Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito]
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Andrea Vitaly
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Sujet: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Mar 13 Juil - 7:11
« Puisqu’on est jeune et con. »
C’était un fait. J’avais beau ouvrir et refermer le frigo, ouvrir et refermer le placard rien n’y faisait. La nourriture n’y apparaissait pas plus. Il n’y avait strictement plus rien. Je n’en étais jamais à une extrémité pareille. D’habitude il y avait toujours un paquet de gâteau, un fond de paquet de pâte, un fruit, n’importe quoi. Mais pas là. Là c’était le vide total qui s’illustrait devant mes yeux, alors que l’horloge de Milan venait de sonner vingt trois heures. Et pour couronner le tout, mon estomac commença à faire des siennes, prêt à tenir un concerto tant que je ne lui aurais pas donné satisfaction. Mais pourquoi avait-il fallu que je termine le biscuit ce midi ? La dernière biscotte la nuit dernière ? La dernière pomme ce matin ? Et surtout pourquoi fallait-il que ça soit moi qui doive me nourrir, me faire à manger, faire les courses ? Ca me foutait en rogne rien que d’y penser. De quel droit cet imbécile de mon oncle Egeado osait me faire ça ? Il n’aurait jamais osé prendre ne serait-ce qu’une décision m’impliquant quand mes parents étaient toujours là. Bon, d’accord, ils n’étaient plus là. Et j’étais encore trop jeune et trop « immature » d’après ses propres mots pour envisager de prendre la succession de la famille. Ben voyons, à dix huit ans j’étais trop immature. Il m’énervait, mais il m’énervait. J’avais rarement poussé des coups de gueule pareil, surtout sans que ça fonctionne. Mais rien n’y avait fait, il m’avait quasiment jeté hors de la maison familiale, m’abandonnant en plein Milan, dans un appart minable (80 m²) avec une somme dérisoire pour mes besoin par mois (2000€). Évidemment, je pouvais obtenir bien plus grâce à mes activités informatiques, mais ce n’était pas ça qui comptait. Moi qui n’avais jamais touché de cuisinière de ma vie, je ne savais même pas me faire cuire un œuf. Et il voulait que je me démmerde tout seul ? Mais attend, c’était lui peut être qui en était réduit à ça ? Si jamais il osait vouloir m’évincer à la tête de la famille, on allait en entendre parler.
« Tant que tu n’auras pas grandi, que tu n’auras pas appris ce qu’est la vraie vie, la vie Milanaise, ce n’est même pas la peine d’espérer rentrer. Tu n’es encore qu’un gamin sans expérience » Les mots de mon oncle résonnaient encore à mes oreilles alors qu’une veine de colère battait la mesure sur ma tempe. Mais sérieux, il se prenait pour qui ce vieux con à me sortir ça ? Moi qui était au moins dix fois plus intelligent que lui. C’était moi le descendant de la famille Vitaly. Pas lui. Il n’avait pas à me dire des trucs pareils. Ca me rendait dingue. Je savais ce qu’était la vie merde. En quoi ça m’avancerait de découvrir celle des pauvres ? De me faire un plat de pâte ? Putain j’étais peinard dans ma chambre, dans ma maison et il a fallu qu’il vienne fourrer son nez dans ce qu’il ne le regardait pas. Je n’avais aucun compte à lui rendre moi !
J’attrapais ma veste, mon sac avec Smartphone et mp3, un peu de liquide et claquais la porte en sortant de chez moi. Déjà trois mois que je vivais dans ce trou à rat. La seule chose de bien qu’on pouvait y trouver, c’était que le centre de Milan était plutôt joli. Agréable à regarder. Pas autant que les rues que j’avais l’habitude fouler, mais pour les autres, ça devait leur suffire. Je me demandais l’espace d’un instant pourquoi est-ce que je n’avais tout simplement pas demandé à quelqu’un de l’immeuble un peu de nourriture. C’était sûrement ce que mon oncle aurait voulu que je fasse. Donc en soit, c’était déjà une raison suffisante pour ne pas le faire. Cette situation n’était qu’une question de temps. Comme si j’avais envie de me mêler aux autres. De sympathiser avec les autres, pire encore, de demander de l’aide aux autres. C’était bien mal me connaitre. Comme si j’avais besoin d’eux. Ils étaient stupides, ou simplets. A se satisfaire de joies simples. Ah ne rien savoir sur la vérité. Et ils croyaient être heureux, mais ils ne savaient rien. Quedal. Nada. Moi je savais. Pas encore tout, certes, mais ça ne saurait tarder. D’un autre côté, ce n’était pas comme si j’allais en faire part la populace de Milan. Mais peut être que ça m’ouvrirait encore d’autres portes, d’autres curiosités.
Tout ça pour dire que je n’avais pas de temps à perdre à faire les courses et à me faire à manger ou à parler aux autres et à tisser des liens. Des liens. Pourquoi faire des liens ? Je m’étais très bien débrouillé jusque là, je ne vois pas pourquoi est-ce que ça ne continuerait pas. Adossé à la paroi de l’ascenseur, je mis mon casque audio et lançait mon mp3 en aléatoire. Une musique grave se répandit dans mes oreilles. Il faisait nuit, il y avait peu de chance qu’on me reconnaisse, je pouvais bien faire ce que je voulais. Je sortis de l’immeuble d’un pas rapide. La fraicheur de la nuit me fit légèrement frissonner, je refermais ma veste Armani et attrapais mon portable pour vérifier mes mails. Pourquoi fallait-il que j’ai besoin de manger ? Pourquoi fallait-il que mon estomac ait décidé d’un coup d’un seul d’avoir faim et de m’empêcher de me concentrer alors que j’essayais une bonne fois pour toute de forcer le barrage d’un ordinateur membre du GDP. Mes pas résonnaient sur les pavés de Milan. Même à cette heure un soir de semaine, il y avait encore des gens dehors. Trop de gens. Je tournais à droite, puis à gauche puis à droite et normalement je devais trouver… Non. Pas un bar. Je fis demi tour et pris à gauche à la dernière intersection. Un restaurant. Non mais bordel. Je faisais ce chemin toutes les semaines pour aller acheter ma putain de bouffe et voila que d’un coup elle disparaissait ? D’accord, on disait toujours que de nuit, c’était pas pareil que de jour, mais je n’étais pas débile non plus. Je me passais une main dans les cheveux pour essayer de me calmer alors que je faisais glisser mon casque autour de mon cou pour essayer de me concentrer. Ce n’était pas comme si j’avais appris toutes les rues de Milan non plus, pas comme si j’avais décidé de prendre racine ici. Saloperie. Comme si j’allais m’abaisser à demander mon chemin. Je continuais d’un pas décidé. J’allais bien finir par tomber sur cette foutue épicerie. Ils allaient m’entendre d’ailleurs là bas.
Pourquoi j’avais l’impression que plus j’avançais, plus les gens se faisaient rares, plus les rues se faisaient sombres, plus les bras avaient l’air glauques, plus je m’éloignais de la civilisation ? Non pas que ça me faisait peur. Mais ça m’emmerdait de perdre encore du temps, alors qu’en plus j’avais faim. Machinalement, je plongeais ma main dans la poche de ma veste pour y sentir un couteau suisse. On ne savait jamais. Je me sentais capable de me défendre, j’avais plus que des rudiments de combat, mais si on pouvait éviter ça m’arrangerait. Putain. Je fis demi tour pour revenir sur mes pas, je ne marchais pas cinq secondes que je percutais quelqu’un assez durement.
- Merde ! Vous pouvez pas faire attention ?!
Si en plus il fallait que je me tape les trois clampins de ces ruelles, j’allais vraiment jamais en finir.
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Mer 14 Juil - 10:02
« With the lights out it's less dangerous ; Here we are now, entertain us »
Philosophiquement parlant, la nuit était ce qu’il y avait de mieux dans le jour. On pouvait observer ce dernier décliner, guetter l’instant fatal où la victoire lui échappait et ainsi profiter au mieux de l’obscurité qui nous était offerte. Des ombres chargées de nous trahir n’en subsistait alors qu’une, unique, décapante de cette fierté qu’elle nous imposait – linceul d’obscurité jeté sur nos silhouettes. C’était dans ces moments que j’appréciais le plus les rues, au gré de mes sorties nocturnes. Je sacrifiais sans hésiter mes journées au GDP ; toutefois, les ténèbres restaient les habituées de mes heures perdues, tant et si bien que plus d’un disaient de moi que je ne vivais que pour ces instants de liberté. J’allais pas les contredire. Existait-il un plaisir plus grand que celui de déambuler parmi des fantômes ne vous souhaitant que de les ignorer ? Et surtout, quoi de mieux que de chasser sa came à la fraîche dans Milan ?
Sa came, ou autre chose … Ma drogue, ma dope, mon amphétamine n’étaient pas là ce soir, en l’absence de cette conne d’Elimoche. Je me renfrognai, mains dans les poches, le pas rapide. Le boulot l’avait invitée à partir en mission, pour ne pas dire qu’elle n’avait pas eu le choix : de toute manière, cette bêcheuse aurait accepté, saisissant la première occasion de se casser. Qu’elle y restât. J’en avais rien à péter. Je vivais très bien sans elle. J’étais plus libre. Plus de poufiasse pour me coller ses manies de psychorigide sur le dos. Plus de nuits gâchées avec elle. Oh, je me sentais d’humeur à casser des gueules, pourrir des vies, emmerder mon prochain, mais c’était bien la meilleure chose m’étant arrivée depuis des lustres … Néanmoins, avant tout, j’allais profiter de la soirée pour me défouler.
Je venais déjà de passer près de deux heures dans le bar de mes deux meilleurs amis, Grazie et Enzo. Nous avions bu tous les trois, trop, sans que je comprisse leur soudain engouement à mon attention. Bien sûr, un mec comme moi, tout le monde se l’arrachait et cela n’avait rien d’anormal, ceci étant d’autant plus vrai que notre trio avait survécu au rouleau-compresseur du temps ; toutefois, j’avais été surpris de constater de mes yeux qu’ils abandonnaient leurs clients pour demeurer avec moi. Sur le moment, les revoir, même pour peu de temps, m’avait rendu un semblant de sourire et avait plus ou moins noyé cette envie de casser des trucs qui m’étreignait le cœur depuis quelques jours … jusqu’à ce qu’ils fissent mention de leur désir de se marier. Oui, de se marier. Eux. Je n’étais pas passé loin de recracher mon gin-orange à leurs tronches énamourées.
« Dis, Vito, tu s’ras mon témoin de mariage hein ? » m’avait demandé Enzo, tout sourire, persuadé sans doute que ma surprise n’était que le wagon décroché d’une joie sans mesure.
Je m’étais barré. Sur le champ. Sans ne serait-ce qu’un regard ayant pu leur signifier à quel point j’eusse préféré me trouver seul chez moi, proche de l’overdose, avec pour seule compagnie celle de mes rêves éveillés, loin de toute cette merde. A croire qu’au bout de vingt ans, ces cons que je qualifiais d’amis n’avaient qu’une peinture incomplète de mon portrait … Témoin de mariage, putain, qu’est-ce que c’étaient que ces conneries … Pour l’instant, j’suis témoin d’un foutage de gueule, connard.
Se marier. La blague. Autant réclamer à un curé une autorisation parentale pour un suicide organisé. Leur décision me retournait l’estomac ; j’étais, de très loin, le dernier à qui il fallait oser parler de mariage. Comment pouvait-on envisager de laisser la loi nous lier pieds et poings à une gonzesse avec moins de vingt grammes d’alcool par litre de sang, de trois sachets de poudre dans le nez ? Déjà sans leur faire don de ce type d’armes, ces poufiasses trouvaient le moyen de nous faire chier. Elles n’étaient bonnes qu’à nous coller, à dire de la merde, à squatter les lignes téléphones et encombrer les boîtes mail. Se plaindre, confondre petites attentions avec dictature, à virer hystériques lorsque l’on finissait par aller voir ailleurs. Brailler, d’une façon générale. Cette prise de tête permanente était loin d’être compensée par les moments de félicité qu’un plumard pouvait offrir … et pourtant, Dieu savait que Grazie était bonne au lit. Alors se marier, mais quelle idée, bordel.
Je ricanai, mains engoncées dans les poches, histoire d’éviter de gifler le premier con venu. Plus je songeais à la proposition d’Enzo, et plus je la trouvais ridicule. Quel crétin irait réclamer à l’ex de sa future femme de devenir son témoin de mariage, j’vous le demandais … Vous faîtes chier.
Col de mon manteau remonté au maximum pour couper court à la bise, je continuai d’avancer dans le Quartieri Obscuri, encore incertain vis-à-vis du programme que j’allais m’offrir après que mon plan pour la soirée eusse échoué. Rentrer eût été trop facile. Con, en prime. Me vautrer au pieu avec la satisfaction du cadre venant de passer sa journée pépère au bureau, très peu pour moi. Retourner au bar que je venais de quitter n’était même pas une option en ligue parmi celles que mon cerveau me présentait : voir ces deux imbéciles se lécher la poire, non merci. Il allait donc falloir que je me trouvasse une occupation dans le coin, peut-être cela finirait-il par des retrouvailles avec un dealeur suffisamment calé pour me fournir ce que je recherchais – pas la merde qui se vendait en sous-main dans les bas-fonds de Milan. Le dernier type m’ayant proposé cette espèce de craie en poudre, utilisable uniquement pour soulager le cul des gosses, avait achevé ses heures d’éveil dans un caniveau. Je ne l’avais pas encore revu.
Putain, et même pas une mission du GDP pour m’occuper … Quelle bande de rats, ces connards. Quand je pense que ce sont ces attardés de flics qui gagnent le droit, la majeure partie du temps, d’aller chasser du pacto’ et ces étoiles de merde.
Et soudain, derrière moi, quelqu’un me percuta. Pas suffisamment fort pour perturber mon équilibre, mais assez pour me rappeler que je ne pouvais pas supporter que l’on se risquât à me bousculer. Combien de pains allait-il me falloir distribuer avant que l’on retînt que si l’on s’approchait au point de me toucher, ce n’était que pour baiser mes pompes ? Vito Vargas, on l’admirait de loin, point barre, retour à la ligne, alinéas avant de trouver l’autorisation de le kiffer. Un braiement accompagna l’erreur sacro-sainte du type dans mon dos :
« Merde ! Vous pouvez pas faire attention ?! »
Ton agacé, provocateur. Ridicule. Je pivotai d’un bloc pour me retrouver face à un gamin très certainement trop con pour avoir perçu la menace sommeillant dans le balancement de la lame sur mes reins. Je pris quelques secondes pour l’observer, avant d’éclater d’un rire froid. C’était un gosse. A peine majeur, à en croire ses joues de puceau comme éternellement porteuses des dernières rondeurs de l’adolescence. Il me dévisageait d’un air furieux ; des étincelles crépitaient dans le disque bleu de ses yeux, réverbérées une chevelure trop lustrée pour appartenir à un natif du Quartier Obscur. L’empreinte sur ses traits fins était celle d’une aristocratie qui n’était que trop revendiquée et il en allait de même pour les fringues qu’il portait. En lieu et place de son veston, que j’identifiai comme étant un Armani, je pouvais presque imaginer des piles de billets de cent balles ; le casque pendu à son cou, connecté à un Mp4 copulant avec un cellulaire de classe supérieure dans sa main frêle, suivaient le même chemin pavé de fric dans mon esprit. Ce mioche puait la thune. De celles laissant à penser que ce type de connard avait tissé ses draps dans les billets qui devaient dégueuler de son porte-monnaie. Je le détestai instantanément. Je l’aurais haï même s’il ne m’était pas rentré dedans mais par les mots qu’il avait trouvés bons de jeter, il venait de légitimer la tempête sous mon crâne.
Mon poing le cueillit sous le menton, presque indépendant de ma volonté tant le geste s’était imposé à moi. Il envoya le gosse s’étaler sur le pavé, à mes pieds, dans un concert de grognements qui ne remboursèrent qu’à moitié la dette dont il venait de s’embarrasser envers moi. Je me penchai sur lui, sourcils froncés ; l’émail de mes dents scintillait à la lumière tamisée. J'espère que tu l'as senti passer.
« Tu sais à qui tu parles, couillon ? On t’a jamais appris à ne pas péter plus haut que ton cul ? »
Cul qui n’était plus bien haut.
Dernière édition par Vito Vargas le Ven 13 Aoû - 17:06, édité 2 fois
Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Jeu 15 Juil - 7:35
Non mais genre c’était ma faute quoi ! Ils pouvaient pas faire gaffe les gens, ce n’était pas parce qu’on était en plein quartier mal famé la nuit que les règles ne s’appliquaient plus ! Chacun faisait attention et j’estimais ne pas être du tout dans mon tord. Sérieux on ne trainait pas des pieds comme ça. Il fallait croire que le peuple ne savait même plus ce qu’était le respect. J’étais déjà énervé mais là, ça montait encore d’un cran. On perdait tout quoi. Jamais un truc pareil ne serait arrivé quand j’étais encore dans ma maison d’où mon si gentil oncle m’avait éjecté. J’étais véritablement courroucé alors que l’homme devant moi se retourna pour me fixer. Et rire. Non mais manquait plus que ça. Il s’était regardé lui ? Qui ne nos jours portaient des cheveux aussi longs et décolorés pareil ? Il croyait vraiment qu’il pouvait passer pour une fille ? Même dans le quartier ça passait pas. Va falloir songer à l’opération là parce que pour trouver quelqu’un, t’étais mal barré. Il me toisait de haut. Normal quand on faisait sa taille. Mais est-ce pour autant que je devais me plier ? Et puis quoi encore, je ne pliais jamais. Devant personne. Depuis déjà bien longtemps. Je ne vois pas pourquoi l’être humain devrait s’écraser ainsi devant une autre personne. Et puis c’est pas comme si dans ces espèces de bas fond on pouvait arriver à ma hauteur. Il ne manquerait plus que ça. Que le prolétaire se croit un bourgeois. Dé-li-rant.
On se toisait l’un l’autre. J’étais sensé avoir mûri depuis cette époque ou chacun me semblait plus bas que terre sur l’échelle humaine. Mais mon impatience et mon agacement faisait ressortir ce côté qu’Egeado voulait à tout prix enrayer. Comment ça il pouvait se permettre de rire en me regardant. Comment ça il pouvait se permettre de me regarder de la sorte ? Il se croyait meilleur lui ? C’est pas parce qu’on voulait se donner un style avec manteau noir, pantalon et bottes sombres, avec une coiffure digne d’une personnage de manga qu’on avait vraiment l’air classe. Il se prenait pour un mafieux ou quoi ? Et puis mon regard glissa sur ce que je crus voir dépasser de derrière son dos. Je clignais les yeux et oubliais. Non ça ne pouvait pas être ça. On n’était pas non plus dans un film. Et puis il dégageait une légère odeur d’alcool. Ce n’était rien d’autre qu’un alcoolo qui sortait d’un bar et qui se croyait le roi du monde. J’aurais préféré tomber sur quelqu’un faisant un bad trip plutôt qu’un de ce genre là. C’est bon là ? On a perdu assez de temps comme ça ? Je peux enfin me casser ? Non pas que tu me fasses perdre du temps mais en fait si.
Et puis tout se passa très vite. Trop vite pour que même mon cerveau de génie le comprenne. Je décollais littéralement du sol avant d’atterrir lourdement sur les pavés de la rue, générant en premier lieu une grosse douleur au niveau du dos, du bas du dos et des fesses. Et j’étais estomaqué. Je clignais des yeux, sentant un léger filet glisser de ma bouche entrouverte. Il venait de se passer quoi là ? Mon cerveau venait de buger au mauvais moment. Mais je n’arrivais pas à comprendre l’action. Je me revoyais dans les airs, de façon si furtive et pourtant si distincte. Et puis l’atterrissage assez violent. Et avant… Avant… Je crachais ce qui envahissait ma bouche d’un gout métallique. Et quelque goutte carmines tombèrent sur les pavés. Oh putain. Il ne fallait pas être une flèche pour comprendre que c’était mon sang qui coulait comme ça. Ah, c’était de là que provenait cette douleur lancinante dans ma mâchoire. Bordel, mais ça faisait super mal. Mais je n’en revenais tellement pas que je n’arrivais pas la ressentir suffisamment. Il m’avait frappé. Même plus que ça, il m’avait envoyé littéralement valdinguer d’un coup de point. Il aurait pu me casser les dents ce con ! J’aurais pu me couper la langue ! Mais il était malade. La haine scintilla un instant au fond de mes prunelles. Jamais. Jamais personne n’avait osé porter la main ainsi sur moi. Ni mes parents, ni mon oncle, ni jamais personne. Et voila que ce parfait inconnu, dans son tord en plus, se permettait de me cogner violemment, de faire couler mon sang. Chose qui n’était pas arrivé depuis l’époque où je m’écorchais les genoux. Et comme si ça ne suffisait pas, il se mit à crier en me débitant une palanqué d’insultes plus grossières les unes que les autres.
Mais on vivait dans quel monde ? Alors c’était ça le vrai Milan dont parlait cet imbécile d’Egeado. Ben il allait m’entendre, c’était clair et net. Bordel ça faisait mal. La douleur commençait à prendre le dessus sur le reste et ma mâchoire m’élançait de plus en plus de même que le bas de mon dos qui avait dû bien morfler. Malgré moi, je portais ma main au visage pour le palper, étudier l’étendu des dégâts. A priori elle n’était pas cassé, ça n’avait pas du passer bien loin, mais mes fringues étaient foutues, mon téléphone que j’avais lâché avait glissé plus loin, il ne restait que mon mp3 qui demeurait intact. Ce mec me foutait grave les boules. J’essuyais du dos de la main le sang qui perlait encore à mes lèvres et levais la tête en croisant le regard de celui qui s’était un peu penché sur moi. Et parce qu’il était en colère il fallait s’en prendre aux gens comme ça ? Mais c’était du délire. Et il croyait que c’était parce qu’il était plus grand et plus âgé que j’allais m’excuser et me rabaisser. Mais il rêvait tout éveillé ce pauvre gars. Aïe aïe aïe, cette foutue mâchoire me faisait mal, il n’y était pas allé de main morte. J’en connaissais un qui allait se réveiller avec son pc et son portable hackés et infestés de virus.
Je me redressais, me mordant légèrement les lèvres dû à la douleur aux lombaires.
- Et toi tu sais à qui tu parles ? Tu sais qui tu viens de frapper là ? J’men tape de qui tu peux être mais ce que t’as fait, ça restera pas sans suite.
Je le foudroyais du regard, me retenant de frotter mon menton douloureux.
- Tu ferais mieux de retourner dans ton bar et oublier. Parce que moi je n’oublierais pas.
Si j’avais su à quel point j’étais tombé sur la mauvaise personne.
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Ven 16 Juil - 12:55
« I'm worse at what I do best And for this gift I feel blessed »
La chute du morveux fut dénuée de toute grâce. Pas que l’on pût tomber d’une manière dotée d’un semblant d’élégance, mais l’on pouvait au moins éviter de tenter le sort, ou de placer toutes les chances de s’éclater le coccyx de son côté. Il y avait des limites à ne pas franchir – celles du ridicule. Et ce gosse s’y était engagé bien au-delà des limitations de vitesse autorisée, comme s’il n’attendait que de se payer un mur ou de s’emplâtrer dans un virage. Rien que pour ça, je ne passai pas loin de l’achever d’un revers de lame. Ne fût-ce que pour lui épargner le sentier pavé de souffrances à venir qu’avait l’air d’être sa vie. J’étais le premier à admettre que l’on pût être con ou déficient : j’l’étais moi-même mais d’une façon bien différente que l’abruti à mes pieds. Bien que proche du passage à l’âge adulte, matériellement du moins, le temps ne l’avait pas pourvu d’un physique très impressionnant ; à partir de là, la moindre des choses était de faire gaffe à l’endroit où l’on mettait ses pieds, ainsi qu’à la merde que l’on ne pouvait pas manquer de balancer. Quand on ressemblait à un échappé d’une ZEP maternelle, on faisait au moins l’effort de raser les murs.
Et puis merde. J’aimais pas les mioches, de toute façon. C’était pas foutu de sentir leurs nez morver, de la mettre en veilleuse au bon moment – d’analyser d’une manière juste la situation moins encore. Quel con doté d’un QI dans les normes irait me bousculer ? Quel boulet saurait trouver la connerie de passer outre l’épée dans mon dos, putain, hormis ce crétin né de la copulation entre deux lingots d’or ? Et surtout, qui donc, à part lui, repousserait les limites de l’imbécilité jusqu’à me lancer un tel regard ? Parce que oui, il me matait, d’un air peu amène s’il en était ; il devait encore croire à la légende qui voulait qu’un regard pût liquéfier un indésirable. La seule chose qu’il parvenait à faire, c’était me pousser à me marrer un peu plus. Il était ridicule. Pitoyable. C’était haut comme deux pommes sur lesquelles un camion serait passé, et ça cherchait à toiser son prochain ? C’était au bord des larmes, et ça souhaitait encore se donner un semblant de contenance à travers une colère plus que risible ? Range ton pistolet à eau, crétin.
Enfin, il avait surtout l’air d’halluciner sur ma gueule. Qu’il se rassurât, j’étais pareil. A le voir, on eût pu croire à une bonne blague et l’effet comique n’était que renforcé par le grotesque de sa position. Il détonnait complètement dans le quartier, par ses fringues autant que sa fierté mal placée ; quant à son téléphone portable adoré, il avait valdingué plus loin, en un lieu que lui-même risquait de rejoindre – les égouts. Il tressaillit quand il sentit du sang envahir sa bouche, grimaça quand il put appréhender sa réalité en le voyant, pas loin de fondre en larmes sans doute. Je plaquai mes poings sur mes hanches et pour un peu on eût pu songer que j’avais quelque chose à foutre de ce que le futur macchabée allait dire. De fait, il rassembla ses maigres forces pour soulever son corps et m’affronter de cette voix qui n’avait pas encore mué.
« Et toi, tu sais à qui tu parles ? »Rien à branler, mec.« Tu sais qui tu viens de frapper, là ? »T’appelles ça frapper ? ‘t’en faut peu.« J’men tape de qui tu peux être mais ce que t’as fait, ça restera pas sans suite. »On verra par la suite.
Si l’envie m’avait effleuré l’esprit, je lui aurais tendu un mouchoir. Pas que sa veste Armani était kiffante mais sa morve allait être difficile à détacher, à ce rythme, même s’il ne faisait aucun doute qu’un pourri comme lui devait disposer d’une armée de serfs pour accomplir ce type de besogne. Et puis, ç’allait pas être très beau à voir, ces conneries. Vraiment pas beau. Sauf que, non content d’avoir scellé son destin, ce con n’en avait pas terminé :
« Tu ferais mieux de retourner dans ton bar et oublier. Parce que moi je n’oublierais pas. »
Trop, c’était trop. Je voulais bien faire des efforts, contenir mes pulsions, m’attacher à demeurer plus ou moins neutre, mais il ne fallait pas pousser plus loin mes talents d’acteur. En l’entendant m’enjoindre de me casser et déblatérer ce qui, pour lui, devait être le summum de la menace, je ne pus me retenir plus longtemps et j’éclatai de rire. Un grand rire mi-moqueur, mi-incrédule. Pour qui se prenait-il, cet abruti ? Si tout ce qu’il désirait était de faire un caca nerveux, il s’était dégotté la mauvaise personne pour lui servir de miroir, car il risquait de chier jusqu’à ses entrailles. Son apostrophe me confirma que ce gland ne devait pas être du coin : il était bien connu qu’ici, à Milan, on ne devait en aucun cas accorder le moindre crédit au nom de cette ville. Si vous souhaitiez passer le mois, surtout en venant grossir la population de quartiers tels que celui-ci, mieux valait prévoir le coup et ne pas vous surestimer …Or, il était plus que clair que ce connard se croyait au-dessus du lot.
T’es pourtant là, mec. Quelqu’un a dérobé ton cerveau à ta naissance, c’est tout, et maintenant, tu ne peux que couiner quand le vide entre tes deux oreilles résonne. Mais par pitié, ferme-la … A chaque mot que tu prononces, c’est ton espérance de vie qui souffre, pas moi.
Je cessai soudain de rire. Et sans le quitter des yeux, je fis un pas en avant. Mon talon trouva ce qu’il cherchait et s’abattit sur l’écran du Mp4 de notre bourgeois adoré. Un craquement, dernier soupir de ce bijou de la technologie, accompagna mon geste ; l’objet rendit l’âme dans le flot de composants électroniques sur lesquels il s’était ouvert. De quoi ? Ca coûtait cher ? Justement. Son fric était la seule qualité dont pouvait se targuer ce débile heureux, loin de moi l’idée d’éviter l’écueil qu’il me tendait, tel le bâton pour se faire battre. Il comptait me faire quoi, le boulet ? Me passer un coup de fil pour m’informer qu’il avait racheté un nouvel appareil ? Me prévenir qu’il était sorti de l’hosto’ ? Peut-être m’envoyer une demande d’autographe ? Lâche-toi, ducon.
« Ferme un peu ta gueule, bordel. »
Délaissant le cadavre du lecteur de musique, je me penchai ensuite sur le sac qui avait valsé un peu plus loin. J’en vidai le contenu sur le sol et ignorai un peu tout jusqu’à mettre la main sur ce qui m’intéressait vraiment : son portefeuille. Je retournai un sourire plein de dents à mon pote tout en m’emparant de la liasse de billets de cent euros qui dépassait. En fait, ce gosse n’était pas une si mauvaise rencontre, et j’allais peut-être lui laisser la vie sauve en échange de quelques biffetons.
« Tu sais, j’ai rien contre les bourges, dans le fond. Tu te marres un moment, tu profites bien et ils te proposent si gentiment de les débarrasser de quelques ronds qu’au final, tu peux même pas refuser, commençai-je. Je me saisis de quelques cartes, leur accordant un coup d’œil. « Et puis tu … Tiens-tiens, mais … »
Je m’interrompis, saisi d’une surprise incommensurable alors que sa carte de crédit m’informait de son nom. Andrea Vitaly. Je me sentis froncer les sourcils, incliner la tête sur le côté, grimacer, écarquiller les yeux – bref, passer par toutes les cases de l’étonnement facial. Autant Andrea ne m’évoquait que le prénom de l’une de mes ex’s, autant le patronyme était chargé du passé le plus lourd qu’il fût possible d’imaginer. Vitaly ? Etait-il possible qu’il s’agît du fils de ce couple riche au-delà du raisonnable que le GDP s’était chargé d’éliminer quelques années plus tôt ? Je souhaitais ne pas y croire ; le monde était-il à ce point étroit ? Etait-il seulement envisageable que je me trouvasse face au gosse dont j’avais contribué à supprimer les parents ?
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Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Ven 16 Juil - 15:33
Le tutoiement était venu tout seul. J’avais gardé le vouvoiement pour l’apostropher une première fois. Parce que ça se faisait, parce que je ne le connaissais pas, parce qu’il était plus grand. Ce genre de chose déjà. Mais là. Il ne s’était pas gêné pour m’en envoyer plein la poire, au propre comme au figuré du coup je ne voyais pas pourquoi est-ce que j’aurais dû continuer à lui montrer une pseudo marque de respect face à ce que j’avais déjà enduré. Il pouvait toujours rêver pour m’entendre à nouveau m’adresser à lui en le vouvoyant.
J’évitais en général de me servir de mon nom de famille pour menacer les gens. Dans mes anciennes écoles, de toute façon, on me connaissait suffisamment pour savoir qu’il valait mieux ne pas se frotter à moi. Et maintenant, pour ce qui était des inconnus, je préférais m’en tenir à ce que j’étais. Bien sur, quiconque regardait attentivement pouvait bien deviner mes origines sociales, mais cela demeurait tout. Quand je parlais à quelqu’un, quand je l’envoyais ou non balader, je ne comptais pas sur mon nom, sur ma famille sur ma richesse. J’agissais ainsi parce que j’étais ainsi. D’ailleurs c’était sûrement pour ça qu’Egeado m’avait jeté ici, il croyait vraiment que je changerais parce que j’étais entouré de personnes normales ? Mais sérieux, où avait-il la tête ? De toute façon, je n’avais nullement l’intention de communiquer à cet énergumène mon nom de famille, je savais au moins que ça ne pouvait pas être une bonne chose dans l’état dans lesquelles étaient les choses. Cependant, si j’avais pu savoir son nom à lui, les recherches auraient été plus simples. Mais moins amusantes. De toute façon, les mecs avec une dégaine pareille ça ne courrait pas les rues, je trouverais forcément des traces dans les registres, dans les faits divers et tout ce qui pouvait trainer sur la toile. S’il croyait s’être attaqué au premier gamin venu il se trompait lourdement. Je n’étais pas du genre à me laisser faire. Et malgré la différence de carrure, je n’allais pas reculer.
Mes parents disaient souvent que j’étais trop susceptible, trop soupe au lait, caractériel. Ce qui n’était pas faux, je prenais vite la mouche. Mais à ne plus trop parler aux autres, on n’avait pas de raison de se vexer. Et puis comme disais si bien mon cher oncle « Ce n’est pas viable de réagir tout le temps comme ça ». Il n’avait pas tord, et ça me tuait de l’avouer. Sur le net, j’étais la plupart du temps courtois. Sauf quand on mettait en doute mes talents, généralement, là, je ne faisais pas de cadeau. Et puis à part ma nouvelle situation qui me foutait en boule dès que j’y pensais, je n’avais pas vraiment de raison d’être exaspéré envers le monde entier. Il fallait croire que ce mec avait tiré le gros lot. Si j’avais fait des efforts ces derniers temps, là j’étais trop en colère pour penser correctement. Le bout de mes doigts se mettait à trembler sous l’effet de la rage. Je me doutais bien que ce n’était pas finit. Sauf miracle, il n’allait pas en rester là, vu le premier round qui venait de se passer. Et je lui en voulais. J’avais mal à la mâchoire, ça m’élançait, j’aimais pas le gout de mon sang, j’avais mal au dos. J’aimais pas avoir mal. J’aimais pas ce type.
Et j’étais à dix milles lieux de penser à quel point je pouvais me rendre ridicule. Avec du recul, un peu oui, mais sur le moment, je me trouvais tout à fait légitimement dans mes droits. Dans mes droits de péter un câble. Comme si j’allais rester sans rien dire alors qu’on piétinait ma fierté. Qu’on me riait au nez. Oui il riait en plus ce débile. Il pouvait bien se foutre de ma gueule autant qu’il le voulait mais il allait le regretter. Amèrement d’ailleurs. Sérieux qu’il aille se faire… Crac. Ce fut le bruit de mon baladeur qui éclata en morceau sous le pied de ce travesti aux cheveux gris.
- Putain !
Je me relevais, ivre de rage. Bordel de saloperie. Mais il cherchait vraiment vraiment la merde. De quel droit il s’autorisait à faire ça ? Il se croyait où ? J’étais à deux doigts de trépigner de rage, ignorant une fois de plus à quel point je pouvais paraitre immature et ridicule. Mais de toute façon c’était le cadet de mes soucis. Il fallait que je me calme, que j’arrête d’agir sur des coups de tête. Je savais très bien que physiquement je ne pouvais avoir l’avantage, c’était impossible. Mais mon orgueil et ma fierté étaient bien trop mis en jeu pour que je m’écrase maintenant, surtout maintenant. Il en avait déjà fait plus qu’il ne fallait pour me faire sortir de mes gonds. Et le pire c’était qu’il continuait.
« Ferme un peu ta gueule, bordel. »
- Toi ferme ta gueule. Répondis-je du tac au tac. Hey repose ça !
Je tentais vainement d’attraper mon sac avant de voir son contenu se renverser sur les pavés sales de cette foutue rue où je n’aurais jamais dû me perdre. Où je n’aurais jamais dû rencontrer ce mec, qui faisait tout pour me rendre dingue, qui non seulement m’en collait une, dézinguait mon mp3 mais en plus fouillait dans mes affaires persos ! Le fric ça se gagne ! Faillis-je dire. Mais je savais très bien qu’il se doutait que ça ne marchait pas comme ça pour moi. N’empêche que ce n’était pas une raison pour me prendre le mien ! Ce fric j’en avais besoin, à commencer par racheter un mp3 pour écouter ma musique. Et accessoirement pour ma bouffe. Sauf que là aussi, c’était passé au second voir troisième plan de mes priorités. Parce que je ne savais pas où cette discussion allait nous mener, combien de temps et… avec combien encore de dommages.
« Tu sais, j’ai rien contre les bourges, dans le fond. Tu te marres un moment, tu profites bien et ils te proposent si gentiment de les débarrasser de quelques ronds qu’au final, tu peux même pas refuser. Et puis tu … Tiens-tiens, mais … »
Quoi ? Pourquoi est-ce qu’il tirait soudainement une tronche pareille ? Et ce n’était pas de l’étonnement feint. J’en profitais pour lui arracher mes cartes et billets de la main avant de tout refourrer dans mon sac. Merde je n’aimais pas ça. Qu’est-ce qui lui prenait ? Déjà il connaissait mon nom et moi pas, mauvaise pente. Et surtout, on aurait dit que… Non mais ce n’était pas possible de toute façon c’était du délire, si j’avais déjà rencontré un con pareil je m’en serais rappelé. Surtout avec ce physique. Il avait dû tilter sur autre chose. Genre un numéro qui ressemblait à sa date de naissance. N’empêche que ça foutait grave les boules. J’avais tellement envie de savoir. Ma curiosité était piquée au vif, calmant presque l’afflux de colère. Presque. Parce que malgré mon envie de lui arracher la vérité, les affronts précédents étaient trop récents pour prendre le dessus. - Si tu veux te faire de la thune t’as qu’à faire le trottoir. Quoique je pense pas que ça soit très utile. Quoi tiens tiens ? Qu’est-ce que t’as vu ?
Ma voix était acide mais on pouvait y discerner une envie de savoir de savoir pourquoi ce revirement d’expression sur son visage.
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Dim 18 Juil - 14:04
« Could it be a picture in my mind ? Never sure exactly what I'll find »
Vitaly. Vitaly, Vitaly, Vitaly. Un nom qui n’avait rien d’italien et désignait pourtant deux localités. Deux choses.
La première était l’une des plus grandes richesses d’Italie, de celles à vous foutre en l’air un PIB pour peu que les concernés s’intéressassent à l’économie. Cette dynastie de bourges avait toujours détenu une fortune incommensurable, à en faire pâlir d’envie les politiciens les plus vénaux ou véreux ; pourtant, je ne conservais pas de souvenir quant à une information relative à la façon dont elle l’avait acquise. Ils étaient riches, point barre. Naître de l’union entre un Vitaly et son conjoint équivalait à gagner toute une vie d’un salaire convenable et des invitations aux bringues les plus VIP de ce monde coincé – j’aimais le fric, mais ça, même moi je ne le souhaitais à personne.
La seconde était l’une de mes premières missions au GDP, alors que je n’étais encore qu’un scientifique de terrain mis à l’épreuve par la direction. A cette époque, je venais d’apprendre que notre organisation comptait le dernier maître de la maisonnée Vitaly dans ses rangs et que, plus important, sa femme était un cobaye de l’escouade de scientifiques, placé sous la responsabilité de celui qui l’avait épousée. Néanmoins, le temps passant, les grands pontes de l’organisation devinrent paranoïaques ; ils ne furent pas longs à porter leurs soupçons sur la jeune femme et sa stella. Il était logique que l’on finît par se méfier de la loyauté de la pactisante et sa poussière d’étoile. Quant à celle du père Vitaly, elle ne fut pas mise en doute. Toutefois, on lui fit clairement comprendre qu’au moindre faux-pas de la part du couple, le couperet tomberait, irrévocable. De fait, le pouvoir acquis par son épouse lui permettait de lire dans les pensées d’autrui et le danger que cela pouvait potentiellement représenter n’échappa pas aux dirlos. Je fus, dans tout ça, chargé d’évaluer la dangerosité de cette alliance contre-nature, aussi bien chez Mrs Vitaly que chez sa stella.
Je menai mon enquête, me rendant sur le terrain. J’espionnai. Plaçai des micros. Surveillai les conversations. Epiai les moindres faits et gestes de la part des deux femmes. Je mis mon intelligence au service de cette mission qui ne consistait jamais qu’à déterminer les relations entre mes sujets d’étude et leur entourage et en quelques jours, je pus juger du ressentiment croissant de leur part envers l’organisation leur imposant un statut de cobayes humains, de leurs velléités de ce qui ressemblait à une rébellion pure et simple. Mon rapport fut sans appel. Elles étaient dangereuses, confiai-je à mes supérieurs ; un jour, l’une finirait par craquer, entraînant l’autre à sa suite. Qui savait ce qu’elles auraient été capables de faire, lâchées dans la nature, avec un tel pouvoir et de telles informations sur le GDP en leur possession … Ainsi, mon expertise scella le destin non pas de deux êtres, mais trois : Mr Vitaly fut choisi pour se charger de l’exécution, sauf que nous autres scientifiques oubliâmes la dimension humaines des sentiments de celui qui, policier du GDP ou non, demeurait un humain. Et cet imbécile, soucieux de s’épargner le poids du sang de sa femme, mit fin à ses jours en même temps qu’à ceux de celle-ci.
Je n’avais donc pas assassiné ces bourges de mes propres mains mais mon témoignage le fit, tel un procès-verbal où l’accusé se serait vu son droit à un avocat refusé. Tant et si bien que ce fut tout comme si j’avais abattu moi-même la hache sur leurs nuques. Evidemment, je n’en conçus aucun remord, n’en étant pas à mon premier meurtre, même si celui-ci s’était organisé à distance. Je faisais d’une pierre trois coups : non pas un mais deux bourges de moins sur la planète, en plus d’un stella. De quoi être d’autant plus fier que je reçus peu après mon insigne de scientifique de terrain. Il eût même été inquiétant que je me souciasse de ces morts, car cela aurait signifié que je n’étais pas taillé pour ce job … Quant au gosse Vitaly, dont je n’avais jamais su le nom parce qu’absent de la vie de famille, relégué dans des écoles privées qu’il était, il sortit bien vite de mon esprit. Un gamin comme celui-ci aurait les moyens de s’acheter de nouveaux parents, m’étais-je dit.
Et voilà que ce soir, le destin le plaçait sur ma route. Oui, c’était bien lui, cela ne faisait aucun doute ; j’avais passé suffisamment de temps à déchiffrer le visage de sa génitrice pour reconnaître en celui-ci, plus juvénile, la douceur des traits de sa mère. A commencer par la courbe presque aristocratique que décrivait son menton. Son nez à l’arête fine. Ou encore cette moue imbécile. Je mis quelques secondes à me remettre de ma surprise, et quand bien même je crus que c’était le cas, je savais avoir échoué à gommer toute émotion de mon visage. Il profita de l’étonnement m’ayant saisi pour s’emparer des possessions que je tenais encore en main et les fourra dans son sac, furieux.
Je fronçai les sourcils en lui jetant un énième coup d’œil. Okay, je n’étais pas un modèle, mais ce petit merdeux avait vraiment des manières de chiottes. Je l’observai adopter une distance de sécurité, occupé à serrer son Longchamp contre ses pectoraux absents. Il semblait osciller entre haine pure et curiosité. Au moins une chose que nous avions en commun : je ne pouvais pas le piffer non plus, mais j’étais surpris d’avoir participé à la psychologie de ce gosse et souhaitais voir jusqu’où j’avais pu influencer sa vie, inconsciemment. Loin de moi l’idée de me sentir coupable, en revanche ! Le seul truc que je trouvais à me reprocher était d’avoir participé à la construction mentale d’un type pareil. J’me doutais bien qu’il aurait tout aussi bien pu se démerder sans moi pour atteindre ce niveau de connerie, toutefois, faire face au produit de l’une de mes actions avait de quoi mystifier.
« Si tu veux te faire de la thune t’as qu’à faire le trottoir. Quoique je pense pas que ça soit très utile. Quoi tiens tiens ? Qu’est-ce que t’as vu ? »
Il avait braillé, inconscient de mon trouble. Inconscient tout court, même, au vu du contenu de ses paroles. Me parler de la sorte revenait pour ce con à jouer une partie dangereuse avec sa case manquante ; il risquait fort de payer cette débilité de sa vie. J’eus envie de lui retourner un second pain, juste pour le plaisir de le voir se casser la gueule comme la première fois, pourtant je me contins. Ma main ne se dirigea donc pas vers son visage mais mon épée, dont elle cueillit la poignée ; l’acier chuinta en quittant son fourreau. Chuinta, chuinta – j’adore ce bruit. Et la lame de le cueillir sous le menton, prête à mordre la chair. Je lui adressai un sourire féroce.
« Toi, le merdeux, tu commences par la fermer. J’suis pas loin de te refiler à un proxénète, donc ‘me tente pas avec tes allusions vaseuses. »
Je pris quelques instants pour réfléchir. J’avais envie de répondre à sa question, malgré tout. Mais pas moyen de m’autoriser ce plaisir ; j’étais pas sûr que le GDP appuierait ce coup d’éclat, même si le seul fait d’imaginer la tronche du gosse – Andrea, Andy – si je lui révélais que j’étais responsable de la mort de ses parents me faisait rire d’avance. J’optai donc pour une demi-vérité :
« Et j’ai connu ta mère, Andy. Dommage qu’elle ait cassé sa pipe, hein ? », ajoutai-je.
C’était petit. C’était méchant. Ou pas. Avec ces bourges, ‘fallait pas compter sur l’amour que les uns vouaient aux autres, liés par le sang ou non. Et puis, j’m’en foutais. L’essentiel dans tout ça, outre le fait que je me kiffais, était que j’avais fait la connaissance d’une pompe à fric potentielle.
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Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Dim 18 Juil - 17:58
Plus d’une fois je m’étais demandé si mes parents trempaient dans des trucs pas nets. Tous les gosses, en voyant si peu ses parents se serait posé des questions. Avec une mère qui ne disait rien, qui n’était que cachotière, qui restait toujours loin de son fils, comme si elle en avait peur. Un père à peine plus présent, toujours en soit disant mission pour je ne savais quelle armé, quelle force, quelle section. Je fabulais tout seul dans ma chambre. J’imaginais qu’il était agent secret, que ma mère était recherché pour un meurtre qu’elle n’avait pas commis. Ou alors ils étaient chacun ennemis sans le savoir et jouait au chat et à la souris pour se fondre dessus, comme dans un vieux film des années deux milles. Peut être que mon père jouait agent double pour la mafia de Milan. Ma mère était peut être dealeuse. Dans tous les cas que je pouvais inventer, il y avait toujours une bonne raison pour ne pas qu’ils soient présents pour moi. Ca pouvait me mettre en danger, si on apprenait mon existence, je servirais de moyen de pression. Je réinventais chaque jour de nouvelles raisons. Si j’avais su à quel point parfois je m’approchais plus que de raison de la vérité.
Je n’étais pas tout seul non plus. Parfois je discutais un peu avec mon père, même si c’était plus figé qu’une réelle discussion père fils. C’était vraiment ma mère qui était distante. Le regard fuyant. Et cela m’encourageait à imaginer encore plus de choses. Il y avait Egeado qui passait à la maison. Que je n’aimais pas avec son sourire engageant, sa fausse politesse à mon égard, ses airs de dire que j’étais mal éduqué, ses réflexion qu’il lançait l’air de rien mais avec des tonnes de sous entendus à mon égard. Je n’avais jamais pu le porter dans mon cœur et ce même maintenant qu’il était la seule famille qui me restait. A vrai dire, je n’en savais rien. Mon père ne nous avait jamais parlé de sa famille. Du moins pas à moi. Peu m’importait à vrai dire. Si c’était pour me retrouver avec une tripoté de cousin revendiquant mon héritage non merci. Il y avait les domestiques aussi. On m’avait engueulé plus d’une fois à cause de mon attitude suffisante à leur égard. J’avais donc fait des efforts mais le mal était fait. Ce n’était pas à eux non plus que j’allais pouvoir parler. De toute façon, ce n’était pas comme si j’avais des trucs à dire. A raconter. Je ne voyais pas ce qu’on pouvait raconter à ses parents à la fin d’une journée de cours. J’avais bien mieux à faire, que ça soit sur mon pc ou dans la bibliothèque.
Ainsi, même à la mort de mes parents, j’avais continué d’imaginer. Finalement on les avait retrouvés et ils n’avaient pu s’enfuir. Ils étaient tombés dans un traquenard de la Mafia. Une mission ultra spéciale leur avait été fatale. L’un s’était interposé pour sauver l’autre et de désespoir, le second s’était suicidé. Là aussi, je passais si près de la vérité, sans jamais le savoir. Je savais que mes parents s’aimaient. Bien plus que les apparences ne le laissait supposer. Je pouvais capter parfois leurs regards doux, mais douloureux à la fois. Pour les rares fois où je les voyais ensembles. Je me doutais que plein de choses échappaient à mon regard. Mais je n’imaginais pas à quel point. A quel point leur quotidien était dur. A quel point ils avaient dû faire des sacrifices. A quel point, malgré le fait qu’ils n’étaient pas là pour moi, j’avais été un enfant désiré. Juste que le destin en avait voulu autrement. Mais tout ça. Tout ça, je ne le savais pas. Pas encore. Et puis d’un coup, la maison a été beaucoup plus vide. Physiquement, c’était presque la même chose qu’avant, mais il n’y avait plus cet air prouvant qu’elle était quand même habitée. Et mine de rien ça faisait un choc. Même moi je l’avais senti.
Enfin bref, tout ça pour dire qu’au final, il ne fallait pas se voiler la face et que le mec en face de moi devait connaître mon nom de famille. Bon ok, la famille de ma mère était connue pour ceux qui s’intéressaient aux grosses fortunes, aux gros actionnaires, à la bourgeoisie de Milan. Mais par forcément de quoi tirer une tronche pareille. Ca n’avait pas de sens. Ok je n’avais peut être pas à me trouver là, mais un type du style de celui en face de moi, ça me semblait bizarre qu’il lise ce genre de magasine. Les gens d’en bas se foutaient de savoir qui était riche, ils avaient bien d’autres préoccupations plus importantes. L’espace d’un instant, mon cerveau carbura, plein de scénarios possibles comme il le faisait avant. Ce mec connaissait mes parents, il était trempé dans le même truc pas net et peut être même qu’il… Qu’il quoi au juste ? Et si j’avais raison ? En fait je n’avais peut être plus si envie de savoir. S’il m’apprenait des choses que je ne connaissais pas, mais qui étaient importantes, comment est-ce que je réagirais ? Qu’est-ce qui était le pire entre l’apprendre de la bouche d’un parfait connard d’inconnu ou devant son pc ? Parce que finalement, malgré tout ce que je voulais bien dire, j’allais à la pêche aux informations en ce qui concernait mes parents à reculons. Comme si j’avais réellement peur de ce que je pouvais trouver. Malgré le fait que j’étais sûr qu’ils n’étaient pas morts dans un accident de voiture, la vérité m’angoissait plus que je ne voulais me l’avouer. Parce qu’ils demeuraient envers et contre tout mes parents. Même absents et parfois prise de tête, on était du même sang. Je venais de leur union.
Mes paroles n’avaient pas dépassées mes pensées, mais je demeurais quand même inconscient. Parce que ce que je voulais ne pas avoir remarqué s’avéra à mon désespoir (Ou pas) vrai. C’était bien une arme qu’il portait dans le dos. Et pas n’importe quelle arme. Tous les Milanais ne se baladaient pas avec une épée dans le dos. Il n’était peut être pas aussi plouc que j’avais pu le croire. L’espace d’un instant je me figeais en clignant des yeux, me demandant si j’allais mourir. Et non. La menace était pourtant bien réelle alors que je sentais le bout de son arme m’effleurer délicatement la gorge. Il ne plaisantait pas. Enfin, ça je n’en savais rien. Et là j’étais particulièrement con. Surtout parce qu’au final, je n’avais pas particulièrement peur. Je n’aimais pas ses manières d’intimidations. J’étais au dessus de ça. Je ne reculais pas non plus d’un pas pour m’y soustraire, ça aurait été perdre la face. Cependant je modifiais légèrement mes appuis comme j’avais pu l’apprendre à mes quelques cours de combat pour abaisser mon centre de gravité. Je savais qu’au corps à corps, je n’avais aucune chance, mais si je pouvais esquiver quelques coups. Surtout d’une lame, ça pouvait être pas mal.
Alors qu’il me balançait ses horreurs vulgaires, tu sais où tu peux te le mettre ton proxénète ? Je lui lançais un sale regard. Pas tellement de défi, mais prouvant qu’il ne me ferait pas plier ainsi. Je n’allais pas baisser le regard, pas devant lui, pas devant des menaces aussi pitoyables. - Je suis peut être un merdeux mais dans le genre t’es pas mieux avec tes intimidations à deux balles.
J’aurais peut être dû me la fermer comme il me le proposait si gentiment. Mais c’était au dessus de mes forces. Je ne pouvais pas pas répondre à ça, à ses provocations. Et même si je sentais que je n’étais pas en bonne posture, mon honneur et mon nom de famille suffisaient à ne pas lui obéir, peu importait ce qu’il allait m’en coûter. Et d’un seul coup, le sang reflua dans mon visage, provoquant un rougissement incontrôlé de mes joues. Non pas de gêne, de timidité ou même de colère. C’était un afflux provoqué par la surprise et par un sujet qu’il ne fallait pas vraiment entamer.
« Et j’ai connu ta mère, Andy. Dommage qu’elle ait cassé sa pipe, hein ? »
- Ta gueule.
C’était sorti tout seul. Froidement. A la mort de mes parents, chacun avait fait attention à ne pas aborder le sujet devant moi une fois les usages et condoléances terminés. Il ne fallait pas que je m’engage sur ce terrain glissant. Mais c’était trop tard. Il avait trouvé ce putain de point sensible. Je ne ressentais guère de tristesse en pensant à mes parents, n’empêche que je n’étais pas heureux qu’ils aient disparus. J’avais toujours plus ou moins gardé cet espoir qu’on puisse se parler un jour normalement. Ce jour n’était pas arrivé et j’étais un peu amer. Cependant, que ce con me dise qu’il connaissait ma mère, ça ne me plaisait pas du tout, du tout, du tout. Même si elle était distante et presque froide, même si elle m’évitait, elle n’avait pas toujours été comme ça, surtout quand j’étais plus petit, et puis, c’était comme ça, on ne parlait pas sur la familia. Surtout les Vitaly. D’après mon père, bien des familles s’étaient cassé les dents sur la hargne de la famille de ma mère. Je ne voulais pas, je n’acceptais pas qu’on leur manque de respect. Mais il fallait que je me force à respirer. Si ma colère, tout comme celle qu’elle venait de remplacer était légitime, je la maitrisais encore moins. Et ça signifiait perdre la face. Or je voulais lui prouver qu’il ne pourrait pas me faire plier. Pas de cette manière en tout cas. Je le foudroyais du regard.
- Si c’est pour dire ça, t’aurais mieux fait de la fermer, je trouverais bien tout seul le rapprochement.
Si j’osais effectuer la recherche. Je ne voulais pas croire que ma mère ait connu un con comme lui. Et ça pouvait m’ouvrir bien des portes obscures de creuser dans ce sens. Et puis merde il avait osé m'appeler Andy, je ne pouvais pas non plus laisser passer ça, il se foutait encore de ma gueule. Ca aurait très bien pu être dans le style d'Egeado de m'appeler ainsi. Raison de plus pour ne pas l'aimer. En plus des tonnes d'autres. Je repoussais doucement de l'index la lame qui était toujours pointée sur moi et ajoutais :
- Et si tu veux être crédible, évite d’avoir recours à de tels procédés, ça ne prend pas.
J’en avais connu d’autres. Pas les mêmes, mais ce n’était pas la première fois qu’on menaçait ma vie. Et au final, j’espérais que ça ne soit pas la dernière ce soir là.
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Ven 23 Juil - 11:45
« Doesn’t make sense not to live for fun, Your brain gets smart but your head gets dumb »
Lorsque j’avais dégainé mon arme, j’avais pu lire de la peur dans le regard du merdeux. De même dans ses membres frêles qui se figèrent, comme vidé avant l’heure de toute vie. Mais il n’y avait pas que ça. Outre l’inquiétude – justifiée, ma foi – que présentait la perspective de finir découpé en morceaux, le gosse m’avait paru très soupçonneux. Comme s’il s’était douté à l’avance que je ne connaissais pas sa famille uniquement de nom, comme la plupart des nuisibles enviant à cette dynastie son capital. D’un autre côté, je devais paraître trop louche à ce crétin pour n’être qu’un de ces soupirants du fric, un adepte de cette secte voulant que le simple peuple enviât ceux qui avaient le cul bordé de nouilles. L’argent, sans m’en foutre totalement, ne figurait pas au sommet de ma liste de priorités. Avant lui venait l’aspiration à l’éclate au quotidien ; en ce qui la concernait, elle était actuellement comblée par la présence d’Andy.
Je notai qu’il avait modifié ses appuis quand mon épée l’avait effleuré. L’assaut était provocateur, certes, mais n’allait pourtant pas au-delà de la seule menace. Or il sembla que le gosse me craignait suffisamment pour penser que j’irais souiller ma lame de l’or liquide coulant dans ses veines, alors même que la rencontre prenait une tournure des plus intéressantes. J’avais beau m’amuser et prendre plaisir à le voir pincer les lèvres, je ne m’en posais pas moins une question, des plus pertinentes : qu’est-ce qu’un pourri comme lui pouvait bien foutre dans un coin comme celui-ci ? Les plus hautes sphères ne faisaient que rarement l’effort de quitter leur piédestal pour rejoindre le nôtre, au Quartier Obscur ; même lorsqu’il s’agissait de donner un coup de pied dans la fourmilière, de réprimer les activités illégales constituant l’image de marque des lieux, ils reculaient tous.
Et il valait mieux pour eux. Il en allait de même pour les plus riches de nos chers concitoyens ; l’idée qu’un bourgeois de première classe prît le risque de pointer sa gueule enfarinée dans le coin avait de quoi faire rire. Alors, qu’est-ce que le descendant des Vitaly fichait ici ? Les réponses n’affluaient pas – soit il s’était paumé, soit il vivait trop coupé du monde pour connaître la réputation du quartier, l’un n’excluant pas l’autre. Dans tous les cas, il n’était pas aussi futé que ce que ses manières laissaient entendre. En plus d’être riche à en faire gerber le pourri nous tenant lieu de président, t’es con. Tu cumules, décidément.
Quant à sa réplique à deux balles, la première, elle me fit presque rire. Presque. Voir cette tête à claques s’abaisser à la vulgarité avait quelque chose de comique mais d’une façon trop poussée, à la façon d’un mauvais humoriste. Il avait bouffé un cirque, le mioche. La merde qu’il pouvait balancer me glissait dessus, creuse qu’elle était dans sa bouche d’adepte des slips du rayon enfant. Alors qu’il me lançait le regard furieux du mec qui vient de saisir qu’il est constipé, j’eus envie de lui en retourner une. D’ouvrir une crevasse dans la tenture de sa précieuse petite gorge. De lui arracher un bras, histoire de voir si, comme son Mp4, il courrait s’en racheter un en chialant. J’aurais adoré voir un geyser de sang éclabousser son visage de larmes carmines, saisir de mes propres yeux la lente invasion du fluide vital dans les fibres de son gilet Armani. Qui sait, peut-être même me serais-je avancé à pratiquer des analyses de sang, afin de lui prouver par-delà le voile de la mort que rien ne nous séparait, finalement, hormis notre quotient intellectuel.
Ouais, ç’aurait été le pied. Lui pourrir sa gueule de prétentieux, rédiger de la pointe du vouge de la Faucheuse l’ultime péripétie de la famille Vitaly. Sauf qu’un boulet dans son genre ne valait pas vraiment la peine de se coltiner les flics ; pour sûr, ç’aurait fait la une et la chasse au bourgicide aurait tôt fait d’être lancée. En outre, il eût fallu que je nettoyasse mon épée, et Dieu savait que je n’avais pas d’eau de Javel ou d’alcool à 90° à gaspiller – c’eût été encore plus chiant que de convaincre le GDP, seule organisation propre à me protéger des foudres des hautes sphères, qu’il s’agissait d’un cas de légitime assassinat. Bref, une pure perte de temps, en particulier pour la pluie chargée de hâter l’évanescence du sang sur le pavé. T’es même pas digne de crever, tantouze.
« Si c’est pour dire ça, t’aurais mieux fait de la fermer, je trouverai bien tout seul le rapprochement », ajouta-t-il.
Andy s’était composé un air supérieur des plus déplaisants. Je ne répondis pas à sa provocation gratuite ; néanmoins, j’y accordai l’envolée d’une pensée. En plus de n’être pas crédible, ce qui devait faire office pour lui de pique cinglante ne tenait pas la route. Suggérait-il qu’il avait en sa possession des moyens d’information ? Qu’il croyait pouvoir remonter suffisamment haut pour trouver une trace de mon existence dans les secrets des grands pontes du GDP, ou du gouvernement ? Un gamin tel que lui – putain, on frisait le ridicule. Mieux, on s’y abreuvait jusqu’à la lie. Je songeai, dubitatif, que s’il parvenait à établir une connexion tangible entre la mort de ses parents et le connard du nom de Vito Vargas, ça promettrait de se révéler intéressant. Une nouvelle rencontre s’imposerait alors – il s’y rendrait, pour en repartir les pieds devant. J’aurais la possibilité d’imprimer dans ma mémoire l’image de ce morveux rongé par son désir de vengeance. Il y aurait du sang, des cris. Peut-être des larmes, opposées à mon sourire. Nous palabrerions un moment autour d’un verre de haine, j’écouterais distraitement ses accusations puis la chute viendrait, inéluctable. La tienne.
Quoiqu’il ne fallait pas trop compter là-dessus, compris-je en le voyant écarter ma lame de sa gorge. Ce type était encore plus con que ce que j’avais pu l’autoriser à être. Il enchaîna, inconscient du brusque abaissement de son espérance de vie, alliée versatile :
« Et si tu veux être crédible, évite d’avoir recours à de tels procédés, ça ne prend pas. »
Ca ne prend pas ? T’es sûr, ducon ? Alors, d’où ils sortent, les tremblements qui te parcourent ? D’où il vient, le reflux du sang contenu dans tes joues ? J’l’invente, sans doute … T’as oublié ton instinct de survie dans la tombe de papa et maman ; je ne risque pas de te faire de cadeau là-dessus. Quitte un peu ta bulle avant que quelqu’un ne te la fasse péter à la gueule, pitié.
Mon sang ne fit qu’un tour. Je ne laissai pas à Andy le loisir de profiter du bref instant de répit qu’il s’était offert ; mes doigts se détendirent, reptiles malveillants, pour se saisir du col de sa veste. Le mouvement se prolongea par une impulsion de ma part et celle-ci nous conduisit jusqu’au mur le plus proche, contre lequel il se retrouva plaqué. L’une de mes mains le maintenait en place tandis que l’autre appuyait sur sa gorge dénudée le tranchant de mon épée. Je ne fus pas loin de perdre tout contrôle de mes actes et de mettre fin à la vie de cet abruti … Il eût été si aisé d’imprimer une pression supplémentaire à mon arme, de compléter le dernier chapitre de son existence par une larme d’argent. Trop aisé. L’acier se contenta de mordre la chair et je constatai que, de pâle, cette dernière avait viré au translucide.
Autour de nous, les passants dans la rue s’étaient inscrits dans la longue liste des abonnés absents, fondus dans l’écrin de la nuit. A croire qu’ils s’étaient fait leur idée sur la façon dont risquait de s’achever le choc. Moi-même, j’avais mon avis sur la question. Tuer n’était pas un plaisir, bien que plus d’un pût trouver le réconfort dans l’avènement de ses pulsions ; je n’étais cependant que très peu perturbé par cette perspective. Pour tout dire, je m’en foutais. Oter une vie, égoutter un plat de nouilles, s’enfiler un rail de coke, se piquer, sortir les poubelles – ça revenait au même dans mon esprit. Et si cela pouvait servir mes intérêts, pourquoi pas. En l’occurrence, c’était le cas. C’était ce que je souhaitais faire comprendre au fils Vitaly : que sa mort, loin de m’effrayer, ne pouvait que me combler de bonheur.
« Maintenant, connard, tu vas arrêter de faire le malin. Je sais qui tu es mais la réciproque n’est pas vraie, aussi vais-je te donner mon nom, ça t’évitera de fatiguer tes petits doigts sur Google. J’m’appelle Vito Vargas et t’es pas loin de rejoindre tes vieux dans le caveau familial. Alors je te conseille de la mettre en veilleuse et de m’expliquer rapidement ce qui amène un trou du cul comme toi dans le coin. »
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Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Dim 1 Aoû - 10:35
Malgré moi je ne pouvais m’empêcher de le toiser. Avec cette horrible sensation dans les entrailles. Cette curiosité insatiable. Ca m’énervait de ne pas savoir. Et de quel droit il parlait ainsi de ma mère ? Et surtout qu’elle était cette réaction d’être vexé ? Ce n’était pas comme si ça m’énervait qu’on enfonce le clou sur sa disparition. C’était plutôt le fait qu’il semblait en connaitre plus sur ma famille que moi. Et ça, ça m’horripilait. J’avais toujours été mit à l’écart des affaires familiales. Enfant je pouvais comprendre, mais à partir de l’adolescence, ça me semblait normal d’entrer dans les confidences. Mais ça n’est jamais arrivé. Tout au plus des cours supplémentaires sur l’économie, sur les moyens de perpétuer l’entreprise familiale, mais guère plus. Mes parents faisaient leurs petites affaires dans leur coin, me foutant royalement la paix. Mais malgré tout, m’empêchant de faire des recherches alors que j’en avais les moyens. J’aurais voulu le savoir de leurs bouches. Et voila que ce mec à la gueule enfarinée se pointait avec pour prétention de me dire qu’il connaissait ma mère. Il y avait de quoi l’avoir mauvaise quand même. Ouais je trouvais aussi. Surtout qu’il n’avait pas l’air particulièrement affecté par ce qu’il disait. Supposé qu’un type comme lui puisse être affecté par quoi que ce soit. Je mettais de côté l’hypothèse amant de ma mère. Collègue de boulot ? Ca semblait peu probable. Le mot ennemi brillait avec des flèches clignotantes pointées de part et d’autre sur lui. Ok, certes, il avait le bon profil de l’ennemi, mais ennemi de qui de quoi de quand ?
A l’heure actuelle, il me semblait que j’aurais du avoir peur. Cela aurait pu, aurait dû être compréhensible dans ma situation. Pourtant je ne ressentais pas la moindre petite frayeur, le moindre frisson d’appréhension. Je n’avais pas peur. C’était les perdants qui avaient peur. On me l’avait assez répété. Dans une opération fiscale risquée, ceux qui réussissaient, c’était ceux qui n’avaient pas peur de tout perdre. Bon d’accord, la situation dans laquelle je me trouvais était sûrement un peu plus risquée qu’un placement bancaire. Je jouais ma vie là ? En fait cette conscience ne m’atteignait pas. Tout ce qui m’atteignait c’était que ce mec m’agaçait au plus au point. Il était plus grand, plus musclé, plus susceptible, plus dangereux, il avait une arme. Ouais et alors ? Comme si on m’avait apprit à se plier à la première difficulté. Comme ces jeux de logiques, ces puzzles qu’on me forçait à faire jusqu’à ce que j’y parvienne. A croire que mes parents ne se préoccupaient de moi que pour que je sois digne de prendre la succession. Ca devait être aussi pour ça que je ne les portais pas tellement dans mon cœur, même si ils demeuraient mes parents et que je les aimais. Ils ne montraient que trop peu la réciproque. Qu’à cela ne tienne, tant pis pour ma pomme. S’ils avaient mieux à faire qu’ils fassent, moi j’avais mieux à faire que de les avoir sur le dos.
Je me souvenais encore des profs, d’Egeado, des gens de ma classe. « Mais tais-toi Andrea ». Mais c’était plus fort que moi. Il fallait que je dise ce que j’ai à dire. On perdait toute crédibilité si on laissait passer le moment où il fallait répondre. Parfois il fallait même mieux ne pas répondre plutôt que de répondre à côté. Sauf que je n’expérimentais pas cette façon de voie les choses. On me parlait, je répondais. Ne pas répondre équivalait à laisser la victoire à son interlocuteur et ça, il était hors de question d’y penser, d’y songer, de l’envisager. « Ferme-la Andrea » « Monsieur Vitaly taisez vous » « Ta gueule à la fin ». Non non et non. Si vous ne vouliez pas m’entendre, il ne fallait pas me chercher. Quitte à ce que ça m’apporte encore plus d’ennuis par la suite, je ne me tairais pas. Je ne pouvais abaisser mon égo à ça. Jamais. Celui qui a dit que ne pas répondre à la provocation était une force n’était qu’un pauvre martyrisé dans son école incapable de se défendre. Ne pas laisser le dernier mot, ne pas s’incliner, de pas laisser l’avantage. Peut être que cette optique aurait mieux fonctionnée si j’avais quelques centimètres, muscles et kilos en plus. Mais justement. Juste parce que j’étais plus chétif il fallait que je m’incline ? J’étais un Vitaly. Un Vitaly ne s’inclinait pas. Jamais.
Peut être étais-je juste inconscient. Je n’avais pas compris que cette situation précaire était différente d’une bagarre à la récrée, que le fait de tenir tête à un prof, à mon oncle. Je n’évaluais pas mal l’importance de ma vie. Cette rencontre était juste comme toutes les autres, en un peu plus musclée. Inconscient sûrement. Une personne normale ne répondait pas comme ça à quelqu’un capable de vous découper en tranche. Mais ils s’étalaient tous comme des carpettes. Manquait plus que ça. Si je salissais ma famille de cette façon, il n’était plus question de retourner un jour dans la maison familiale. La prudence, je ne connaissais pas, la peur je ne connaissais pas, le tact je ne connaissais pas, et il fallait croire que je ne connaissais pas non plus l’instinct de survie. J’en avais un si, quand même, je ne voulais pas mourir comme un chien. Mais il n’était pas assez développé pour me faire courber l’échine, ou ma situation n’était pas assez dramatique pour qu’il se mette en route. Peut être essayait-je juste de tester les limites de mon interlocuteur. Voir s’il était capable d’aller plus loin que tout le monde avant. Et par ce biais, c’était surtout les miennes que je testais. Ce n’était pas devant mon pc que ça m’arrivait, des trucs pareils. Il fallait croire que j’étais un peu con. Si j’avais gardé ma tête baissé, si je m’étais excusé sans broncher. Si j’avais fait tous ces putains de trucs que j’étais incapable de me résoudre à faire, je m’en serais peut être tiré avec un bleu, quelque courbatures et je serais retourné chez moi. Mais j’avais réagi comme je le faisais tout le temps, mais avec un type d’interlocuteur qui n’était pas du même acabit de ceux que je rencontrais la plupart du temps. Et il cachait des choses, je n’aimais pas ça.
Et je n’imaginais pas qu’il puisse être aussi colérique que moi. Car à peine sa lame repoussée, il m’attrapa par ma veste et je me retrouvais bien vite plaqué contre un mur, une arme dont le tranchant ne faisait aucun doute bien plus que plaquée contre ma gorge. Je sentis mon pouls s’accélérer. Surprise, adrénaline ? En tout cas ce n’était pas la peur qui dominait. Et si j’avais perdu mon sang froid, lui aussi. Match nul. Enfin, ça aurait été match nul si je ne me retrouvais pas en position aussi précaire. Sauf que ça, ça me passait au dessus de la tête. Car là, ce qui me gonflait, c’était juste que :
- Tu abîmes ma chemise.
« Ta gueule Andrea » Etait-ce mon semblant d’instinct de survie qui me parlait comme ça ? Mais merde quoi. Une chemise Calvin Klein toute neuve. C’était ça le trip des gens d’ici ? Défoncer les habits et objets des plus aisés ? Entre ma chemise, ma veste, mon mp3 il cumulait. En plus de ça, j’avais mal à la mâchoire, j’avais mal à la gorge, j’avais mal à la joue parce que je la mordais. Ca commençait à faire un peu trop pour une soirée. Too much comme on disait. Et puis il n’allait pas me tuer pas vrai ? Non il n’allait pas.
« Maintenant, connard, tu vas arrêter de faire le malin. Je sais qui tu es mais la réciproque n’est pas vraie, aussi vais-je te donner mon nom, ça t’évitera de fatiguer tes petits doigts sur Google. J’m’appelle Vito Vargas et t’es pas loin de rejoindre tes vieux dans le caveau familial. Alors je te conseille de la mettre en veilleuse et de m’expliquer rapidement ce qui amène un trou du cul comme toi dans le coin. »
Connard toi-même, j’eus envie de lui rétorquer. Mais la même petite voix m’intima le silence et pour une fois, je l’écoutais. Je fronçais les sourcils, c’est ça, prends-moi pour un débile, la chute n’en sera que plus dure. Okay monsieur Vito Vargas, je sais très bien ce que je vais faire une fois que je serais rentré à la maison. Et après on verra. Je pouvais aisément deviner que mes menaces allaient le laisser de marbre, mais comme c’était plutôt pareil pour les siennes, une fois de plus on était en match nul. J’essayais juste de faire abstraction de ce qui m’appuyait sur la gorge et qui à tout moment pouvait justement me faire rejoindre mes parents. Ca allait sûrement faire plaisir à Egeado tout ça. Et ça m’énervait de penser à lui dans un moment pareil. Je ne voulais pas mourir. Je ne voulais pas lui dire que je ne voulais pas mourir. Saleté d’égo, si tu voulais te ranger, ça serait le moment. Genre arrête déjà de lui balancer ton regard noir et baisse les yeux. Baisse les yeux… ? Mais c’était peine perdue. Il me rendait malade à profiter de sa supériorité physique pour me faire plier, et je ne pouvais pas lui laisser ce plaisir.
Ma la fermer ou bien te répondre ? Faut savoir ce que tu veux. Je lui aurais bien répondu ça si son épée n’avait pas été si proche de me décapiter. Mais si je ne disais rien, je n’en pensais pas moins et mon regard comme mon attitude pouvait aisément lui montrer. Finalement, peut être que j’avais enfin compris que me taire pourrait être une riche idée face à ce mec. Sauf que je n’avais pas la moindre envie de garder la bouche fermée et le laisser m’en foutre encore plein la gueule. Et avant que ma gentille et mignonne conscience m’ordonne encore de me la fermer, les mots sortirent tous seuls de ma bouche.
- Niveau trou du cul je suis quand même loin de ton niveau. Et si tu veux tout savoir j’étais sorti m’acheter un truc à bouffer. Des plus intéressants n’est-ce pas ?
Ce mec était un aimant à réponse, je ne pouvais pas m’en empêcher. Peut être était-il un aimant tout court à vrai dire. Je mourrais d’envie de lui demander qui il était vraiment. Ca me dévorait de rentrer pour aller chercher ça. Il était à part, à part jusqu’où ? Bordel ça m'énervait trop, bien trop pour que je puisse me retenir et ma voix à demie cinglante sortit de mes lèvres.
- Et t'es qui exactement ? C'est quoi ton crédo dans la vie ?
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Mar 3 Aoû - 11:18
« Be what you will And then thrown down your life. Oh, it's a damned fine game And we can play all night »
L’autre abruti ne répondit pas immédiatement. Il hésitait sensiblement à formuler les mots lui venant en tête au diapason de sa connerie ; et surtout, il semblait avoir fini par piger qu’on ne jouait pas avec le feu. Pas éternellement. Peut-être même s’était-il découvert un semblant d’instinct de survie, en fin de compte – ou pas. Pour tout dire, je m’en foutais. La perspective de négociations plus musclées entre mon vis-à-vis et moi ne me faisait ni chaud ni froid en dépit des poursuites judiciaires susceptibles de découler dudit assassinat ; et surtout, ce soir, je me sentais l’envie d’en découdre. Avec ce bourgeois au cul bordé de nouilles, avec un ivrogne, avec un dealer. Avec une catin. Avec un parfait inconnu. Peu importait – n’importe qui aurait fait l’affaire. Andy en particulier, puisqu’il me présentait cette tentation sur un plateau tapissé d’or.
« Présentait », c’était vite dit. Ce plouc demeurait malgré tout pétri de réserves, retranché qu’il l’était dans son insupportable fierté de bourge. Comme si cette dernière allait le protéger de mon lunatisme et de ma mauvaise humeur … Cependant, il fallait lui reconnaître que j’en avais presque oublié ces conneries de mariage entre Enzo et Grazie. Oui, Andrea Vitaly était une source de distraction presque intarissable ; ce compliment n’était encore qu’un doux euphémisme. Un quart d’heure plus tôt, si l’on m’avait soufflé que cette colère s’envolerait, balayée par une rencontre plus qu’improbable, j’aurais certainement ri. Beaucoup. Très fort. Et longtemps. J’en venais à me demander si, par hasard, je n’étais pas prêt à toutes les extrémités afin de ménager un exutoire à l’agacement né de l’annonce de mes deux amis. Car il devait y avoir un peu de ça dans la force maintenant ma lame pressée contre la gorge d’Andy, dans la rigidité qui s’était emparée de mes doigts pour les figer dans une gangue de glace, savoureuse rancœur, qui m’empêchait de leur faire exécuter le trajet inverse.
Ainsi, l’on en revenait au schéma usuel. Un truc me foutait en rogne, j’échouais à réfréner mes pulsions meurtrières et je finissais par me trouver, bien malgré moi, un punching-ball. Quand ce n’était pas ça, j’allais emmerder Elimoche un bon coup ; on s’engueulait, je la laissais me jeter de la merde à la gueule, le temps qu’elle se calme et perde suffisamment de son fiel pour l’entraîner au pieu. Et ça suffisait. Ou alors, j’allais voir Hoodie, lui réclamais de la bonne marchandise. Avant de farder de poudre ma conscience, jusqu’à ce point où le paysage trouvait une égalisation dans cet univers blanc, à l’absence de reliefs si familière. Parfois ça se terminait dans un autre monde, différemment blafard – celui d’une cuvette. Mais, généralement, ça fonctionnait. L’engourdissement progressif de mes sens m’amenait à glisser dans un abysse, lequel m’emportait loin de toute impulsivité, quelques heures durant. Glisse. Alors tu te perds, tu t’oublies. Tu t’absentes dans tes addictions les plus crasses ; dans cette poudreuse, tu redécouvres la joie simple des flocons que, gosse, tu gobais. Un sourire arque tes lèvres tandis que tu t’abîmes au-delà des frontières physiques. Tu tombes, tu planes. Good ou bad trip, monde blanc et idées noires ; ça donne du gris. Blanc, noir, gris. Tu t’en tapes. Tu glisses.
La solution du punching-ball n’était pas départie d’attraits, elle non plus. Evidemment, c’était salissant – notamment lorsque le sang venu maculer mes traits appartenait à la noblesse. Quant aux reliquats offerts par tant de douceur, ils composaient une peinture rupestre, aux accents de tradition, de celles qui pinçaient plus d’un viscère mais poussaient à toujours plus d’introspection. C’était beau, ce rouge, ces teintes étrangères aux trips dont j’avais l’habitude ; ça me réveillait. Claquement de doigts, fin de l’hypnose. Ouvre les yeux. Et toi d’obéir, de contempler le prolongement de ta lame, d’imprimer sur ta rétine le plus infime des détails dans ce résultat purificateur. C’était là, dans ces instants placés sous le signe de l’exception par l’écoulement du temps, que je lavais mes rancœurs, au moyen d’un fluide qui n’avait de commune avec l’eau que sa liquidité. Mais était-ce tout ce que le visage d’Andy me suggérait ? Tout ce que sa tronche de connard m’inspirait ? N’y avait-il donc rien de plus à retirer de ses membres trop fins, à la frontière peu gardée du famélique ? Ou de son regard dans lequel luttaient peur et effronterie – duo perdu ?
Peut-être. Peut-être pas. Lui éclater la tête m’aurait défoulé. Ceci mis à part, il me fallait toutefois prendre en considération le fait que ce gosse n’était pas n’importe qui. Oh, je me foutais bien de l’héritage avec lequel rimait son patronyme, de ce que le seul nom de Vitaly pouvait évoquer ; seul comptait l’appréciation que j’avais de cette dynastie. Cette famille que, d’un rapport, j’avais su briser. Ce rejeton d’un couple contre-nature. Profitant de ce qu’il avait trouvé refuge dans le mutisme, je l’observai, inclinant la tête sur le côté. Et pourtant, ce n’étaient pas ses yeux, ses grands yeux aux cils trop longs, ses traits féminins moins encore, que je détaillais. Je tentais de voir au-delà, de soulever le voile sur ce qu’ils dissimulaient à la vision étriquée offerte aux vivants. Etait-ce par la curiosité que j’étais mu ? Affirmatif, Captain Obvious.
D’aussi loin que je me rappelais, j’avais toujours voulu savoir. Comprendre. Déchiffrer, analyser, disséquer. Deviner jusqu’à la trame de ce qui pouvait se dessiner sous le crâne de mes interlocuteurs. En cet instant je songeai que si, par malheur, il m’arrivait de sceller un pacte avec un Stella, mon vœu serait celui de jouir d’une compréhension parfaite des engrenages humains. Un tel don m’eût été bien utile dans l’état actuel des choses, car seule la peur suintait de l’être me faisant plus ou moins face. J’aurais pu en user pour voir jusqu’où mes actions passées avaient pu atteindre cet abruti et jouer de son caractère, de sa façon d’être. J’eus soudain un élan de jalousie envers sa mère, laquelle avait bénéficié du don de lecture des esprits. Avant de décéder, réduite à l’état de macchabée par la main de celui qui avait dit l’aimer – toute trace de convoitise s’évanouit en moi à cette pensée.
« Niveau trou du cul je suis quand même loin de ton niveau. Et si tu veux tout savoir j’étais sorti m’acheter un truc à bouffer. Des plus intéressants n’est-ce pas ? », siffla-t-il, du ton de celui qui se sent con.
Je ne pipai mot. Je resserrai ma prise sur son col ; quant à la lame prisonnière de mes doigts, je lui murmurai, en silence, d’attendre avant d’entamer son œuvre de mort. D’attendre que je me fraye un accès à l’âme de ce gamin oublieux des lois de la prudence élémentaire. Et non, ce n’était pas intéressant, ses explications. De ça aussi, je m’en branlais. Il n’était jamais qu’une chose que je désirais apprendre, que ce fût de sa bouche ou d’une lecture approfondie de ses entrailles : avais-je influé sur son existence ? Avais-je perturbé l’édification de ce qui lui tenait lieu de cerveau ? Ce drame – car, en dépit de tout ce que je pouvais penser, c’en était un – avait-il fait de lui autre chose qu’un bourgeois de base, un mec différent de ces connards abrutis par des billets dans lesquels ils auraient pu découper du PQ ?
Plus qu’une envie de découvrir une réponse à ces interrogations, c’était un besoin que je ressentais. Primaire. Malin. Aussi pernicieux qu’encombrant. Fascination morbide d’un type qui ne trouve de réconfort qu’en l’examen de ses actions. Il n’avait pas terminé, et je le laissai poursuivre :
« Et t'es qui exactement ? C'est quoi ton crédo dans la vie ? »
Tiens, tiens. Je n’étais pas le seul à me poser des questions, vraisemblablement … Etait-ce une bonne chose que de partager une curiosité semi-pathologique à l’égard de l’autre ? Pour sûr, j’avais dû aiguiser la méfiance que toute personne normalement constituée développerait à mon sujet en mentionnant sa mère, mais était-il nécessaire de prendre le risque de gaffer, fût-ce pour savourer, le cas échéant, le trouble sur le visage du fils Vitaly ? T’as des manières de connard, elles risquent pas de te plaquer comme ça, du jour au lendemain. Fais avec. Evolue à leur côté.
Je pressai mes doigts sur sa gorge, agrémentai ce contact d’une pesée de ma lame. Et soudain, celle-ci regagna son fourreau en chuintant ; la ruelle, déserte, nous retourna un écho glacé. Prologue intéressant à la scène sur le point de survenir, jugeai-je.
« T’as pas fait que sortir, la tantouze …Tu t’es aussi sacrément paumé. Faut croire que t’es aussi con que ce que ta gueule le suggère. Dans le coin, c’est plutôt toi, le truc à bouffer, gamin. »
Joignant le geste à la parole, je tendis la main vers le sac qu’il maintenait serré contre son torse, dans une étreinte proche du pathétique, et m’emparai d’une carte de crédit qu’il n’avait pas eu le temps de planquer. Je la fourrai dans ma poche – lenteur étudiée dans le porté, satisfaction brûlante dans un coin de mon âme. Ouaip, j’étais content de moi. Faire chier ceux qui trouvaient le moyen de cumuler richesse et crétinerie, y’avait que ça de vrai. Et puis, c’était le compte en banque ou sa carotide. A lui de voir ce qui lui convenait le mieux ; à ce propos, mon geste ne souffrait d’aucune équivoque.
« Au cas où t’aurais zappé je t’ai déjà dit mon nom, Andy. Mais parce que je suis un mec cool, je vais te répondre : ton père était un collègue à moi, si ça t'avance. »
C’était vrai. Enfin, d’une certaine façon. Nous bossions tous les deux dans la même boîte, lui en tant que flic, moi en tant que scientifique, et j’avais mis fin à ses fonctions, mais ça s’arrêtait là. Sauf que, tout ça, Andrea n’avait pas besoin de le savoir. Quand bien même il ne se doutait pas de l’existence de la brigade, ma réponse n’allait très certainement pas manquer de lui faire péter un joli plomb. De quoi enchaîner sur une conversation plus productive que celle que nous avions jusque-là menée.
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Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Mar 10 Aoû - 21:03
Vargas, c’était une énigme. J’aimais les énigmes. Mais je n’aimais pas Vargas. Tout ça était très paradoxal. J’aimais les énigmes, j’aimais les résoudre, j’aimais aussi qu’elles me donnent du fil à retordre. Car après tout, les méandres du net, c’était bien plus qu’une simple énigme. Et si je l’avais percé, le reste demeurait plus simple. Du moins en ce qui concernait les engrenages, les jeux, les codes, les chiffres. Mais en ce qui concernait les énigmes vivantes, j’étais beaucoup moins sûr de moi. Niveau énigme, Egeado en était une. Sauf que je n’avais jamais eu la motivation et l’envie de le résoudre, il dégageait quelque chose de répulsif dès que je l’approchais. Lui et ses sales secrets. En tout cas, Vargas était plus subtil que son épée et ses insultes laissaient à penser. Dans ses phrases, dans le doute qu’il instillait en moi, dans sa présence, ses sourires, ses rires moqueurs. Oui, c’était aussi comme mon oncle. Sauf que mon oncle n’en était pas à vouloir me tuer. Du moins je l’espérais. Je n’aurais jamais dû tomber sur ce mec complètement cinglé. Et ça m’énervait de constater qu’il n’était pas si abruti. Enfin si, il l’était, assurément, mais il avait plus de profondeur que ça.
Pourquoi ça ne m’arrivait qu’à moi ? Et puis oui, j’aimais les énigmes, la plupart du temps, elles étaient logiques. Ce que Vargas était loin, mais alors à des milliers de kilomètres d’être. Il agissait sur des coups de tête, en bon caractériel. Un peu comme… Moi. Ah mais non ! Je n’allais pas en plus le comparer à moi ! Entre nous c’était le jour et la nuit ! C’était Mercure et Pluton ! J’étais bien meilleur que lui sur tous les points. Et ce n’était pas parce qu’il montrait une pseudo intelligence qu’elle était mieux que la mienne. Les énigmes tueuses sans aucune logique, c’était, dirons-nous, un peu plus délicat à appréhender. Parce que j’étais quand même bien près d’un fil d’épée des plus tranchants, et qu’à chaque fois que je déglutissais, je le sentais s’enfoncer dans ma peau. Et ça me faisait moyennement plaisir. C’était aussi plus excitant de résoudre ce genre de personne. Je ne résolvais pas vraiment les gens. Ou alors juste les personnes virtuelles. Les gens, c’était pas vraiment mon trip. Mais pourtant, Vargas agissait tout comme. Il me mettait un violent énoncé sous le menton, décrivait les variantes en rigolant et posait le problème de façon mortelle. A moi de voir si j’étais capable d’aller jusqu’au bout de l’équation ou si j’allais reculer avant l’instant fatal.
Bon d’accord, c’était plus intéressant vitalement parlant de partir en lui laissant mon sac. Mais ça aurait été rester sur un lourd échec. Je ne me le pardonnerais pas. Et puis ce n’était même plus sûr que je puisse partir en un seul morceau maintenant que j’en avais trop dit. La partie était commencée, que je le veuille ou non. Et au final je le voulais. Il en avait trop dit pour faire demi-tour maintenant, et j’avais posé le premier pion. Parce que ce n’était pas avec son prénom que j’allais en apprendre plus. Enfin, si mais pas maintenant. Et je voulais le savoir, maintenant, parce qu’après, ça pourrait être trop tard. Trop tard tout court, c’était la course. Et ça me dévorait, je voulais savoir. Je déglutis de travers. La lame s’enfonça un peu plus fort dans mon cou l’espace d’un instant avant de regagner son fourreau. Je respirais un peu mieux, j’avais eu un sursaut d’inquiétude quand même. Ca ne pouvait pas se terminer comme ça, du moins pas avant la fin. « T’as pas fait que sortir, la tantouze …Tu t’es aussi sacrément paumé. Faut croire que t’es aussi con que ce que ta gueule le suggère. Dans le coin, c’est plutôt toi, le truc à bouffer, gamin. »
Je serrais les poings. Toujours aussi agréable. C’était si plaisant, le regard assassin que je lui lançais valait tous les mots du monde. J’avais bien vu que je n’étais pas crédible à ses yeux. Mais il ne l’était pas plus aux miens. Donc au final, ce qu’on pouvait dire, c’était assez stérile, du moins ça l’était encore il y avait quelques minutes. Parce qu’il avait déjà enclenché le détonateur en parlant de ma mère. Il avait déjà enflammé la mèche, il avait touché à un domaine qui ne m’était pas inconnu. Voir tout le contraire. Et ça ne pouvait pas en rester là. Il fallait que je sache bordel. Ne joue pas avec leurs souvenirs. Si moi je suis con, je te raconte même pas l’état de ton cerveau. A cause d’une minable erreur de timing j’étais obligé de supporter tes sarcasmes, ta sale gueule et de faire face à mes doutes, de faire carburer mon cerveau, qui lui au moins fonctionnait, à l’inverse du tiens. Et pas la peine de me rappeler ma stature ! T’étais quoi toi ? Un requin peut être ? Foutu pourri. Fous-toi de moi, ça finira mal. Et comme si ça ne suffisait pas, comme si il n’en avait pas déjà assez fait, comme si le bleu que je sentais fleurir à mon menton ne témoignait pas du trop grand dépassement des limites, il me prit, avec une lenteur insupportablement calculée, le regard insupportablement satisfait et l’air insupportablement sûr de lui, une de mes cartes de crédit que j’avais eu le malheur de ne pas ranger. Connard.
- Je pensais pas que t’avais à ce point besoin de thune Vi-to, fis-je en détachant bien les syllabes de son prénom, soutenant son regard. C’est la crise du logement en ce moment ?
Je fus étonné de constater que ma gentille conscience ne m’avait pas dit de la fermer pour une fois. En même temps il l’avait cherché. Et même si j’avais cherché à juguler mon agacement, il transparaissait dans le raidissement incontrôlé de mes poings. Il me foutait en rogne, mais il ne m’avait pas encore répondu. Enfin, il devait bien se douter qu’il avait suffisamment aiguisé ma curiosité avec ses révélations à demi mot. Et maintenant je voulais savoir le reste. Je me rabaissais, il ne fallait pas que j’ai cette soif de connaissance, du moins pas devant lui, pas visiblement.
« Au cas où t’aurais zappé je t’ai déjà dit mon nom, Andy. Mais parce que je suis un mec cool, je vais te répondre : ton père était un collègue à moi, si ça t'avance. »
Alors que je voulais lui répondre un truc cinglant à propos de ce surnom, les mots restèrent coincés dans ma gorge à l’annonce foudroyante qu’il venait de faire. Pour lui, ce n’était peut être rien, pour lui, il pensait sûrement m’avoir donné encore plus de manière de me faire cramer le cerveau. Il n’avait pas tord mais pas pour les raisons que l’on pourrait croire. Il devait se dire que j’allais pouvoir me poser, lui poser toutes sortes de questions sur cette affirmation. Sur le fait que mon père travaillait avec lui. Sauf qu’il n’avait sûrement pas pensé au fait que je pouvais savoir exactement où mon père travaillait. Mais bordel, c’était pas possible, c’était pas possible c’était… - Pas possible… Soufflais-je de stupeur.
Et je le regardais d’un nouvel œil. Oscillant entre l’incrédulité et l’étonnement. Lui ? Lui cet espèce de bouffon enfariné ? Lui bossait au GDP ? Lui avait connu mon père ? Hey oh, stop. Temps mort. C’était pas possible. Mon père connaissait ce type ? C’était pour ça qu’il avait autant tilté sur mon nom de famille. Il me connaissait indirectement. Et moi pas. En même temps je voyais mal mon père me parler de ses relations de boulot. Surtout qu’à l’époque je ne savais pas encore bien où il travaillait. Mais bordel, c’était pas possible ! Cette foutue énigme se complexifiait de plus en plus. Non seulement il connaissait ma mère, et maintenant mon père et… Et mais comment il connaissait ma mère alors ? Mon père et ma mère ne bossaient pas ensemble. Non ils ne bossaient pas ensemble. Ce n’était qu’une coïncidence s’ils étaient morts en même temps. Peut être qu’il savait quelque chose à propos de ça ! Mais je ne pouvais pas lui demander. C’était sûr qu’il allait se faire un malin plaisir de me faire mariner. Parce qu’une question pareille n’était jamais anodine. « Au fait, tu sais quelque chose sur la mort de mes parents ? » Et j’avais pas vraiment envie de découvrir la vérité de sa bouche. Sans aucun respect.
Bordel, Milan se portait mal pour que cette organisation qu’était le GDP intègre des membres pareils à son équipe. Sauf que ça voulait dire qu’il avait plus de pouvoir que je n’aurais pu le penser. Et ce n’était pas forcément bon pour moi ça. Mais je voulais savoir ce que mon père faisait là dedans. Ce qu’il avait eu comme relation avec ce mec. Ils n’avaient pas pu être amis. De ce que je connaissais mon père ce n’était pas possible. Pas possible. Merde, dis quelque chose, ne reste pas comme deux ronds de flancs comme ça, tu te rends ridicule. Finalement ce fut un sourire hautain que je savais maitriser parfaitement que je lui fis.
- Cette Garderie De Plouc ? Ou bien ce Groupe De Putes ?
Ironie pincée, il avait parfaitement saisi de quoi je parlais.
- C’est bien là où tu bosses non ? Au GDP.
Cette organisation secrète, tant qu’on ne cherchait pas à en savoir plus sur elle.
- Et mon père, tu lui cirais les pompes ?
Ce n’était peut être pas des plus prudents d’en rajouter de la sorte, mais je n’étais pas super ravi, voir même en colère de ces révélations. J’avais vraiment été tenu dans l’ignorance pendant tout le temps où ils étaient vivants. Et même le plus inconnu en savant plus que moi. Pourquoi je n’avais pas été assez digne de leur confiance pour qu’ils me disent ça ? J’étais à même de l’appréhender et voila que je l’apprenais de ce type. Je m’adossais plus négligemment au mur avant de demander, l’air de rien.
- Ma mère, tu la connais d’où alors ?
Et dis pas de la merde, je sais où te trouver maintenant. Me sous estimer serait une grave erreur.
Vito Vargas
Membre- GDP
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HOBBIES : Me piquer à la nitro'.
Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Dim 15 Aoû - 4:41
*Petits cris de joie qui s'étranglent au fin fond de la gorge* J'ai réussi ! J'ai réussi ! On a réparé Internet ! J'peux poster ! *Se dandine et danse partout dans son ordinateur*
« I could creep up inside, put a gun in your mouth ; Oh, it makes me sick – all the shit that you say ! »
Il bouffait quoi, ce gosse, le matin ? En tout cas, si ça rendait aussi con, peut-être allais-je finir par lui poser la question, histoire d’éviter de me remplir la panse et de bousiller mon cerveau avec ce qui gangrenait le sien. Parce qu’il était atteint. Et sérieusement. On n’avait pas idée d’offrir en pâture sa vie aux quatre vents, au premier emmerdeur venu relever la qualité de l’odeur de merde qu’il dispensait autour de lui, avide de prouver à son entourage qu’il n’était pas qu’un gamin à peine majeur. Mais peut-être étais-je également porteur du virus qui l’abrutissait, moi aussi ; douce flagrance du nom de connerie. La connerie de croire qu’un morveux trébuchant dans des montagnes de fric pouvait se révéler intéressant. La connerie d’avoir pensé, l’espace d’un battement de cœur, que l’on pouvait distiller quelque chose de potable sous le rideau de ses cils. Car il n’était qu’une petite frappe. Le glaviot d’une famille justifiant ses hauteurs méprisantes par l’argent qu’elle possédait – comme si l’on pouvait acheter le silence du peuple face à l’empreinte de l’arrogance. Le mioche Vitaly, c’était une blague, un miteux, un wannabe dont le nom seul suffisait à jeter l’esquisse d’un sourire sur le visage du public. Et le public, c’était moi. J’avais tiré le gros lot ; j’étais tombé sur l’un des pires cons qu’avait enfantés le monde, une singularité dans la farandole d’arriérés que l’on me servait, jour après jour, sur un plateau d’argent. Bien pire, à sa façon, que ces voyous dont, enfant et adolescent, j’avais fait partie. Plus dangereux, aussi.
Mais pour lui. Pas pour moi.
Et c’était marrant, en y accordant le crédit d’une pensée supplémentaire. Risible que de le voir se démener pour rabibocher le puzzle de son ego. Délicieux que de le sentir frôler à chacune de mes répliques l’abîme de la rage, de le savoir avide et perturbé de chacune de mes paroles. Alors je m’amusais, d’une certaine façon. Il avait beau tirer les ficelles de l’agacement, imprimer des crispations à mes tripes mises à mal par les conneries que j’avais entendues plus tôt, je n’allais pas sans ignorer que j’étais maître de notre petit théâtre de marionnettes. Andy, c’était un con. Un jouet qu’il vous était aisé de manipuler dès lors que vous aviez percé la carapace de suffisance pour taquiner son assurance. Mieux que ça – une voiture téléguidée à qui vous pouviez commander de s’écraser contre un mur ou de galvauder sa carlingue dans une fosse septique. Et quand un fusible lâchait, il se voyait remplacé dans la seconde qui suivait par un nouveau gadget. L’option qui change tout et vous décide pour l’achat de la vaisselle qui vous définit en tant que personne. C’était tantôt le mode véreux qui se rajoutait à l’éventail de ses expressions, tantôt la fonction abruti curieux.
Il eût toutefois été dommage de fêler la perfection de ce divertissement ; il ne trouvait tout son intérêt que dans le panel d’âneries qu’il me servait, bijoux gastronomiques rehaussés d’une pointe épicée sur le plateau d’argent de notre rencontre. Une perle, le petit pissenlit aristo’. Vraiment. Pour un peu, j’allais en arriver à rêver de l’adopter. Histoire de rentabiliser au maximum l’achat. D’assister vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la circonspection que j’incarnais à ses yeux. Il ne faisait pas l’ombre d’un doute qu’Elimoche, elle aussi, en serait venue à apprécier le spectacle, à la longue, car le morveux se montrait plein de ressources. Et puis, c’était mon mien. Mon joujou à moi. Ma breloque rapportée d’une fête foraine. Mon trophée. Mon précieux. J’espérais seulement qu’il finirait par cesser de tirer sur la corde ; qu’il s’accorderait le luxe de rester en vie, celui-là même qu’il refusait à l’heure actuelle de se payer, trop fier de ses Pampers pour s’abaisser à la prudence. Et il baisait avec la mort, ce con. Cependant, si c’était son kiff, j’allais me faire un plaisir de l’y engoncer. J’allais le plomber avec de quoi lui faire péter quelques durites supplémentaires. Et je me marrais. Oui, c’était bien le fou-rire qui électrifiait mes zygomatiques et insufflait une pression quasi-douloureuse à ma gorge tandis que je le retenais, alors que je l’écoutais critiquer mon niveau de revenus et employer mon prénom, sans doute certain de tenir le bon bout – celui qui me surprendrait. Je me riais de deviner alléché par la qualité des indices semés dans notre conversation, trébucher sur les obstacles placés en travers de sa route et se flageller de points d’interrogation.
J’avais fait part à Andy de mes liens avec son père sans trop savoir à quoi m’attendre de sa part. De l’étonnement, imaginais-je. De l’incompréhension. Colère, doute, mystification ; la valse endiablée des questions, cadencée de mon sourire mystérieux lorsqu’il saisirait une partie des implications de ma révélation. J’avais espéré de la rage, de la surprise. Je m’étais préparé à nombre de scénarii gibbeux. A tout. Tout, sauf au choc que mon annonce jeta dans ses yeux, au vertige qui accompagna l’étrécissement de ses pupilles dans l’obscurité de la ruelle.
« Pas possible … », suffoqua-t-il.
Je fronçai les sourcils et un frisson, pernicieux, s’invita sur mon échine. Ce choc n’avait rien de normal. Mais il n’était pas artificiel pour autant – au contraire, plus authentique, c’eût été de l’audace, voire un prodige, et quand bien même Andy pouvait surprendre et jouer la comédie, il en était incapable en cet instant. Quant à moi, j’étais parti pour m’interroger très sérieusement quant au flot d’émotions accompagnant les pensées du gamin. Que savait-il, pour se montrer aussi surpris ? Pourquoi cette réaction teintée d’abrutissement, comme si la simple écoute de ma révélation avait jeté un poids trop important pour la voûte fragile lui tenant lieu d’épaules ? Que sais-tu, exactement ? C’est quoi cette gueule que tu tires, putain ? Puis, alors qu’Andy buggait littéralement, ce fut un défilé de troubles qui imprima son reflux sur ses traits ; les figeant successivement sur de la surprise, de l’indignation, du mépris, une frustration sans nom et finalement, un sourire vint arquer ses lèvres. Un sourire qui portait les marques de l’habitude – fin, mesuré –, qui se voulait glacé. Qui m’agaça mais, Ô merdique surprise, s’aventura à me tenir en haleine. Et soudain, je n’eus plus envie de posséder un don m’ayant permis de décrypter l’afflux de songes sous le crâne du gamin ; soudain, je sus. C’était ça. Je sus ce qu’il allait me dire. Je suis qu’il avait retiré plus que je n’aurais jamais pu l’imaginer de ma révélation et qu’il ne se ferait pas prier pour me le faire intégrer. Enfin, il parla, enchaînant sur des groupes nominaux qui m’eussent poussé à rire s’ils n’avaient pas jailli de sa gorge de façon si décalée :
« Cette Garderie De Plouc ? Ou bien ce Groupe De Putes ? »
Mon cœur loupa un battement. A moins que ce ne fût le battement qui le loupa. Quoi qu’il en fût, quelque chose se décrocha dans ma poitrine – un fruit vicié, un amas de cendres aux allures de confiserie qui épandait son poison dans les tripes sur lesquelles ma surprise les catapulta. Je n’étais pas certain de prendre la mesure de ce que tout ceci impliquait. De ce que les conneries d’Andy, bien que d’une vulgarité totalement à l’opposée de son personnage, pouvaient signifier. Impossible. Mais impossible n’est pas Vitaly. Impossible n’est qu’un con et il se fout de votre gueule, par trop heureux de vous crocheter les entrailles. Impossible, c’est une saloperie ; et cette saloperie balaya mes derniers doutes d’une vague de surprise. C’était à moi d’être étonné. A moi de secouer la tête pour chasser la possibilité s’étant infiltrée dans la faille ouverte par les mots du gosse. A moi de vaciller, funambule à la merci d’un souffle porteur de relents de merde, entre l’ahurissement et … et l’ahurissement, en fait. Je ne vacillais pas. J’étais juste en train de me casser la gueule, et il fallait que je me reprenne.
« C’est bien là où tu bosses non ? Au GDP. »
Ferme-la, putain. Ta gueule. Merde ! Tu vois pas que je réfléchis ? Que j’ai besoin d’une seconde de plus pour aligner deux pensées cohérentes ?
« Et mon père, tu lui cirais les pompes ? »
L’équivalent de mon Jiminy Cricket me soufflait, dans un rire perclus de zones d’ombres, qu’il y avait un problème ; qu’un dysfonctionnement abattait des barrières dont j’aurais peiné à imaginer l’existence. Qu’est-ce que c’était que ces conneries ? Son père, je m’en branlais, je m’en tamponnais le coquillard, je le renvoyais à l’obscurité de son caveau depuis les affres de sa mort, mais qu’est-ce que c’était que toute cette merde ? D’où un merdeux comme cet arriéré pouvait-il savoir quoi que ce fût de l’organisme qui m’avait embauché ? Comment pouvait-il savoir ? Comment pouvait-il posséder ces informations ? Où avait-il appris tout ceci ? Je voyais mal son père, si attaché à envoyer son gamin étudier loin de la demeure familiale, si appliqué à maintenir un fossé entre eux, lui faire part de confidences quant à la nature de son job. ‘Fin, pour une fois qu’un Vitaly bossait, ç’aurait pu être intéressant. Mais putain, d’où sortaient-elles, ces informations ? Et surtout, où s’arrêtaient-elles – jusqu’à quel point Andy était-il au courant ? Je ne répondis pas. Pas un souffle pour franchir la barrière de mes lèvres. Ma main d’hésiter à mi-distance entre mon flanc et la garde de mon épée, mes poumons de se gripper sur une inspiration. Face à moi, Mr. Pampers s’adossa au mur d’une façon qui se voulait négligée. Néanmoins, malgré sa belle assurance et la qualité de la surprise qu’il avait su m’offrir, il demeurait en retrait, comme tenu en échec par un défaut dans sa carlingue. Défaut qui tenait en un mot.
« Ma mère, tu la connais d’où alors ? »
Curiosité.
C’était ça. Une curiosité sans nom – certainement la seule chose que nous partagions. D’un autre côté, j’étais rassuré. Ou presque. Car si Andy avait eu les moyens d’accéder aux informations qu’il était en train de me réclamer, il ne se serait jamais abaissé à me poser une telle question. Il se serait contenté de creuser sa piste, de fouiller dans les dossiers mis à sa disposition afin de déterrer un truc, une saloperie à se mettre sous la dent. Or, il n’avait rien. Juste un vide, un sourire dessiné dans l’air, insaisissable et fugace. Que dalle. Il ne soupçonnait pas la nature de pactisante de sa génitrice mais, malgré tout, je me demandai, là encore, jusqu’où allaient ses connaissances quant aux activités du GDP. Avait-il eu vent de la Lune Rouge, de ses conséquences à la con ? Des unions contre-nature entre des humains assoiffés d’espoir et des poussières d’étoiles ? Savait-il que son père travaillait, de même que moi, à la destruction de ces abominations ?
Il fallait que je sache. Cette nécessité me rongeait. Et peu importait qu’il s’attendît à du sérieux de ma part.
« Ta mère, c’était un coup d’un soir », jetai-je, et je mentais à la perfection. D’une certaine façon, ce que je racontais était vrai. Ouaip, mec, j’ai baisé ta mère. Ça lui a tellement plu qu’elle en est morte. T’imagines le pied ? « Quant à ton père, si ça peut te rassurer, c’était pas un pote à moi. »
Rien ne valait un brin de vérité pour accorder au mensonge sa crédibilité. Le patriarche Vitaly n'était rien de plus qu'un connard, un type imbu de sa personne et des couilles en or dont lui avait fait don son sang à la naissance. Toutefois, c’était bien beau, tout ça, mais j’avais besoin d’en apprendre plus. Absolument. Histoire de savoir à quoi – ou à qui – m’en tenir. J’appuyai ma main sur le mur adjacent à son visage, avec un air de signifier qu’il n’avait pas à s’inquiéter, que j’étais parfaitement sain d’esprit mais que je n’hésiterais pas à lui filer un coup de boule ou lui cracher à la gueule s’il s’agitait trop, si le besoin se trouvait.
« Au fait, Andy … Tu sais tellement pas de quoi tu parles en mentionnant le GDP que t’es obligé d’inventer des significations à ce sigle ? Fais gaffe à ce que tu vas répondre. Parce que je ne suis pas bien loin de t’embarquer pour te faire visiter les locaux, alors il vaudrait mieux pour toi que tu saches de quoi il en retourne. »
… Ou pas. Mais ça, je le gardai pour moi. Une nouvelle interrogation vrilla mon esprit – qu’est-ce qu’on faisait aux mecs qui apprenaient l’existence de la brigade alors qu’ils n’étaient pas censés être au courant, déjà ? Cyanure de potassium, asphyxie ? Lynchage ? Ou, plus simplement, une balle dans la tempe, quitte à faire des dégueulasseries ?
Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Sam 21 Aoû - 8:19
Oui c’était une grave erreur. Et il était hors de question que tu gagnes la guerre. Cette guerre aux énigmes, cette guerre de la curiosité, cette guerre qui nous bouffera. Cette guerre de savoir duquel parviendra à étonner le plus l’autre, à lui faire bouffer le plus de connerie. Que croire, qu’en conclure ? Ce n’était pas fini et je me savais en main d’une puissante carte. Le GDP m’ouvrirait bien des voies. Il suffisait de ne pas se tromper de porte. Je n’étais pas si innocent. C’était sûr et certain que physiquement tu me battrais. Que tu pouvais me casser comme une brindille. Et si ce n’était pas si appréciable à reconnaitre, c’était la vérité. Et il était inutile dans la plupart des cas de compter sur mon physique pour l’emporter. Or, même si il m’arrivait d’avoir un comportement d’abruti, surtout avec les gens, vu qu’au final, je ne savais pas vraiment communiquer correctement, je n’étais pas si bête. Et il aurait été dangereux de me sous estimer. Mentalement, je te vaux bien Vito Vargas. Et j’allais sûrement en apprendre plus sur toi que tu ne le sais toi-même. Hacker jusqu’à la plus petite parcelle de ton ordinateur, et tu n’auras plus aucun secret pour moi. Tu me connaissais peut être moi et mes parents, mais cet avantage n’allait pas durer. Je rattraperais mon retard à tes dépends.
Ca me tuait de devoir lui poser des questions sur ma mère. Mais ça sortait tout seul, comme la vanne qu’on avait oublié d’éteindre. Je ne pouvais pas m’en empêcher. Même si je savais que ça pouvais me rendre malade, même si je savais qu’il pouvait tout dire, qu’il pouvait dire la vérité comme mentir. Mais du coup, c’était horrible, parce que je me demandais depuis toujours si ma mère avait un lien avec le travail de mon père. Je ne m’étais jamais décidé à le vérifier. Ma mère travaillait-elle pour le GDP ? L’avait-elle fait de son plein gré, avait-elle était forcée ? Où allait-elle avec cette amie ? Cette femme qui ne la quittait presque jamais. Il savait sûrement plus de choses sur mes parents que moi. Ca me rendait malade. Ton air supérieur te rendait bouffi, me donner envie de gerber. Arrête de te croire supérieur en tout point à moi quand tu ne sais rien. Est-ce l’air que je donnais aux autres ? Est-ce que j’avais l’air pareil quand je parlais aux autres ? Bon, de toute façon ce n’était pas le moment de penser ça. On s’en fichait de ça. Ce qui importait, c’était que pour le moment, j’avais l’avantage.
J’avais pris l’avantage de façon prévisible, mais je ne pensais pas que ça lui ferait autant d’effet. J’avais sûrement l’air aussi stupide que lui lorsqu’il m’avait annoncé qu’il connaissait mes parents. D’ailleurs quand j’y pensais, ça faisait quand même deux fois que je le surprenais autant. Il me le rendait bien, d’accord, n’empêche que la tête qu’il tirait actuellement valait bien – ou presque – toutes les saloperies qu’il avait pu me sortir. Ca me faisait viscéralement plaisir de lui en boucher un coin de cette façon, oui je connaissais le GDP, oui je savais où mon père bossait, oui je savais où… tu bossais. Même si ça me tuait presque plus que le reste. Lui, bosser au GDP… Mais c’était vraiment n’importe quoi, je ne savais pas quel talent il pouvait bien avoir à part foutre le bordel. Même si au final, je le voyais bien dans son rôle de tueur de pactisants et stellas. Toute façon, un boulot intellectuel n’aurait pas pu lui aller. Je me retins d’exploser de rire en l’imaginant en costume de bureau beige avec des chaussures maronnasses immondes. Non Vito tu valais mieux que ça… Ou pas en fait. Peut être que tu avais raté ta vocation. Qui savait ? En tout cas, je n’aimais pas le savoir là bas, et l’effet de la surprise m’avait peut être joué plus de tours que je ne l’aurais cru au premier abord. Je n’aurais peut être pas dû lui dire, pas dû lui montrer que je savais aussi vite. Mais ça avait été plus fort que moi, encore, parce que je pouvais reprendre l’avantage, parce que je pouvais lui prouver que j’avais de la ressource, que je n’étais pas que le simple fils à mes parents. Sur ce point, j’étais vainqueur, et même si tu reprenais tes esprits, même si tu n’allais jamais l’avouer, cette bataille, je l’avais remporté. Hélas, ça ne pouvait pas être aussi facile, je l’avais su dès que je l’avais dit, dès que j’avais posé ma question, je savais que le baratin qu’il allait me sortir juste derrière n’allait pas me plaire du tout. Je le savais mais pourtant le plaisir de le voir chercher de l’air pour essayer d’analyser ce que je venais de dire valait bien ça.
Et puis il lâcha sa bombe personnelle, artisanale, faite avec des produits ménagers, du jus d’orange congelé. Il l’a lâcha comme on avait pu lâcher celle d’Hiroshima. Et si les conséquences n’étaient pas les mêmes, il avait sans aucun doute gagné ce point là. Et mon grand dam, alors que mes entrailles se tordaient.
- Ta mère, c’était un coup d’un soir.
Tu mens. C’était la première chose qui m’était venu à l’esprit. Il mentait c’était évident, ma mère n’aurait pas pu avoir envie de ce mec, n’aurait pas pu avoir couché avec ce mec, n’aurait pas pu avoir trompé mon père avec ce mec. « Mais comment tu pouvais le savoir ça ? Comment tu pouvais en être sûr ? Tu les connaissais si bien pour dire ça ? » D’accord. D’accord ! Je savais qu’on ne partageais pas grand-chose, que je ne connaissais d’eux que les quelques mots qu’on s’échangeaient chaque jour. Que je m’inventais sûrement une partie de leurs caractères respectifs. Mais je ne pouvais pas croire que mes parents étaient juste des gens qui ne s’aimaient pas, qui allaient voir n’importe qui, qui jouaient le couple de façade pour la société. Mon père ne pouvait pas être un connard, ma mère ne pouvait pas être une débauchée, non je refusais de le croire. Leurs étreintes, leurs regards, ce n’était pas mon imagination, ils s’aimaient vraiment, ils étaient morts ensemble. Et ma mère ne pouvait pas avoir partagé le lit de Vito Vargas ne serait-ce qu’une seconde. Non calme toi Andrea, ne laisse pas les émotions te submerger comme ça, c’est exactement ce qu’il cherche, il veut te voir suffoquer comme tu le fais, il veut te voir te noyer dans sa phrase. Il ne faisait que renvoyer la balle des révélations, et peu importait qu’elles soient justes ou fausses. N’était-ce pas le but ? Gagner chaque bataille ? Et s’il avait employé cette ficelle, c’était qu’il la savait sensible. Il savait que tu ne pourrais pas résister à l’insulte faite à ta mère. Il devinait que malgré l’éloignement, les liens de sang étaient forts. Et que peu importait la condition, l’âge, la situation, si on insultait la mère d’un homme, celui-ci ne pouvait pas rester de glace. Sauf peut être Vito justement, mais je me fichais bien de sa vie familiale, si sa mère le frappait et si son père buvait, ou l’inverse. Je me foutais de tout ça comme de ma première chaussette et sondais le visage de mon interlocuteur en quête d’un indice qui trahirait le mensonge. Indice qui ne vint pas. Mais on pouvait tout à fait très bien mentir.
Pourquoi au grand Dieu pourquoi est-ce que j’avais posé cette question ? Pourquoi ma curiosité maladive m’avait ainsi trahi ? J’avais tendu le bâton pour me faire battre. Et Vito s’était empressé de le saisir. Ca semblait logique, pas de quartier. J’aurais dû prendre sur moi, attendre d’être rentré pour mener mon enquête. Mais des rapports internet ne pouvaient pas indiquer une quelconque coucherie. Et au final, je m’en serais bien mieux porté si je n’avais pas su que… Non mais de toute façon ce n’était que de la connerie, pure et dure. Un moyen de me faire perdre mon sang froid, de m’acculer. Il ne disait que de la merde et je ne le croyais pas. Et d’ailleurs, même s’il avait à tout les coups remarqué l’effet que son mensonge – ça ne pouvait être que ça – avait produit sur moi, il allait bien rire, mais je ne dirais rien. Je ne relèverais pas. Pas sur ce terrain glissant. J’ignorais d’ailleurs le doute qui s’insinuait en moi. Il ne pouvait pas l’avoir touché, pas Vito, pas ma mère. Non. Aha tu bluffes ! Le seul point positif, c’était de savoir que mon père et lui ne s’entendais pas. J’aurais pu m’en douter, parce que ça aurait été la cerise sur le gâteau que de rencontrer un ancien ami de mon père et de me rendre compte… Que ça ressemblait à ça. Qui pouvait trainer avec une ordure pareille ? A part des psychopathes aimant s’en prendre plein la tronche ? Mon père était très certainement au dessus de ça. On ne s’entendait pas avec ce mec, on s’engueulait. Et il me tapait sur le système d’une façon tellement violente que j’étais pas loin de choper la migraine de ma vie. Je voulais en finir, je voulais qu’il me foute la paix, qu’il me laisse me coller dans mon lit pour oublier la pire soirée de ma vie. Mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas fini. Et à le voir poser sa main à côté et déblatérer des paroles à me glacer le sang, je savais que j’avais fait une erreur. Et j’en fis une autre alors que je répondis machinalement, résultat de tant de fois que j’avais lu ce sigle.
- Groupe de Destruction des Pactisants.
Merde ? Bon tant pis le mal était fait, mais je venais de faire encore un peu chuter mon espérance de vie. Je retins un frisson d’inquiétude. Non, il mentait une fois de plus. Sauf que cette fois, j’en étais beaucoup moins sûr que pour ma mère. Garder la face, ne pas lui montrer ce que ça déclenchait chez moi. Parce qu’il fallait le dire, je n’avais pas très envie d’aller faire un tour au QG du GDP. D’ailleurs je n’avais pas encore vraiment trouvé où il était. Et là ça me dissuadait un peu de chercher. Non, sans façon, me trouver au milieu de tous ces tarés, même si mon père en faisait partie, très peu pour moi. Mais il était vrai que cet organisme n’était pas secret pour rien, il était vrai que c’était un secret gardé. Et il était vrai que je connaissais ce secret. Et qu’allait-on me faire à cause de ça ? Rien bien sûr. Rien. J’étais un Vitaly, j’avais de l’argent, ils ne pouvaient rien contre moi. Je ne me rassurais qu’en façade, alors que mon cœur battait plus vite qu’il ne l’aurait dû. Que devais-je faire ? Certainement pas dire la vérité. Il en valait plus ou moins de ma vie. Mais il fallait bien que je lui dise quelque chose, restait muet équivalait à un aveu. J’aurais pu inventer une fausse histoire, mais ça me répugnait de me rabaisser à dire des conneries pour m’en sortir. Je savais pourtant que si j’en rajoutais une couche, c’était à mes risques et périls, et qu’à tout moment il pouvait de nouveau dégainer pour décorer les murs de… Mon sang. Ce mec me rendait malade, et savoir qu’il pouvait me tuer en un battement de cils le rendait encore plus antipathique. Et ce mec était con, il aurait mérité de crever dans un caniveau. Qui avait idée de donner de tels pouvoirs à des gens comme lui ? Ca me brisait. Brisait alors que je cherchais frénétiquement un moyen de m’en sortir sans trop de casse.
Partir en courant était exclu aussi bien pour le taux de réussite que pour la honte que ça m’attirerait. Mentir. Oui je pouvais mentir, et puis pour cette fois, je pouvais bien l’emberlificoter avec une fausse excuse pour ne pas en prendre plein la poire. D’un autre côté, je brûlais de lui montrer mes connaissances, ma supériorité. Mais j’allais quand même bien pouvoir me venger plus tard. Devant mon ordinateur.
- Des pactisants, ceux qui veulent faire un pacte ? Pour la paix non ? C’est vrai que le gouvernement n’a pas très envie de voir une paix durable s’installer, c’est pas bon pour les affaires. Et le GDP, ça traine un peu partout dans les rues, tu ne l’entends pas toi ? J’avais entendu mon père en parler sans qu’il le sache. Et finalement, on s’aperçoit vite qu’on n’est pas le seul à connaître ce sigle.
Pardon papa de tout te mettre sur le dos, tu as toujours été une tombe en ce qui concernait ton travail, mais il s’agissait de moi maintenant, alors autant que je reste le dernier héritier en vie quand même.
- T’as ta carte de membre ? Moi aussi je veux adhérer, comment on fait ?
Une question en suspense d’ailleurs, c’était vrai ça, comment on faisait pour entrer là bas ? A vrai dire, je n’avais pas vraiment envie d’en être. J’étais bien mieux à vivre ma vie peinard. Mais une nouvelle énigme, une nouvelle question, une nouvelle balle à renvoyer. Tant que tu ne parles plus de ma mère, tant que tu arrêtes de mentir. On n’avançait pas en mentant pas vrai ? Mais au final, ça pouvait servir parfois.
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Jeu 26 Aoû - 10:20
« Come ride with me Through the veins of history »
Saloperies de Vitaly. A croire qu’être riches ne suffisait pas à l’arbre pourri que constituait leur famille … D’un autre côté, je pouvais les comprendre ; le fait de confondre richesse avec bonheur ne pouvait pas aider à être heureux. Et résultat, oui, ils avaient un sacré truc à prouver dans cette famille – un truc qui n’avait rien à voir avec l’habituel « Pitié, remarquez-moi, j’existe » des dynasties les plus modestes. Là, il s’agissait plutôt, me semblait-il, d’une volonté d’affirmer à tout prix qu’ils pouvaient peser dans la société non pas en augmentant le PIB de la nation, mais en occupant une place centrale dans la qualité des informations les plus secrètes détenues par l’Etat.
En ce qui concernait les deux dernières générations de Vitaly, il fallait leur reconnaître que, question j’fourre mon nez partout, elles avaient amplement géré leur coup. Voire mieux. Un certain Egeado Vitaly, pour commencer. Un abruti n’ayant jamais pu digérer que je puisse avoir jeté de l’ombre sur la luminosité du cours de la vie de ses homologues. Non content de posséder de quoi faire baver la plupart des grosses fortunes du pays, ce mec s’était mêlé d’intégrer le GDP. Pas parce que la brigade jouait un rôle essentiel dans l’organisation italienne, mais parce qu’il s’agissait du gadget le plus classe qu’il avait dû pouvoir s’octroyer. Passé devant la vitrine du gouvernement, il avait dû songer, amusé, que ce bijou marquerait bien dans sa collection personnelle. Sur l’échiquier de son existence cousue d’or. Ensuite, était venu l’autre thon qui allait servi de père à Andy – pour une durée limitée, et de façon plus qu’approximative, mais de géniteur tout de même. Lui, ç’avait été différent. Le profil type de l’opportuniste ; l’exemple parfait du mec qui se trouve un tremplin pour atterrir plus haut ce que son cul le lui permettrait en temps normal. Et son tremplin, ç’avait été Egeado Vitaly, lequel lui avait présenté sa sœur et donc, la mère d’Andrea. Oh, oui, il y avait dû y avoir de l’amour ; leurs nuits avaient dû porter les plus beaux des murmures, ainsi que les soupirs les plus oublieux de la réalité. Toujours était-il que le Vitaly nouveau-né avait dû trouver génial que de réussir à se taper une femme comme elle … Riche et puissante, hein ? Le trip absolu. Le nirvana du fantasme pour un mec avide de mobilité sociale. Et ceci, comme tout de go, avait convenu à la madone. Laquelle, question gratin et autres condiments venus épicer son profil psychologique, n’avait pas été reste. Il avait fallu qu’elle trouvât un moyen d’intégrer la boîte de son frère et son mari et, comme ceci ne serait certainement jamais arrivé de son vivant, elle avait choisi de forcer le destin en devenant une Pactisante. Une petite cobaye en or pour le GDP. Car ce dernier, trop avide de ne pas gripper un levier capable d’appuyer l’Etat, l’avait acceptée en tant que telle. Jusqu’au moment où ils s’étaient mis à douter du bien-fondé de leur décision. Jusqu’à moi. Jusqu’à Dieu.
Entretemps, il y avait eu Andy. L’archétype du gosse qui naît avec une cuiller en platine dans la bouche et n’accepte ensuite de jouer qu’avec des objets ayant trait au premier qu’il aura jamais effleuré. J’avais eu tout loisir, lors de ma mission Vitaly, d’assembler quelques informations sur le rejeton du couple parfait. J’étais forcé de reconnaître que, pour la plupart, elles m’avaient bien fait rire ; ce gosse n’était jamais que le couronnement de toutes les rumeurs ayant pu voir le jour sur les habitudes des familles les plus riches. Un cliché parmi les clichés, une pièce dans le puzzle avec lequel jouaient ceux qui n’auraient jamais accès à ces sphères leur tournant le dos. De fait, Andrea Vitaly, c’était un personnage prédéfini. Le gamin qui survient avec de l’or entre les mains et s’habitue au goût du pouvoir alors que les seuls à même de lui profiter réellement, à savoir ses parents, se fichent de lui comme d’une guigne. En y repensant, j’ai connu la même chose. Le fric en moins. Les géniteurs qui vous aiment sans vous accorder d’autre attention que celle que l’on a pour un gosse qui fait potiche. Les regards absents sur un être qu’ils ne souhaitent pas véritablement comprendre, s’approprier. Les mots adressés à un phototype abrutissant de vide et d’artificialité. Une vie de famille qui s’étiole sur le fond bruyant d’un téléviseur, lequel apporte un semblant de normalité. Et injecte enfin des phrases vibrant au diapason de liens dont l’existence n’est pas dictée par des obligations, un « par-défaut » encombrant. Les engueulades soulagées lorsqu’une limite se voit franchie – soulagées, parce que les adultes se félicitaient d’avoir enfin pour leur enfant les prérogatives dont les pourvoyait leur rôle. Pour Andy, il y avait eu les internats, les silences comblés par des caprices auxquels subvenaient ses vieux. Ç’avait été le principe du distributeur de billets et de la carte prépayée ; il était là, dans un coin, et l’on pouvait s’y servir en fonction de ses besoins. Un désir qui survient ? On appuie sur un bouton. Alors tout vous tombe tout cuit dans la paume et vous vous en satisfaites, sans songer un seul instant qu’une machine vous entube proprement, de façon mécanique et automatisée.
Et là où je m’étais détaché, aspirant à un autre mode de vie, Andy s’était fait entuber. Pauvre tâche. L’habitude de la solution de facilité avait eu le temps d’établir son nid, vraisemblablement. C’était là l’inconvénient des jeunesses dorées, supposais-je. M’enfin, maquillé ou non avec des paillettes, les ongles manucurés ou pas, un abruti demeurait un abruti ; c’était le cas du petit Andrea. Je me devinais un mal fou à ne pas craquer, ne pas lui envoyer mon poing dans la gueule. A me retenir alors même qu’il eût fallu d’un voyage d’une pauvre vingtaine de centimètres pour que mes phalanges rencontrassent, une fois de plus, sa mâchoire si prompte à sourire. Je n’avais jamais digéré qu’un richard pût user de sa naissance comme d’un critère dans l’établissement de ses relations mondaines, alors ceci, de la part d’un gosse … Qu’en dire, à part que cela passait encore moins ? Tu sais à quoi tu exposes le ridicule de ta carrure ?
Cependant … Cette tantouze mal baisée, de laquelle j’avais attendu un signe, une preuve, n’importe quoi me prouvant qu’un drame familial tout ce qu’il y avait d’opportun avait pu influer sur sa vie, venait de me donner matière à digérer. Bien sûr, ce n’était pas tout à fait ce à quoi je m’étais préparé. Pas un instant, je n’avais imaginé qu’un clown tel que lui pût détenir des renseignements précis sur l’un des secrets les mieux gardés par nos dirigeants. Et pourtant ! Cela avait beau passer par une surprise se passant d’adjectifs, par un choc dont je me fus bien gardé, je n’en étais pas moins satisfait, d’un certain côté. Satisfait, parce qu’il finissait par se révéler intéressant. Satisfait, parce que l’on pouvait trouver, passée la couche de dorure, des raisons de s’adonner à une analyse plus poussée. Satisfait, parce que cela faisait bien longtemps que l’on ne m’avait pas surpris à ce point. Après, peut-être n’était-ce pas forcément bon pour lui. Peut-être pas. La logique voulait que je ne prisse pas le moindre risque … … Mais la logique ne comptait pas parmi les amantes que je m’envoyais de façon récurrente. Loin de là ! De logique, je ne possédais que la mienne ; cet acide dont je m’enivrais avec plaisir, jusqu’à gangréner la plus importante des lois du GDP, que l’on n’avait pourtant que trop souvent vue en application. A savoir que si des personnes extérieures à l’organisation venaient à découvrir l’existence de cette dernière, l’unique modus operandi à suivre était celui qui verrait la mort des individus concernés. Si le germe de la connaissance se hasardait à percer la couverture d’un membre de la brigade, une seule solution – la manifestation, la réactualisation de la liste des êtres vivant sur Terre. Après tout, il y avait plus de 354 000 naissances par jour à travers le monde. Ce n’était pas la mort d’un parasite que l’on allait déplorer. Enfin, il était certain que la famille du malheureux ferait montre de tristesse, mais les statistiques, elles, n’en démordaient pas : deux naissances compensaient, automatiquement, une seule disparition. Et j’vous laissais imaginer le baby-boom si un Vitaly de plus venait à disparaître : mieux que la fin des guerres, mieux que les fêtes de fin d’année, butez du richard, tout le monde baisera pour fêter ça. En l’occurrence, il y aurait eu le père, la mère, et le Saint Esprit – équation illustrant toute la magie du chiffre trois.
J’étais tenté, oui. L’idée de trucider cet abruti avait tout pour plaire. Le sourire qu’aurait dessiné son sang sur le mur aurait suffi, par sa longueur, à propulser son propriétaire à une place de choix dans le livre des records. Or, l’envie de pousser un peu plus loin les limites de la partie dans laquelle nous nous étions engagés se le disputait à la tentation d’achever celle-ci, avant l’heure, dans une oraison sanglante. Peu importait qu’il fût aberrant de laisser le gosse Vitaly gâcher deux ou trois mètres cube d’air en le laissant respirer un peu plus longtemps ; je ne me sentais pas disposé à l’éliminer. Pas tout de suite. Pas alors que, passés la frustration et l’étonnement, il avait encore la possibilité d’exploiter son potentiel de petit jouet dézingué.
« Groupe de Destruction des Pactisants, jeta-t-il. Des pactisants, ceux qui veulent faire un pacte ? Pour la paix non ? C’est vrai que le gouvernement n’a pas très envie de voir une paix durable s’installer, c’est pas bon pour les affaires. Et le GDP, ça traine un peu partout dans les rues, tu ne l’entends pas toi ? J’avais entendu mon père en parler sans qu’il le sache. Et finalement, on s’aperçoit vite qu’on n’est pas le seul à connaître ce sigle. »
Joli discours. Mais trop confiant ; trop appuyé sur ces miasmes sirupeux auxquels seule la peur de crever, tripes et boyaux à la merci des corbeaux, pouvait engendrer. Lorsque l’on mentait, on avait tendance à agrémenter ses paroles de trop de détails, alors que le propre du mensonge le plus percutant était de jouer dans la catégorie poids-plume des phrases les plus légères. Si vous vouliez convaincre quelqu’un de la véracité des conneries que vous racontiez, il vous suffisait de verser dans la simplicité. Vous avez oublié de rendre un rapport ? N’allez pas chercher midi à quatorze heures ou l’altruisme chez un Vitaly ; contentez-vous d’un marmonnement le plus vague possible. Soyez certain d’accomplir des miracles avec la plus banale des sentences. Et surtout, ne faîtes pas comme Andy – ne déblatérez pas afin de détourner la conversation, n’ornez pas cette dernière de détails quant à la chronologie de votre vie. Parce que ta vie, ducon, je m’en branle.
Et donc, Andrea mentait. Mal, qui plus est. Non seulement je me doutais qu’il était rigoureusement impossible que son père eût pris le risque de lâcher des informations relative à la brigade à la portée des oreilles de son chiard, mais pour couronner tout ceci, l’on sentait que cet abruti en savait plus qu’il ne voudrait jamais l’admettre. Ou plutôt, qu’il crevait d’envie de le hurler sur les toits ! Car c’était ça, son plus gros problème – refuser de lâcher le morceau, tenir à tout prix à s’affirmer, et cela alors que le contexte aurait dû lui intimer de la mettre en veilleuse. De se tenir à carreau. Et pourtant, s’il s’était mis à m’expliquer à quel point il était intelligent et merveilleusement renseigné, nul doute ne faisait que je serais revenu sur mon envie de lui laisser la vie sauve un peu plus longtemps. Non, j’aurais sans doute laissé ma lame intervenir et clore la conversation. Par ces quelques mots, le gamin venait d’attiser ma curiosité. Pour tout dire, je ne parvenais plus à m’étonner ; tout ce que je désirais à présent était d’apprendre par quels moyens il en était venu à prendre conscience de la réalité du GDP. J’en arrivais même à me foutre de savoir s’il avait mordu ou non à l’hameçon que j’avais agité sous son nez en mentionnant la possibilité que sa mère eût pu être un coup d’un soir. Oh, le doute avait tôt fait de s’immiscer dans le jeu d’ombres habitant son regard, et il craignait que j’eusse cousu de mots une réalité des plus dégueulasses, mais ce qu’il pouvait penser de tout ça n’était que secondaire, à présent. Je lui adressai un petit sourire en coin. Tordu à souhait. Et de mauvais augure. Andy, lui, enchaîna :
« T’as ta carte de membre ? Moi aussi je veux adhérer, comment on fait ? »
Là, m’écartant d’un pas, j’éclatai de rire. Un rire franc, retentissant, qui vint à bout de toute velléité de mettre fin à l’existence d’Andrea Vitaly. Comment, après avoir entendu un truc pareil, pouvait-on songer à supprimer un joyau tel que celui-ci ? Andy était une rareté ! La preuve, lumineuse et rutilante d’unicité, que les bourgeois avaient une notion d’humour tangible, même si celle-ci se dotait d’étrangeté. Et aujourd’hui, décidément, je pouvais dire du bambin qu’il avait bouffé un cirque, chapiteau compris.
« Arrête tes conneries, Andy ! Je reconnais que ton père avait tous les attributs de l’imbécile de première classe mais il doit se retourner dans sa tombe en t’entendant, là. Et te fous pas de ma gueule, je suis capable de voir quand quelqu’un ment, même si c’est un petit trou du cul incapable de retrouver son chemin dans Milan … Je suis déjà censé te tuer, là ; en rajoute pas une couche ou je vais finir par être tenté. »
Ça, c’est fait. Bouffe, mec. Je secouai la tête, débarrassant mes yeux des lambeaux d’argent venus encombrer mon champ visuel, et plantai mon regard dans celui d’Andy ; levant une main, je claquai des doigts, arborant un air à la fois inspiré et signifiant que, oui, j’étais parfaitement sain d’esprit.
« J’te propose un deal, le pissenlit. Tu m’expliques de quelle façon tu as pu avoir accès à des info’s sur le GDP et je te laisse repartir vivant ce soir. Ce serait trop dommage de ne pas s’éclater un peu plus longtemps avec un truc comme toi, ça promettrait de belles rencontres, à l’avenir … ‘fin, si t’arrêtes de dire de la merde. »
HRP : C’te dédicace à Hassan quoi !!! Mais à part ça c'est pas terrible je sais xD fatiguée quoi !
Andrea Vitaly
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Jeu 2 Sep - 17:24
Tout ça n’était pas vraiment vrai. Pas vraiment faux non plus. Tout ça n’était qu’une soupe à l’oignon mal préparé. Mea Culpa. En même temps je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de raconter des mensonges. Mes parents se fichaient bien de la vérité, les profs, je m’en foutais, les autres, je pouvais bien leur dire ce que je voulais. Egeado… Il savait très bien quand je mentais et n’hésitait pas à m’en faire la remarque. Ce sale con. Il n’y avait pas à dire, Vito et lui se ressemblaient plus qu’on aurait pu le croire au premier abord. J’avais fait une erreur, d’accord. Et il fallait le reconnaitre rapidement avant que ça dégénère. Je n’avais pas pu réfléchir aussi vite que je ne l’aurais voulu pour raconter quelque chose de plausible. Mais tout avait dérapé quand il avait fallu que j’étale ma science. Chose qu’il m’était impossible de réfréner. Hélas, à moyen terme, je perdais mon avantage acquis. Mes phrases déterminées ne montraient qu’une pâle version de la vérité. Il était vrai que pour qui savait écouter, l’acronyme GDP s’entendait murmurer, la toile s’y mettait aussi. Mais chacun y allait de sa version, sans que personne ne sache réellement la vérité, les suppositions étaient les plus folles. Et même si je savais, comme étant conscient de ce que je risquais, je n’avais pas vendu la mèche. Je tenais encore à ma vie. A ne pas douter, l’organisation devaient avoir des espions rôdant pour étouffer toute idée qui s’approcherait un peu trop de la réalité. Mais la lune Rouge n’était pas passée inaperçue, un jour le monde serait au courant, mais ça n’allait pas être moi qui allait les prévenir. Oui, cette histoire de pactisants. Ces humains qui se liaient à des étoiles, des Stellas. Ils étaient fous. Mais je ne comprenais pas vraiment la nécessité de les tuer, de les chasser. Il y en avait très certainement des très dangereux, mais pas tous ? Je n’en savais rien, je refusais de croire que mon père travaillait pour des bouchers. Chose que je pouvais cependant tout à fait concevoir de la part de Vito.
Tuer. Tuer n’était qu’une notion abstraite pour moi. Comment est-ce que j’aurais pu croiser des meurtriers dans mon quartier si tranquille de la Rosa ? C’était trop lointain pour que je m’en inquiète. Ce n’était pas mes affaires, j’avais d’autres chats à fouetter. Je n’avais pas été mit en face de la mort. Enfin, pas moi directement. Mes parents oui. Sauf que la mort est une maladie qui ne se guérissait pas. Ils n’étaient pas morts, ils avaient été tués. Sûrement par quelqu’un comme mon interlocuteur que ça ne m’étonnerait pas. Mais moi pas. Moi je ne savais rien, moi j’étais innocent. « Tu bluffes ! » Oui bon peut être un peu. Mais pas de quoi me tuer. Le fait que j’étais au courant n’était pas suffisant pour me faire rejoindre mes parents ? D’accord j’étais optimiste dans l’âme. D’accord je savais très bien ce qui m’attendait, surtout face à ce psychopathe, mais ça ne voulait pas dire que j’allais me laisser faire. Je n’avais pas des masses d’issues de secours, d’accord d’accord. Mais rien n’était perdu. Rien n’était jamais perdu tant qu’on pouvait faire quelque chose. Mon mensonge bancal avait eu le mérite de me faire gagner quelques minutes. Ce n’était pas évident avec la pression qu’il s’évertuait à me foutre sur les épaules. Ma mâchoire m’élançait, la faim avait disparue, le cadavre de mon mp3 gisait à terre, une de mes cartes de crédit avait été subtilisée et ce gars me menaçait. On ne pouvait pas vivre meilleure soirée que la mienne. Là tout de suite, je n’avais qu’une envie c’était qu’il me foute la paix. Royalement. Qu’il se casse, qu’il m’oublie, qu’on ne se recroise plus jamais.
Mais faire l’ignorant ne m’allait pas quand il fallait que je sois toujours au courant de tout. Et ma maladroite manière de sauver les meubles n’allait pas empêcher le feu de se déclarer. Pas avec un adversaire comme lui en face de moi. J’essayais tant bien que mal de dévier la conversation vers autre chose, lui faire oublier mon erreur principale en connaissant parfaitement le faible pourcentage de réussite que j’avais. Mais il fallait bien tenter. Je n’avais plus d’autres solutions. Et je n’avais guère envie de tout lui dire. Je savais qu’il savait. Et il savait que je savais. Sauf que de nous deux, ce n’était pas lui qui était dans la situation la plus précaire. Et mon orgueil n’allait pas me sauver, pas plus que ce regard qu’on se lançait, pour voir qui de nous deux gagnerait à ce jeu. Je n’aimais pas perdre. Lui non plus sûrement. Et les paris le donnaient sûrement gagnant à un contre mille. Mais l’outsider pouvait parfois se révéler avec des forces. Et la mienne résidait dans la surprise suffisamment grande que je pouvais lui faire ressentir pour qu’il consente à me foutre la paix. Maigre espoir me direz-vous. Sauf que je n’allais pas non plus céder à la panique. Et certainement pas à cause de lui. Céder à la panique, et puis quoi encore ? Comme si j’allais lui laisser ça. Il rêvait. Hautement en couleur. Hors de question de lui montrer ça. Même alors qu’il riait, même alors qu’il intimidait encore. Je restais à le foudroyer du regard.
« Arrête tes conneries, Andy ! Je reconnais que ton père avait tous les attributs de l’imbécile de première classe mais il doit se retourner dans sa tombe en t’entendant, là. Et te fous pas de ma gueule, je suis capable de voir quand quelqu’un ment, même si c’est un petit trou du cul incapable de retrouver son chemin dans Milan … Je suis déjà censé te tuer, là ; en rajoute pas une couche ou je vais finir par être tenté. »
Et ton père avait déjà dû fumer un pet de trop pour avoir fabriqué un mec comme toi. D’accord, je savais déjà que tu n’avais pas cru à ce que j’avais bien pu te sortir. Mais le fait était que ça marchait. Je n’avais pas la moindre idée de comment un individu dans son genre pouvait réagir. J’aurais dû profiter de chaque seconde d’air que je pouvais encore aspirer avant d’arriver à une fin certaine. Mais non, j’avais d’autres choses en tête. M’en sortir ne paraissait pas si impossible. Un con intelligent. Quel paradoxe qu’il pouvait si bien illustrer. Et bien si tu pouvais être intelligent jusqu’au bout, ça m’arrangerait. Je laissais couler les insultes, j’en avais une palanquée à lui en sortir, mais on n’allait pas pouvoir avancer, et je n’allais tout simplement pas être tranquille si je répondais à chaque fois aux conneries qu’il pouvait débiter. Repli stratégique. Ca valait mieux. Oui d’accord, je savais, on me supprimait. Ah ah. Je riais jaune. Andy t’es mal barré fait quelque chose. Mais mon cerveau avait beau carburer, tout ce que je faisais, c’était garder mon visage neutre vis-à-vis de la menace qu’il venait de m’envoyer en plein visage. Oui je sais bouffon, mais j’en ai déjà pris plein la tronche de ta part, tu crois que c’est une menace de plus ou de moins qui allait me faire fléchir ? Mais va crever. Et même dans le cas de mon hypothétique mort, tu pouvais d’ors et déjà comprendre que tu allais suivre le même chemin, GDP ou pas. J’ai bien compris que tu méprisais ma famille autant qu’il était possible. J’ai bien compris à quel point tu pouvais me tenir en haute estime. Mais sache que pour moi c’est pareil, sache que pour moi, t’es vraiment qu’une sale merde. C’était beau de se faire mutuellement pitié ainsi. Mais il n’était pas question de lâcher. Lui non plus. L’impasse se rapprochait, mais je n’allais pas le laisser me descendre sans rien faire. Ah ça non, même pas en rêve.
« J’te propose un deal, le pissenlit. Tu m’expliques de quelle façon tu as pu avoir accès à des info’s sur le GDP et je te laisse repartir vivant ce soir. Ce serait trop dommage de ne pas s’éclater un peu plus longtemps avec un truc comme toi, ça promettrait de belles rencontres, à l’avenir … ‘fin, si t’arrêtes de dire de la merde. »
Je restais silencieux l’espace d’un instant. Où pouvait-il bien avoir trouvé un surnom aussi débile ? Là il allait falloir m’expliquer ? Sérieusement j’avais beau chercher, je ne voyais absolument pas où il avait pu piocher ça. Mais bon, il avait trop bu, trop fumé, il était dingue, et il ne se rendait pas compte à quel point ses cheveux ne ressemblaient à rien. Mais bon, chacun sa merde. La tienne c’est d’exister. Et je ne doute pas que tu dois penser la même chose vis-à-vis de moi. Cependant il était impensable de dire, même l’espace d’un instant qu’on pouvait se ressembler. Le jour où je ressemblerais à ce mec, je n’aurais plus qu’à me jeter par la fenêtre. Menace, toujours cette menace. Sauf qu’il n’était pas patient. Je pouvais comprendre, je ne l’étais pas non plus. Et puis à quoi ça servait de perdre son temps à se demander si son deal était tangible ou non ? Si je lui demandais à quel point je pouvais être sûr de sa bonne foi, il y avait fort à parier qu’il me répondrait un truc du style « Tu peux pas ». Donc bon, je n’avais même pas envie d’essayer, il fallait envoyer fort pour ne pas se faire mettre KO. Un truc comme moi, comme tu le dis si bien, c’est pire qu’une écharde plantée au plus profond de ton putain de pied. S’il avait été possible de ne plus jamais te croiser dans cette vie, crois moi que j’aurais payé le prix fort pour te voir disparaitre. Sans laisser de traces. Ou alors te mettre en cage, et regarder à quel point la captivité pouvait t’être bénéfique. Tu me trouvais amusant ? Tu l’étais autant que moi. Et crois moi, même si ta tronche y était pour beaucoup, ce n’était pas tout. Je ne savais pas ce que tu pouvais cacher en toi, je le saurais sûrement un jour ou l’autre, mais il était temps de tester pour voir à quel point tu pouvais être sincère.
- Les voies des circuits informatiques sont impénétrables. Ou pas finalement. Tu vois internet c’est un peu comme un supermarché, on y va et on se sert. Mais après, il faut avoir les bonnes combines pour partir sans payer.
Inconscient sûrement, trop sûr de moi assurément, sourire insolent à tous les coups. Non Vito, tu ne me feras pas trembler. Pas comme ça c’est pas la peine. J’aurais aimé lui dire qu’il ferait mieux d’arrêter de dire ainsi de la merde sur ma famille, mais je savais d’avance la réponse. Mes menaces ne l’effrayaient pas plus que moi pour les siennes. Il fallait croire qu’on arrivait devant un match nul inéluctable. Une fin proche. Cependant, on pouvait en venir à se demander si cette rencontre était vraiment le fruit du hasard. Je n’étais pas philosophe pour trois sous, mais je n’aimais pas les liens qu’on pouvait avoir ensemble. Des liens qui pour certains m’étaient encore inconnus. Je me décollais du mur et fis un pas en arrière, le regardant toujours.
- Tu as quelque chose à ajouter ?
Je retins le ton de défi dans ma voix. Il ne fallait pas gâcher mes efforts tout de suite. Ca serait tellement stupide.
Vito Vargas
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Sujet: Re: Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito] Sam 4 Sep - 15:22
« It might not be so bad, We're all addicted to our tragedy ; I guess it's what it had to be »
Ça commençait à craindre pour moi, quand j’y pensais. Car le GDP, à défaut d’avoir de l’humour, avait pour lui une transparence des plus directes. De fait, la marge de manœuvre que les dirigeants laissaient aux flics et scientifiques, bien que large, n’admettait pas la moindre transgression des règles, la moindre interprétation un tant soit peu personnelle des lois ayant été édictées. Et ces lois, c’étaient les nôtres ; celles d’une organisation frigide, trop propre sur elle et par trop attentive à ce que son cul ne dépassât pas de son siège. D’un autre côté, je saisissais la nécessité du secret et, par là, celle des voies extrêmes sur lesquelles il nous fallait parfois, voire souvent, nous engager afin de maintenir notre couverture en place. Afin de souffler un bon coup, le sourire aux lèvres, le sang dissimulé dans nos poings serrés, sur ces paillettes que l’on jetait à la réalité. Que l’on balançait à la gueule des gens comme un mauvais sort – celui qui, tôt ou tard, viendrait éteindre une lumière dans ces myriades dorées que l’on contemplait depuis le ciel, la nuit tombé. Oui, une de plus. Et il me semblait, en cet instant, que celle-ci tenait à appartenir à Andy ; que ce dernier, encore ignorant des commodités qu’apportait le bâillon de la mort, n’avait de cesse d’appeler à lui la caresse de ma lame. Pas que j’eusse longtemps regretté le geste, ou qu’il se vît accorder plus d’un regard que la satisfaction teintait de carmin, mais je ne m’en sentais pas l’envie.
Oh, pour sûr, les Vitaly ne formaient rien de plus qu’une bande de bouffons. Un groupe de théâtre qui se serait attaqué à une pièce trop audacieuse pour le talent de ses acteurs. Une palanquée d’abrutis aveuglés par les reflets que leur renvoyait leur montagne de fric. Et nous parlions ici d’une rengaine, d’une égoïne née sous le signe de l’arrogance. Celle-là même dont je devinais qu’elle courait dans l’organisme d’Andrea, avide de gangréner de la plus marginale des artères jusqu’au capillaire solitaire sous sa chair, avec l’empreinte d’un rictus, la marque de l’habitude. Il était comme ça, Andy. Pourri. Perclus de dédain. De cette irrévérence propre à ceux qui n’avaient jamais connu les plaisirs du caniveau. Il était comme ça. Il se foutait de son petit monde. Il se moquait des plaintes des simples bourgeois, ou encore de ces mots que l’on pouvait surprendre à rouler sur la langue de la plèbe. Il accueillait sans doute d’un haussement d’épaules ces contes que la boîte à images pouvait seriner quant à l’amertume dont pouvait parfois se parer la vie. Ces moments où Mr Happiness vous posait un lapin, ces instants où fil n’était pas loin de trouver le point de rupture, ouvrant la voie à l’amie de Damoclès, Andrea ne les connaissait pas. De là dire qu’à ses yeux, ses yeux que rien n’avait voilés, rien d’autre que sa petite vie bien rangée ne comptait, il n’y avait qu’un pas. Ou deux. Une petite marche, un dernier degré au bout de l’escalier. Un trait d’union avec le néant.
Et je me refusais à le franchir.
J’étais loin de compter parmi les légions d’optimistes qui, oubliée Milan et ses abrutis, couraient le monde, rampaient à sa surface comme autant de carcinomes, autant de nécroses. Non. Rien de tout ça. De cette armée, je n’étais même pas un appelé potentiel ; j’étais juste le premier à la déserter, à ignorer ses appels dénués de grâce. Parce qu’il était ridicule de croire qu’un geste, une action bien pesée ou un mot mesuré pouvaient changer quoi que ce fût. Parce qu’il était vain d’accorder quelque crédit à la seule idée que l’envers du décor pût voir le jour, pointer sa gueule souriante au beau milieu des décombres de ce qui ne serait jamais. Y’avait rien de tout ça. Pas dans le coin. Ni même sur ce fragment de terre venu, on ne savait trop comment, habiter un petit bout de ciel. Alors on trouvait des optimistes, oui, les missionnaires d’un espoir mal baisé, même si je n’avais pas d’exemple à l’esprit. Il y avait aussi les pragmatiques, comme moi. C’était-à-dire ceux qui, après avoir constaté les dégâts, prélevaient les débris qui les intéressaient, afin de compléter le puzzle de leurs vies. Et c’était égoïste, et c’était moche ; ouais. Pourtant, je peinais à imaginer un mode de vie plus sain que celui-ci, lequel n’engageait à rien mais souscrivait à tout.
Venaient ensuite les désespérés – le dépotoir à l’écart de nos villes et de nos vies ; ceux dont on ne parlait pas et que l’on regardait à la dérobée, d’un air de les plaindre, mais sans y toucher. Car, putain, c’était dégueulasse, ces déchets tout juste aptes à adresser à la Lune rouge ces prières que rien d’autre, là-haut, non, rien ne viendrait jamais écouter ou exaucer. Ils en venaient à confier leur vie à la première ceinture d’explosifs que le hasard lierait à cette dernière. Pas qu’ils s’en foutaient, ou qu’ils aimaient ça, cette merde, ce puits aux parois gluantes. Néanmoins, les accrocs ne souffraient plus d’être considérés sinon comme des appuis, au moins comme des prises ; alors ils prenaient la poussière et s’oubliaient eux-mêmes. Comme leurs propriétaires. Ceux-là, c’était un sweet dreams jeté à la fin d’un mauvais bouquin. Et, enfin, y’avait les Vitaly et leurs homologues, ces péteux à qui rien n’avait été refusé. Les toxicos de la facilité. Les enfants du fric. Avec eux, pas de solution miracle. Y’avait le sang, y’avait les coups, y’avait les entailles pratiquées dans ces tripes que l’on nourrissait avec de l’or, lorsque personne ne regardait. On les pleurait rarement. Vitaly père et mère, par exemple, je doutais qu’on les eût regrettés.
Mais il y avait le fils, Andrea. Un morveux trop confiant, qui devait se moucher dans des billets de deux-cents euros cousus ensemble. Et dont la vie, pourtant, n’avait pas suivi le cours qu’elle aurait dû emprunter. A son âge, on n’avait que rarement vécu la tragédie de perdre un géniteur, et moins encore les deux à la fois. Quoi qu’en eussent dit les gens dans les histoires de leurs personnages sur des fora bidons, où ils torturaient avec emphase les sous-produits de leur imagination. Et si je tolérais qu’il restât un petit con, il était juste impossible que sa tragédie familiale n’eût rien changé à sa façon d’envisager les choses. Une personne ayant perçu sur sa nuque le souffle glacé d’un décès perdait dans cette antisepsie un petit bout d’elle, pour voir celui-ci remplacé par autre chose, un éclat pernicieux, un truc qui prenait racine. Moi, j’avais envie de voir ce sur quoi ce type de plante pouvait ouvrir lorsqu’elle germait dans le terreau d’un Vitaly. Et mes attentes, à ce que je pouvais déjà constater de mes yeux, risquaient de trouver satisfaction. J’avais beau ignorer encore comment, mais cet abruti avait fait main basse sur des informations auxquelles peu de gens avaient accédées … Peu importaient les moyens, peu importait vraiment son modus operandi ; seul comptait le fait que, con ou pas, il savait des choses. Et ça, ça m’intéressait. Grandement. Ça éveillait une curiosité dont je devinais qu’elle n’était pas uniquement motivée par des instincts scientifiques ; non, il y avait plus que ça. Il y avait une attention toute particulière prodiguée au fruit de mes actions passées. L’impression qu’il y avait quelque chose à retirer de cette situation, que ce fût bon ou non.
Et tandis que je guettais les réactions d’Andy, que je m’abîmais dans ce qui ressemblait chez lui à une espèce d’hésitation, je réfléchissais. Au GDP. A ce qui risquait de me tomber sur le coin de la gueule si je ne procédais pas à une analyse plus objective de la situation. A la merde qui allait forcément jaillir, un jour ou l’autre, de mon déni des règles de la brigade. La logique eût voulu que, sans hésiter, ma main allât chercher la garde de mon épée, et que celle-ci s’abattît, sans autre jugement que celui de la nécessité, sur la gorge dénudée du morveux. Ouais, c’était ça. Elle eût réclamé que l’histoire s’arrêtât là, sur le hurlement de l’acier, sur une brume rosée ; sur un silence qu’aurait cadencé l’écoulement du sang entre les pavés dégueulasses. Comme ça. Comme rien. Comme un sourire que l’on ne se souvient plus d’avoir distribué. Et tu t’en balances ; tu rentres chez toi, tu noies d’eau les zébrures sur tes mains. Tu t’endors avec la conscience tranquille, oublieux de l’impression de rester sur ta faim qui te taraude. Car ce sur quoi tu restes vraiment, c’est ta fin. Un truc pas net, lourd à la digestion. Ca pèse sur ton estomac. Mais tu t’en fous. Parce que ça passera. Ça passe toujours. Des jouets, y’en a à tous les coins de rues du Quartier Obscur …
Sur ces entrefaites, le pissenlit répondit à ma question.
« Les voies des circuits informatiques sont impénétrables. Ou pas finalement. Tu vois internet c’est un peu comme un supermarché, on y va et on se sert. Mais après, il faut avoir les bonnes combines pour partir sans payer. Tu as quelque chose à ajouter ? »
Un sourire vrilla une partie de mon visage, lui imprimant ces échos carnassiers qu’il était si prompt à s’envoyer. C’est donc ça. Sous ses dehors de demeuré, de petit gadget honni par toute utilité, Andrea Vitaly révélait des talents de hacker. Et cette idée me plut. Elle me plut comme je pouvais trouver amusantes les conneries de Wolfy, lorsqu’il me racontait ses derniers déboires et me faisait part de ses commentaires quant aux miens. Elle me plut comme l’on aime découvrir, délaissé au fond d’un jean, ce sachet de poudre dont on ne se souvenait pas. C’était dire ! L’abruti n’était donc pas qu’un petit bourge coincé, infichu de faire quelque chose de ses deux mains, si ce n’était presser un bouton pour appeler un majordome à la rescousse. Le sidekick de ceux qui ont déjà tout. Il était un peu plus que ça ; c’était un gosse à qui l’on avait botté le cul un peu plus fort que de nature, un gosse capable de prendre les devants, de s’animer. Même si, au final, il n’était pas bien futé. Même s’il carburait à une connerie que j’avais rarement notée chez quelqu’un avant cette nuit. Même si j’avais envie de lui éclater la gueule à coups de batte de baseball.
Et d’accord, il était intéressant. Mais valait-il vraiment la peine de laisser, en suspens, un couperet menacer mon job, voire ma vie ? Devais-je risquer un peu tout ce que je possédais au profit d’un coup de tête égoïste, d’un trip narcissique porté par tout ce qui faisait de moi un connard par trop bravache ? Devais-je jouer les kamikazes, animé par la seule perspective de m’amuser un peu ?
« Okay, lui jetai-je, sans me départir de ce sourire que je voulais menaçant. Du hacking. Bien joué. T’as un truc dans le pentium, ça t’aidera peut-être à éviter le mur, finalement – ou pas. »
Je fis un pas en arrière, d’un air de lui signifier que je ne le découperais pas. Pas ce soir.
« Parce que je vais te surveiller, mon pote. Je vais te surveiller, et je te promets que je ne te lâcherai pas la grappe avant un moment. Et parce que ça m’éclate, je ne rapporterai pas l’incident Vitaly numéro deux au GDP. »
Non, je ne leur dirais rien. Je garderais pour moi cette petite bombe artisanale. De même que je rirais de savoir que ce crétin, tôt ou tard, alors qu’il devrait se faire choper en pleine investigation de notre serveur central, bénéficierait de quelques protections rien qu’à lui. Histoire de faire durer le plaisir. De profiter un maximum des opportunités que l’existence du gosse ouvraient dans ma vie. Ça risquait d’être drôle. De promettre un max. Et, de temps en temps, juste pour l’emmerder, ou de lui rappeler qu’un œil restait dédié au moindre de ses faits et gestes, j’irais lui rendre visite.
« Mais méfie-toi, le pissenlit … T’es pas le seul crack en informatique. Y’en a aussi chez nous. Et ce jour-là, ça risque de chauffer pour ton cul. »
Et donc, ce n’était pas pour moi que ça craignait. Car les responsables de l’organisation ne viendraient jamais à savoir que, aujourd’hui, j’avais fait la connaissance d’un bouffon nommé Andrea, lequel m’avait filé une carte de crédit et une bonne tranche de rire. Cette rencontre ne porterait pas d’empreinte dans mon journal de bord, ni dans le moindre de mes rapports. En revanche, c’était le fils Vitaly qui risquait gros. Très gros. Moi, j’avais les pieds au sec.
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Parce qu'il faut une première fois à tout [PV Vito]
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