HISTOIRE; Ce fut la nuit de mon premier souvenir. La naissance d’Eve qui serait restée collée au bras d’un Adam qu’elle exécrerait à mort. J’étais né, et pour preuve, le tangible baiser d’un pacte. Le goût de la vengeance était l’irréversible signature d’un lien de vie. D’un lien à vie.
J’étais né de lui. De son désir de vengeance. Et c’est par lui que je vivrai.
« Ce n’est qu’un simple retour de choses. Je t’ai donné ce que tu désirais. Donne-moi ce que je désire. »
Et mon premier souvenir était le baiser de Psuchè.
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Tourne. Tourne. Tourne. Son corps fugitif abandonné au rythme fou de ses jambes en mouvement. Il ne voyait plus où ça le menait. Il ne voulait pas savoir si ses mains tendues dans l’air allaient casser quelque chose. Il tournait juste. Tout était irrégulier. Tout tournait autour de tout. Les couleurs se mélangeaient. Il se mélangeait à elles. C’est un tourniquet ivre d’images. « Putain stop. » Il s’arrêta. Un ricanement s’échappa de ses lèvres alors qu’il fixait les deux fentes qui le dévisageaient d’un air irrité. « Je joue. Je m’ennuie. » L’autre était plongé dans un livre. L’autre n’avait jamais l’air de s’ennuyer. Non. Il avait toujours l’air de s’ennuyer, tellement que Sôma crut amusant de briser sa douce quiétude. « Ce n’est pas un jeu ça. Sois moins bruyant. Ah, et ta main a manqué de faire tomber le bibelot en verre, là. » Il plissa les yeux. Provocation ? Sôma saisit le petit objet décoratif en verre entre ses doigts et le fit glisser sur le sol, ses lèvres se lacérèrent en ce rictus propre à lui. L’objet se fendit en bouts brillants sur le sol, en un acerbe cri d’agonie. « Maintenant je ne risque plus de le faire tomber. »
Et il tournait encore.
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Liberté en miette. Effeuillée avec chaque jour que Dieu conçoit. Chaque jour qu’il passait avec Psuchè. Goutte par goutte, la vie lui était insufflée à travers la mort qu’il semait avec Psuchè. La vie lui était insufflée aux dépends de celle de Psuchè. Et il en jouissait comme d’une faiblesse exquise.
Ça montait, au même rythme que la mélodie de Petrouchka jouée au piano, il ne savait pas d’où ça venait. Mais ça montait, inexorablement. Des sons précis, et l’image. Ce serait presque douloureux. C’était différent. Il n’était pas là. Il y avait le son du piano, sans source, sans destination, il y avait l’horloge qui insiste. Le temps coule, et au fur et à mesure il s’écroule. Tu t’épanouis, et il se fane. Comme à la guerre. Comme à l’amour, peut-être, aussi, celui qu’il connaissait, le seul qu’il prétendait connaître. Lui il s’en fout, avec un haussement d’épaules. C’est ce qu’il dit, aussi, c’est ce qu’il prétend, Sôma. Il ne sait jamais rien, il ne trouve jamais de sens à rien. Il se retourne. Il le voit de dos, mais il n’est pas là. Il ne le trouve plus. Le piano gronde. Il sursaute un peu. Il s’étonne de lui. Et il se retrouve déjà, une boule dans la gorge. Une image. Un semblant de voix, un semblant de soi. Il tend les bras. Et les évènements s’enchaînent. Et maintenant un sourire. Le sourire d’une femme. Une caresse, sur la joue, le bras, le cœur, il ne sait plus. Il ferme les yeux. Il sourit à son tour. Il se sent heureux, et ça montait au même rythme que Petrouchka. Il se mord la lèvre. Ce sourire était pour lui. Ça pleuvait de la lumière, et l’image qu’il ne connaissait pas. Il vivait, respirait, se souvenait. Et puis il se laisse glisser le long du mur, il ouvre les yeux. Il s’étonne de lui, il s’étonne de chercher, mais il le cherche des yeux. La femme se penche lentement, ses cheveux caressent ses lèvres, il s’abandonne un instant, il aurait fermé les yeux, à peine, failli, mais il recrache la boule qu’il a dans la gorge. Il fait un pas, et puis il court le long du couloir. « Psuchè » Pourquoi ? Ça le prend jusqu’au cœur, et ça fait mal, ça monte à un rythme plus rapide que le piano, plus rapide, ça gronde, il ouvre toutes les portes. Ce sourire n’était pas pour lui. « Psuchè ! » Et sa voix était plus rauque, comme avec la boule dans la gorge. Et il le voit. Une main se lève brusquement jusqu’à ses lèvres, il se la plaque contre la bouche, il se penche légèrement, c’était sa main. Pourquoi ? Tes souvenirs me bouffent, Psuchè. Ça fait mal.
Je suis désolé. Clic. Il se retourne. Il s’étonne. Et Sôma coule lentement. Un visage de douleur, l’avait-il vraiment vu, ce visage ? L’avait-il vraiment montré ? Pouvait-il vraiment avoir ce visage ? Psuchè. J’ai pensé que tu ne serais pas là. Je suis heureux de te voir là. Il halète doucement. C’était de la peur, hein ? Pourvu que ce soit de la peur. « Psuchè. Psuchè. Souviens-toi. »
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Le coup de feu vola. Il ne voyait pas les yeux de H., ça lui importait peu. Il y avait seulement ce rictus. Cette grimace effrayante collée sur le visage du stella alors que ses yeux suivaient la marrée de sang jusqu’au coin de la pièce. Une pourriture de moins. Maintenant ils pouvaient reprendre les recherches. Encore. Encore. Jusqu’à ce que Sôma s’ennuie. Et lorsque Sôma se lasse, Psuchè continue seul. Psuchè, lui, ne s’en lassait jamais. Parce qu’il était animé par quelque chose. Quelque chose que Sôma n’aura jamais. Ce désir qu’il nourrissait en lui avant même le début de leur collaboration. Et Sôma le jalousait. Le haïssait. Mais il ne pouvait pas se plaindre.
Après tout, c’était tellement
amusant, pas vrai ?
Suspendu aux dentelles en arabesques du bord d’une fenêtre à quarante mètres d’altitude de la mer, il regardait la langue des vagues caresser la peau des rochers. Tout était à l’envers. Et comme d’habitude, il ne trouva de sens à rien. Il attendait. Il ne voyait, dos collé contre le mur, jambes accrochées au bord de la fenêtre, que le marbre roux dont la véranda avait été dotée. Sol en marbre roux, bords en marbre noir. Quel mauvais goût. Pff, le luxe. Ça lui servait à quoi, au gros popotin que Psuchè doit terroriser en cet instant, d’avoir une véranda en marbre ? Décidément, ça n’a jamais de sens. Jamais de pourquoi, juste le comment et les faits dégoûtants que le luxe procure. Sôma ne trouvait jamais de sens à rien.
Il s’ennuya.
Ça faisait une bonne dizaine de minutes qu’il était accroché dans cette position et son dos n’appréciait pas du tout. Putain Psuchè, grouille.
Clic. Il entendit un rire poisseux. Engraissé par les cigares hors de prix et la trouille qui te bouffe les tripes.
« On fait moins le malin, hein gamin ? Ne te frotte jamais à plus fort que toi. Tu vas me le payer. »
Il sauta.
Sa tête se balança sur le côté avec toute l’indifférence dont il pouvait faire preuve. Assis sur les bords en marbre noir de la véranda ouverte sur la mer, genoux contre son torse, il pointa un flingue sur la nuque du gros tas de graisse qui lui tournait le dos.
Le rire gras stoppa net.
Ses yeux se posèrent sur Psuchè. Deux hommes pingouins l’immobilisaient. L’un le menaçait avec un flingue sur la tempe, l’autre lui tordait le bras avec deux mains plus ou moins tremblantes. Sôma réprima une envie perçante de se frotter le bras. « C’pas vraiment équitable, trois contre un, si ? Allez, gros tas, c’est où le bouton que t’as pressé pour appeler tes pingouins, dis moi ? Et c’est toi qui fais moins le malin, là, hein ? Regarde-toi, gros tas de graisse et de fric » L’homme ne répondit pas. Secoué de spasmes, il fixait deux orbes saillants sur le visage impassible de Psuchè. « Et vous, là, les deux en costumes moches, lâchez-le, jetez vos jolis joujoux par terre, et foutez le camp. Sinon j’vous ferai bouffer la bouille fracassée de la pourriture qui vous sert d’employeur, pigé ? » Le gros popotin hocha nerveusement de la tête. Les hommes obéirent, lentement.
En se retournant vers la sortie, les bras levés, ils s’écroulèrent, Sôma poussa un petit rire saccadé. Psuchè, les bras libres, tira tout aussi rapidement sur l’homme restant.
Du sang éclaboussa la joue du stella. Il grimaça de dégoût. Il sauta sur ses deux pieds, dans un long soupir « C’était pas très agréable, cette position. »
H. dégagea du pied les deux hommes devant la porte. « Y’en aura d’autres à la sortie. Prépare ton flingue. »
Sôma sourit. Une phrase lui brûla la poitrine « Et toi, prépare toi à perdre quelques précieuses images. »
Et ce fut douloureux.
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Sôma, il aime les monologues, ou alors dire n’importe quoi. Ce n’est pas un philosophe, sa petite tête ne le supporterait pas. Ce qu’il dit n’a d’ailleurs rien de philosophique. C’est soit des phrases qu’il n’a jamais pensées et qu’il jette en l’air comme ça, avec toute l’indifférence possible, soit des paroles qu’il aurait lues et entendues quelque part, des pensées qu’il ne comprend pas et qu’il attribue à sa personne. C’est juste peut-être un moyen de passer le temps, de passer l’ennui.
Cette fois encore c’était pareil. Ils étaient sortis, Psuchè et lui, faire des recherches. Il avait laissé Psuchè à ses recherches et s’était assis, mine de rien, près d’un adolescent à lunettes plongé dans un livre, et avait commencé à débiter un long discours proche du monologue où il disait tout et n’importe quoi. Il avait regardé, la veille, avec Psuchè, un documentaire sur la drogue. C’était resté dans sa petite tête. Et finalement les mots avaient commencé à couler de ses lèvres à n’en plus finir. Il était déjà dans son délire. Tellement que le visage de la personne en face de lui ne comptait même pas. « Z’avez déjà essayé la dope ? Vous savez, l’héroïne, cocaïne, LSD, tout ce bordel. On dit que c’est comme regarder un ballet pour la première fois. Je me dis que c’est pathétique, que c’est humain. C’est sûrement de la connerie. Planer, ouais. C’est du masochisme démesuré. Ça me désintéresse, au fond, je pense. J’ai juste regardé ça avec Psuchè hier. Je me dis que peut-être que ça n’en vaut pas la peine, et que peut-être que même si ça conduit à la mort, l’instant de la mort est peut-être plus long que toute une vie. Je crois que je dis des mots que je ne pense pas. Comme ces gens qui disent
Je t’aime sans le penser, ou croient aimer sans aimer. Je hais les adieux comme j’aime les souvenirs. Pourtant je n’aime pas les photographies. J’ai toujours détesté ça, les souvenirs palpables, avec les sens et la même image, c’est effrayant. Tu trouves pas ? Ça te lance en arrière et c’est exactement les mêmes détails. Le même grain de beauté à sa place. Tu te dis que tu avais oublié que cette personne avec un grain de beauté. C’est comme un flash ou une translation. L’image reste inchangée, dans une photographie, ta mémoire ne peut plus se tromper, et je trouve que c’est effrayant. Mais bref, je raconte n’importe quoi. J’aime dire n’importe quoi, c’est la même fascination qu’ont les jeunes à parler de dope sans jamais l’avoir essayée. La même fascination à rendre beau ce qui ne l’est pas, comme la prostitution par exemple. Vous me suivez ? Non ? Tant mieux, c’est le but. Il y a peut-être des grossièretés dans mon n’importe quoi. L’insolence, c’est inné chez l’adolescent, je crois. C’est laid. Tu me suis ? Ah oui, pardon, je parle sans réfléchir, je vous tutoie parfois. C’est dérisoire, quand même, cette sorte de… forme de respect. De toute façon, le respect lui-même est une image, des apparences, un masque aussi hideux que tes lunettes. Et ça a une vague proportion sexuelle aussi, comme la voix d’une femme. Bref, je mélange. De quoi est-ce qu’il parle, ce livre ? Métaphysique truc. Comment est-ce que ton cerveau il accepte autant de merde ? Ça déforme totalement la réalité. J’aime pas les sciences. Ça dit, par exemple, que la couleur est seulement le rayon lumineux qu’un corps reflète, ça revient à dire que si tes cheveux sont verts c’est juste parce qu’ils reflètent les rayons verts. Je crois. C’est déprimant hein ? Ça cristallise un concept aussi enfantin que les couleurs en une explication frigide. Et c’est quoi ça ? Astronomie ? Les étoiles sont des boules gazeuses en rotation composées principalement d’hydrogène et d’hélium blablabla. Et si je te disais que j’étais une étoile ? C’est trop froid, tes livres. J’aime pas le froid. Je voudrais bien vivre au soleil toute ma vie. Je pense qu’un être humain n’est pas fait pour vivre en ayant froid. Par contre j’aime bien rester sous la couette. Bon, je vais m’en aller, Psuchè va s’énerver si je fais trop de bruit. Tiens, tes livres. C’était très amusant de discuter avec toi. »
Et lorsque Psuchè lui reprocha d’avoir fait trop de bruit, il répondit simplement, avec un haussement d’épaules « C’est le mec, là-bas, qui me racontait sa vie. Je pouvais pas le repousser. Tu connais les ados. »
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Il est de ceux dont la passion est froide. Ceux qui rient sous la pluie et qui s’arrêtent tendrement devant une rose, qui l’arrachent presque avec brutalité pour posséder ses pétales éclatés. Il est de ceux qui quémandent un bonbon, un baiser, la douleur de la vie. Sans gêne. Avec une subtilité brusque et outrageuse. Et il est un peu comme ces enfants qui écrasent les ailes d’un papillon entre les doigts en s’émerveillant devant la frivole fragilité de leur anatomie. Il est de ceux qui laissent leurs traces partout. Sur les pages pliées d’un livre jamais terminé. Ou sur les murs d’une chambre des obscénités puériles et choquantes. Il est de ces visages qui disparaissent dans la foule mais qui laissent une brève image imprimée sur la rétine, comme le flash d’une lumière trop brusque, ou le firmament d’une étoile mourante. Il est une mélodie de pluie, l’ascension classique et banale du rythme, des notes. Une sorte d’image écrue et provocante, ostensible et enjôleuse. Il est de ceux qui désirent froidement. Qui désirent la vie comme on désire une femme. Il sourit souvent. Mais il n’aimera jamais. Peut-être jamais. Né d’un sentiment d’ardeur humain, à l’intérieur il nourrit une sorte de froideur sourde et grossière, ou un désir de blesser. Ou le désir implacable de posséder, d’aimer sans aimer, peut-être. Douloureusement. C’est une tempête sans début ni fin. Sans puissance et qui emporte, calme ou écartelée, qui emporte. Il est de ceux dont les larmes son froides. Comme leurs passions un peu trop stagnantes, un peu trop étouffées. Et parfois d’une cruelle et feinte tendresse.
Il est un peu toutes ces métaphores. Et plus, s’il l’aurait voulu. Tout et rien à la fois. Non. En fait. Balayons juste les belles phrases. Barrons les métaphores. Et oublions le reste sauf le bout d’étoile qu’il appelle « cœur » avec la fascination voilée d’une petite fille. Cette petite chose qu’il tient entre les mains et qui ressemblerait juste à un fragment de cailloux. Et disons-le simplement. Simplement. Sôma est le désir glacé et dévorant de vivre.
Et puis finalement, il n’y a pas grand-chose, dans la vie de Sôma. Il n’y a vraiment pas grand-chose. Il y a l’ennui qu’il fuyait toujours. Sôma est quelqu’un qui s’ennuie vite. Une petite étoile qui serait restée trop silencieuse, trop immobile pour se garder calme à présent emprisonnée dans une
personnalité presque humaine. Presque. Et il y’a aussi des apparitions. Des choses qui passent comme ça. Brèves. Insignifiantes. Un peu comme la vie. Un peu comme de l’indifférence. Un ennui latent. « Et puis… Quelle importance ? » Tout en lui est choquant, dans sa vie, dans ses habitudes comme dans sourire étranglé, il y a la provocation enfantine et perverse d’exister.
Je suis là. Comme les couleurs flashy, comme les petites farces jouées dans une foule agacée, le flot de paroles ne voulant rien dire, les larmes rares qu’il n’aurait jamais versées. Je suis là. Même pas
Regardez-moi. Même pas. Mais juste un J’existe hurlé à plein poumons, comme un trop plein de douleur étouffée. Et dans son ennui il noie le désir de voler par ses propres ailes. De vivre par lui-même. De mourir aussi, par lui-même. Et les sens cachés sous des airs pathétiques d’enfant têtu. Les mensonges récités en devinettes. Sa vie comme une devinette, où tu dois chercher les initiales et faire le lien. Bout par bout. Et après barrer le mot clé. Barrer pour exister. Sa conscience, la vie des autres, s’il le faut. Vivre au dessus de tout. Au dessus du sang et du besoin. Et ne jamais s’éteindre. Sôma est juste un mensonge prétentieux et tellement bien caché. Le mot qui bloque dans la gorge et qui fait suffoquer. Sous l’indifférence, l’envie de vivre. Derrière un regard d’une insolence amusée, la peur de s’éteindre.
Et puis Sôma, c’est un croquis mal fait. Une sorte de tableau gâté aux contours tristes. Il a un sourire pour tout. Quelque chose de tendre et d’imparfait. Son visage crie la beauté brutale et choquante de l’incomplet. Comme s’il n’avait jamais été terminé. C’étaient les doigts fins, la main, grande, la main blanche jusqu’au déclin, jusqu’à la dérive. Il s’était penché, et sa main avait effleuré une joue, le corps en équilibre, le corps, qui désire, qui soupire. Qui respire. Tout ce que la simplicité évoque. Mais c’est particulier. Flexible et en suspens, la peau pâle comme un soleil étranger, facile, comme l’eau, comme la glace, cassable, et quelque chose de frivole comme le rouge dans ses cheveux, le rouge sur ses joues, sur ses ongles, le rouge dans ses yeux quand il pleure parfois pour un rien, mais juste parfois, quand il ne se l’avoue pas. Il donne un bras pour serrer, un souffle pour marcher, son sourire pour tout, un visage de papier. Il se penche encore, comme si ses lèvres allaient être happées, par un regard ou un bleu brûlant, il ne ferme pas les yeux. Il a les yeux d’un enfant qui oublie. D’un enfant qui fait une farce. Qui ment à la vie. C’est juste un autre regard pour tout, qui disparait. Un peu comme de la fumée, ce n’est pas gris, pas dans l’apparence, un peu d’une couleur ordinaire, qu’on verrait sur presque tous les visages, peut-être. Un regard qui vacille, qui n’aime rien, qui n’aime personne, mais juste le vent. Il donne un regard pour l’aimer. Cette mèche blonde qui se pose sur son épaule. Elle n’est pas la sienne. Ses propres cheveux, c’est des cendres trempés. Jamais il n’aurait sa blondeur fraîche, jamais il n’aurait rien. Une cigarette entre les doigts, il tend ses propres doigts vers l’image. Ses ongles sont roses, la lumière aussi. Et il a échangé un baiser, ça s’effondre, du début de la vie jusqu’à la fin du rêve, il a su.
C’est un souvenir. Toujours le même. C’est un souvenir qui n’est pas à lui.