"VA TE FAIRE FOUTRE, P’TIT CON !!!"

Que de gros mots. Et pourquoi tant de mauvaises manières en cette si belle nuit qui commençait à peine à pointer le bout de son nez ? Si seulement les gens n’étaient pas malpolis alors qu’ils faisaient eux-mêmes des bêtises, si seulement les gens pouvaient être compréhensifs, si seulement les connards de ce monde ne décidaient pas de prendre les transports en commun aussi tard. Si seulement. Cela ne se serait jamais produit durant le jour, oh non, parce que les gens étaient sociales, quand il faisait clair. Mais dès que le soleil prenait une pause, l’ombre surgissait en laisser sortit de nombreux crétins qui auraient mieux fait de rester au lit. N’est-ce pas ? Comme celui-là, ce gars qui gueulait comme un détraqué dans l’autobus. Il était sorti de chez lui avec les mots « je suis trop classe », « je suis trop parfait », « je m’aime, tout le monde m’aime » et à la limite « personne ne peut me résister ». Et bien il avait tout faux, la preuve puisqu’il avait perdu cette lueur brillante dans ses yeux, son visage crispé de douleur, le corps penché vers l’avant en criant des bêtises à une personne innocente. Ou pas.

Retournons sur nos pas.

Ce matin, Eska s’était levé d’une humeur… légère. Qui avait-il de surprenant ? Il ne s’était pas « réellement » pris la tête avec Jhek puisque celui-ci ne c’était pas montré, ou du moins à peine cinq minutes. Un bon début, ça n’avait dégénéré que lorsque le Stella lui avait reproché qu’il n’y avait rien à manger, remarque à laquelle Eska s’était contenté de répondre « Mange ta main, garde l’autre pour demain. » Ou autre formulation pour dire « je m’en fou, débrouille-toi tout seul. » S’habillant rapidement – enfilant un t-shirt noir, une veste grise et un jean foncé -, attrapant son sac à dos, il ne prit même pas la peine de manger quoi que ce soit –de toute façon, il ne restait rien hein. – qu’il sortit de l’appartement en vitesse pour éviter toute confrontation ou instant de plus avec sa poussière d’étoile. Au boulot, c’était la routine, rien de bien intéressant. Chercher de l’information, encore et encore, pirater quelques trucs pour accéder à encore plus d’informations, et ça continue jusqu’à ce que la tête du jeune homme soit sur le point d’exploser et que son estomac se soit digéré de lui-même. Dieu qu’il était d’une humeur blasée aujourd’hui, il n’avait pas du tout envie de travailler. Ni de rentrer chez lui. De rien. Trop de pression ici, trop de pression là, il ne savait plus où donner de la tête.

Une journée très longue qui ne fit que s’aggraver en court de route, l’humeur du jeune homme venait de descendre en flèche. Ça ne servirait à rien de vous dire exactement chaque détail qui ont suffi à réduire sa « bonne humeur » en miette, c’est sans doute toujours les mêmes que d'ordinaire soit : les policiers et tout ceux qui se croyaient plus forts que les autres au DGP, qui s’amusaient à agacer les informateurs – aucun nom ne sera cité, sachez-le. -, la nourriture dégoûtante qu’on lui avait servit, ses recherches qui n’avaient servi à rien tout compte fait et blablabla. Un vrai gamin ? Non, juste un peu … dépassé par tout ça. S’il avait pu, il se serait enfui et il aurait disparu à tout jamais, au Canada, peut-être. Loin… Mais c’était impossible, il fallait être réaliste, il l’était. Il avait trop de responsabilités ici, il ne pouvait pas partir comme ça et encore moins abandonner son Stella – m’enfin … Ce n’est pas l’envie qui manquait, parfois. -, d’autant plus que le GDP ne lui laisserait jamais sa chance de disparaître dans la nature. Sauf sous l’état d’un cercueil. Ou pas d’état tout court. Hum. C’est la tête pleine qu’il ferma son ordinateur et rangea ses papiers, sortant du bâtiment maintenant que la nuit venait de tomber. Encore une journée de passée, et demain il allait devoir recommencé. Joie. Mettant ses écouteurs dans ses oreilles, la musique à fond, il grimpa dans le bus qui était déjà bien rempli et se dirigea vers le fond, se faufilant entre les passagers, n’ayant pas le choix de rester debout et légèrement compressé contre les autres. Ah, les joies du transport en commun. Nous y voilà donc, notre joli Celte tâchant de se faire silencieux et discret, perdu dans sa bulle, mais comment y arriver quand derrière vous se trouve LE parfait imbécile qui allait se prendre la honte de sa vie ? Ah. Ah. Ah.

Au début, Il sentit son écouteur décoller de son oreille, ainsi que le souffle chaud qui se glissa de plus en plus proche de son lobe. Frisson de dégoût. Ah non. Pas à ce point-là. Sa mère ne lui avait jamais appris ce qu’était l’espace vital ou les BULLES PRIVÉES ? Il venait de faire une grave erreur. Se crispant, serrant les dents en plissant les yeux, son agacement augmenta considérablement lorsqu’il entendit le murmure de ce dernier dans son oreille. « Et si on débarquait à la même place pour prendre un autre moyen de transport qui nous ferait décoller, chez moi ? ». Et si Eska lui répondait que son transport, il pouvait se le mettre où il pense ? Na, il était civilisé, il attendrait qu’il se cale encore plus avant de l’achever si c’était nécessaire. Alors qu’il pensait avoir la paix, l’imbécile décida au moment même de venir frôler son fessier de manière très peu discrète en se penchant sur lui, soufflant sur sa nuque de nouveau. « Dis oui. » Ça, jamais. Sans prévenir, Eska donna un violent coup de talon sur son pied et remonta sa jambe vers l’arrière pour venir écraser ses bijoux de famille. Durement. On regarde, mais on ne touche pas. Petite surprise générale de la part des autres passagers, Eska fit un pas vers la porte tandis que le bus s’arrêtait pour laisser quelques personnes débarquer. Le jeune homme blessé était plié en deux, se tortillant en se tenant l’entrejambe qui allait avoir du mal à s’en remettre, les larmes aux yeux et gémissements aux lèvres. Tournant légèrement la tête vers lui, son regardant ironique, mais sec croisant le sien, surpris et endolori, il eut un petit plissement de sourcils quelque peu … dédaigneux à son égard, rajoutant d’un ton tranchant :

" J’espère que tu comptais pas avoir d’enfants de si tôt ! "

Faisant comme si de rien n’était, le jeune homme franchit les portes du bus, évitant habilement les gens, se faufilant comme un courant d’air avant même que l’autre n’ait le temps de réagir. Et tout ça, en ignorant totalement les injures de cet imbécile aux idées tendancieuses qui continuait de gueuler sans cesse. Regretter ? Jamais. Pourquoi est-ce qu’il regretterait d’avoir remis à sa place un taré comme lui ? Il n’était pas un joli os à mâchouiller pour les chiens baveux comme lui, hein. Il était humain, pas mangeable – sauf s’il était cannibale, mais là n’est pas la question -. Non, mais franchement. En plus d’être idiot, il l’avait fait sortir bien avant son arrêt ! Il allait devoir marcher, la nuit, dans des ruelles qu’il n’aimait pas du tout et en plus, il faisait froid, il avait faim et … et c’est ça. Ce n’était, décidément, vraiment pas sa journée. Se mettant à marcher d’un pas raide et quelque peu rageur, remontant la fermeture éclair de sa veste, c’est sur un air grognon qu’il s’engouffra dans les rues, sillonnant le quartier sans prêter attention à ce qui se passait autour de lui. S’il continuait ainsi, il allait mettre au moins quarante-cinq minutes à rentrer chez lui, pas envie. N’ayant pas un sou, il ne pouvait pas prendre de taxi et le bus était une option qu’il voulait éviter pour la soirée. Oh, et puis zut, autant prendre un raccourci. Passant par des ruelles qui lui sauveraient bien du temps, le jeune homme pressa un peu le pas, ses écouteurs toujours en place … lorsque son regard se posa sur une forme un peu plus loin. Un déchet ? Un chien ? Ah, non. Une personne. Un sans-abri, peut-être … Ah, mais, non. C’était bien une queue qu’il voyait ? Non, deux !? HEIN. Impossible. Si !? Il s’arrêta vaguement à côté de lui, surpris, incertain. Mais… c’était quoi, ça !? Il eut un bref mouvement de recul, faisant un pas sur le côté en réalisant qu’en fait, il s’agissait là d’un Stella. Bordel, il semblait mal en point en plus. Durant un instant, son esprit dévia sur le GDP. Devait-il appeler quelqu’un ? Si les chasseurs débarquaient, le Stella allait passer un mauvais quart d’heure, qui sait ce qui allait lui arriver. Se mordillant la lèvre, jouant avec son piercing… Eska continua d’avancer. Il n’allait pas appeler personne, mais il n’avait pas l’intention de se préoccuper de … de cette étoile féline, tien ! Il avait déjà du mal avec le sien, autant pas se prendre la tête pour une autre. Et puis il était un informateur, putain ! Il ne devrait même pas se poser la question ! Ses pas l’éloignant de plus ne plus, ses pensées se bousculant dans sa tête, il se mit à ralentir au fur et à mesure qu’il prenait de la distance… pour s’arrêter.

Et merde.

Pourquoi est-ce qu’il hésitait à le laisser là !? Il ne le connaissait même pas ! Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire qu’il soit dans cette ruelle ?? Il n’avait qu’à oublier sa présence, oublier qu’il l’avait vu et partir… Mais c’était inhumain, il le savait. Eska avait beau être distant et ne penser qu’à sa survie, mais il était humain. Même s’il était quelque peu indifférent à tout ça, là tout de suite, il ne pouvait pas. RAH. Jurant, il se retourna et s’approcha d’un pas plus rapide du jeune homme qui semblait en piteux état, hésitant un bref instant avant de se pencher un peu au dessus de lui. Du bout du pied, il le poussa un peu, pour le faire remuer, le réveiller.

" … Eh oh, toujours vivant ? "

Bien sûr qu’il était vivant. Mais le fait de poser la question, de savoir s’il répondrait ou pas pouvait changer bien des choses. Si seulement tout pouvait être plus simple, si seulement il n’était pas passé par là à cause d’un imbécile … Si seulement, hein.

Spoiler:

Oh.

S’il avait su. Si seulement il avait su ce qui l’attendait en prenant ce raccourcit et en tombant sur ce jeune Stella … il aurait rigolé et probablement qu’il vous aurait traité de fous, genre « Pfeuh, bien sûr, comme si moi j’avais du temps à perdre. ». Et bien on dirait que si, mon petit Eska ~. Raaaaah, mais pourquoi est-ce qu’il avait fallu qu’il s’arrête, HEIN !? Pourquoi est-ce que c’est à ce moment précis qu’un connard l’avait énervé au point de le faire marcher ! Note à lui-même : la prochaine fois, prendre simplement la peine de se déplacer vers l’avant du bus. Ou à la limite; résister à l’envie de le frapper et subir. Voilà. Et le voilà coincé dans une ruelle en compagnie d’un Stella sans doute à moitié mort sur la conscience et sur les bras. ÉVIDEMMENT qu’il était revenu ! Qu’est-ce qu’il aurait bien pu faire d’autre, le laisser là ou appeler des gens afin qu’ils en finissent avec lui !? Bien sûr, c’était tellement le genre d’Eska, hein. Il ignorait totalement ce qui était arrivé à ce jeune homme, mais une chose était sûre : il n’avait pas passé un bon quart d’heure. Bon sang, qu’est-ce qu’il avait fait pour se faire défoncer de la sorte ? Est-ce qu’il avait volé un truc ? Fait chier quelques personnes trois fois plus baraquées que lui – ce qui aurait été plausible - ? L’art de se foutre dans la merde ? C’est bien ce qu’il pouvait voir à l’instant même, hein.

Lorsqu’il le fit entrouvrit les yeux, il sentit une légère bouffé de soulagement l’envahir. Bon. Au moins, il n’était pas mort, et donc il n’aurait pas besoin d’appeler les flics pour les prévenir qu’il avait un cadavre dans une ruelle. Parce que oui, il avait l’air mort, tout comme il avait l’air vivant. Autant que sa peau pâle était tachée de sang et blessé qu’il avait simplement l’air de dormir un peu, aussi. C’était déjà ça. Il aurait eu l’air de quoi si jamais il était mort comme ça, sans prévenir, avec Eska en face de lui ? Il aurait eu l’air bête, sans doute. Il aurait paniqué, il serait parti sans rien dire, à la limite en laissant un message aux policiers pour leur dire qu’il y avait un gamin mort un peu plus loin. Ça l’aurait troublé, bien entendu … En fait, peut-être que ça aurait été plus simple qu’il soit décédé. Il serait déjà en chemin pour rentrer chez lui et EN PLUS, ça lui aurait évité en même temps d’avoir un nouveau secret. Déjà qu’il devait cacher Jhek, s’il se mettait à cacher tous les Stellas qu’il croisait … Il n’allait pas s’en sortir. Il ne fallait pas rêver trop en couleur non plus, il n’était même pas supposé en aidant UN SEUL, et voilà qu’il allait en secourir un deuxième. Soupirant, il finit par faire glisser doucement son sac de son épaule et le déposa au sol, à côté du jeune homme mal en point. S’il savait quoi faire ? Non, pas du tout. Là tout de suite, il était en terrain inconnu et il pataugeait entre la panique et le désarroi.

Ses sourcils se froncèrent doucement, tandis qu’il le fixait, un peu embêté. Hum. Son Stella, Jhek, n’était jamais rentré à l’appartement dans un sale état. Il ne savait pas trop quoi faire de lui, puisque c’était bien la première fois qu’il était aux prises avec ce genre de situations. Ou bah sinon c’est lui qui prenait des coups – très rarement, mais il y avait des brutes au GDP -, il n’avait pas l’habitude de prendre soin des autres, encore moins des gravement blessés. Peut-être qu’il devait l’emmener à l’hôpital ? Et si jamais il était en train de faire une hémorragie interne !? Ohla, ne pas penser à ça, ne pas penser à ça ! Ce n’est pas bon pour le niveau de stress, déjà que celui d’Eska était relativement haut ... en tout temps.

"Non, mais ça t’aurais pas tenté de faire le mort ailleurs et pas te trouver sur mon chemin du retour ??"

Il avait marmonné un peu pour lui-même, ce n’était pas une question directement posée au jeune chat. Quoique s’il voulait répondre, qu’il le fasse, il n’en avait rien à faire de toute façon. Ce n’était pas vraiment de la mauvaise foi – si, si, s’en était. -, mais disons qu’il aurait préféré de loin pouvoir profiter de son lit après une bonne douche en regardant la télé en paix dans sa chambre plutôt que d’attendre ici après un Stella complètement muet – pour le moment, en espérant que ça change bien assez rapidement -. Soupirant encore, il posa ses yeux noisette sur lui, laissant quelques secondes de silence planer avant de demander :

"… Est-ce que tu peux t’asseoir ?"

Oui, parce que s’il arrivait au moins à s’asseoir, c’était un bon départ, non ? Il se racla la gorge un bref instant, se décidant finalement à se mettre à sa hauteur. Posant ses genoux sur le sol pour y prendre appuie, il ouvrit son sac et fouilla à l’intérieur de celui-ci durant quelques instants, repoussant une multitude d’objets ici et là pour continuer son exploration jusqu’à en sortir des mouchoirs encore emballés dans le petit plastique. Le déchirant avec ses dents, il en sortit un morceau de mouchoir, le plia en quatre pour qu’il soit plus épais et l’approcha doucement du visage du jeune homme. Beh quoi, le sang, il n’aimait pas beaucoup. Il aurait préféré de loin que celui-ci se nettoie un peu le visage lui-même, mais vu l’état qu’il avait, et si en plus il ne pouvait même pas émettre un son, il doutait fortement qu’il soit en mesure de s’éponger un peu le front tout seul. Au cas où, il tamponna un peu le front avant de retirer le mouchoir, attrapa sa bouteille d’eau qui traînait dans son sac également et laissa un filet d’eau couler sur le morceau de mouchoir. Humide, il revint éponger la peau pâle du jeune Stella, essayant de le nettoyer un peu. Non, il n’avait pas l’intention de passer la soirée par terre à le nettoyer avec un vulgaire mouchoir, perte de temps totale sinon. Mais là, c’est tout ce qu’il avait sous la main alors il fallait faire avec.

"En fait si tu ouvrais la bouche, ça me serait très utile, tu vois. Déjà tu pourrais me dire si t’arrives à bouger et où tu as le plus mal. T’arrives à parler ou pas ?"

Eska, délicat ? Pas vraiment, non. Déjà il n’était pas très enchanté de devoir attendre et « perdre son temps » d’une manière avec un Stella inconnu, si celui-ci en plus lui causait encore plus de problèmes que prévu, ça n’allait pas le faire.

"Bois ça."

Gardant le mouchoir humide entre ses doigts, durant un instant il lui tendit la bouteille d’eau … mais à le voir comme ça, il se trouva bête un peu, se disant qu’il ne pouvait peut-être pas boire tout seul. Bordel, il allait devoir jouer à la nounou, maintenant. Se mordillant la lèvre, jouant avec son piercing central, il laissa tomber un petit juron presque silencieux avant de se rapprocher, quelque peu mal à l’aise. Bon. Essayons de ne pas être maladroit et d’agir comme un adulte. Il approcha la bouteille des lèvres du jeune Stella, soutenant sa nuque avec précaution pour déverser un peu d’eau entre ses lèvres, prenant bien soin de ne pas laisser trop d’eau couler ailleurs que dans sa bouche – m’enfin, on fait ce qu’on peut -.

« Blanco » n’était pas du tout idiot, seulement un peu trop impuissant devant cette situation pour penser à se mettre en mode « j’te soigne comme un pro, parce que je suis trop doué et que même si j’ignore comment, j’suis expert dans cet art ». Quand il se blessait, ce n’était pas lui qui se soignait, mais des médecins, des infirmières, à la limite des gens de son entourage. Et ça, c’est quand il était gamin. De nos jours, il était très rare qu’il ne se blesse. Il évitait tout contact avec les gens trop casse-cou – Du moins cela va dépendre, il a connaît des gens de son entourage qui savent être plutôt intrépides -, évitant également les situations plus que compromettantes où le risque de se blesser était particulièrement élevé. Sur le terrain, c’était autre chose vu qu’il ne pouvait pas prévoir exactement à chaque instant ce qui pouvait lui arriver. On ne sait jamais, un incident est si vite arrivé … ~ Un accident de voiture, un immeuble en feu accidentellement, un holdup … Bref. Tout ça pour dire qu’Eska ignorait comment agir. Il n’avait jamais eu à prendre soin de qui que ce soit d’autre que lui-même – excepter Jhek en ce moment, mais ça ne compte pas, ça -.

Continuant de retirer un peu de sang maladroitement – pas tant que ça, mais bon – de sur le visage du jeune Stella, il eut un petit soupir en voyant qu’il continuait à garder le silence. Le silence, c’était bien. Il aimait. C’était calme, ça n’énervait pas et en plus, ça aidait à relaxer. Qu’il avait-il de mieux que d’un bon moment de silence en paix et se décontracté l’esprit et le corps ? … L’alcool ne fait pas partie des choix, sachez-le. Pourtant, à l’instant présent, le silence le gênait plus que tout. Pas dans le sens de timidité - Eska n’était pas timide -, mais bien dans le sens de « malaise ». Il eut brusquement envie de lui dire « Tu pourrais pas au moins battre des cils, pour un oui ou un non ? Crois-moi, ça me simplifierait la vie ! », mais cela n’aurait pas été juste. Même qu’au fond, peut-être, il ne comprenait pas un traitre mot de ce qu’il était en train de lui dire. Est-ce qu’il était sourd ? S’il continuait de rester silencieux à le fixer de cette manière, le Celte allait bientôt croire que c’était un guet-apens et qu’en fait, il n’attendait que ça pour lui sauter à la gorge. Peut-être même qu’il allait le détrousser et que ses blessures étaient fausses ? Non, non. Non. Okay, on respire, ce n’est pas parce qu’on n’a pas le contrôle de la situation maintenant qu’il faut paniquer. Pas tout de suite.

Le faisant boire, il eut un petit soupir de soulagement en le voyant accepter d’avaler l’eau. Ce n’était peut-être pas un cas si désespéré que ça, en fait. Pour l’instant. Espérons ? Tant qu’il ne la lui recrachait pas au visage, ça ne lui posait aucun problème de l’aider à se boire. Il fut presque surpris de le voir accepter son aide – quoique dans un état pareil, il aurait fallu être fou pour refuser un petit coup de main, malgré le fait qu’il ne le connaissait pas du tout -. Bientôt, Eska fit place à une nouvelle question, un nouveau problème dans son esprit. Mais … Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir faire de lui !? Évidemment, il était resté, il l’avait réhydraté légèrement et puis … Et bien c’est tout. Mais ils ne pouvaient pas rester là tout les deux, toute la nuit. D’autant plus que s’il ne se faisait pas soigner, ou même juste à l’abri de la saleté extérieur, il doutait fortement que le Stella puisse continuer ainsi. Ahn. Mais pourquoi est-ce qu’il le regardait comme ça, lui !? Ce regard … trop implorant. C’était injuste. C’était de la triche. Il ne pouvait quand même pas l’héberger chez lui ! En plus, qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir raconter à Jhek ?? « Oh, j’me baladais comme ça, j’ai eu la brillante idée de passer par les ruelles et je suis tombé sur ce pauvre Stella dans un état pitoyable. Juste pour te faire rager, parce que tu connais mon opinion sur ce que vous êtes, j’ai décidé de quand même l’emmener pour m’assurer qu’il ne meurt pas en chemin. » Rah, mais non !

"Bon. J’sais pas pour toi, mais j’ai pas l’intention de rester ici toute la nuit."

Nan. Parce qu’il commençait à faire froid, il avait faim et franchement … non. Dormir à la belle étoile ce n’était pas du tout son genre. La seule autre option qu’il avait serait de le laisser à un motel dans le coin, mais il ignorait si le jeune homme avait de l’argent sur lui pour payer à son réveil, car lui-même n’en avait pas sur lui. Et il n’avait pas l’intention de commencer à fouiller dans ses poches pour passer pour un fou furieux qui veut lui voler du fric ou même qui semble avoir des idées perverses derrière la tête. Ça, non. Nouveau juron. Eska rangea la bouteille dans son sac, le remettant en place sur son dos avant de se rapprocher un peu de lui. Doucement, avec précaution et hésitation, il passa un bras dans son dos pour glisser sa main sur son flanc opposé, histoire de le soutenir. Il marmonna :

"Désolé si ça fait mal. J’ai pas le choix. Allez, hop."

En fait, s’il avait le choix. C’était soit il le laissait là et dieu seul sait ce qui allait lui arriver, soit … il serrait les dents et il se laissait aider, malgré la douleur qu’il devait ressentir. Avec une lenteur calculée, passant l’un des bras du Stella par-dessus ses épaules pour un meilleur équilibre, il se releva en sa compagnie tout en essayant de rester droit et de ne pas le laisser tomber. Eska n’était pas le plus fort du monde, il ne pouvait pas le soulever dans ses bras et l’emmener, le Stella n’aurait pas le choix de devoir « marcher » un peu.

"J’t’emmène chez moi, d’ici là j’espère que tu pourras parler."

Et ouais. Encore agacé.

Spoiler:

Summer percevait mieux les sons, notamment ce que disait Blanco. Quand il se sentit basculer à la verticale avec douceur, soutenu, il perdit à nouveau un peu le contrôle de ses sens. La tête lui tournait.

Le seul truc à quoi je pensais à ce moment là, c'était : Bordel, bordel, bordel, j'vais vomir. J'avais l'impression que j'avais tourné pendant trois minutes sur une chaise – on l'a tous déjà fait, avouez le, juste parce qu'on se faisait tellement chier derrière notre bureau, parce que notre texte avançait pas, parce qu'on était à moitié endormis – et d'avoir subitement arrêté la rotation de ma chaise. C'était peut-être la faim. Ou juste le gros fail que je suis, qui est muni d'une santé aussi merdique que de la brandade de morue. Oui, parce que tout ce qui est merdique, c'est comme de la brandade de morue. Faut sérieusement que j'arrête avec la morue, ça craint de faire une fixation sur de la nourriture quoi..

Il marchait. Blanco, hein. La poussière d'étoile, elle marchait pas vraiment, elle. C'était une sorte de croisement entre le boitillement, la perte d'équilibre, "je traine des pieds parce que je suis un rebelz olol" et ... une vive douleur au niveau de la jambe droite et des côtes. Perso', j'ai mal pour lui. Il avait l'impression de tanguer et que le monde autour de lui, voir lui avec se tordait dans tout les sens et devenait disproportionné. Il bouffait les cheveux du blancoté, aussi. Et j'vous assure que c'est pas bon, les cheveux. Mais, disons que c'était pas fait exprès.

Summer, pour tout vous traduire – parce que rien ne sort de sa bouche, évidemment, le pauvre. Trop facile, sinon – souffrait le martyre. Bon, ok, le mec a dit qu'il l'amènerait chez lui, mais quand même. Sum'sum voulait bien supporter UN PETIT PEU, mais ça commençait légèrement à lui taper sur les nerfs. Déjà que rien que le souvenir de sa sorte de fuite lui faisait encore plus mal. Le pauvre petit chou, hein ? Je suis une raclure. A croire que j'aime quand Summer se fait massacrer par un inconnu et j'aime le faire marcher alors qu'il est cassé de partout. Salope, c'est mon deuxième prénom, oui. BREF.

Les mots s'échappèrent comme on pousse un vague soupir de soulagement.


De toutes façons, il était incapable de sortir plus. L'envie de vomir s'accentua, tandis que la douleur au niveau de la poitrine fit de même. Joyeux anniversaire, le vide dans l'estomac.

J'ai l'impression d'être dans un bateau, je supporte pas les bateaux. C'est chiant un bateau. Puis je vois rien, mais alors strictement rien, parce qu'il fait noir et parce que je suis complètement amorphe. Et toujours la douleur qui me transperce de part en part, qui s'infiltre dans ma poitrine, mes bras, jambes. Cherche pas, je suis trop démonté pour te dire autre chose, mec, désolé. A la limite, si j'avais pas été à moitié crevé, j't'aurais tapé la causette pour que tu arrêtes d'être anxieux comme ça – ça se sent, tu vois – et que tu te poses... Mais j'ai vraiment trop mal.

Le pire, c'est que je m'adresse à toi dans mon subconscient. Tu ne peux logiquement pas m'entendre. Je dois avoir l'air très con, même si personne ne sait – logiquement – ce que je pense. Et puis ça craint si on sait ce que je pense. Imaginez, j'me ballade dans la rue, 'pis là t'a une fille ou un mec genre trop craquant, puis j'pense un truc bien crade et t'a un mec qui me regarde parce qu'il a lu dans mes pensées. Ca craint quoi !

D'ailleurs, j'veux pas dire, mais Blanco, il est pas mal. Croisé papillon, croisé scientologue, j'crois que y'a pas mieux. Une sorte de poney, certainement. Ils l'ont trouvé dans un gouffre ? Parce que niveau vide, c'est super méga giga extra supra... Je sais pas quoi. Nan, sérieux, il est choupinou kawaii, vous voyez ?

Pis j'adore ses crins et ses dents. On dirait une choucroute caramélisée au caramel. Caramélisée au caramel... Avec un peu d'menthe aussi ! Et...

Et c'est ainsi que Summer s'évanouit, à bout de forces. Bonne chance pour le traîner, même si ils avaient parcouru une bonne distance.

Spoiler: