Ce fut l'abandon, le drame, la violence et la dégringolade.L’hôpital. Je n’y avais jamais été. Et ben c’était nul. C’était blanc, ça sentait le désinfectant, les lits n’étaient pas confortables, on n’avait pas d’intimité, il y avait constamment du bruit, on n’avait pas d’ordinateur. Bref c’était vraiment pourri. Mais vu l’état dans lequel j’avais été quelque semaine auparavant, ce n’était pas étonnant que je stagne dans ce lit à bouffer de la nourriture dégueulasse. Je commençais un peu à me réparer après ce pseudo combat avec Vito Vargas. Il n’y avait pas été de main morte, et même si c’était pour la bonne cause, pour ne pas que je me fasse tuer, j’avais très très mal. Mais je ne pouvais décemment pas me plaindre. Pas alors qu’il m’avait fait cette fleur. Alors je patientais en m’entrainant à avoir tout oublié à propos de cet organisme, à propos de la vérité sur la mort de mes parents. Il fallait que j’oublie, que je n’y repense plus jamais. Sinon c’était la fin. Et à côté de ce drame où j’avais failli y laisser la vie, mes problèmes personnels auraient dû me paraître bien lointains.
J’avais encore les côtes très douloureuses, le visage un peu tuméfié et le bras dans le plâtre. Ma tête me faisait mal très souvent et ça faisait des semaines que je n’avais pas passé une bonne nuit sans me réveiller. J’étais très fatigué. Et alors que je m’ennuyais dans cette chambre où personne ne venait me voir, je pensais un peu trop. Alors que justement, je n’aurais pas dû. J’aurais voulu sortir d’ici, de me balader dans la rue, de faire les boutiques, de parler à des gens différents des infirmières et des médecins. Je commençais à me sentir vraiment déprimé. Je n’avais plus goût à rien et je regardais les jours passer sans interruption. Je mangeais à peine et dormais par intermittence tout le temps. J’avais mal de partout et je me sentais extrêmement seul. J’aurais voulu avoir quelqu’un à qui parler, n’importe qui en fait, même pour l’entendre me parler. Mais au final je n’avais personne alors je préférais penser et ne pas espérer n’importe quoi. Au moins j’étais vivant, et des gens qui survivent au GDP, ça ne courrait pas les rues. J’avais une sacrée dette envers Vargas. Mais au final, ça m’ennuyait moins que je ne croyais. Elle la valait largement.
Egeado était passé, une fois. Je ne lui avait pas vu ce visage aussi grave depuis la mort de sa sœur. Je n’avais rien à lui dire, rien à répondre à ses « Je suis soulagé que tu ailles bien ». Je ne voulais pas lui parler. Il me mettait mal à l’aise à ne plus sourire, à ne plus plaisanter et m’embêter. Je ne voulais pas le voir grave comme ça. Je ne voulais pas voir à quel point il se rongeait les sangs à mon sujet. Ca me foutait mal à l’aise alors je lui avais tourné le dos, en attendant qu’il parte. Il était le seul à s’inquiéter pour moi, à venir me voir avec des bouquins, à venir me tenir compagnie et moi je l’avais ignoré. Et au moment où il me souhaitait un bon rétablissement et partait, je m’en étais voulu énormément de m’être comporté de la sorte alors qu’il était le seul à être venu. Mais le mal était fait et il ne s’était plus montré. Tant pis pour moi.
Et trop souvent à mon goût je pensais à
lui. Trop souvent je me demandais ce qu’il faisait, à quoi il pensait, les cocktails qu’il inventait, les gens qu’il abordait. Je me demandais si je le reverrais et si parfois il avait une pensée pour moi. Je pensais à lui quitte à me déprimer encore un peu plus. Je voulais le voir, je voulais lui sourire normalement, même s’il n’y avait rien à côté, je voulais juste être à ses côtés. Alors qu’il avait été celui dont j’avais été le plus proche depuis des années, j’aurais tant aimé le voir ouvrir cette porte pour me rendre visite. Mais il n’aurait pas pu le savoir. Je voulais le voir quitte à m’excuser pour mon comportement de l’autre fois. J’avais terriblement besoin de lui à ce moment où j’étais si seul dans cette chambre.
Je sombrais de nouveau dans un sommeil court et mouvementé, entre des visions sanglantes de Vito, des sourires amers d’Elio et des centaines de visage sans expression me regardant.
Vivement que je rentre chez moi.