leo, j'essayais de graver sur mes rétines d'obsidiennes les gravures de cet endroit qui respirait l'odeur de Leo, comme quelque de familier et d'étranger à la fois. Je ne m'y pas longtemps à comprendre que l'on était chez lui. Bordel !
    Des tableaux, peintures d'aquarelles des hauteurs de Milan parsemaient les murs, entourés de photos de famille qui me fascinèrent plus que de raison. Ce n'était pas parce que je n'avais pas connu le cadre d'une enfance dans une famille que j'en voulais à mort aux chanceux, pas plus intriguée que ça parce que j'avais manqué mais là ... C'était Leo. C'était des parties de lui, souriant et courant à toutes jambes dans un costume de superman à un carnaval, perché sur un vélo un des premiers jours d’apprentissage, de la morve au nez, dans un coin du jardin avec des bandes dessinés dans les mains etc... entouré de ce que je devinais être ses parents. Et encore, je ne parvenais juste qu'à capter des fragments de vies, sourire caché devant ses petites découvertes éparses. La maison était grande, trop grande pour moi qui avait pris l'habitude d'évoluer dans un deux pièces minuscule. Elle sentait le propre et la lessive, le calme des soirées devant la télé et toutes ces petites choses que je supposais que l'on faisait en famille. Il avait bien changé, même si la lueur de malice était toujours présente dans ses orbes opalines, la marque de l'enfant qu'il avait été.
    Un étage fut gravi, un peu difficilement, et je lui demandai de me poser pour lui permettre de souffler, épargner son dos sous mon corps, mais ce fut toujours ce silence agaçant qui me répondit. La porte de sa chambre aux lettres vertes un peu usées.
    Un passage dans une antre à l'odeur différente, à la luminosité masquée, tamisée, un laissez-passer non-dit mais accepté de son plein gré. Du bleu, sur sa couette, dans ses yeux, dans ses bleus, dans ses pensées. Une couleur caractéristique, encre, comme l'était le silex pour moi, me parant d'un noir, myriade de couleurs absorbées.

    « Sois gentille, le salope pas hein ? J’ai d’autres matelas à bousiller si tu veux. »

    Un sourire moqueur se forma sur mes lèvres, aligné sous un regard surligné de noir. Que croyait-il ? J'avais déjà pris la précaution d'éloigner la jambe blessée du bord du lit, la tendant avec pour appui le talon de ma botte sur le plancher grinçant.
    Assise sur son lit, je percevais ses mouvements, le relâchement de son corps sur le lit, le soupir qui emplissait sa gorge, le souffle douloureux qui s'en échappait. Le repos du Héros. Le silence du Cerbère. J'en profitais pour observer mon environnement, la grande armoire aux autocollants, les posters et les piles de livres qui s'étalaient un peu partout. Et ce bleu omniprésent, comme un océan de rêve le berçant. Alors c'est ici que tu as grandi Leo ? Dans ce cocon de chimères plus belles les unes que les autres, loin de la dureté âpre d'une réalité ? C'est là que le super héros s'est vu donner une étincelle de vie dans ton regard ?
    J'avais un peu de mal à l'imaginer, mais je comprenais un peu mieux le côté rêveur, espoir du clown affalé à mes côtés. Je percevais la naissance, l'essence de ce côté horripilant de chevalier servant, côtoyant une vie tout ce qu'il y avait de plus banal, les livres de cours s’empilant sur le bureau, au milieu des copies de cours et autre charabia. Un monde inconnu, dont le voile d'incompréhension s'effilochait peu à peu sous mes prunelles avides de savoir. Mais je ne bougeais pas d'un iota, ne me permettant pas de toucher à cet univers dans lequel j'avais été invitée par la force des choses. Je sentais son regard sur moi, ombre dans le coin de mes regards, attentive, veilleuse.

    " Tu n'aurais pas dû m'amener jusqu'ici. C'était trop dangereux. Si jamais ils te retrouvent ..."

    Par ma faute. Je me mordillais légèrement la lèvre inférieure, embêtée de l'entrainer, de ne pas avoir su lui interdire cette décision qui risquait de mettre un terme à tout, sa vie comme la mienne. En somme, plus inquiète même que son habitant principal.

    Sa peau contre la mienne, trop proche. Ses doigts qui s'approchaient, électrisés par un réflexe toujours aussi vif. Je lui lançai un regard noir d'avertissement, inutile comme toujours alors que Leo se rapprochait, se relevait. Qu'il anéantissait tout du bleu de ses yeux. Ses opales à quoi rien ne résistait, ma volonté difficilement. Une inspiration.

    « Et si tu me racontais tout maintenant Aya ? »

    A ces moments, je me retournai vivement, esquissant une grimace de douleur au mouvement trop brusque pour me retrouver en face de lui, le tuant du regard, les lèvres serrées. Leo voulait savoir, il voulait que les mots prennent forme... Les évènements n'étaient-ils pas assez réels qu'il fallait les revivre encore une fois ? Ne pouvait-on pas les laisser enfouis à jamais ? Et puis qu'est-ce que le pactisant voulait vraiment savoir ... Je laissais le silence s'installer entre nous, me retournant doucement pour fixer une vignette orange et verte collées sur une des portes de l'armoire.
    Ce fut à mon tour de prendre une inspiration, mais ce qui en sortit d'abord ne fut qu'un souffle perdu dans un rire amer, éphémère.

    " Il n'y a rien à raconter... Je ne suis plus que la bâtarde d'un clan oublié, aux valeurs ridicules et archaïques. "

    Et encore, peut-être m'avançais-je trop en me déclarant faire réellement partie de ce qu'avait été le clan Murazaki. Un nom taché de sang au fil des époques et des générations ... Je n'étais qu'une gamine qui avait été recueillie par un vieux fou, faisant d'un esprit sauvage, un être capable de tuer n'importe qui d'un seul geste.
    Ces mots me suffisaient à résumer la situation, si ce n'était qu'il fallait ajouter Sky et sa connerie, mon nouveau statut de SDF, du moins pendant un moment. Mais pas à Leo ... Il ne me lâcherait pas, peu importe le silence, peu importe le temps de mon mutisme. Peut-être finirait-il par s'endormir, épuisé ? Mais ce serait pour mieux revenir à la charge le lendemain, et le surlendemain jusqu'à ce que ma langue, acide, lui crache enfin de ce qu'il voulait savoir. Au fond, il était aussi chieur que Cassidi avec sa quête de la vérité, toujours à vouloir savoir.

    Je laissais les instants filer sous le silence de nos respirations.
    Les mots se coinçaient dans ma gorge, ne sachant pas par quoi commencer. A partir de quand ? Cette nuit ou celles d'avant ? Devais-je remonter aussi loin que je pouvais, en cachant tout un pan de ma vie ? Qu'est-ce que Leo voulait-il réellement connaître de moi au final ?
    Étrange comme je pouvais céder plus facilement face à lui, trop même. Colère.

    L’esprit un perdu, je passai la langue sur les lèvres sèches, hésitant à couper court en lui demandant s’il pouvait m’apporter à boire, prétexte aussi débile que l’idée de m’aider à me doucher – Oh la galère à venir ! – puis m’élançant, le timbre de voix un peu changé, comme étranger à tout ce que j’allais raconter. J’étais absente des évènements, prenant du recul, me réfugiant dans un récit que je voulais percevoir de loin. En vain.

    " La jeune fille avec moi. Elle s’appelait Hanako. Elle ... Son père m'a recueillie, je devais avoir, je sais pas, 13 ou 14 ans environ. Peut-être plus. C'est lui qui m'a formé, qui m'a élevé en quelques sortes. "


    Je me perdais dans les dates, ne connaissant pas exactement ma date de naissance, les faits se bousculant dans ma tête, la chronologie foutue en l'air par l'émotion qui menaçait de me submerger. Un frisson me déchira l'échine. Une unique larme, dernière, finissant son chemin sur mon menton, comme un adieu. Une reprise de contrôle, de la bile qui montait peu à peu au fond de la gorge à la pensée des prochaines paroles.

    " Avant de mourir, il m'avait demandé de retrouver Hanako, sa véritable fille. C'est pour ça que je suis venue à Milan... J'ai fini par la retrouver et découvrir qu'elle était une pactisante. Une polymorphe, une magicienne ... Je... je ne sais pas si c'était quelqu'un de bien, ou pas. Je m'en fous d'ailleurs, vu ce que je suis."
    Pas un modèle de civilité c'est sur !

    " Ils ne l'ont pas tuée. Mais ils l'ont poussé à le faire. C'est son Stella qui l'a achevé ... C'était horrible. Le pacte était rompu, à cause d'eux. S'ils ne l'avait poussée à utiliser autant son pouvoir, rien de cela ne serait arrivé..."


    Je n’avais pas tout dit, pas pu tout détailler, grimace, vague sourire, ou froide indifférence ponctuant mes dires. Inutile de toute façon puisque Leo lui-même avait pu constater les ravages de l’affrontement qui avait précédé son arrivée.

    « Ils vont payer. »

    Les derniers mots prononcés d'une voix d'où perçaient une promesse sombre, une promesse de sang, avaient tranché avec le reste du récit désespéré. Ma détermination était ancrée au fer rouge, si bien que j'en avais griffé légèrement mes avants bras sans m'en rendre compte, les yeux plissés et acérés sous la colère. Tu ne m'en empêcheras pas Leo...
    Je me retournai pour me raccrocher aux prunelles luisantes de Leo dans l’obscurité de la chambre, y chercher un repère dans cet enfer, un pilier qui ne bougerait pas, toujours là comme une promesse éternelle ; lui démontrer ma volonté et le fait que j’encaissais. Chercher aussi au fond de son regard s’il était satisfait, si sa curiosité était rassasiée d’horreurs non dites.
    Lui faire comprendre que tout n’est pas bon à savoir … Comme partager le quotidien d’une âme damnée. Et comme toujours, cette poussée loin de moi alors que brûlait dans mes yeux la folie de ses bras autour de mon corps.

    Malgré tout, malgré moi.
    Je serais là, à t’attendre dans les abysses.




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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeSam 18 Juin - 20:28



« J’ai trouvé 229 raisons de te haïr, et pourtant, dans la catégorie de ce que j’aime, il n’y a que ton nom. »
Sweetness.

Ce n’était pas une envie stupide. Il savait parfaitement dans quelle aventure il s’engageait en choisissant ce chemin. Vouloir savoir. Comprendre. Tout ce qui fait mal et qui bouleverse d’effroi. Ce n’était pas hasard s’il s’était penché sur ce pan de sa vie épineuse. Ce n’était pas un caprice. Leo aidait les gens. Du mieux qu’il pouvait, dans un acte égoïste suffisant à son propre plaisir. Dans ces actes de la vie quotidienne, s’il donnait sans attente, il ne s’inquiétait que peu des malheurs des autres. La vie avait son lot d’horreur à chacun, et tout individu se complaisait dans sa tristesse et dans sa honte timide de la réalité. Certes, Leo était curieux, mais ça ne dépassait pas les petits détails sans importance de l’ordinaire. Et aujourd’hui, il franchissait le clivage de la vie privée, de ce qu’il s’interdisait en temps normal de connaitre. Ainsi, plongé dans la presque obscurité de sa chambre, détaillant Aya de ses yeux lumineux, cette marque de douceur retenue, alors que le sourire était banni de son visage. Chose rare, que l’on aurait pu croire improbable.

Cette décision, guidée par les battements calme de son cœur, le réconfortait dans le choix qu’il avait fait. Un questionnement détonnant, à risque. Et c’était pesé. Avoué à lui-même. Leo voulait apprendre, de ces horreurs qui le feraient frémir. Et pourtant, dans ce qu’il appréhendait, la conviction vibrait de plus en plus fortement quand il détaillait la réaction furieuse qui s’échappait de la nippone. Leo savait, et ne savait pas. Il ne voulait pas savoir aussi, par cette légère crainte qui lui fissurait ses doutes en caresses infimes. Mais il voulait comprendre, capter les brides de la vie d’Aya, pour savoir à quoi s’attendre, prévoir les courbes que prendrait ses lendemains à présent qu’il s’apprêtait à suivre les traces de la fleur pourpre. Ce n’était pas pour savoir s’il avait fait une erreur ou non. Leo ne faisait jamais d’erreur. Ce n’était que ce besoin tacite de la comprendre plus en profondeur, de ressentir un peu de ce qui la bouleversait de l’intérieur. Autre que détailler ses sentiments par le billet de ses iris opalines, ou par le tremblement discret de son échine.

Car Leo abhorrait les mots, ce que qu’ils renfermaient dans leur réalité creusée. Comme une bruine emportée par le vent, les sens étaient changeants, les dires incompétents. Le lion préférait le langage du corps, beaucoup plus évocateur que de simples syllabes enfilées en un souffle. Et cette langue avait ses limites dans ce qu’elle pouvait lui apprendre à ce sujet. Leo ressentait le présent et une infime intuition du futur. Le passé, lui, restait voilé, occulté par ce qu’on ne voulait revivre. Désirée Egoïste du petit Leo. Tu la feras pleurer, le sais-tu ? Il le ferait tout de même, besoin viscéral de saisir l’origine de cette nuit et de ses catastrophes.

Appuyé sur son lit, penché en avant, rognant les millimètres entre Elle et Lui, sa phrase à peine finie, il perçut la tension s’installer un peu. La colère de la nippone. Pas la même que celle qu’il aimait créer. Une plus ancienne, forçant Aya à se retourner sur sa vie, et détailler les vices qu’elle connut. Se forcer à se remémorer des choses enfuies. Car on ne peut pas tout éviter trop longtemps. Tu le sais n’est-ce pas, Leo ? Elle inspira, se dévoila. Il ne sut pas vraiment pourquoi elle accepta de se livre au brun. La connaissant, elle aurait très bien pu l’envoyer paitre d’un ton assassin, pour toute conclusion une insulte jetée aux pieds du pactisant. Mais elle ne céda pas à la rage grognant dans son être. Et Leo en fut heureux. Heureux qu’elle acceptât de baigner, avec lui, dans le début de leur chute.

« Il n'y a rien à raconter... Je ne suis plus que la bâtarde d'un clan oublié, aux valeurs ridicules et archaïques. »

Leo voulu parler. Le mouvement de sa mâchoire, le tressaillement de ses muscles en furent la preuve. Et il s’en empêcha, se limitant à un mutisme attentif. Il avait conscience que s’il s’exprimait, Aya s’arrêterait peut-être, jugeant qu’elle en avait déjà trop dit sur le silence de sa vie. Et Leo savait qu’il y avait plus que cette petite phrase murmurée d’un air moqueur. Plus que cette ascendance à des liens de sangs douteux, où des enseignements dépassés depuis des années. Rejetait-elle sur elle-même les erreurs de son histoire que la Fatalité plaçait d’un sourire malsain ?

Un élan s’empara de ses bras. Mouvement nerveux qu’il se força d’interrompre, avortant cette intention avant même que ses doigts ne bougent. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la serrer si fort, pour se rassurer qu’elle ne disparaitrait pas. Et la raconter de millier de mots. Barrer ces certitudes corrompues. La complimenter sur la femme qu’elle était devenue, lui dire que ses antécédents familiaux ne le dérangeaient pas. Tant de mots qu’il désirait lui murmurer à l’oreille, callée dans une étreinte rassurante. Annuler son passé la dérangeant, pour se jeter follement dans le présent.

Et Horizon savait que ce moment était en équilibre sur le fil de leur destinée, oscillant dans les révélations de leur existence. C’était une pièce égarée du monde, ou plutôt qui se targuait de le fuir dans l’élan de leurs convictions. Alors il fit taire tout ce flot d’émotion lui brulant le ventre, ne laissant filtrer que très peu de ce flot à travers ses iris bleutées. Ray, couché dans son panier, poussa un soupir bruyant, marquant la décision de Leo d’une pointe laconique d’ennuis. Le Stella veillait, lui aussi intrigué par ce qui se déroulait dans cette chambre, plus que ce qu’il ne daignait montrer.

Leo s’appuya sur son coude, la dévisagea, le temps qu’elle comprenne qu’il attendait, silencieusement, dans cette ombre berçant son dos. Vas. Affronte ce que tu ne veux. Et cris ta rage au monde. Toujours reclus dans cette absence de paroles, n’attendant que celle de la nippone, qui en avait si peu dit. Du coin de l’œil, il détailla la colère finement retracée par ses traits, et le doute se baladant dans son orgueil de Cerbère.

« La jeune fille avec moi. Elle s’appelait Hanako. Elle ... Son père m'a recueillie, je devais avoir, je sais pas, 13 ou 14 ans environ. Peut-être plus. C'est lui qui m'a formé, qui m'a élevé en quelques sortes. »

Hanako. Le visage ensanglanté et le corps déchiré. L’image lui revint en tête comme un flash révélateur. Alors c’était ça. En une demi-seconde le lien était déjà fait. Il comprit un peu mieux le carnage qu’Aya signa de sa lame, l’âme brisée. Les sentiments qu’elle avait enfermés, qui s’étaient libérés dans cette ruelle obscure, ricochant sur les murs sales de cette impasse. Comme dernière trace de cette réalité, une larme unique roula sur sa joue, lumière cristalline dégringolant de son monde noir, de ténèbres.

Il se pencha, ne tenant plus à l’assaut des intentions qui fleurissaient dans son esprit, toutes plus tentatrices les unes que les autres. S’appuyant sur le matelas, il réduisit de manière fulgurante l’espace entre eux deux. Tendant la main, il s’introduisit dans l’espace de la nippone, faisant fi des mains qui le rejetaient, du mouvement de recul qu’imprima le corps du Cerbère. Elle ne le mordra pas, il le savait. Elle n’était pas en position de le faire, et il se permettait d’écraser toutes ses souffrances incombant son corps. D’un doigt, il effleura la larme qui se jeta dans le vide de l’oubli, l’empêchant de sombrer dans l’éphémère des secondes. Ensuite, dans la continuité de son geste, c’est sa paume qui porta sur la joue pansée d’Aya. En un touché chaleureux. Amical. Et beaucoup plus. Il lui aurait murmuré des mots d’amours, mais n’osa pas briser l’instant dans son prolongement. Aussi fugacement qu’il s’était approché, il reprit sa position initiale, s’étirant un moment. Recommença le jeu d’iris s’opposant.

« Avant de mourir, il m'avait demandé de retrouver Hanako, sa véritable fille. C'est pour ça que je suis venue à Milan... J'ai fini par la retrouver et découvrir qu'elle était une pactisante. Une polymorphe, une magicienne ... Je... je ne sais pas si c'était quelqu'un de bien, ou pas. Je m'en fous d'ailleurs, vu ce que je suis. Ils ne l'ont pas tuée. Mais ils l'ont poussé à le faire. C'est son Stella qui l'a achevé ... C'était horrible. Le pacte était rompu, à cause d'eux. S'ils ne l'avait poussée à utiliser autant son pouvoir, rien de cela ne serait arrivé... »

Ray releva le museau, regardant tour à tour Aya et Leo, dans une mimique qui lui était étrange à cette image de chien, mais qui correspondait si bien à celle d’une étoile égarée sur cette Terre. La frustration s’invita chez lui. Une étoile avait eu sa pitance, par lui. L’envie arriva, qu’il chassa bien vite, se promettant de revenir à ce tournant fatidique de sa vie, celle de Leo, à un moment plus opportun, refermant ses yeux, au même moment où le lion détournait lui aussi son regard, en une entente muette. C’est n’est pas le seul pacte en présente ici, Aya. Pas le seul qui se marquera d’une pointe morbide à son épilogue. En seras-tu encore la spectatrice ? Mais ce n’était pas le moment de raconter cette histoire, d’autant plus que celle de la nippone n’était pas encore terminée.

Il attendit qu’elle reprenne son souffle, l’air toujours sérieux, empreint d’une légère empathie envers son antinomie. L’évanescence d’un récit mimesis de celle venue de l’est. Touché délicat dans les recoins de la mémoire de Leo. Il passa une main dans ses cheveux, l’air soudainement très fatiguée et décida de barrer ce souvenir. Ses opales vinrent à la rencontre de tourmalines bien sombres, où luisait un feu qui ne plût guère à notre héros. Contrairement à ce ton froid qu’elle avait montré, dans l’espérance de se détacher de ces dires, alors que tout son corps tremblait le contraire, une expression presque folle amplis ses propos.

« Ils vont payer. »
« Et tu le feras. Qu’importe le prix. Tu iras même jusqu’à te détruire. Te tuer. »

Fin du monologue. Il baissa les yeux, se massa rapidement la tempe. Les mots avaient filé d’eux-mêmes, maitres de leur propre désir. Leo fut dégouté. De ce miroir qu’était Aya face à ses propres actes. De cette pièce qui se répétait, inlassablement, changeant constamment d’acteur. Pour se reproduire, annihilant d’autres vies. Toujours plus. Inlassablement. La rage et la certitude de la nippone souleva l’estomac de Leo, se rendant compte qu’elle s’entrainait sur une voie sans happy ending. Mais il n’y aura jamais de fin joyeuse Leo. Tu le sais. Et tu te rends compte de combien cela fait mal de l’oublier, ne serait-ce qu’une seconde.

Les muscles de sa mâchoire se tendirent sur la colère muette qui s’éprît de Leo à cet instant. Elle l’avait déjà prévenu de cette volonté, quand ils s’étaient dissimulés dans le labyrinthe de ruelles de Milan. Cette réaction qu’elle avait eue, piégée dans les bras de Leo, à vouloir s’échapper et mordre à la gorge le premier ennemi qui venait, alors qu’il n’y avait plus de raison de combattre. Plus en apparence. Mais il y avait toujours une excuse pour brandir les armes, suivant une quelconque idéologie qui portait le Cerbère. La vengeance. Doux mot qui résonnaient d’une manière familière à l’oreille d’un Leo plus jeune que celui qu’il était.

Sa main passa discrètement sur son ventre, où les cicatrices de deux balles lui marqueraient la peau jusqu’à sa prochaine vie. Réminiscence d’une nuit plus longue que les autres, alors que le goût de l’adrénaline lui revenait en mémoire, l’odeur de la poudre et la sensation d’un coup de tonnerre dans le corps. Il inspira bruyamment, se releva de son lit. Qu’il avait été bête de lui accorder sa vengeance un peu plus tôt, dans l’espoir de la calmer… Leo ne songea même pas à la faire changer d’avis. Pas pour le moment. Il connaissait la soif qu’apportait le désir d’une vendetta brulante et des efforts vains pour tenter de la faire disparaitre en un claquement de doigt. Une nouvelle fois, il passa ses mains dans ses cheveux, portant un bref coup d’œil à la pactisante. Si c’était la rage et la conviction qui animait Aya, ce n’était qu’un élan de Nostalgie et de Colère qui soulevait Leo, soulignant ses yeux, et son visage, d’une expression fermée à tout appel, se voulant intouchable du passé, mais surtout du présent.

Il se dirigea vers la porte, marmonnant quelque chose, avant de s’échapper dans les couloirs sombres de sa maison.

« J’vais chercher à manger. »
« Tu fuis maintenant ? »
« Tais-toi. »

Ray poussa un aboiement mécontent. Depuis quand son pactisant lui dictait les moments opportun où il devait garder le silence ? Un air parfaitement heureux parcourut ses babines. Son petit Leo était en train de grandir. La pire des manières qu’il soit, mais il grandissait. Et le Stella avait hâte de voir en quel héros il retrouverait son Leo. En un jeune homme parfaitement détruit par la répétition des erreurs de ses semblables, ou en lion vainqueur, revenant avec des yeux encore plus bleus que la première fois où ils se sont rencontrés, recroquevillé sur le corps encore chaud d’une jeune chiot. Il s’étira de tout son long, échappant un bâillement sonore. Sortant de son panier en osier qu’il affectionnait tant, il s’approcha d’Aya, l’air espiègle dans ses yeux. Tu n’es pas le chien de cet idiot pour rien après tout. Tu te dois d’être un peu fou.

L’obscurité des escaliers le calma un peu, la tension dans ses bras qui s’étaient contractés d’eux-mêmes se dissipa. Il longea l’étage, les doigts posés sur le mur, en un repère spatial sans utilité réelle. Le but n’était que de garder contact avec ce monde, et non avec celui des souvenirs qui le targuaient d’image, anamnèse de ses plus vils cauchemars. Une douleur lui mordit l’âme en un soupire. L’être, le logos et le néant furent emplis de cette même pensée maussade. Ce ne se pouvait. L’empreinte d’une relation trop vite brisée qui se flattait de pouvoir le faire souffrir encore un peu, malgré les années. La conclusion d’une nuit d’horreur, l’apogée de sa démence. Un souvenir. Caïn. Douce menace au goût étrange.
S’asseyant au pied du lit, interdiction formelle de mettre ses poils sur les draps d’après un certain brun, il observa la nippone, la tête légèrement penchée sur le côté. Cette humaine la faisait rire. Il ne savait pas pourquoi. Peut-être parce qu’elle ne se laissait pas abattre par tous les problèmes qu’elle s’attirait, et que pour s’en sortir, elle attirait des ennuis encore plus gros que les précédents. Et d’un autre point de vue, cette facilité qu’elle avait à enlever la vie le fascinait un peu, reconnaissant bien les goûts d’un Sky surexcité. Elle tenta de se relever, surement pour suivre le Leo furieux. Mais comme le Roland*, il n’avait point envie d’être suivis. Même sans être son étoile porte bonheur, il pouvait le deviné. A cette odeur dégoutante qu’il dégageait. Que c’était dérangeant parfois d’avoir un odorat développé. Il jappa.

En commençant à descendre les escaliers, il ne put refouler une grimace. Affronter le GDP. Il savait ce que cela impliquait. Death. Mort à l’écriture trop anguleuse. Crainte qui lui déchira le cœur. Mais tu le savais déjà. Tu as fait ton choix, alors que tu en avais parfaitement conscience. Que feras-tu donc, Leo ? L’encourager, ou subir le supplice ? La voix moqueuse se tut en un rire sordide, alors qu’il arrivait dans la cuisine, et qu’il déambulait dans le noir, image de ses pensées et de son trouble. Chassant tout cela qu’un geste, il se dirigea vers le plan de travail, se lava distraitement les mains.
« Je te déconseille de le suivre. Tu n’es pas en état, déjà. Et lui ne veut pas qu’on l’approche. Toi moins que moi. »

Ses paroles étaient blessantes. Et c’était le but. Qu’elle se rende compte de l’importance qu’elle avait pour son maitre, ça lui ferait plaisir tient. S’ils continuaient sur cette lancée, c’est elle qui aurait la mort de Leo entre ses mains, et plus la boule de poils. Et ça, tout simplement, il ne pouvait pas l’accepter. Il ne suivait pas ce brun à pile pour le plaisir –bon, en grande partie, oui, c’était surtout parce qu’il s’amusait comme un petit fou, et qu’il avait bien fait de choisir le corps d’un chien pour s’incarner sur cette planète – mais bien pour le fruit ultime. La collecte des âmes. Dire qu’il croyait qu’il l’aurait eu rapidement…

La lumière s’alluma dans son dos, d’où une silhouette familière se dégagea de la porte, pour rentrer à son tour dans la pièce commune. Leo se retourna, détailla la nouvelle arrivant, ses cheveux noirs, parfaitement en pétard, coupés cours dans en des reflets mauves. D’une démarche plus qu’ensommeillée, elle se frotta le coin de l’œil, se cogna contre la table en chêne. Elle pesta, claqua sa langue d’un air agacé, jurant contre la personne qui avait eu l’idée de mettre un tel morceau de bois en plein milieu du chemin –c’est-à-dire elle. Leo du retenir son rire, les idées un peu plus légères.

« Je t’ai réveillé ? »
« Non. Tu sais bien que je sens mon fils quand il revient à la maison. La fibre maternelle mon gars. »
Il dévisagea la maitresse de son maitre –c’était presque ça- de ses yeux bruns, percevant le bruit de son corps en une mélodie lointaine, le faible souffle de ses poumons. Penchant la tête sur l’autre côté, il jugea s’il y avait quelque chose d’intéressant à lui révéler. Leo lui en voudrait, c’était sûr. Mais pour une fois qu’il avait la tête ailleurs, il n’allait pas se gêner pour mettre un peu de piquant dans l’histoire de ces deux-là. L’air sage, sa queue commença à battre le rythme.

Il sourit tendrement, s’abaissa un peu pour faire la bise à sa mère. Elle lui passa une serviette pour qu’il puisse se sécher ses petites mains, bien qu’il se serait contenté de l’arrière de son jeans. Passant sa main sur le dos de son fils, elle s’appuya un peu contre lui, le sommeil qui reprenait un peu ses droits. Elle inspira, ouvrit ses deux océans. Une ambiance sereine et quelque peu joueuse s’installa, caractéristique de la famille Accettura. Le contacte avec sa génitrice calma un peu Leo, lui permettant de remettre de l’ordre dans ses idées, bien qu’il gardait encore la mâchoire contractée.
« Tu sais, ce n’est pas de ta faute. Leo a connu presque la même chose avec une autre pactisante. Elle avait aussi tout un dentier contre le GDP, je sais plus pourquoi. C’était son frère ou s’était son père ? Elle leur en voulait vraiment pas mal, la petite. Eva si je me souviens bien. » Ne joue pas la comédie, tu as surement la meilleure mémoire d’entre eux tous. « Bref, elle a tenté le tout pour le tout, un truc débile, genre attaque kamikaze. Elle est morte, Leo est passé pas loin de faire la même chose. Ah ! J’ai vraiment cru qu’il allait crever cette fois-là. Pire qu’il y a deux semaines… »

Ses oreilles se baisèrent d’elles-mêmes. Il avait beau garder un ton enjoué, ce passage dans cette quête de justice lui laissait un goût amer. Ray n’avait presque rien révélé de cette histoire-là. Même pas les grandes lignes. Comment pourrait-il parler de cette affection pour cette blonde ? Lui parler des larmes et des cauchemars qui suivirent ce malheureux épisode. La vérité que Caïn découvrit. Sa totale disparition du circuit. Sa fugue. Son errance. Ces blessures qui ne guérissaient pas. Ce flot de sentiments trop sombres que pour être décrit un minimum. Et toujours cette empreinte sanglante sur l’épaule de Leo, comme une promesse que tout ceci se reproduirait une nouvelle fois.

June, en bonne maman, l’avait remarqué tout de suite, avant de ne pas voir son regard espiègle. Elle le voyait dans sa position, par sa tête un peu plus penchée vers le bas, signe qu’il réfléchissait intensément, et par ses épaules, quelque peu voutés, montrant un Leo replié sur lui-même. C’était la preuve que quelque chose n’allait pas, que ça le tourmentait notamment. Elle le ressentait aisément, autrement que par sa fibre maternelle, même si elle se plaisait à tout mettre sur le coup de ce « don ». Elle percevait ce genre de choses, et elle était intimement persuadée que si un jour son fils faisait quelque chose de stupide avec cette prétendue Lune Rouge, elle le saurait immédiatement. Comme quoi, on peut parfois avoir quelques années de retard sur ce qu’il se passe réellement.
Partant chercher un jouet en caoutchouc pour se réconforter, puisqu'il doutait que Aya soit généreuse en gratouilles derrière l’oreille, il prit le poulet déplumé –son préféré. Le calant entre ses crocs blancs, il retourna au pied du lit, toujours proche d’Aya, pour s’assurer qu’elle ne faisait pas de bêtises, bien qu’il n’avait cure de ce qu’elle pouvait penser, et même des questions qu’elle serait tentée de lui poser. Ray jouait au jeu « Je donne. Tu prends tes coups en silence. Rends-toi compte que tu n’es pas la seule dans cette maison. » Un jeu qu’il aimait bien, somme toute. Se couchant sur le sol, grignotant l’objet en plastique qui couina sous la morsure –ce qui ne manqua pas de faire redresser ses oreilles d’amusement. Il eut quand même un peu de remords, parce que ça lui arrivait.

La Lune Rouge. Pour une fois, Leo aurait donné de nombreux de ses efforts pour qu’elle soit la principale source de ses soucis. Oui. Qu’elle envoie un pactisant fou furieux exploser des passants, ou un déranger qui s’apprêtait à s’attaquer au bâtiment de la police. Non seulement il aurait sauvé la vie de ce paresseux Milo, mais il serait également libéré de cet essoufflement l’incombant. Il passa ses doigts sur ses yeux, laissa échapper un sourire. L’air malicieux de June l’invita à se confier.

« Dis-moi, si une personne s’apprêtait à faire un truc parfaitement stupide, que tu sais que c’est dangereux parce que tu l’as toi-même fait, mais qu’il ne veut pas t’entendre… »
« Tout d’abord, si tu te drogues, je te fous un coup de pied au cul, que ce soit clair… J’essayerais quand même de le faire changer d’avis. Puis, ça dépend. Il est têtu ? »
« Plus que toi. » Un mince sourire s’échappa de ses lèvres, ce qui rassura un peu sa mère.
« Alors ça ne sert à rien. A partir d’un certain moment, tu te rendras compte que tu ne peux plus rien pour elle, parce que plus têtue que moi, ça ne peut-être qu’une fille. Tu la laisseras partir, parce que tu n’auras plus vraiment le choix. »
« Et cesse de t’inquiéter pour Sky. Il est partis voir je sais plus qui… Vicky ou Willow ? Je sais pas si c’est encore un de ses jeux de mots pourri avec son alcool. Quoiqu’il en soit, il va très bien. Il en a juste grillé quelques-uns. Y a rien à dire, il fait ça beaucoup mieux que toi… »

Se remémorer avec délice l’odeur de la chair brulée, alors que les derniers gémissements se font entendre. Une grande différence entre l’élève et le maitre. Mais c’était peut-être mieux comme ça. Si Aya avait la puissance que son Stella possédait, Ray doutait fort que Leo s’en soit sorti vivant l’autre soir. Donc, d’un côté, c’était mieux, et ça donnait plus de poids au caractère de Sky, comme quoi il n’était pas qu’un drogué à la nicotine. Le chien, lui, faisait tourner la tête de tout le monde par son poil soyeux et sa bonne humeur constante. La boule rouge, comparée à lui… Il laissa échapper un rire, remordit dans son poulet, même cinéma. Décidément, il ne s’en lassait pas.

Il lâcha l’assiette qu’il sortait de l’armoire, qui s’éclata en une myriade de morceaux sur le sol, rependant son verre sur le carrelage de la cuisine, en un bruit fracassant. La réponse ne lui avait pas plu, vraisemblablement. Pénaud, il s’excusa de ce manque de réflexe. De nouveaux, les tremblements impulsifs de son bras se faisaient traitres de sa confusion, de sa frustration. June s’approcha, zigzaguant dans mieux qu’elle pouvait entre les débris. Elle donna une tape sur l’épaule de son fils.

« Bah alors. Tu vas perdre ta virginité ou quoi ? » Elle rigola. Lui aussi. D’un rire lourd, plus par automatisme que s’il le voulait vraiment. « Ecoutes. Il y a des évènements dans la vie que tu ne peux pas empêcher. Bon, tu peux toujours l’attacher dans la cave, et attendre que cette idée lui sorte de la tête, mais j’ai un doute là-dessus. Tu ne pourras pas toujours tout contrôler Leo. Tu dois accepter ça. » Mon Dieu, mais elle me pique mes répliques… « Tu ne peux que attendre dans l’ombre et venir l’aider quand le moment sera venu. C’est la meilleure manière que tu auras de le soutenir. »
Il s’étira un peu. Se demandant s’il avait encore le temps de jouer un peu avec la pactisante. Lui divulguer des secrets enfuis. De non-dits tous plus charmant les uns que les autres. Il réfléchit un moment. Sa queue recommença à fouetter l’air, comme il aimait le faire pour rythmer les entrainements du petit Leo dans cette pièce, qui en avait vu plus que ce qui était permis. Lâchant son jouet qu’il laissa trainer sur le sol, il dévisagea à nouveau Aya, ses yeux luisant d’une lumière bleutée trop connue par la nippone. Soit.

« Tu te plains de Kelpie, et de ce qu’il a fait subir à Hanako. Mais tu as oublié qu’un pacte reste un pacte. Qu’importe le temps qui passe. Que ça fasse deux ans ou treize. Pour certains, les closes peuvent changer. Pour d’autres, elles s’aggravent. Ne t’imagine pas que Leo en est arrivé là grâce à la chance ou par son sourire Colgate… »

Car tu es né dans l’Ombre, et tu ne pourras jamais vivre que dedans. Attends ton heure. Deviens son Ombre. Et sauves là comme tu sais si bien le faire ♥️ Les tremblements s’étaient calmés. La morsure de l’inquiétude presque balayée. Il poussa un dernier soupire d’angoisse, emprisonnant sa mère dans une étreinte dont il avait vraiment besoin.
Sa voix, déjà rauque en temps normale, était devenue plus grave encore, soulignant des mystères qui avaient lieux d’être. La lueur étrangère de ses yeux se dissipa. Et il savoura l’étonnement parfait qui régnât sur le visage de l’asiatique. Ah ! Qu’il était fier. Il venait de faire sa plus grande bonne action de l’année, il en était persuadé. Bon, peut-être que Aya tenterait de le tuer, mais il ne s’inquiétait pas de ça. Lui, contrairement à Leo, était immortel…

Le grincement de l’escalier lui fit redresser les oreilles. Il sentit l’odeur de la nourriture, mais pleurnicha un peu quand il ne sentit ni l’odeur des croquettes, ni celles d’une toute petite cuisse de poulet qui aurait pu trainer dans le frigo. Vivement, il rangea son jouet dans son panier, parce que Leo avait horreur que ces morceaux de plastiques plein de bave traînent partout. Ce qui était faux, puisque sa bave était un élément sacré. Bon, Leo en doutait fortement, mais pas lui. Une deuxième voix s’éleva de l’entrebâillement de la porte. Il aurait rejoint June s’il en avait l’occasion. Mais captant des brides de discussion, il savait que ça n’aurait pas été opportun de l’interrompre dans la reconstruction de son être.

June était une gentille fille. Déjà parce qu’elle gardait toujours les morceaux de viandes en trop pour lui, ou s’il n’en avait pas, elle n’hésitait pas à en préparer un rapidement pour que le chien puisse le savourer pleinement. Outre cette délicatesse à son égard, il suffisait de la voir avec son fils pas moins de 30 secondes –bon, peut-être 37- pour comprendre d’où Leo tenait sa bonne humeur et le peu d’esprit qu’il étalait de temps à autre. Dans de rares moments, soyons clairs. Il était clair que c’était suite à cette relation mère-fils bien développée que Leo avait bien tourné. En plus, c’était elle qui payait ses abonnements à tous ses comics. De ce fait, June ne pouvait qu’être une adorable personne.

Les assiettes sur le plateau, accompagné d’une bouteille d’eau chopé rapidement et callée sous le bras dans un équilibre qui laissait presque à désirer, il adressa un dernier sourire à sa mère, l’air apaisé encore légèrement barré par une once de souci, qui ne s’en irait pas aussi facilement que ça, la mère le craignait. Ce qu’elle ne savait pas aussi, c’était que son goût pour le rire lui échappait encore une fois, abandonnant Leo sans sa plus grande arme. Mais il en possédait d’autre. Ce n’était pas ça qui le mettrait K.O. Pas pour ce soir. Sa mère se mit sur la pointe des pieds, lui offrit un dernier baiser sur la joue.

« Aller mon grand. Puis n’ai pas peur, cette Alexis n’a pas l’air bien vilaine. »
« Mais… Comment tu ? »
« Ne sous-estime pas mon réseau d’information mon chéri. Un jour, je dirigerais Milan, puis je serais le maitre de l’univers. » Il pouffa de rire.
« Maman, merci. »
Encore sous les soubresauts de son rire, Leo se dit qu’elle n’avait aucun avenir en tant que leader si ce qu’elle savait se basait sur des informations périmées depuis belle lurette. Il secoua la tête, l’esprit un peu plus léger que lorsqu’il avait entreprit de remonter la flopée d’escaliers. Il ne savait pas si elle le faisait exprès –il en doutait- mais ça lui avait fait du bien. Avec un presque sourire, il poussa la porte de sa chambre, la claquant du pied pour la refermer, et s’assurer que les oreilles indiscrètes ne viennent pas se coller à la frontière de leur histoire. Il déposa le plateau à même le sol, interdisant à Ray d’approcher ne serait-ce qu’un poil.

« T’inquiète, c’est pas avec des concombres-steak-patates que je vais m’en mettre plein la panse. Tu m’as même pas rapporté de croquettes. Maitre indigne ! »
« Depuis quand les étoiles se soucient-elles de ce qui se passe ici, surtout dans mon assiette ? »
« Depuis que j’ai entendu les pleurs d’un gamin plein de chagrin ? »

Le pourpre monta sur les pommettes de Leo, rageur que son chien use de ce genre d’argument. Mon pauvre. Si seulement tu avais conscience de tout ce qui s’était dit alors que tu te baladais dans les coulisses de ta vie. Mais pour faire remarquer à son chien qu’il avait tort sur un point, il sortit de la poche arrière de son pantalon un sachet de croquette parfaitement fermé. Ray se ravisa sur l’avis hâtif qu’il avait exprimé, sautant autour de son maitre, en chantant une chanson à la gloire de son pactisant, le meilleur au monde soit dit en passant. Manquant de tomber à cause de son Stella euphorique, il réussit néanmoins à verser la nourriture dans la gamelle, l’animal n’attendant pas l’accord d’une quelconque autorité, se jeta sur son repas.

Se grattant temporairement la tête, il se retourna, affrontant des yeux d’encre, comme il aurait voulu ne pas en rencontrer. Mais c’était ainsi. C’était son choix. Bien qu’il ne pût encore prononcer sur l’exactitude du futur qu’il choisirait, l’imperceptible intuition lui murmurait que tout finirait dans les larmes et dans le sang. Pressentiment amer qu’il chassa en s’approchant un peu plus d’Aya, lui tendant une assiette encore chaude.

« Mange, même si t’as pas faim. »

Il lui adressa un sourire, qui sonnait à la limite du faux, pâle figure comparée à ceux qu’il lui avait déjà offert, alors qu’ils se rencontraient, dans une aventure que ne lui semblait plus être la sienne. Un temps qui lui semblait trop éloigné de cette réalité lui échappant. Un Leo encore timide par rapport aux actes à poser, mais qui continuait de se construire tout du long. Bientôt sonnera sa renaissance. Seras-tu encore là, Aya ?

« Moi qui rêve du ciel, devrais-je me damner pour t’accompagner sur ce chemin fait de ton sang, de ta rage ? »
Leo.

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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeMer 22 Juin - 23:51

Noies-moi dans tes mots
Tues-moi de ton regard
Sacrifies-moi à ton sourire
Achèves-moi d'un rire
Mais ... aimes-moi, aimes-moi comme personne.



    Il est dit que les mots sont bien souvent de mauvais miroirs, trop étroits, trop petits, pâles reflets pour une once de ce flot de sentiments qui se déversent en nous. Il en est des choses qu'un seul mot peut capturer en un sens qui résume tout, englobant l'entièreté quelle qu’en soit leur véritable nature.

    Souffrance.

    Souffrance d'un être taché de sang que l'on obligeait en douceur à souffler sur les braises d'une plaie encore ouverte. Se révéler au grand jour, éclairer d'une respiration les plus profondes pensées et les offrir en pâture à un esprit attentif, pourtant inoffensif. Revivre à travers les mots, détachement factice, comme cette volonté de partage, de vouloir alléger la peine en mon cœur. On était toujours seul. Et pourtant, mes lèvres les avaient formés, leur avaient redonné vie dans cette petite pièce, retraçant l'esquisse sombre d'une scène déjà écrite. Pourquoi l'avoir fait ? Grande question ... Une impulsion, une ouverture, une invitation à poser son fardeau, ne serait-ce que quelques minutes avant de retrouver l’âpreté d'une réalité qui semblait suspendue. Peut-être aussi parce que, malgré moi, malgré tout, j'avais fini par accorder à Leo ce que je ne donnais à personne, leur faisant croire qu'elle était acquise, ce qui n'était jamais le cas. Un semblant de confiance. Lui offrir un bout de moi, sans soulever le voile d'une autre perte, similaire, fraternel et enfouie si bien qu'elle semblait s'être incrustée en moi, faisait partie de moi. Lui donner à voir les coulisses d'une existence sombre, l'éclat d'une lame striée de larmes et ses accrocs, ses faiblesses. Lui laisser imaginer le reste. L'avant et l'après. Surtout l'avant, ce début de vie crasseux et déchiqueté, comme si l'ombre d'un Cerbère se cachait depuis toujours dans la mienne.

    Souffrance d'un être qui voit l'autre s'enfoncer dans un cercle vicieux, sanglant. Essayer de la happer, tandis qu'elle tombe, s'éloigne dans l'obscurité d'une décision, d'une rage qui la submerge. C'était couru d'avance, tu le savais Leo... Même pas une question d'honneur, juste la vengeance et la souffrance. Pure, sauvage. Il n'en ressortira que des larmes et une douleur indicible. Celle de Leo, le corps soudain tendu comme on bande un arc pour lâcher une dernière flèche, mortelle, assassine, d'un seul regard. Sans même le regarder, j'avais senti le changement, l'air devenu glacial, éloigné comme la volonté du jeune homme à mes côtés.

    « Et tu le feras. Qu’importe le prix. Tu iras même jusqu’à te détruire. Te tuer. »

    Il n'avait pas besoin d'un hochement de ma part, il savait déjà.

    Un déchirement.
    Un coup de feu silencieux, me transperçant de part en part, plus surement que la lame de glace la plus acérée.
    Le regard froid de Leo, comme un coup de vent fouettant d’une claque mon visage, cette colère qui se logeait, malicieuse dans sa mâchoire crispée. Marqué, cinglé par ces mots auxquels je ne pouvais que donner raison. Si loin, inaccessible, enfermé à tout. Si différent de cette main doucement posée sur ma joue, ce contact d'une douceur infinie, protectrice d'un chagrin qui creusait dans mon cœur. Ce geste, ce petit rien qui voulait pourtant tout dire. Fugace, éphémère, oublié.

    Oublies. Oublies et absorbes ce dégout à ton égard, apprivoises ce ressenti qui te dévore le cœur, le charcute de son innocence, dans cette déception qui te lacère l'âme et le regard.
    J'enfermais tout ce que la réaction de Leo me projetait au fond, tout au fond, noyant la douleur de ce regard à mon encontre même si cela n'était pas que cela, qu'il cachait bien des choses. Enfouies dans une obscurité que je ne faisais qu’effleurer. Faire fi de ce rire amer, sarcastique, qui emplissait mon être, résonnait comme un mauvais rêve à mes oreilles, d'un mouvement de tête pour détourner mes yeux de goudrons de sa silhouette s'estompant dans l'escalier suite à des marmonnements indistincts, surement la réponse à l'indignation de Ray.

    Et regretter. Amèrement, douloureusement.
    Ce sentiment de s'en vouloir à s'enfoncer profondément les ongles dans les paumes dans un geste de rage discret. Se mordre la lèvre tandis que le désespoir et l'incompréhension, bordée d'une fine colère filtrait dans mes prunelles se confondant avec l'obscurité de la nuit tombante. Je savais que cela ne lui plairait pas, il devait s'en douter et pourtant, je n'avais pas pu mentir. Un instant, je pensai que j'aurais du, encore une fois, me draper d'un regard impénétrable pour ne rien ajouter, faire comme si j'avais accusé le coup, accepter en apparence alors qu'en moi grondait un volcan. Peut-être que cela aurait mieux valu. Mais ça aurait été trahir, lui et moi à la fois. Je baissais la tête, les mots étaient sortis tous seuls, naissance et fin d'un feu qui brulait en moi. Une vérité, tout simplement. Une évidence, les derniers paragraphes d'une histoire portant le nom d'une fleur de sang, d'un tissu aux couleurs pourpres, d'un regard sanglant.

    Qu'attendait-il de moi, qu'autre chose que ce que j'avais été durant tout ce temps ? Une chienne aux crocs acérés, un être qui rendait coup pour coup.
    Cette pensée me fit serrer les dents, entre remords ardents et colère contre un Leo qui n'assumait pas ce qu'il avait demandé à voir, qui bafouait mon existence par ce dos tourné et ce regard empli d'amertume, qui la déchirait de douleur au simple de le faire souffrir à son tour. Elle me donna le regain nécessaire pour me lever, tenir à la seule force de mes nerfs sur des jambes vacillantes.
    Je n'aurais su quoi dire, honnêtement, mais je ne supportais pas.

    « Je te déconseille de le suivre. Tu n’es pas en état, déjà. Et lui ne veut pas qu’on l’approche. Toi moins que moi. »

    Une éraflure de plus, qui me coupa dans mon élan, me faisant retomber sur la couette, soulevant les mèches devant mes yeux. Je fixais mes prunelles dans celles aussi sombre, insondables du stella qui s'était rapproché du bout du lit, me détaillant silencieusement. Les derniers mots étaient des poignards que Ray savait parfaitement maniés, me plongeant dans un océan de culpabilité. Ils s'étaient fichés exactement là où il fallait. Rejet, abandon, faute. Les larmes avaient assez coulés sur mon corps, mes yeux sec d'avoir trop pleuré et pourtant, cette simple phrase m'avait ébranlée, m'aurait fait pleurer de rage si je le pouvais encore, si je ne me l'interdisais pas. Détachant mon regard de sa silhouette qui m'observait, brisait mes défenses, ma capacité à faire détourner les regards, à se cacher dans l'ombre, un pli douloureux, amusé, naquit sur mes lèvres, Ray était redoutable. Adorablement dangereux.
    Paradoxalement, je ne le craignais pas, encaissant sans broncher les dires du canidé stellaire, courbant l'échine silencieusement à ses vérités assénées. Il m'agaçait, mais il avait raison. Ray se moquait bien de la peine qu'il infligeait mais je le comprenais : Le stella protégeait son pactisant.
    Mes prunelles détaillèrent encore une fois la chambre, ce cocon qui semblait respirer la sécurité à travers les pores de ses murs, savourant cette impression surement dû à l'urgence de la situation. La quiétude d'un instant, que je touchais du doigt tout en sachant que je n'y avais peut-être pas le droit. Sécurité volée. Ce ne serait pas éternel, il faudrait bientôt retrouver les pavés froids de Milan. Les parcourir pour se cacher dans l'obscurité de ses rues, et cela beaucoup plus tôt que ce j'aurais voulu.
    La queue du chien au regard trop intelligent, battit contre la couette, martelant le temps d'un rythme étrangement joyeux.

    Sa voix s'éleva, me rappela à l'ordre en me dessinant juste les contours d’une histoire vécue, à l'arrière gout de déjà vu, à l'allure d'une chevelure blonde qui s'écroulait dans un cri de douleur d'une voix bien connue. Ses yeux, bleu-ligné, le cobalt se noyant dans un quotidien où les couleurs avaient disparues. Et le reste, le vain essai de la rattraper et s'en mordre les doigts. Payer pour avoir voulu saisir l'ombre de sa rage.

    La cause de la colère de Leo, que je comprenais un peu mieux, écho décalé, pas tout à fait exact et pourtant si poignant de la mienne, criant un prénom à la couleur neigeuse des années bien en arrière. Sans pour autant la comprendre totalement, ma compréhension se heurtait au sentiment acide qui pulsait en moi, mais submergée encore plus par une culpabilité qui se renforçait au fur et à mesure que le silence se creusait. Ray jouait avec une espèce de poulet plumé au couinement atrocement odieux et moi je me perdais.
    Pas ma faute ? Ce stella se foutait de ma gueule. Peut-être pas maintenant. Pas tout de suite, mais cela le serait plus tard, comme marqué à l'indélébile. J'entrainerais Leo dans ma chute s'il continuait à suivre mes pas. J'étais en train de le lier à moi dans une folie que je ne contrôlai pas, partagée, déchirée entre ces deux sentiments.
    Cette mélodie vengeresse qui sonnait comme un impératif brulant, et cette peur, enserrant mon cœur qu'il meurt par ma faute. Ça n'arriverait pas, l'histoire ne se répéterait pas, même si pour cela il faudra arracher toute cette affection qui s'était encrée en moi, pinceau de chine aux traits légers et pourtant plus solides que je l'aurais pensé. Je m'étais piégée toute seule, le prenant dans les filets en même temps. Je ne voulais pas y croire, niant la douleur lancinante qui pointait à la seule pensée de lui tourner le dos définitivement. Je ne voulais pas croire qu’il puisse aller jusqu’à mettre sa vie en danger pour m’en empêcher, mais le doute s’insinuait, dérangeant. Sky aurait ri doucement à me voir me débattre comme ça. Faible, pathétique, désespérément accrochée, encore plus fort, plus profondément alors que je m'étais jurée de ne plus y céder.

    Une résolution se rappela à moi dans un éclair pourpre. Je ne laisserais plus personne mourir à cause de moi, je me l'étais jurée sur la tombe sanglante d'une place silencieuse. J'étais assommée, paumée, malade de doutes. Je voulais me terrer, ne plus penser, ne plus exister, chasser ses tourments dans le reflet noir d'une lame, comme je savais si bien le faire. M'oublier pour ne plus être qu'un outil. Mais un sabre sans une main pour le diriger n'est rien. Et ce réflexe de petite fille se cachant derrière un oreiller non pas de fait de plumes mais de couteaux ne marchait pas. Je jetai un coup d’œil au Stella, puis à la lucarne, inaccessible.
    Même avec un coup de pouce de Ray, c'était suicidaire et à coup sur, un filet d'envie pour finir plus blessée et inutile que je ne l'étais. S’échapper par les escaliers n’était certainement pas non plus la bonne solution, au risque de finir la tête entre les jambes en bas. Je soupirai, une haine de moi-même s'infiltrant peu à peu tandis que je m'évertuais, essoufflée à force, à enlever mes bottes. Au bout d’une ou deux minutes de bataille, je finis par étendre ma jambe tremblante à moitié sur le lit, ayant mis mon manteau dessous pour couvrir le moindre risque de tache, tandis que je croisais l’autre. Autant prendre son mal en patience, même si je mourrais d'envie de dire au chien que cela n'arriverait pas, tout en n'étant pas certaine au fond de moi, d'être capable de faire ce qu'il faudrait pour empêcher Leo de me suivre si jamais ... Autant se taire, écouter les couinements du pauvre poulet en plastique sous les crocs de Ray. Étoile à l’insouciance d'un jeune chiot et à la sagesse d'un être millénaire.
    La tête du jouet encore en travers de la bouche, il me lança un regard malicieux et continua de m’abreuver de petites touches de connaissances, jouant manifestement avec moi.

    « « Et cesse de t’inquiéter pour Sky. Il est parti voir je sais plus qui… Vicky ou Willow ? Je sais pas si c’est encore un de ses jeux de mots pourri avec son alcool. Quoiqu’il en soit, il va très bien. Il en a juste grillé quelques-uns. Y a rien à dire, il fait ça beaucoup mieux que toi… »

    Mon regard vagabond, revint se ficher dans les prunelles du chien, et un sourire sincère mais amusé remplaçai la grimace qui s’était peinte sur mes lèvres un instant auparavant. T’es peut-être un chieur complet Ray, mais merci …

    « Willow. Une grande brune aux yeux vairons qui vit dans les hauteurs de Milan, je crois. Vicky, c’est sa foutue bouteille. Tant mieux, tant qu’il fait pas d’autres conneries »

    A part griller une dizaine d'agents ? Tout était relatif, concernant Sky.
    Malgré le fait que nous étions d'accord pour ne pas se mêler des affaires l'un de l'autre, rien ne m'empêchait d'y jeter un petit coup d’œil. Willow était une de ses amies, une de ses "poupées" qui trouvait en sa compagnie l'étincelle qui manquait surement à sa vie de rentière. Bah si ça l'amusait à de fricoter avec elle, Sky faisait bien ce qu'il voulait, ce n'était ni la première et surement pas la dernière sur le tableau de chasse de ce Don Juan aux cheveux de sang. Sang qui avait du peindre son visage éclairé par des prunelles incandescentes de joie purement malsaine. La mort était son dada. Son éclate dans des moments où il se lâchait complètement ...rarement. Heureusement d'ailleurs, même si dans le cas présent, je savais que cet aspect ténébreux de Sky nous rendrait service. Pas de fuite possible.

    " Il est sacrément doué, c'est vrai ... "

    Un peu trop peut-être, pour que cela soit naturel, trop réservé sur cela aussi. Je ne doutais pas que les deux poussières d'étoile échangeaient sur les deux tronches de cake sur lesquelles ils veillaient. Sky refusait sans m'en donner les raisons de m'en apprendre plus pour l'instant, se contentant d'affiner encore et encore la précision de mes trajectoires, ma résistance, m'envoyant manger la poussière avec un grand éclat de rire. Réelles inquiétude quand à la compensation demandée ou envie de garder un certain ascendant sur moi ? Je ne saurais pas répondre. J'avais déjà franchi les limites imposées ce soir en utilisant les champs électromagnétiques et je souriais toujours doucement malgré le savon que j'allais recevoir quand je le reverrais.
    Je n'étais pas tant inquiète pour lui, même si j'aurais aimé le savoir dans les environs, tout en rejetant fermement cette idée. Depuis quand est-ce que j'avais cette envie saugrenue de vouloir qu'il empoisonne mon espace ?
    Le jouet tomba sans bruit sur le sol tandis que d'un geste presque inconscient, j'avais posé ma main sur la fourrure de Ray, ressentant à son contact comme une impression de déjà-vu, au-delà de la sensation chaude de sa fourrure. Ce qu'il dégageait était à la fois très différent et très similaire à ce que je pouvais parfois ressentir auprès de Sky. Cette sensation d’étrangeté pourtant rassurante. Je passai sur l'arrête de son nez, lui faisant fermer les yeux, avant de simplement de caresser sa tête et poser ma main sur son échine, légèrement. Juste une envie. Mes doigts toujours entremêlés dans sa fourrure, je l'écoutais distraitement.

    « « Tu te plains de Kelpie, et de ce qu’il a fait subir à Hanako. Mais tu as oublié qu’un pacte reste un pacte. Qu’importe le temps qui passe. Que ça fasse deux ans ou treize. Pour certains, les closes peuvent changer. Pour d’autres, elles s’aggravent. Ne t’imagine pas que Leo en est arrivé là grâce à la chance ou par son sourire Colgate… »

    Le contact chaleureux se rompit sous la surprise de ce qui se cachait au travers de ses mots. Deux paires d'obsidiennes s'observaient, l'une amusée par le trouble de l'autre. Deux volontés qui se frôlaient, n'appartenant pourtant pas au même plan. L'une, des questions pleins les yeux, l'autre distillant ses réponses au gré d'un sourire canin. Mes prunelles se firent légèrement plus dures.

    " Je n'ai pas oublié. Et je sais parfaitement où cela va nous mener, plus ou moins longtemps. Mais cela ne justifie pas la façon dont il l'a fait. La souffrance infligée était en option. "

    Je voulais bien comprendre, malgré ma difficulté à l'accepter, que Kelpie ait fait ce pourquoi il s'était matérialisé, ce pourquoi il avait répondu au cri d'Hanako, sa fureur, son dégout de sa propre existence, mais c'était la manière que je discutais. Lui infliger plus de douleurs qu'elle ne souffrait déjà n'avait jamais été obligatoire, j'en étais persuadé. C'était de la cruauté gratuite et même moi qui étais une habituée du fauchage de vie, j'avais été ébranlée par la scène. Trop proche surement, la donne avait changé alors dans ma logique, balayée par un sentiment d'injustice trop fort.
    Je ne saurais jamais pourquoi, et ce n'était certainement pas l'étoile à mes côtés qui allait me donner une réponse qui s'esquissait d'elle-même. Je me tournai vers lui, suspicieuse devant le mystère qui entourait son espèce.

    " Parce que tu connaissais Kelpie toi ? Et puis avec tes théories sur les pactes, tu veux bien m'expliquer pourquoi Sky a agit ainsi alors ? "

    J'avais déjà une grande idée de la réponse, mais qui sait ? Si un pacte était un pacte, un impératif à respecter, pourquoi le stella au masque sanglant n'avait-il pas exhaussé le vœu formulé, tout de suite. Il aurait eu ce qu'il voulait en quelques minutes, même pas. Mais non, il en avait décidé autrement, suivant un raisonnement bien à lui, obscur. Pourquoi m'avoir affublée d'une telle contrepartie alors qu'il aurait pu me faire payer et réaliser le vœu en même temps. Un mystère que je ne comprenais pas... Pas dans la logique du sens de la présence des Stellas à nos côtés. Plus que cela, bien sur ... Du Sky dans toute sa splendeur.

    J'étais encore plongée dans les méandres et le labyrinthe de mes pensées, la tête observant le ciel à travers la lucarne, lueur naturelle qui s’ajoutait à celle de la chambre, quand la porte claqua au retour de Leo, faisant remonter d'un seul coup la nervosité dans mon esprit. Je ne dirais rien des confidences qui s'étaient étiolées dans l'obscurité, pourtant je n'arrivais que peu à cacher ma gêne. La culpabilité revenait jouer les insidieuses invitées, ravivant des doutes et des peurs que j’avais réussi à mettre de coté, un temps seulement. J'aurais du n'être que le souvenir de ma propre silhouette, à l'heure actuelle, d'autant qu’il m’avait semblé entendre comme une autre personne que Leo dans la maison, sans en être totalement certaine. Je le mettais en danger et il faudrait bien qu'il faudrait qu'il se rentre ça dans le crâne. Mais pour le moment, je ne savais plus vraiment comment réagir, tétanisée sur ce lit, revenue au moment de la fin de mon récit, sans pouvoir fixer mes prunelles dans les siennes.
    Ray sautait de joie à la vue de son pactisant, et son enthousiaste douché par le contenu de l'assiette m'amusa silencieusement. Bien fait pour toi, ça t'apprendra à jouer au Père Fouras !

    « Depuis quand les étoiles se soucient-elles de ce qui se passe ici, surtout dans mon assiette ? »
    « « Depuis que j’ai entendu les pleurs d’un gamin plein de chagrin ? »

    Le rouge monta aux joues d’un Leo bien embarrassé et même si je risquais un coup d’œil dans sa direction, je ne fis aucune remarque, juste un léger sourire amusé, entendu. Nos Stellas devaient aimer les larmes pour s’être attaché à deux pleurnichards comme nous. Cette nuit pluvieuse resterait gravée en moi à jamais, ces larmes qui s’écoulaient, se confondant avec le torrent qui déchirait le ciel ce soir là. Un ciel bien en colère, sous lequel une jeune fille avait hurlé de désespoir.
    Un même cri que j’avais poussé ce soir.

    La déception de Ray fut de courte durée à la vue de ce que le jeune homme avait calé dans la poche arrière de mon jean. Je le regardais du coin de l’œil, cherchant distraitement une horloge, notant l'heure dans ma tête, ayant en tête d’autres préoccupations que de manger.

    Deux billes d'eau me capturèrent malgré moi, Leo se grattant d'une main l'arrière de la tête, visiblement aussi gêné que je l'étais. Vision étrange, insolite par rapport à ce qu'il m'avait donné à apercevoir de lui, jusque là. Je n'osais pas bouger, trouvant tout d'un coup très intéressants les motifs de la couette bleue. Bordel, Aya, ressaisis-toi ! Ne laisses rien transparaître !
    Pourtant, il y avait toujours cette note de doute effrayé et à la fois prête à l'affronter dans mon regard. Comme un avertissement tacite, une mise en garde silencieuse, barrière inutile que j'abaissai volontairement à voir Leo s'approcher.

    « Mange, même si t’as pas faim. »

    Hésitante, je lui jetai de nouveau un regard méfiant, et prit les couverts, suspendant mon geste. Mes lèvres formèrent un sourire jamais offert. Un tout petit plus grand que ceux que j'esquissais par moment, d'une rare sincérité. Le vestige d'une âme cachée sous des couches successives d'encre noire.

    " Merci ..."

    Un fin sourire qui s’évapora doucement , un soulagement infime malgré un corps toujours tendu.
    Le plat était simple mais délicieux. Au départ, l’odeur m’avait pris à la gorge, me soulevant légèrement le cœur, mais sous la coupe du regard de Leo, je ne me risquerais pas à pinailler. Il fallait bien avouer qu’une fois les premières bouchées avalées, ça allait beaucoup mieux. Le silence s’installa entre nous, lui en face de moi, toujours ce regard posé sur moi, rencontrant la noirceur du mien.

    « Je ne vais pas me casser comme une brindille… »

    Non, certainement pas, et même si mes mots sonnaient creux et emprunt d’un léger mensonge, j’avais encore un peu de réserve et de résistance au fond. Je voyais d’ici la mimique moqueuse de la poussière d’étoile à côté de nous, se goinfrant comme un bienheureux.
    L’encre rencontra une nouvelle fois le lagon de ses prunelles, s’y diluait petit à petit, s’effilochait pour s’y mêler, en de fines traces éphémères, dessinant un avenir incertain, vacillant comme la flamme d’une bougie dans le noir. Je commençais à comprendre qu’au fond de moi, la volonté ne suffirait pas. Malgré le mur silencieux qu’il y avait entre nous deux, une vérité perdurait. Je m’étais enchainée à cette silhouette et que le rejeter m’était impossible, pas maintenant.
    Le protéger ? Peut-être.

    « Je ne peux pas rester ici. Pas trop longtemps, Leo tu m’écoutes ? Tu ne vas pas pouvoir me planquer indéfiniment, c’est trop dangereux. La rue je connais, je peux me débrouiller. »

    J’avais parlé doucement, comme on essaye de faire entendre à un enfant une vérité tranchante, comme on rassure malgré l’horreur du moment, malgré les conséquences. Leo semblait les balayer, encore, comme si ce n’était que des petits soucis que l’on pouvait remettre à demain, effaçant mes protestations qui mourraient dans une moue contrariée. J’étais pourtant très sérieuse et la hauteur du ton ne cachait pas la force et la détermination que j’y mettais. J’avais déjà quelques idées en tête, je saurais me débrouiller mais un ou deux jours au chaud auraient été mieux, beaucoup mieux. Et le convaincre par la même occasion. Mais c’était courir des risques, trop grands juste pour préserver ma sécurité.
    Et un certain risque me revint en mémoire quand je posai de nouveau les yeux sur le petit réveil du bureau. Il n’avait pas encore fermé. Je travaillais au black mais je ne tenais pas à perdre, encore, un autre boulot. Le reste de mon activité allait rester en stand-by quelques temps … mais ma seule source de revenus, et surement encore inconnue des services de polices, je ne tenais pas à la lâcher. Mais il fallait bien se rendre à l’évidence : impossible d’assurer un service avec un corps aussi fatigué et bancal que le mien. Ils avaient l'habitude de mes absences étranges, mais pour une nuit, quelques heures où s'égrenaient les courses des aiguilles et les secondes restantes de vies. Là, ça risquait d'être bien au delà.
    Je jurai en fouillant dans mes poches, le portable ayant disparu, surement dans la course poursuite au travers des ruelles de la cité.
    Grimaçant légèrement, à cause de la gêne et du tiraillement d'avoir trop bougé, je demandai quand même de l’aide à Leo. Encore une fois, une fois de trop à mon goût.

    « T’aurais un portable ? Un téléphone ? Il faut que je prévienne le Magenta, le bar dans lequel je travaille, … que je ne pourrais pas assurer le service pendant un moment… A moins que tu puisses me remplacer. »

    Les derniers mots avaient été prononcés avec une certaine ironie, comme une boutade. J’avais bien du mal à m’imaginer Leo en étudiant, alors en barman sous mes conseils, assise sur une chaise, n’en parlons pas ! Sky, lui, aurait certainement emmené toutes les clientes faire un tour dans un autre bar, une calamité sur pattes …
    Mais derrière ce petit trait d’humour se cachait une profonde angoisse . Et toujours ce vacillement à la rencontre de son regard, cet oscillement entre rester et fuir.
    Pour au final, dans un soupir agacé, accepter de ne pas bouger, de le laisser approcher plus que de raison, parce que les sentiments sont une prison bien plus fortes que du fer et de l’acier trempé.
    Parce que j’avais scellé mon avenir proche en me laissant emmener dans cette maison qui semblait m’accueillir de son bois craquant, comme une vieille mélodie.
    Parce c’était lui.
    Parce que c’était Leo, tout simplement.
    Mon héros <3



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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeLun 8 Aoû - 11:27

« J’aime. Ressentir le tremblement de ton corps sous mes doigts. Ton pouls incontrôlable, battant entre mes mains. Ton souffle qui se heurte contre mes yeux. L’appel de ton corps contre le mien, y répondre en une caresse. Ta peau chaude qui inonde mon dos. Ta sueur qui rencontre la mienne. Musique de tes murmures sous ma bouche. Le charme de ton cœur sur le mien. J’aime. »
J’aime.

L’image du poison, elle fut utilisée de nombreuses fois. Corrosif, plaintif, bruleur, rageur, destructeur, acide, maladif, arsénique… Où la matière caustique serait ce gène mortel pour leur devenir. Substance grisâtre glissant le long de leurs corps, liquide poisseux, collant ses intentions de gestes doux à même leur peau. Une paralysie stagnante, figeant tout changement qui aurait pu s’y attarder. Alors, c’est ainsi que se déroule ta Fatalité ? En une banale histoire de cœur qui tourne mal. Tu me déçois, petit Leo. Tellement. Eh oui, ce n’était peut-être que ça, une banale histoire d’amour qui tournait mal. Mais Leo, l’assiette toujours fumante sur les jambes, teinta son regard d’une pointe de désapprobation, aussi brulante que profonde, dans le bleu de ses yeux. Non, stupide voix-off., ce n’était pas ça.

Une terrible Vérité, que lui et Aya fuyaient des yeux, s’évitant chacun en une danse désarticulée. Ces faits dans les actes, leur indiquant d’une clarté dérangeante le devenir de leur histoire, s’effilochant en une léthargie fatale. Leo grimaça. Attendras-tu dans l’ombre que ton moment soit venu ? La laisseras-tu s’abandonner à une autodestruction gratuite ? Leo avala une bouchée de ce steak, le trouva trop froid.

Et dans la fuite de leurs iris, du bleu rencontra du noir. Une couleur trop claire pour une trop sombre. Ne serait-ce que pour une seconde, tu lui auras volé l’écart de ses yeux. Et pour cela, je me dois de te féliciter, Tueuse d’Etoile. Il serait idyllique de parler d’un cœur qui s’arrête, alors que l’autre ne cessait de battre de plus en plus fort en une impression détonante. Non. Il y avait tellement de souffrance dans l’interstice de ses clignements d’yeux, s’alternant avec de l’incompréhension. Attends dans l’ombre. Soldat de l’Ombre. Oui. Il était né ainsi. D’un souhait plaintif murmuré dans la noirceur de la Lune et il mourrait ainsi, d’un dernier sourire caché par l’éclat de la peur. Cette constations, elle lui tira une mimique de douleur. Alors que dans la pâleur de la pièce, l’animal se jouait de ces faciès. Depuis cette nuit, où le sang avait coulé, fleurissant en des coquelicots fanés, de si nombreux évènements eurent éclos dans l’importance du temps.

Connexion de décisions furtives –une de tueur, l’autre de sauver. Impulsions qui lui coûtent. La courbe monotone de sa vie, comme une feuille mourant à l’automne fut balayée par un vent frais, provenant de l’Est. Aya. Tout changea. Tellement de choix, de certitudes, qu’elle ébranla, par sa simple présence, pointant de ses yeux trop noirs les épaules vacillantes d’un héros en apprentissage. Ah. Si sombre est son regard, lui qui aspire le Lion en des terres inconnues. Et tu brises tout sur ton chemin Aya, car tu lui apprends le sacrifice. Pas de lui. Des autres. De Toi, surtout. Il n’est pas prêt. Au fond de toi, tu le sais, souris. Il tremble, branle. Leo peut se faire disparaitre, il l’a appris. S’oublier complètement. Dans un souffle. Oublier la peur, la douleur. Ne ressurgir que durant une nuit sans lune. Nuit de tes yeux contenant trop de colère. Orage de ta vie sur la sienne. Ta présence l’a transpercé comme un pic, coup de révolver, plein de poudre. Des coquelicots ont fleurit. Et ils continueront de tacher le sang de Milan. De combien de sang videras-tu le corps fatigué de Leo ? Vampire. Vampire ! Est-ce tout ce qui t’intéresse ?

Un accroc dans son parcourt. Tu aurais pu, aurais dû n’être que ça. Leo clouerait ta gueule sur l’asphalte humide et tu n’aurais été qu’un mauvais souvenir, un peu trop douloureux. Stupide Echo. Toi qui n’es que ça. Il n’a pas su. Te sacrifier, toi ? Non, pas elle ! L’obstacle de trop. Tu en as eu de la chance, au final. Le Cerbère ne retournera pas en Enfer… A quel prix ? Tu as changé tellement de sa force. De trop. Dans l’Univers impeccable de sa justice, tu te dresses en une traitresse. Ne sont traitres qu’à ceux qui l’entendent. Il se serait crevé les yeux, les poumons pour que ça ne soit pas ainsi.

Regard, dévore de tes mirettes avides ce que tu as fait de lui. Une lumière éclatante, vacillante. Une presque étoile. Voleuse ! Voleuse ! Oui. Voleuse. Tu as volé l’écart de ses yeux, de son rire. Démantèleras-tu son cœur, pour qu’il ne puisse plus offrir ?

Mais Leo est fort, de lui, de ses convictions aussi. Presque invincible. Phœnix de son temps, de ses secondes. En funambule, il grimpe l’acropole de son aventure, obstacle à l’odeur de menthe. Tu es revenue ! Fourbe. Tu oses. Pleures, appeles son nom. Tu devrais pleurer plus. Souffrir plus. Tues-toi. Peut-être serait-suffisant. Elle est si belle quand elle pelure. Leo. Tu ne vas tout de même pas… Voleuse ! Voleuse ! Que lui as-tu fait ? Il se bat pour toi. Se met en colère pour toi. Te protège. Te portes. Te souris encore. C’est à peine si tu le reconnais. Il n’osera jamais te sacrifier à présent que tu comptes autant pour lui. Alors, ce sera à lui de le faire. Pour toi. Rien que pour toi. Il ne restera plus que toi. Voleuse ! Voleuse ! Je ferai tomber la Fatalité sur vous. En une pluie diluvienne d’horreur, de malheur. Tu regretteras Aya. Encore plus que maintenant.
Il a décidé de te suivre, mais pour combien de temps encore ? Crains la seconde où il t’abandonnera, ce sera ta chute.
C’était cette volonté indescriptible, une qui lui brulait l’échine, lui tordait les nerfs, qui le forçait, le poussait à la protéger de toutes choses, surtout de cette folie nouvelle, elle qui la poussait dans un danger qui la guète. Aya, pouvait-elle seulement le pressentir, subodorer le sang et les blessures qu’elle dispenserait en une Mère Noël Dérangée ? Du GDP, il y a des projets que tu ne peux mener à bien Aya. La vengeance en fait partie. Le GDP, toujours, garde en lui les origines de ta souffrance – le corps d’Hanako, d’Eva, de la sœur de Gégé, du cerveau d’Aaron, et de tant d’autres, qui se sont effondrés sans que même tu ne le remarques ou le devines en un frisson qui te parcourt le corps.

La nippone ne voulait rien savoir. Ce n’était pas la peine d’essayer de lui explique, de lui offrir des preuves accablantes. Leo le savait. Pour seul effet, le renforcement de ses convictions, de lui donner plus de rage à dispenser, plus de rancœur à disperser. Alors Leo, face à cette crainte muette qui lui tiraillait jusqu’au plus profond de ses cellules et de son ADN, se murait dans un silence passager. Et priait, pour trouver une solution, une échappatoire à cette lucarne d’un élan de haine d’Aya, l’élan de trop.

Tu resteras son ombre Leo, feulement indescriptible de ton être qui s’éteint. C’était ça, pour combien de temps pourrait-il supporter de se taire, en attendant sa fin. Aya serait-elle assez patiente pour attendre la fin de cette guerre ? Ses yeux se déposèrent sur le sol, où l’air absent, il détailla une fente dans le parquet. Pour la Protéger. Ah. Si elle le savait… un léger sourire lui transperça le froid de son être. Elle lui en voudrait, et le tuerait, peut-être. A présent, il grimaça, se mordit la lèvre.

« Merci. »

Cessant le détaillage inutile du lit, ses yeux bleus remontèrent jusqu’à un noir bien connu, grimpant le long de cette jambe blessée, lui laissant un arrière-goût amer dans la bouche, escaladant la courbe de ses hanches légèrement prononcée sous ces vêtements trop larges, arriva à la borde de sa nuque, pour atterrir dans un océan d’encre. Oh, Aya <3

Il parut surpris, en réalité, l’était. Le fut face à ce ton sincère qu’il ne connaissait pas. Un mot qui sans qu’ils ne le sachent, ni l’un ni l’autre, discrètement, annonçait un renouveau dans leur histoire. Ce mot, un couteau qui s’enfonce à l’extrême limite de son ego. Entre les parois minces de son cœur. La surprise, ainsi que l’air dubitatif qui marqua ses rétines s’atténuèrent, succédant une blessure muette qui se creusait dans la légitimité de son existence. Ses yeux se pincèrent, formant une succession de rides, se scindant un moment entre le dégout de lui-même, et le dégout de tout. Était-ce ainsi ? Était-ce vraiment ainsi ? Merci de scelle ta vie – ton devenir – tes espoirs – tes rêves – ton amour – ton courage – ta gentillesse - ton Être à Part Entière, à la résurrection de ma destruction. Vraiment, Aya ?

Le désir, que ce ne soit qu’un mensonge, qu’une abomination qu’elle ait proféré dans le but de le soulager. Juste ça. Que ce ne soit qu’un mensonge, comme tous ces idéaux et que tout disparaisse dans le noir de ses yeux. Engloutis-moi. Fais-moi disparaitre Aya. L’appétit lui manqua pour terminer son assiette et déposa la vaisselle sur le sol, devant ses pieds nus. Leo ferait tout pour elle, y compris lui mentir.

Mensonge. Non, je ne t’ai pas placé sous la surveillance occasionnelle de mes camarades. Non, je ne savais pas qui tu cherchais. Non, ces gens que tu as rencontré ne sont ne sont pas mes amis. Non, tu sais tout de moi. Non, je lâcherai prise sur toi, te laisserai pratiquer ton désir vengeur en paix. Non, j’arrêterai de te soutenir. Non, je t’aiderai à perdre une flaque de sang encore plus grand. Non, je ne te mens pas. Jamais.
Ray redressa la gueule de sa gamelle, à présent vidée. Ses oreilles se baissèrent d’elles-mêmes en arrière, sans qu’il ne le veuille. Ray n’aurait pas voulu offrir un indice de cette empathie qu’il ressentait envers son pactisant. S’il avait pu, il lui aurait choisi le don de télépathie, où celui que Dasha possédait, pour que Leo puisse comprendre tous les évènements de cette nuit si sombre, celle qui, gramme par gramme, prenait un malin plaisir à détruire Leo.

Une main passa dans ses cheveux bruns, chassant les mèches rebelles lui chatouillant le front. Ça n’allait pas. Ça n’allait pas. Pour la première fois de sa vie, le sentiment dérangeant de tout faire de travers, celui même de vivre, le tiraillait l’âme en une litanie de réflexion. Cette idée unique, sur laquelle toutes ses craintes se délectaient, le nécrosaient de l’intérieur. Vibration internes de la plus petite particule se débattant avec la ligne conductrice de ses actes futurs. Un Echo agaçant. Le mal de crâne revint, les paroles de June également. Non. Tout ceci n’était qu’un mensonge, qu’une pâle imitation de la réalité, comme elle se devait d’être. Où es-tu Leo, où es-tu ? Un soupir se heurta dans l’air de ce monde corrompu, pas des choix qu’il n’avait pas faits, des décisions qu’il n’avait pas prises, des conseils qui furent faux. Tous. Jusqu’à la moindre intonation de leur prononciation. Tout n’était que mensonge. Cassidi aurait été fière de lui. Le chien rigola.

Alors il barra tout, toutes ces dernières heures de sa vie, par ce regard goudronné ayant capturé sa réalité. Tout est de ta faute Aya. Mais c’est bien comme ça aussi.Il défit l’inquiétude de la voir en larme. Il noya la colère de la savoir en sang. Il hachura le dégout de Nova, arracha l’empreinte indélébile et si sucrée marquant ses lèvres, effaça l’horreur des projets de la nippone. Une purge de ses regrets, de ses plaisirs, de ses peurs.

Et il continua. Plus profondément encore. Enlever ce jeu de masques, de pseudonyme auquel il s’attachant tant. Enlever ce foulard vert si souvent absent, ce surnom de Bouffon. Enlever à la majuscule de son prénom la présence de son nom. Abandonner de son Accettura et de ce L majuscule, garde le leo dans sa simplicité première. Sans préemption héroïque, ni vision salvatrice d’un monde plongé dans la tiédeur de la terreur. Sans ombre de Milan qui l’étouffe.

Qui reste debout, outre la gentillesse profonde qui illumine son âme ? Que lui restait-il de valable, d’acquis dans le moindre recoin de son corps ? Un élément unique à la coloration de ses actes. Cherchant au-delà de la chair, des os, de la souffrance. Une chose fugace, impulsive, nerveuse, brillant en une sphère diffuse. Etincelle de Lumière. Celle de ses yeux, caché par des émotions trop lourdes pour un garçon trop rêveur. Poussière d’Etoile, vibrant à l’unisson des sentiments qu’elle ressent, qu’il ressent. Car ce principe n’existe que par lui-même. Comme pour Leo. Et l’impossible, l’inimaginable de lui enlever ce tourbillon de couleur, de lui arracher de la poitrine avec force et violence, s’affirmait. Tu comprends Aya ?

C’était ça. Leo l’avait retrouvé.
Pétillement de son existence.
Leo faillit en rire, se contente de sourire.
« Je ne vais pas me casser comme une brindille… »

Mimique timide, se rassurant des certitudes récupérées. Il hocha la tête positivement. Une image pointa dans son esprit, celle qu’un coquelicot qui se pliait au vent, mais jamais ne se brise. Le trouble qui avait accaparé son esprit se distillèrent uns à uns, rendant désuet tous les soucis qui s’étaient accrochés à lui en vain. Bientôt ne resterait plus qu’une impression désagréable à l’arrière de son crâne.

Il jugea bon de se manifester, autre que par ce silence qui ne lui ressemblait pas. Un moment, il douta de ce qu’il devait dire. Peut-être aurait-il dû s’excuser. Mais pourquoi ? S’être inquiété ; Pensées futiles. Leo n’avait pas besoin de s’inquiéter. Tout viendrait naturellement. Comme il ne faisait à chaque fois. Juste lui. Rien que lui. Il ouvrit la bouche. La première consomme buta contre son palais, timide de ce qu’elle allait déclencher. Mais une fois que sa langue eut fini de la pousser à la limite de ses dents, ses mots coulèrent en un flot de paroles, une cascade de mots lumineux, d’un Leo incapable de les retenir, qui ne le voulait pas.

« Tu es forte, c’est vrai. Parfois, j’ai peur que tu ne te brises, que tu éclates en un souffle, rattrapée par ce que tu essaies de fuir. Mais tu es fortes, tu ne rompras pas. J’ai juste peur pour toi… que tu ne te blesses encore et que cette fois-là, je ne puisse rien faire. »

Mais je resterais à coté de toi, à la frontière de notre existence, à la limite de ton amour et de ta haine, dans l’espace de ta personnalité, qui ne sera fait que pour moi. Là où j’ai ma place, la seule.

Ses yeux étaient bleus, si bleus. Puissance de couleurs linéaires qui la nuit perce le noir, qui le jour perce ce que tu crois savoir. Un bleu vif, éclaire de ses passions, elles qui éliminent ta raison. C’est dans l’encre de tes yeux qu’ils se jetèrent. A corps perdu, car c’était de toi qu’il est mordu. Il te regarda, au-delà de la dilatation de tes pupilles causée par la fatigue, au-delà de ces figues rouges qui cernent ce blanc à la bordure de tes iris. La rancune au coin des étincelles non plus. Leo te regarda, les yeux ouverts. Et te détaille. Sans la moindre pudeur qui marqua tes traits à de nombreuses occasions. Se poser, en douceur, dans une approche presque sensuelle de ton souffle. Il s’approcha, mais c’est à peine si l’un de vous deux le remarque. Orbes furtives dans un espace qui ne semble plus le déranger, ni exister.

Oui, le seul indice de vie gravitant dans l’axe de la réciprocité, la silhouette de ta vie que tu camouflais selon un flot de parole qui ne l’atteint plus. Ce n’est pas ce que tu prétends devoir faire qui l’inquiète. Tes devoirs et autres missions lui parurent désuètes, sans importance. Et s’en moquerait presque. Cependant, dans cette conduite de respect qu’il mène. Il fait mine de recevoir le message, et il te regarda, l’aura calmé, la mâchoire qui ne tremblait plus depuis longtemps, il le remarqua juste à l’instant, l’anxiété de ses bras qui l’eut quitté également. Eclat turquoise qui te détailla, au-delà de ces cils noirs qui répondent à ce contact visuel, du début de ta mâchoire, de l’ecchymose qui marquera le début de ta clavicule le matin, quand tu te réveilleras.

C’est comme si le temps s’était écarté de votre route. Car il ne fait que ça, te détailler, les coudes appuyés sur ses jambes, son menton réfugié dans le creux de ses mains. La respiration calme, des décisions dans la tête qui lui semblaient lointaines. Des paroles qui sont si peu importantes, mais tu t’y réfugias. De quoi as-tu peur, Aya ?

« Je ne peux pas rester ici. Pas trop longtemps, Leo tu m’écoutes ? Tu ne vas pas pouvoir me planquer indéfiniment, c’est trop dangereux. La rue je connais, je peux me débrouiller. »

C’est donc de ça que tu as peur ? Ne te caches pas de moi, s’il te plait. La ligne d’un sourire vint brisé le calme de son visage, dévoilant un partir de ses dents. Pensait-elle vraiment qu’il la laisserait partir, dans cet état. Un « Tch » presque amusé surgit dans l’air et il se redressa, surplombant soudainement la nippone de toute sa hauteur. Il aurait pu la trouver minable. Il aurait pu la trouver pitoyable. Des gens l’auraient fait. Mais lui ne pourrait jamais. Leo la trouva simplement attachant, se retint de lui ébouriffé les cheveux, comme il lui avait déjà fait auparavant. Se détournant du lit, et de l’asiatique du même mouvement, il s’étira le dos, où plusieurs vertèbres croquèrent, relâchant la pression que son corps avait subi.

Il se dirigea vers son bureau, observant à peine les feuilles de cours éparpillées, cachant le début d’une maquette d’un robot pour ses cours, d’un schéma de circuit électrique, paraissant trop compliqué pour l’auteur qui ne prendra donc pas de risque de les détailler plus que ça. Fouillant un moment entre le tas-dit des prises de notes éparses, qu’il profita pour ranger un peu plus, soupirant faiblement quand il ne trouva pas l’objet en question. Jetant par moment un coup d’œil en arrière, pour vérifier qu’Aya se porte comme un charme, toujours assise sur le lit, il l’écouta lui demander un service.

« T’aurais un portable ? Un téléphone ? Il faut que je prévienne le Magenta, le bar dans lequel je travaille, … que je ne pourrais pas assurer le service pendant un moment… A moins que tu puisses me remplacer.»

Il échappa un sourire de dos, histoire de ne pas trop choqer la pactisante. Comme ça elle lui demandait de l’aide ? Bon, il chassa rapidement l’idée de l’embêter là-dessus, craignant des retombées de foudre peu avenantes. S’attaquant aux tiroirs, il sortit un portable bleu électrique, l’air encore neuf, malgré un peu de poussière sur le dessus du boitier. Il garda l’appareil entre ses mains et continua encore la recherche de cette maudite chose. Alors qu’il s’apprêtait à abandonner un juron dans l’air ambiant, Ray aboya, ce qui attira l’œil de son maitre. Il jappa une dernière fois, indiquant à Leo la localisation de l’objet désiré.

Leo chercha encore quelques secondes sur son bureau, se tordant dans tous les sens dans une gestuelle bien connue, ainsi que ces années d’entrainement, qui marquait sa carrure et sa manière de se tenir, malgré les efforts de la journée. Ray retourna dans son panier, où après avoir tourné deux fois sur lui-même, enfuit son museau entre ses pattes avant, fermant les yeux, étranger de la fin de la nuit. Il s’approcha, s’échappant de l’obscurité plongeant à moitié le coin d’étude. Portable dans une main, l’autre également occupée par un tierce objet.

« Tu sais que là où nous en sommes, c’est déjà trop tard. Et c’est un des rares endroits où tu pourras dormir tranquillement, Aya. »

Des mots qui fusèrent. De sa voix presque grave, des paroles avec une profondeur dissimulée. Il dépassa la chaise, sans un regard pour cette dernière, abolissant l’écran qui les avait séparés depuis trop longtemps, dans un espace trop froide pour la chaleur naturelle qui émanait de Leo. Il se posa à nouveau sur le lit, presque trop proche d’Aya, s’en ficha à peine. Des yeux bleus qui effacent les distances, de ces lueurs chaleureuses, plus indisciplinées que jamais face aux dernières minutes de sa vie. Leo était revenu. Voilà. Aya avait toujours ce pouvoir. De le faire changer profondément, en une vitesse qu’il ne se connaissait pas. Avec une intensité qu’il ne saisissait pas toujours. Il lui donna le téléphone mobile et un ensemble de clés en cuivre.

« Tiens, le numéro est derrière. Donc, tu es forcée de rester à la maison. Bienvenue : smile : »

Sourire, à n'en plus finir.



"Et les 500 mots?" Liam
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Aya Murazaki [Sky]

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Promesse de sang [Léo] Vide
MessageSujet: Re: Promesse de sang [Léo]   Promesse de sang [Léo] I_icon_minitimeVen 12 Aoû - 22:16

Y'a des bleus dans mon cœur
Y'a des lueurs dans ta blancheur.
Et de ton regard
Tu les effaces
Et d'un sourire,
Je les ravive.



    C'était l'hiver.
    Un hiver de silence dans une pièce aux couleurs chatoyantes. Deux souffles qui s'observaient, dans des ronds de fumées invisibles, tandis que les rouages des esprits s'échauffaient pour remplir ce vide d'une multitude de questions sans réponses. Je les voyais danser dans ses prunelles d'un bleu ligné qui avaient toujours ce don de me faire rater un battement, de couper le souffle de mon existence d'un instant de lumière.
    Qui était-il ?
    Le héros d'un rêve qui n'existait pas pour moi ? Un combattant doué à mes côtés ? Un magicien au sourire accroché aux coins des lèvres, les doigts brillants d'étincelles bleutées, miroirs de ses opalines ? Tout ça. Oui.
    Ou tout simplement Leo, Leo qui se battait contre une réalité qui lui mangeait les orteils, qui la rejetait de toute la force de son espoir. Leo, trois petites lettres marquant les épaules d'une ombre brune perdue dans les méandres de ses pensées.
    Un être qui s'était enchaîné à moi sans que je dise stop. Un homme qui m'avait capturée de son regard, coulant l'ébène sous un océan de promesses silencieuses. Une seule comptait, celle murmurée, criée, soufflée avec conviction.
    Y avais-je seulement le droit, alors que je dessinais par ma propre existence les esquisses de la mort de son cœur ? Avais-je le droit de tracer dans le mien les prémices d'une illusion de bonheur, même éphémère ?
    Malgré tout, la douleur, le sang, les larmes à venir et cette emprise que je réalisais sur son existence, il y avait ce désir trop fort pour être repoussé, cette envie d'y croire, ne serait-ce qu'un peu. Avoir quelqu'un qui serait là pour moi, rien que pour moi et à jamais. Ou presque. Désir égoïste d'un esprit qui touche du doigt une lumière naissante, jamais connue, vacillante sous le doigt qui l’effleure. Timide.

    Comprends-tu ce que tu déclenches Leo ?
    Comprends-tu que de la même manière que je semble fracasser tes faux-semblants, tu rends l'armure du Cerbère désuète d'un seul regard posé sur son ombre?


    Il n'y avait plus de jeu. Plus à ce stade-là, et cette pensée me tira un léger frisson de peur. Peur de son regard, peur d'un "je t'aime à en mourir" que je voudrais raturer, désespérée, peur de voir la même chose se refléter dans l'encre de chine qui l'observait à la dérobée. Et encore plus, bien plus ...
    Malgré une légère nausée, je mettais un point d’honneur à finir mon assiette, tout juste tiède. Il n’était pas permis de faire la fine bouche, surtout quand c’est votre corps en miette qui vous appelle. Et j’avais trop connu la faim pour chipoter sur quoi que ce soit, ce manque qui ravivait vos instincts les plus primaires, ramenant la lucidité à une stupidité. C’était un luxe exclu. Même au-delà de cette faim, ma fourchette tournait en rond, aussi.

    Nous étions deux pauvres idiots au milieu d'un silence, d'une fatalité que nous avions engrangée, qui reflétait au combien notre désarroi mutuel et la situation, fil de lumière diffuse entre nos doigts. Une impasse…
    Avant, avant tout cela, je lui aurais jeté au visage que s'il ne supportait pas la vérité dans mon sillage, qu'il aille se trouver une autre planque que mon ombre, que mon cœur. Mais non, non, plus maintenant que celui-ci s'était enlacé à lui. Qu'il aurait voulu lui appartenir bien au delà des mots. Des mots acerbes qui n'existeraient jamais, se noieraient dans un lagon.


    Pas un mot, juste quelques cliquetis dans un silence chargé d'absences.
    Absence de toi.
    Absence de moi qui fuyait, me défilait, jouant à cache-cache avec cette évidence qui s'imposait. Un éveil. Un battement de cœur qui prenait toute la place de ses désirs refoulés, éloignés par une réalité aussi dure que le granit qui s'estompait, écrasant l'armure de solitude comme si ça avait été une simple brindille.
    De ses sentiments si forts qu'ils en semblaient palpables dans mon esprit.

    Et cette résolution sanglante qui les échouaient, rageuse.
    Funambule au bord du gouffre d'une haine vorace, la mort d'Hanako me poursuivant, je n'étais que Détresse devant l'impasse qui s'offrait à moi. A nous. Mon cœur était silencieux, glacé, à la pensée de laisser les choses, laisser le GDP me prendre tous ceux auxquels je tenais.

    Renoncer.
    Renoncer à entrainer Leo dans ma chute, et laisser ma demi-sœur pourrir dans les affres d'une culpabilité qui s'entachait déjà de mes pas. Renoncer à ces opalines rêvées, espérées sans oser. Et s'éteindre dans un cri de revanche amer et aussi glacial que le sang. Pour une vengeance.
    Stupide n’est-ce pas ? Pas tant que cela en réalité …
    Il ne renoncerait pas, je le savais ... Ses lèvres prononcerait les mots, qu'ils ne m'atteindraient pas. Leo l'aurait déjà fait, m’abandonner, me laisser glisser sur les pavés, proie exténuée d'une chasse rythmée par la sueur des chiens du GDP. Il aurait peut-être du, n'avait pas pu ?
    La situation aurait été inversée que la question ne se serait pas posée, mon indifférence s’effilochant sous son regard. J'aurais refait encore et encore ces mêmes gestes qui avaient ébréché ma stupide fierté. L’avait sauvé.

    Il était mon rêve d'opaline. Un rêve entêtant, toujours là, en fond. Au fond de moi. Un rêve que je n'osais saisir, de peur de conséquences tachant de sang mes doigts et les siens.
    Trop tard.
    Les dés avaient roulé sur le tapis de velours de cette Dame d'argent.
    Nous étions noués l'un en face de l'autre, miroir d'un oscillement dansant, sous une mélodie qui était née un soir de pluie.
    Et ouvrir les yeux sur ce tableau était aussi douloureux que la pointe amère qui s'était formée dans ses prunelles à un seul de mes mots.
    D'abord surpris, la fourchette suspendue dans les airs par un geste arrêté, Leo avait interrompu mes pensées et ma fausse contemplation des aliments restants.
    Puis la surprise avait laissé la place à une once de dégout, ou d'un je ne-sais quoi, qui, une seconde, provoqua un frisson de honte au travers de mes os. Atteignit la moelle épinière d'un mouvement acéré.
    Je n'avais pas grandi comme lui. J'avais été façonnée, polie, pour devenir ce regard coupant, tranchant tout sur son passage. Presque inhumain. Drapé de noir. Et de cette cape vengeresse, j’eus un instant honte, honte, de cette façon de vivre tracée au couteau, de trancher des fils de vies comme on pourrait en cueillir dans un jardin. Honte de l’essence de mon être, qui avait participé et participerait encore à notre chute.

    Mais on ne revient pas sur le passé, sur ce qui a été.
    J’étais le Cerbère, cette princesse chienne des bas quartiers, qui ne baissait jamais les yeux, qui ne pliait jamais. Ou peut-être seulement devant lui. Lui qui ébranlait mon âme d’un sourire.
    Son arme fatale.
    Souris encore. Tues-moi encore.

    Le silence, ce froid d’hiver que je ne savais plus faire mien, m’effrayait de plus en plus, me happant dans un gouffre d’incertitude face à cet être pour qui j’aurais voulu tout donner. Vulnérable. Voilà, le mot roula dans ma gorge comme de l’acide, sans pour autant franchir la barrière de mes lèvres. J’étais vulnérable en face de lui, et la fureur sourde que j’aurais pu ressentir n’était qu’une étincelle brulante balayée par le vent. Mon monde s’effritait au gré des secondes, l’envie de fuir se faisant de plus en plus forte.
    Et j’en revenais à mettre en place la seule barrière encore possible, les mots. Ces mots qui servaient plus à me rassurer moi que Leo lui-même. Remettre cette écharpe de brume autour de moi, les tracer dans le vide entre nous pour reformer une prise à laquelle s’accrocher.

    Un geste à peine perceptible, Leo dégainait.
    Les coins de sa bouche formèrent ce sourire que j’attendais depuis ce qui me semblait une éternité, ombre aux yeux d’ébène qui le scrutait. Il y eut un flottement, et comme on crève d’un frôlement une bulle de savon, les paroles du jeune homme rompirent le silence.



    « Tu es forte, c’est vrai. Parfois, j’ai peur que tu ne te brises, que tu éclates en un souffle, rattrapée par ce que tu essaies de fuir. Mais tu es fortes, tu ne rompras pas. J’ai juste peur pour toi… que tu ne te blesses encore et que cette fois-là, je ne puisse rien faire. »

    Le soulagement prit le pas sur l’angoisse, un mince sourire naissant sur mes lèvres aux mots prononcés par Leo. Sourire d’un être qui sait que l’angoisse de son jumeau est une nécessité probable à leur survie. Sourire qui tique sur la fuite, mise à découvert sans pour autant être révélée, grogne sur la protection bien qu'éphémère, dévoilée. J’avais peur de toi, Leo. De ce que tu représentais pour moi, de ce que je ressentais comme un feu coulant dans mon corps à tes côtés. J’avais peur de nous. De tout ce que cela voulait dire. Et je me cachais encore, fuyante.

    « Je … »
    Ma bouche se tue d’elle-même, rien de nécessairement essentiel n’en serait sorti. Autant savourer ses mots, leur saveur particulière.

    Il n’empêche que j’étais touchée, bien que je ne le montrais peut-être pas. Juste le frôlement éphémère de sa main, par la mienne, hésitante dans son geste arrêté de la prendre. Touchée plus profondément que moi-même je ne l’aurais cru, mais je me rendrais compte plus tard du véritable impact de tes mots sur moi. Indélébiles. Tracés à l’encre, sous ma peau. Profondément.

    De l’encre soulignée par ce regard captivant dont je n’arrivais pas à me soustraire, comme complètement nue sous ses prunelles. Comme si ses lagons étaient devenus le temps d’un instant mon oxygène, subissant avec un sentiment mitigée l’examen de Leo suivant les courbes de ma silhouette à demi éclairée. La méfiance teinta la lueur de mes yeux dans les siens, comme accrochés par un lien invisible.
    L’ombre, au moins, ne s’acharnait pas à détailler la moindre courbe de mon être, le moindre accroc, le plus petit défaut. Elle m’engloutissait, me faisait sienne, pour mieux me servir. Mais l’obscurité ne me fut d’aucun secours pour cacher mes joues rougies par le feu de ses yeux. La honte de rougir me brulait encore plus les pommettes, donnant des couleurs et une expression rare à mon visage.

    Des mots-barrières. Des mots-mystères.
    Des mots-envoutants. Des mots te défiant. D’avancer encore.
    Alors que je ne désirais que le contraire.

    Une onomatopée amusée les brisa en milles morceaux, mais je savais qu’un coin de son esprit les avait écoutés. Du moins, je l’espérais, comme on lance une bouteille à la mer signant son arrêt de mort, l’arrêt de son cœur. Mais nécessaire. Pour lui, pour lui sauver la vie, ou le peu qu’il en restait dans une destinée teintée de lune rouge.
    Des mots qui tombèrent dans l’oreille d’un pseudo sourd, me surplombant de sa hauteur tandis que je le suivais du regard, un peu interloquée et agacée de le voir balayer mes arguments d’une pichenette mentale. Aussi facilement que l’on balaie un souci quotidien.
    Comment Leo arrivait-il à me perturber de la sorte ?
    Mes raisons, mes arguments n’avaient pas lieu de paroles, faisant de moi la marionnette de ses désirs sans plus récolter qu’un regard noir agacé dans son dos. Et je l’acceptais quelque part, même si cette pensée me dérangeait profondément, mon appétit d’indépendance se réveillant comme sonné par une alarme trop tardivement déclenchée.
    C’était étrange.

    Légèrement frustrée, je suivais son manège dans la pièce, les vertèbres qui avaient craquées doucement et sa recherche au trésor, sous un monticule d’affaires en tout genre sur son bureau.
    Son regard rencontra encore le mien, à ma demande un peu particulière. Hum, non je n’aimais pas demander de service. Je détestais cela, et Leo le savait, se gardant bien de faire la moindre remarque sous le couvert d’un regard d’avertissement dardant son dos d’épines invisibles.
    Un jappement plus tard, redessinant la pièce et la présence de Ray dans le décor, il trouva enfin ce qu’il cherchait, farfouillant encore un peu avant de le dénicher.
    Curieuse, je m’avançai au bord du lit, bougeant cette jambe engourdie par l’inactivité, et saisit le portable bleu métallisé que Leo me tendait.

    « Tu sais que là où nous en sommes, c’est déjà trop tard. Et c’est un des rares endroits où tu pourras dormir tranquillement, Aya.
    Tiens, le numéro est derrière. Donc, tu es forcée de rester à la maison. Bienvenue »


    Mon être se révolta légèrement aux premiers mots de Leo, vérité dérangeante d’une situation récalcitrante. Il avait raison, il avait raison et je ne pouvais rien y faire. Crissement de dents et mini-grimace. Mon regard s’assombrit légèrement mais restait attentif aux doigts du jeune homme qui se déroulaient lentement, dévoilant un jeu de clé.
    Hein ?
    Déboussolée, troublée par ce qu’il me tendait, je plongeai mon regard incertain dans le sien, comme pour y trouver une confirmation sincère de ses gestes.
    Je laissai pendant un moment indéterminé mes doigts en suspens au dessus de sa main, comme pour la saisir et hésiter à la dernière seconde.
    Son visage à un souffle du mien n’avait plus d’importance, mes prunelles sombres fixant les petites formes en cuivre, comme pour déterminer si elles n’étaient pas faites d’illusions. Ce qu'elles signifiaient. Du bout du doigt, je les effleurai avant de m’en saisir, la froideur du cuivre en totale contradiction avec la paume de Leo en dessous, chaude et rassurante.
    Je lui jetai un regard en coin, un sourire plus que jamais sincère et amusé au coin des lèvres. Alors qu’on fond de moi souriait de toutes ses dents une adolescente au visage barbouillé et au regard espiègle.

    « Tss … Je suppose que je ne peux rien dire. A part accepter. »


    Un regard entendu, tandis que ma main n’avait pas quitté la sienne, mes doigts enlaçant les siens, dans un geste timide. Juste un pas, un tout petit pas dans l’inconnu d’une relation que je ne maitrisais pas.
    Pas de mots menteurs, juste une réaction qui me paraissait étrangement naturelle, autant effrayante que curieuse.
    Une main, en guise de compromis, bien que Leo ne le sache pas encore. J’avancerai, du moins, j’essayerai, calmant le Cerbère enragé qui grondait dans mes entrailles, défiant la fatalité d’un regard qui ne comptera pas.

    ~~

    « Aya, tu vas bien ? Tu fous quoi ? On essaye de te contacter depuis des heures ! »

    « Je suis désolée Fabio. J’ai eu … des ennuis. Assez gros, je … »

    « Pas besoin de m’en dire plus. Tu te requinques hein ? Je t’rappelle qu’on emploie pas des barmaids trouées, petiote…. On s’arrangera. »


    Le ton du patron du Magenta avait cette pointe d’inquiétude derrière cette voix tonitruante qui perçait le combiné, connaissant les ténèbres qui semblait suivre sa barmaid de près. Comme toujours collés à mon ombre, s’y perdant, s’en nourrissant. Il ne demandait jamais de détails, ne voulait rien savoir, attitude lui assurant une certaine sécurité. Je n’avais jamais réussi à creuser bien loin, les langues refusant de se délier, mais il semblait que le patron du Magenta, n’ai jamais été qu’un simple tenancier de bar, tout à fait honnête. Surement était-ce pour cela qu’il fermait les yeux sur mes nombreuses « absences ». Et même s’il avait été plus que conciliant sur ce coup-là, il était hors de question de lambiner chez Leo, j’allais remarcher correctement, et vite.

    Une résolution. Une acceptation silencieuse, boudeuse, d’un regard à Leo, et ces doigts entrelacés d’une façon un peu étrange, un peu désespérés, comme si une volonté de ne faire qu’un les animait.
    Geste fugace qui marquait le début d’un quelque chose.

    Le début du commencement.
    Le début de la fin.
    D’une promesse de sang.







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Promesse de sang [Léo]

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