Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin]
Auteur
Message
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Sam 4 Sep - 9:27
Spoiler:
Je suis désolée de commencer ici (je n'ai pas eu le choix, ça commence devant le resto T__T) On pourra le déplacer au ciné après si tu veux ou alors juste le continuer là-bas. ♥
« Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie, mon amour !
Lorsque la nuit se glisse sous ton lit les ombres tressées sur tes murs dessinent doucement des sourires tranchants, des sourires mauvais et malveillants qui semblent dire quelque chose. Seulement tu ne sais pas. Seulement tu prends peur et tu ne peux pas te réfugier. Le sommeil te rejettera comme le ciel rejette les hommes, la nuit ne te donne aucune seconde chance, la nuit t’achève et t’assassine et les sourires s’enracinent dans tes pensées. Tu as peur et tu te lèves finalement. Il a un visage paisible, tu te dis que tu ne le savais pas. Tu te glisse doucement contre lui, tu lui voles sa place, tu chasses la nuit un moment. Et logé contre lui tu as la pensée que peut-être dormiras-tu un instant, lorsque les sourires s’effaceront. Et les sourires s’effacent et ses doigts se serrent contre les tiens avec un naturel qui ne t’étonne plus. Tu fermes les yeux et les monstres ne t’assaillent plus.
Au petit matin tes yeux sont rouges, tu es maussade, et lorsqu’il ouvre les yeux tu te caches contre lui.
C’est encore un autre jour que tu murmures à l’oreille d’un été déclinant vers la fin, un autre papier froissé que tu jettes à la gueule du destin, un papier vide, que tu n’aurais pas rempli. Un jour où tu ne ferais rien. Rien que tes sourires à conditions, rien que tes jeux innocemment dangereux. Rien que penser, penser, penser, au fond. Alors que tes pas s’égarent de lui. Qu’ils dérapent des raies et que ton cœur s’alarme et crie naufrage, chute, errance et indifférence. Ton cœur faussement contracté.
Et tes pas s’égarent encore de lui. Et ils dérapent effectivement des raies. Tu as encore les yeux rouges, tu sais ? Tu souris parfois à un enfant et tu plonges délibérément dans les hommes aux odeurs de matin froid. Tu traînes, et tu ne sais plus continuer. Et puis les rues semblent pareilles finalement. Et puis tu penses que tes pas te trahissent et que les monstres de minuit sourient encore par delà un visage dans la foule, ou alors en dessus de ta tête, là où les étoiles écrasées par un soleil étranger se suicident dans l’immense nuit derrière. Et puis tu crois être déjà passé là. Mais tu crois toujours être passé là. Tu traînes, et tu ne peux plus continuer.
Et c’est un petit diable qui se balance de pavé en pavé. « Ssh, ça sent le piège. » susurre-t-il sans but, sans arrière pensée. Oh mais déjà ton cœur t’a piégé. Hier soir encore, le jour de ta mort, de ta renaissance, encore. Déjà. Tu te frottes brutalement les yeux. Ils brûlent, ils fondent, ils s’en vont, ils trahissent aussi, ils tarissent aussi, ces yeux qui ne sont pas vrais. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai ! C’est juste un rêve. Le rêve d’un somnambule suspendu entre jour et nuit. Le rêve d’une étoile tombée, amoureuse de sa chute, amoureuse de la terre. Mais ce n’est pas un rêve.
Le monde ne tourne pas rond. Et ton pas s’arrête devant une porte que tu as déjà vue. Mais sans doute es-tu déjà passé là. Sans doute. C’est une boucle indéfinie. C’est un murmure qui dit que ça sent le piège.
Ton cœur t’a piégé. Tu connais cette porte. Tu connais la pancarte que tu n’aurais pas lue. Que tu n’avais pas lue.
Un sourire se suspend au coin de tes lèvres un moment et puis il s’écroule. Tu touches là où ça devrait battre, là où ça devrait réellement bouger. Tes doigts jouent doucement avec le tissu alors qu’un rire s’étouffe le long de ton être. Mais dégage, toi ! Qu’est ce qu’il a encore fait, te demandes-tu. Où a-t-il encore fuit. Qu’a-t-il encore pensé. Et ça te fait peur. Mais tu sais très bien que ce ne sont pas des questions. Tu sais tout aussi bien que ce sont simplement des réponses à des questions que tu n’as pas encore posées. Tu hésites à poser ta main sur la surface parfaite. Et si c’était encore un piège de ton cœur ? Un piège ficelé par tes peurs, comme tu en as vu hier. Et si c’était encore un sourire tranchant qui m’attend sur le mur ? Sur son visage. Son visage. Mais tu sais que son visage ne sourit pas. Alors tu poses finalement ta main sur la porte.
Tu pousses la porte. Tu pousses un souffle. Tu pousses un cœur qui se contracte et c’est une douleur expulsée à l’autre bout du mur. Et tu désires que ça laisse des traces.
Tu le vois un peu à l’écart. Tu le vois découpé. Tu vois les contours, décomposés. Tes yeux brûlent encore comme aux premières larmes, comme la pluie des enfants. Et les regards se teintent de rouge. Des filles quittent les tables et s’en vont. Des gens s’arrachent de leurs sièges, des gens aux figures démentes, des sourires malsains. Et les sourires se teintent de rouge. C’est encore un au revoir aux hivers sarcastiques. Des rencontres qui jouent de lui, qui jouent à la marelle à la craie de ses peurs, et qui sautent de jour en jour, de case en case. Elles sont trop limitées, tu ne crois pas ?
Que fais-tu ici ? Que fais-tu ailleurs, Sôma ? Et son regard fugitif est frigorifiant et loin. Que cherches-tu ? Les bras de Psuchè ne s’ouvriront que la nuit.
T’a-t-il remarqué de loin, toi le criard, toi l’obscène, toi qui nuis par le simple fait d’exister. Toi le voleur, t’a-t-il remarqué ?
Mais non. Ton rouge est devenu fade, tu sais ? Aujourd’hui seulement, crois-tu, espères-tu. Aujourd’hui seulement et s’en suivra demain. Terne et sans couleurs. Jusqu’à ce que demain s’ensuive. Jusqu’à ce que mort s’ensuive un peu en retard, aussi, elle ne s’excusera pas.
Alors finalement tes pas s’écrasent sous leur orgueil. Finalement ils n’ont plus la force de te trahir, de te guider. Et tu recules. Et tu poses des réponses à des questions jamais demandées. Cette fois tu tires la porte.
Tu tires. Une balle. Deux balles. Trois balles. En trois pas tu es déjà ailleurs. Le sang ne coule même pas.
Mais tant pis. C’est juste un jour maussade. Parce que tu balayes simplement les doutes. Parce que la conclusion est là, évidente. C’est juste un putain de jour de merde.
« Cause it's burning a hole And I can't get to sleep And I can't live alone
Erwin W. Meister
Fondatrices
MESSAGES : 186
AGE : 30
Sujet: [b][color=#60546b]...[/color][/b] Mer 8 Sep - 12:51
Spoiler:
Je sais que la chanson ne colle pas avec l'état actuel de leur relation mais quand je l'ai écoutée, je me suis dit qu'elle était juste parfaite pour ce qu'on a prévu et je n'ai pas pu me retenir de la mettre. Sinon, pour le post, je suis vraiment désolée et je te promets que je ferais mieux la prochaine fois ! Mon humeur a trop influencé le post.
So brown eyes, I'll hold you near, 'Cause you're the only song I want to hear.
La chaleur moite des draps, le matin. Un vieux cauchemar t’a arraché le cœur, la nuit. Et la vie te lapide, le jour.
Tu vivais ces matins cruels et lourds, quand les paupières refusent de s’ouvrir. Tu vivais cette entracte longue et moite, trempée dans l’hier, sans voir l’ajourd’hui. Tu serrais tes paupières, tu fronçais tes sourcils et tu cherchais à comprendre. A te lever, à coller le puzzle du quotidien pour refaire les mêmes gestes, chronométrés depuis des années, des lustres, des siècles. Collés sur ta peau. Ta peau moite et froide, qui se crispait dans les draps blancs. Et tu cessais de réfléchir, parce que ça ne te menait à rien, juste à l’envie de ne jamais quitter ce lit, de jouer la princesse endormie qui boude son prince et qui préférerait le voir crever dans les ronces et les roses, souillé par la Sorcière. Mais tes yeux s’ouvrirent enfin, par ennui. Tu n’étais pas chez toi, protégé par tes murs blancs. Tu pouvais remplir la chambre de fumée, ça n’y changerait rien. La silhouette féminine resterait endormie à côté, dans une nudité qui te donnait envie de la tirailler encore, de nouveau, pour y noyer tes souvenirs. Tristes souvenirs que tu voulais tant oublier. Cruelle mémoire qui refusait d’exaucer ton vœu.
Mais tu ne pensais pas vengeance, tu n’y penses jamais. Tu penses argent, quotidien mais pas vengeance, ni amour, ni destin. Tu crois que jamais les regrets ne viendront t’assaillir. Tu crois que jamais tu ne te réveillerais avec l’envie de crever, de prendre la place du prince boudé. Alors tu ne changes pas. Tu sortais du lit avec la certitude indifférente de ne même plus savoir quel était le nom de l’Etalée. Et ça te faisait ricaner, parce qu’il n’en fallait pas plus pour te donner envie de sortir sans laisser de traces, à part les billets sur une commode. Même si tu n’aimais pas. Même si tu aurais l’impression de payer la nuit et non la chambre d’hôtel. De payer la fin du rêve, la fin de l’entracte.
Avant de sombrer dans le soleil, le jour, l’Acte nouveau de ton existence, qui n’est qu’un renouvellement de la vieille, de l’ancien. Ta vie mâche ses minutes et les recrache, sans cesse, sans changements. Et il n’y a pas de solutions. Il n’y a pas de fuite. Il y a l’air sale et ta tête de mal-réveillé.
Tu sombres dans le quotidien rapiécé, recousu des millions de fois. Mais tu restes à la surface, sans jamais plonger, te noyer. Tu restes celui qui ne change pas. La valeur sûre. Comme les mots qui brûlaient tes lèvres parfois sans jamais en sortir, étouffés par ta passivité, ton abstinence. Tu te réfugiais alors dans un territoire sécurisé, connu sur le bout des doigts, et dont chaque centimètre t’appartenait.
Un jour, la lâcheté fera de toi un petit pantin souriant, un funambule maladroit qui, dès le premier pas, ratera son fil et s’écrasera sur le sol. Mais jusque là, tu te contenteras de fumer tranquillement ta mince cigarette à l’odeur sobre, en écoutant les clapotis des existences qui fourmillent autour de la tienne. Tu te contenteras de regarder en souriant doucement les autres forger petit à petit une place dans ta mémoire, tout en ne les approchant jamais. Tu te contenteras de t’étonner en voyant certaines existences s’immiscer sans douceur. Et en même temps, tu en seras heureux. Après. Le temps d’abaisser ta fierté en béton. Le temps de voir la chance passer.
De voir le petit diable rouge s’en aller, comme une invitation à le suivre. A lui courir après, à attraper sa main, à jouer au poisson facilement attrapé.
Et tout en soupirant, il éteignit sa cigarette et sortit du restaurant, suivant les pas de l’enfant volage, qui s’était assuré son regard pour s’enfuir aussitôt, comme une demoiselle taquine, en robe blanche et avec un coucher de soleil en arrière plan. Mais il n’y avait ni robe ni coucher de soleil, juste ses doigts qui s’accrochèrent à son épaule. Une si petite épaule, aux airs si fragiles. Aux airs enfantins. Petit lutin rosé que l’on imagine toujours souriant, toujours un peu vicieux, toujours heureux. Jamais changeant, comme lui.
« Hé… ! »
Et il le retourna, pour avoir droit à son visage. Et sa voix se cassa, de surprise. Et sa main quitta son épaule, de rejet. Qui était-ce ? Ce n’était pas l’enfant taquin qui s’était collé à lui, avec des airs de catin mignonne, qui avait mangé ses gâteaux comme s’il s’était agi d’un fruit où on peut planter ses dents et qu’on peut tripoter de ses doigts gourmands. Ce n’était pas le gosse qui avait laissé une note improbable sous une mince pile de factures et qui lui avait offert quelques secondes de joie moqueuse lorsqu’il avait trouvé ce petit bout de papier, le lendemain. Ce n’était pas celui qui lui devait une télécommande.
Il posa une main incertaine sur sa joue. Elle était froide. Ou chaude. Il n’en savait rien.
« Tu as les yeux rouges, c’est drôle. »
Non, ce n’était pas drôle et il le savait. Sa voix douce le savait aussi, s’emmitouflant dans un ton grave. Avait-il pleuré ? Ou juste passé des heures devant un écran noir tacheté de pixels multicolores ? Il avait l’air d’un enfant perdu qui cherche un bonheur lointain. Triste jour. Il plongea sa main dans les mèches noires et les caressa un peu, comme pour le consoler.
« Veux-tu que je te tienne compagnie, un peu ? »
Les mots étaient sortis par habitude. Il les disait souvent. Voulez-vous qu’on en parle ? Tu peux te plaindre, je suis là pour ça. Avec les inconnus. Avec ses amis. Avec Vito. Avec Maddox. Alors pourquoi pas avec le petit diable qui ressemblait à un petit ange déchu qu’on avait jeté du Paradis et qui pleure la rougeur de ses regrets.
Et parce qu’au fond, tu le savais. Tu savais que la vie cesserait de t’écorcher pendant quelques heures.
A melody softly soaring through my atmosphere
Dernière édition par Erwin W. Meister le Lun 13 Sep - 2:23, édité 1 fois
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Dim 12 Sep - 19:51
Mais toi tu ne peux pas rattraper le manque, Sôma, tu sais. Tu ne peux pas simplement dévaler la pente, comme si c’était un caprice un peu bref, un peu dangereux. Tu ne peux rien combler. Tu n’en as pas la force. Tes doigts sont faits pour la déchirure, la séparation, rien de plus. Et alors tu pleures un peu. Et alors tu as pleuré toutes les peurs du fragment de petit être qui loge un peu trop profond en toi, et tu penses que les trop, il y en a souvent, que les un peu aussi, presque aussi souvent. Tu te dis que c’est pire que les rêves que tu n’as jamais eus. Et maintenant tu as peur que tes pas fuient avec toi trop loin, qu’ils t’emportent au-delà de ce que tes yeux peuvent imaginer, qu’ils te trahissent comme ils le font souvent. Mais ils sont devenus lourds tes pas, tu sais, d’un poids que tu ne pensais pas avoir à porter. Ils t’auraient volontiers fait fuir. Parce que l’homme t’effleurait la peau. Ils t’auraient volontiers trahi. Mais ils étaient si lourds.
T’avait-il rattrapé ? Et ses pas, avaient-ils suivi les tiens ? Graverais-tu à présent le son du moindre de ses mouvements sur les pavés disproportionnés du trottoir dans ta mémoire défaillante, Sôma ?
Et tu te dis qu’il n y a que ça, pour l’instant. Seulement ça. Le contact qui t’avait fait basculer. La vie entre une seconde et une autre. Le regard qui se lève. Et tu bascules. Et voilà, c’était fini, c’était décidé, révolu. C’était ce visage-là et tu avais un peu honte. Et tu rougissais un peu d’avoir trouvé là ce que tu étais venu quémander. Mais cette fois sans agressivité. Aucune trace d’obscénité. Une demande sans fond. Sans justification. Une demande que tu ne comprenais pas, que tu ne comprendrais jamais. Et c’était un sourire que tu ravalais avec les mots mâchés de la veille. Un sourire qui aurait pu sembler déplacé, qui l’aurait certainement été. Un sourire qui serait réellement, cruellement douloureux.
Une main grande sur cette épaule qui tremblait déjà la veille, convulsée par tes affreuses visions enfantines, les monstres dans l’armoire, le reflet des peurs dans la glace déformée d’un miroir. Un murmure comme de ceux qui t’avaient fait rougir. Hé. Hé toi, là, est-ce que tu vas bien ? Il n y a pas de monstres, tu sais ? Il y a les lumières. Les premières lumières de nos premiers échanges de mots. Les lumières d’un premier baiser aux échos irrités. Il y a les lumières auxquelles tu as réellement cru, pauvre petite chose. Mais la voix se fane un peu sur ses cordes, la main quitte les contours de ses tremblements instables. Un rejet. Le rejet d’un visage qui ne serait pas sa faute. Mais c’est pas ma faute, tu sais. Le sourire que ses doigts auraient pu étirer sur ton visage.
Un contact aux relents humains, un contact silencieux qui ne voulait certainement rien dire. Une fissure dans le froid d’une journée insupportablement grise. Le regard qui fuit. Les doigts qui tremblent un peu. Une fraction de seconde. Et il croyait basculer encore.
N’enlève pas ta main, Erwin Wolfgang Meister.
Et qu’est ce que tu pouvais bien répondre ? Qu’est ce que tu pouvais ajouter d’inconvenant à la constatation qu’il venait d’émettre, avec une sorte de tendresse indifférente. Et merde, encore. Et merde sur toi, le vieux. Vraiment. Et tu as les yeux rouges, petit diable aux sourires sans intentions. Oui, tu le sais. Oui, ça t’agace. Ça te donne envie d’hurler, de faire des bêtises, de laisser des traces, ça te donne des envies de mensonges et des sensibleries capricieuses. Non, en fait. Je n’ai pas les yeux rouges, c’est ton imagination.
L’indifférence s’approfondit lentement sur ta peau écorchée par le froid. Il bouge doucement une mèche de cheveux qui fond entre ses doigts. Et alors il provoque finalement un sourire. Le sourire que ses doigts étirent sur ton visage. Un sourire un peu laid sur un visage traversé par une puérile douleur d’enfant, un que tu n’as pas forcé.
Oui, oui, oui. Parce que moi je suis venu pour ça, Erwin Wolfgang Meister. Pour cette main sur ta peau, un peu. Pour peu qu’on eût été doux avec toi, et tu aurais hurlé N’importe qui. En ce moment précis, c’avait été lui. Ça n’avait pas été n’importe qui. Et il pourrait bien mentir. Il pourrait bien jouer. Il pourrait bien ne pas croire ces yeux fragiles et douloureux qui se posaient sur lui. Des mots teintés d’ironie, encore, que vous ne pensez pas. Il pourrait bien. Mais toi tu l’aurais cru. Tu l’aurais voulu, et tu aurais dit Oui, oui, oui. Trois fois. Comme un aveu muet confessé à toi-même.
Ton regard déjà posé sur lui s’échappe un instant malgré toi. De crainte. Vers le ciel gris. Et le gris est froid. Et tu frissonnes doucement.
« Viens avec moi. »
Et viens, viens, viens. Impératif. C’est un ordre, une obligation. Et je t’impose. Et je t’engage. Tant pis pour toi. Viens n’importe où. Quelque part où ta main sera toujours posée sur sa peau, le temps qu’il aille un peu mieux, le temps qu’il chasse une douce faiblesse qui le faisait pencher. Et le besoin d’un contact était en lui-même une faiblesse. Mais c’est un n’importe où précis qu’il faut donner. Parce que le vague fait fuir, le flou est cruellement repoussant pour les hommes de la terre, les hommes du quotidien. Il faut une précision, il faut un nom, il faut une indication. Sinon ça marche pas. Sinon ça tient pas debout. Et toi tu veux que ça marche, le temps que tu te dises que tu n’aurais plus jamais cette impuissance, le temps que l’épuisement soit atteint.
« Regarder quelque chose. »
Images fabriquées qu’il pouvait appréhender sans craindre une douleur ou une perte.
« Viens avec moi au cinéma. »
Il y fait noir. Il y fait doux. Et le silence allonge chaque instant. Et dans l’ombre tu ne verras plus ses yeux rouges.
Erwin W. Meister
Fondatrices
MESSAGES : 186
AGE : 30
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Lun 11 Oct - 18:42
On aurait dit qu’il avait ramené avec lui une nuit de souvenirs, une nuit qui avait cassé la monotonie bien calculée de sa vie. Malgré ses yeux un peu rouges, malgré sa tristesse floue, dont il ne voyait pas les racines, lui qui connaissait à peine les feuilles, en essayant de caresser les branches. Mais ce petit lutin s’était planté en pleins sables mouvants et chaque mauvais pas pouvait le faire se noyer dans des grains aussi jaunes que lui pouvait être rouge. Rouge sang, rouge amour, rouge chagrin, rouge tout simplement. Et cette petite statuette en larmes et en espoirs avait l’air de se tenir péniblement sur ses pieds, tout en rêvant de grandes enjambées vers un chemin à peine tracé. Petit diable aux airs larmoyants, de quoi rêvais-tu ? Pour qui pleurais-tu ? Il avait l’air si pathétique, si fragile, sous ses doigts presque tendres. Il l’aurait volontiers pris dans ses bras et caressé lentement jusqu’à son chagrin s’évapore, nuage de vapeur cotonneux et vague, mais il ne pouvait pas. Parce qu’on n’enlace pas un gamin en pleine rue pendant de longues minutes. Même si ce n’était pas une excuse valable. C’était surtout parce qu’il savait bien que ça ne servirait pas à grand-chose. Il n’avait pas fait couler ces larmes, il ne pouvait pas les effacer. C’était la source même de son malheur d’enfant qu’il fallait tuer. Lui était juste un passe-temps, rien de plus. Il s’était habitué.
Un sourire se dessina maladroitement sur les lèvres qu’il devinait un peu froides, un peu sèches. Un sourire qui l’attrista plus qu’autre chose. Pourquoi était-on capable de jeter de tels sourires, arrachés sur une bouche qui ne désirait peut-être que des sanglots ? Mais il n’imaginait pas ce petit bout d’homme, pas vraiment efféminé, sangloter des heures durant. Il était fait pour rire, se moquer, persifler quelques méchancetés pour s’en rependre après, dans des câlins d’enfant insolent. Finalement, il l’aimait bien. Même après juste une nuit et quelques minutes. Et après, cela s’accentuerait. Encore et encore. Il le savait. Avec cet ordre qui le faisait rire doucement, sous cape. Cette invitation en réponse à la sienne. A cet instant-là, devant ses yeux rouges, ses paupières fragiles et cet air gris, Erwin l’aurait suivi sans rien dire, n’importe où. Même au bout de la nuit, entre des heures ratées et des minutes bâclées. Tant que lui s’amusait, et égayait ses iris d’un noisette aux reflets rouges. Et à la fin de la journée, l’acte se clorait et il ne resterait que des petites parcelles de bêtises, d’erreurs douces, qui traverseraient sa poitrine et lui ferait encore plus apprécier ces épaules étroites incapables de soutenir quelqu’un d’autre que lui-même. Et sur quelle porte ils finiraient, ça ne l’intéressait pas. Ils arriveraient quelque part, sans doute. Rien ne valait le moment présent.
Rien ne valait ses paroles lancées comme une aumône timide, presque méchante. Mais lui n’avait rien de méchant, pas même un regard ou un geste. Il offrait juste son invitation vague, sans doute préparée à l’avance. Avait-il déjà pensé à revenir ? A l’emmener regarder quelque chose, au cinéma ? Dans le noir, les yeux rivés sur un écran, il ne verrait plus sa mèche ignoble – et délicieuse -, ses yeux francs et un peu tristes, ses lèvres qui ne demandaient qu’un baiser, ou deux, ou plus. Oui, plus. Il cligna des yeux. Eut de nouveau un petit rire doux. Il était peut-être incapable d’avoir une relation simple avec quelqu’un. Avec CE quelqu’un en tout cas.
Il se baissa un peu et effleura lentement, légèrement ses lèvres puis ses joues et en profita pour murmurer, dans une indifférence qui lui était propre : « Comme tu veux. » Une indifférence qu’adoptait sa voix sans qu’il n’y pense, sans qu’il ne la maquille ou qu’il ne réfléchisse à lui donner une autre forme. Elle venait seule sur sa bouche, naturellement. Il aurait pu dire n’importe quoi du « Va te faire ****** » au « Je t’aime », en passant par : « Faut acheter de la farine », son ton aurait été le même. Horriblement même. On finissait par s’y habituer. Mais cela pouvait étonner, aux premiers temps. Surtout qu’il affichait un air tout à fait simple, sans signal, sans rien qui puisse prouver que ce léger baiser avait une quelconque signification à ses yeux. Pas même une petite pincée de sentiments dans ses iris sombres ou sur son visage lisse.
Il sortit son téléphone portable de la poche de son pantalon noir, et après quelques clics tactiles, il colla l’appareil à son oreille et une voix féminine décrocha dans un flot de questionnements qui pouvaient être résumés en une seule question : « Où es-tu ? » Il arrêta la voix en déclarant qu’il prenait sa journée et qu’il rentrerait à la fermeture. Et il lui raccrocha au nez, en remettant le téléphone dans sa poche et en se concentrant sur l’enfant, qu’il n’avait pas cessé de fixer un peu indifféremment. L’enfant…
« Ah ! » Il lui attrapa le bras par instinct, ou sur l’instant. Peut-être craignait-il qu’il ne s’enfuie encore. « Ton nom. »Sauf si tu préfères que je continue à t’appeler ‘Gamin’… Il s’imaginait mal avoir une relation avec quelqu’un (ou quelque chose…) sans même avoir son prénom ! Mensonge ? Oui, sans aucun doute. Il n’avait jamais eu besoin d’un nom pour fourrer quelqu’un dans son lit ou entrer dans le sien. Chez lui, se rappeler du nom d’une personne mettait cette dernière sur un niveau supérieur aux autres, aux inconnus, à la foule, au peuple, au monde. Connaître et se souvenir du nom de cette boule de feu pleurnicharde serait une sorte de première pour lui qui ne classait que des identités bien définies, choisies minutieusement. Au cas par cas, dirons-nous.
Et pour être un cas, le damoiseau au petit corps fluet était un cas.
Spoiler:
Je sais que tu voulais que Sôma donne son nom à la fin mais c'est un peu anormal qu'Erwin s'intéresse à quelqu'un et ne demande pas son nom ! Tu peux toujours faire en sorte que Sôma l'ignore 8DDD
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Dim 20 Mar - 18:32
Spoiler:
Pardon pardon pardon, c'est tellement pourri. Comme tu sais j'ai arrêté le rp et avant de reprendre le rythme je vais passer par une phase "caca-concentré" Q__Q Je tenais à ce que ce soit mon premier re-post cependant.
Des fois tu sais, un sourire suffit. Surtout pour toi, Sôma. D’ailleurs, n’importe quoi aurait suffi, tant que c’était à toi, tant que c’était humain. Et finalement tu l’aurais bien aimé, ce sourire, ce visage, cette erreur commise aux premières lueurs du jour, tu l’aurais aimée, comme un fou, passionnément, parce qu’elle aura été l’excuse, une raison à la douceur, une sorte d’alibi. J’allais mal et je suis allé le voir. Peut-être une confession, le sentiment de grandir, brutal et sans annonce. Les premières ficelles d’un lien, aussi, pourquoi pas, on aime bien y croire. Aussi fragiles qu’un regard de toi. Un lien différent de celui que tu connais, que tu comprends, que tu apprendrais comme un enfant apprend à bafouer les promesses obligées. Un semblant de deuxième espérance qui serait un peu plus puissante que du désir.
Et c’est comme tu veux, Sôma. Aujourd’hui tu décides, tu le sais, tu en avais décidé ainsi. Tu avais décidé d’aimer ce baiser et de le ravaler, de l’appeler ‘Caresse’ car il l’était un peu, cette caresse brève qui se serait trompé d’endroit. Tu voulais y croire que ça n’avait pas de sens. Tu sais, les hommes nouveaux, les hommes aux voix douces et graves comme le goût des vieilles cigarettes embrassent comme le vent, embrassent parce qu’on le veut bien, comme on le voudrait bien, mais avais-tu des lèvres à demander leurs baisers ? Un peu, peut-être, tu ne pourrais pas choisir, et tu ne pourrais pas nier. Car à son baiser et presque étonné tu te rends compte que tu t’es un peu penché. Haussé cette taille sur la pointe des pieds, très légèrement. Comme si tu voulais atteindre encore un truc un peu trop haut, un peu hors de portée. Un peu comme un « Encore » aux consonassions muettes, une énième preuve d’indécence.
C’est comme tu veux. La première réponse à un caprice qui ne serait pas un rejet, enfin, douloureuse à t’en faire regretter tes verbes trop définitifs. Après cette caresse plus rien ne serait donné, c’est ce qu’on pense toujours lorsqu’on croit qu’on a trop pris. Le chagrin attendri passait légèrement et tu commences à regretter. Cet homme auquel tu serais revenu était sans identité. Cet homme auquel tu quémandais des baisers n’était que coordonnées et tu en as un peu honte juste au fond. L’erreur inavouable. Tu n’aurais jamais dû, jamais dû, jamais dû. Mais c’était trop tard, c’est toujours trop tard après les larmes, on ne peut jamais les ravaler. Et au fond, tu ne voulais peut-être pas, tu ne voulais pas regretter cette erreur.
Tes lèvres murmurent doucement la réponse, ultime et irréversible, la réponse à ne jamais retirer. Très bas, si bas. Comme tu veux. Mais l’homme s’était brusquement détourné. Il prenait un appareil et bientôt les yeux de Sôma s’étaient posés sur lui, curieux et inquisiteurs. Il parlait en le fixant. Son regard d’ébène ne cilla pas, glacial et sans lueur. Tu ne baisses plus les yeux.
Très vite il avait fini, et lorsque sa main remit l’appareil à sa place, curieusement ton cœur avait raté un battement. L’exclamation trop brusque, et toute son indifférence éclata en morceaux. Tu avais hoqueté mais il ne l’avait sans doute pas remarqué, seulement il avait pris ton bras et ce contact était presque paternel. Et puis la demande sans verbe, l’imprévue, celle que tu aurais délibérément fui avec une arrogance d’enfant.
« Ton nom. »
Ton nom. Tu affiches ce visage entre le vrai et le faux, à défaut de pouvoir t’en fabriquer un si rapidement sous surprise. Il t’avait bien brusqué, le vieux con. Les dernières rumeurs de larmes dans ta voix peinaient à s’envoler, et tu ne sais plus si tes yeux sont encore rouges. Au fond, tu t’en fous un peu maintenant. Un dernier soupir et ton sourire s’effrite finalement. Tu avais ressenti comme un petit craquement, la peau qui se rétracte, une grimace à jamais partie dans des nuances de gris matinal.
« Mais c’est bien joli ça. Je te l’ai déjà dit la dernière fois, sale vieil amnésique. »
Peut-être était-ce une phrase à ne jamais prononcer lorsque la voix est zébrée par les pleurs. Mais c’était déjà l’heure des reproches que l’on ment, plus de tristesses, ça aurait trop duré et avec toi rien ne dure. Jamais tu n’aurais retiré ton bras et ton sourire s’était fait plus large et moins faux. Et finalement dans un élan de brusque confiance tu t’étais accroché à ce bras. Et comme un enfant tu avais ri à pleines dents, ce rire comme une découverte. La tempête semblait se calmer. Faisait comme si. Et toi en attendant tu souriais à nouveau, après les regrets vite passés.
« Oh ça n’a pas d’importance. Partons, partons. »
De ton regard qui se lève vers lui à une brutale envie d’ailleurs. Pas bien loin. Juste assez loin des bureaux de Milan qu’on ne pouvait désespérément plus fuir. Tu savais toi, Sôma, que ce n’était pas ce genre de choses qu’il fallait demander aux autres. Ni par loisir ni en amour. Partir est un verbe amoureux et tu le savais plus que tout. Tu n’étais simplement plus en mesure de peser les phrases, il fallait agir avant de réfléchir car sinon cet homme allait s’envoler.
« Emmène-moi, je ne connais pas la ville. »
Un autre mensonge et tu t’étais déjà senti si fier de grandir en étant capricieux. De grandir à ses côtés l’espace d’une journée sans vraiment trop se le reprocher. Parce que peut-être que, finalement, les étrangers donnent un amour bref et moins dangereux.
Erwin W. Meister
Fondatrices
MESSAGES : 186
AGE : 30
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Mer 23 Mar - 21:13
Il ne s’était jamais trompé sur la nature de ses sentiments. Jamais il ne s’était posé de questions sur ce qui aurait pu manger son cœur, le tirailler, le bombarder de doutes et de malaises. Il savait parfaitement ce qu’il ressentait, et la nature de ce qu’il couvait en lui. Il savait la signification de chacun de ses gestes, ceux qui avaient de l’importance, ceux qui n’en avaient pas et ceux qui n’en auraient jamais. Il savait. Mais nous parlons d’Erwin, pas de Luisa. Erwin savait, certes et il pouvait en être fier. Chaque romance se base sur l’un des deux qui ne capte rien de lui-même, vous voyez ? Erwin captait. Mais parfois… assez mal. Voire pas du tout. Dit comme ça, c’est presque comique, n’est-ce pas ? On s’imagine un grand bonhomme, un peu intelligent, un peu bête et c’est censé donner un délicieux garçon, entre le gentleman bien-aimé et l’homme moderne pseudo-sauvage. Avec lui, l’image virait à 180°. Lui, un gentleman ? Un homme –ahem- moderne ? Un sauvage ? Rien de tout cela !
Erwin était juste… peu clairvoyant. Il savait que sa caresse, son presque baiser n’était ni une maladresse ni un geste fortuit, qui s’était fait par une sorte d’enchaînement astral bizarre et dans lequel il n’avait aucun rôle. Non. Mais le fait est que pour lui, ce geste n’avait pas de réel sens. Il ne se posait pas de question. Si c’était un signe de son «affection» ou un simple jeu, il ne s’y attardait pas. Il n’avait même pas porté attention à sa réaction. Était-il étonné, amusé ? Il n’avait vu que sa pâleur toujours un peu triste, ses yeux rougis. Et peut-être était-ce mieux. Peut-être que ça les sauvait, de la vie, de ce qui les attendait, ce qu’il y avait là et qu’ils ne voient que trop ou pas assez clairement. Et entre nous, autant qu’ils ne l’apprennent jamais, vous ne pensez pas ?
Sa main tenant toujours fermement le bras, il fixait ce petit lutin étrange. Comme par habitude, comme s’il finissait par le faire. Comme une fatalité. Il suffisait que ses yeux s’attardent un peu trop sur ses mèches, sa peau, ses lèvres… pour qu’il ne les lève plus et qu’ils continuent à se perdre, s’obscurcir, devenir presque flous. Il sentait ses doigts s’alourdir. C’était ridicule. Tout ça était ridicule. Lui, au milieu de la rue, tenant ainsi un gamin aux airs de mauvais rebelle. Il pouvait imaginer les remarques des passants, les petits rires, les sous-entendus. Mais, étrangement, cette même existence, qui ne cessait de lui causer souci sur souci, n’éveillait en lui aucune hostilité. Juste un petit pincement. Juste…
« Mais c’est bien joli ça. Je te l’ai déjà dit la dernière fois, sale vieil amnésique. »
Il avait des larmes dans la voix. Erwin avait l’habitude. Mais ça collait si peu. On aurait dit un enfant orgueilleux, qui s’évertue à garder une certaine contenance, une attitude pré-faite. Il ne pouvait pas dire si être plus honnête l’aiderait. L’aider à quoi, d’ailleurs ? Il n’en savait rien. Il ne savait rien sur ce petit bout d’homme, qui ne faisait que le défier à coup de mots acérés et de critiques enfantines. Que pensait-il réellement ? Que voulait-il ? Les mots offraient si peu de réponses et même encore plus de questions. La liste s’allongeait et elle se perdait, parce qu’Erwin n’était pas de ces esprits scientifiques ou mathématiques qui s’accrochent à un problème jusqu’à en extraire une solution. Non, pour Erwin, pas de solution, pas de problème. Aussi simple que ça. Aussi infini et interminable que ça. Puis, il y avait ce geste, en retour. Et ce rire. Erwin était comme bouffé par une surprise douce et inconnue. A la fois glacial et brûlant, son rire plantait en lui une sensation bizarre. Sa main lui brûlait le bras et la sienne, toujours serrée, semblait hésiter. Ses yeux passaient de sa bouche rieuse, à sa nuque. Et l’envie de monter ses doigts jusqu’à eux l’effrayait. Ca n’avait rien d’habituel. Il n’aimait pas ça. Ou peut-être que si. Le rire s’était arrêté, heureusement. Une seconde de plus et il n’aurait pas résisté. Drôle de mot, résister. Comme si c’était… mal, faux. L’était-ce ?
« Oh ça n’a pas d’importance. »
Il avait raison. Ça n’avait pas d’importance. A quoi bon ? Que ce soit bien ou non, qui donc allait en discuter ? Personne. Ni Erwin, ni le petit lutin qui ne voulait pas donner son nom. Car Erwin en était certain, il ne le lui avait pas donné. Ou peut-être que si, finalement et qu’il n’avait pas retenu, pas entendu, pas lu. Peut-être.
« Partons, partons. »
Il sourit. Ce gosse aux airs Rimbaldiens voulait partir. Ca ressemblait à une prière, une plainte. Une résolution. Quelque chose qu’il n’entendait que dans les films ou les longs romans compliqués. Il avait presque peur. Que faisait-il ? Bon dieu, que faisait-il là, avec cet enfant, au lieu de s’occuper du restaurant, de son train-train ? Ou était-ce le contraire ? Il détestait avoir à douter. Douter de vingt-sept ans de vie «normale».
Le regard qui s’était posé sur lui le mettait presque mal à l’aise. Partir. Partir ? N’était-ce pas aussi ce verbe adoré des Juliette et des Roméo ? Partons. Il essaya de chercher une réponse dans les iris rouge brun mais rien. Rien qui ne pouvait faire cesser ses doutes affamés.
« Emmène-moi, je ne connais pas la ville. »
Merde. Était-il sérieusement en train de lui sortir les pires répliques des héros d’Arlequin ?! Il soupira, ni par ennui ni par fatigue mais par pure incompréhension. C’était quoi, cette boule rouge et noire, qui aimait sortir des énigmes, le jeter dans des labyrinthes et le laisser là, béatement et surtout faussement indifférent et stoïque, comme un papa habitué aux conneries, comme un grand homme.
Il inspira. Du genre, «je vais faire une connerie mais j’assume».
Il rompit le contact avec le petit lutin, le temps d’une seconde, pour lui attraper la main, et courir. Ou plutôt marcher à grands pas, pas de géant, pas de celui qui fuit, qui «part». Roméo pathétique qui prit son étrange Juliette vers une petite voiture grise, qui sortit une clef et bien vite ouvrit une porte. Il poussa brutalement la petite amoureuse, la petite princesse échappée de je-ne-sais quel palais, royaume mystique ou trou perdu, à l’intérieur et ferma derrière elle la porte. Il s’en alla de l’autre côté et entra à l’intérieur.
« Mets ta ceinture.» fit-il en attachant la sienne, avant de démarrer la voiture.
L’odeur de cigarette était là, comme toujours. Une légère senteur de parfum de femme, aussi. Toute une vie, un quotidien que cette présence à la fois discrète et monstrueuse de dangerosité cassait irrémédiablement, à jamais.
Et Erwin, qui conduisait l’air à peine perturbé, cet Erwin mal fait, presque barbouillé… le savait-il ? Savait-il le sens de son silence ?
Petit lutin aux airs tristes, si tu en doutes, tu n’aurais pas tort. L’empreinte des jours n’a jamais tort. Et surtout pas la leur.
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Dim 15 Mai - 9:39
Spoiler:
Pardon pour ce... Ce truc. XD
Le compte à rebours était déjà déclenché. Et l’enfant sans repères se réjouissait presque de ce cap dépassé, d’un point de non retour comme un soulagement. Il se disait qu’il ne pouvait plus faire marche arrière, plus maintenant. Que l’autre s’était déjà résigné à l’accepter. Et que tout n’aura pas été vain. Ni ses larmes ni son détour. Que toutes les peurs qui le faisaient trembler prenaient une forme, avaient finalement un sens.
Un jour tu avais décidé de fuir, pas comme d’habitude, pas comme les enfants fugitifs de la colère, les rebelles du quotidien, mais de fuir passionnément, tout simplement, vers d’autres bras. Fuir vers l’amour, en quelque sorte. Et tu ne savais pas pourquoi c’était cet homme-là, tu ne voulais pas le savoir, ça n’avait pas d’importance. Tu savais seulement qu’à cet instant ça en valait la peine, ça en valait toutes les peines du monde et encore plus. Parce que tu avais trouvé une main qui prenait la tienne sans la relâcher, un peu sans raison. Rien ne valait la joie d’un accord après la peur, pas même le grand bonheur. Le grand bonheur était trop large et étendu, on en parlait trop dans les livres et il parait même qu’il consume des vies. Et tu en avais peur. Et au fond c’était ça, c’était les petites joies comme celle-là qui décidaient de ton bonheur. Pendant quelque temps tu avais été heureux, et tu le seras encore un peu jusqu’à ce qu’il s’en aille. Tu le seras encore un peu après le coucher du soleil, tu auras des souvenirs au-delà de l’aube de demain et ce sera un peu comme si tu t’appropriais finalement une mémoire, que ta vie, Sôma, n’était pas à voler, qu’elle était à vivre, à prendre ou à laisser.
Tu l’avais laissé être brutal, et tu lui avais obéi. Ceinture attachée, genoux nerveusement liés, la joue contre la vitre et le sourire qui se perd. Ça sentait bon la cigarette, les femmes d’un soir et la vie qui se répète. Ça sentait aussi un peu les calendriers à douze mois, la tristesse des cases non entourées qui n’auraient pour prénom qu’un énième chiffre de plus. Cette voiture aussi sentait triste, comme le témoin d’une tromperie amoureuse chaque jour répétée. Cette voiture semblait n’avoir jamais roulé sur les routes d’un voyage au vent, jamais brûlé à plein gaz pour des horizons sans frontières. Elle avait cette forme un peu bête et trapue des voitures qu’on conduit pour aller au boulot, ou alors passer chercher les gosses à la garderie.
Erwin aussi avait un peu cet air.
Comment était-il avant de tomber dans le quotidien ? Avait-il jamais été adolescent ? Il lui avait caressé la joue et plus jamais cette caresse ne serait fugace, et si elle l’avait été ce n’aurait certainement été que le caprice de ton imagination. C’était une caresse calme et insensée d’un adulte un peu pris en pitié, pris au dépourvu. C’était la caresse de l’expérience. La tendresse adolescente est brève et douloureusement profonde et agressive. Erwin Wolfgang Meister avait perdu de cette brièveté. Ça se ressentait et tu avais de plus en plus envie de le connaitre adolescent. Aurait-il simplement accepté de t’accompagner, s’il l’avait été ? L’aurais-tu simplement regardé alors, Sôma ? Probablement pas, tu sais.
« Tu as la radio ? »
Le silence avait déraillé ta voix, et sans attendre de réponse tes doigts s’étaient tendus, tu t’aventurais déjà dans le deuxième espace intime qu’un homme du régulier pouvait avoir, tu tâtonnais encore à la recherche d’une nouvelle surprise. Il fallait de la musique, il fallait baisser les vitres et se laisser aller, les cheveux au vent, et alors tu l’avais brièvement regardé et ta main avait appuyé un bouton, puis un autre, jusqu’à ce qu’un air de guitare roule sur le silence.
Et très vite la vitre s’était retirée, le vent t’avait frappé le visage, balayé les odeurs de femme, le triste souvenir d’une fumée de cigarette, et les yeux fermés tu avais ri de cette médiocre simulation. Le rêve d’un long, long voyage.
« Prends le chemin le plus long d’accord ? »
La voix légèrement plus forte, au dessus du vent et de la musique, l’accent aigu des tempêtes passées. Les paysages devaient légèrement changer.
Erwin W. Meister
Fondatrices
MESSAGES : 186
AGE : 30
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Mer 7 Sep - 21:57
Spoiler:
Je déteste mon post. J'aurais voulu ne jamais le poster TT
Le vent dans tes cheveux défaits Comme un printemps sur mon trajet
Le temps des remords était-il déjà enclenché ? Le temps des gens qui savent ce qu’ils font, qui marchandent leur joie, qui mettent un prix sur leur bonheur et qui sont trop pauvres pour l’acheter. Le temps des rêves révolus et des réveils brutaux, dont on ne se relève jamais. Y pensais-tu, Erwin ? Pensais-tu à ce qui t’attendait après ? Après les yeux délicatement rouges, les lèvres douces, les lamentations silencieuses. Quand tu aurais remarqué qu’il n’y avait pas qu’un mirage un peu trop étrange dans ta voiture grise, mais aussi un gamin sans nom et sans histoire. Un inconnu. Quel méchant mot qui résumait toutes tes peurs, toutes tes questions, toutes tes anticipations pessimistes. Celles qui ne te tiraillaient pas et qui devraient exister, au moins pour rassurer le monde – et toi-même – sur ton état. Pour t’éloigner le plus possible. A te jeter de la falaise de ton inconscience, tu risques de te noyer dans l’océan de la vie qui continue. Pas celle que tu as bien érigée, entre quatre murs, quelques personnes et peu de surprises. Celle qui est dehors, comme un grand X dans une équation que tu ne comprends pas. Que tu ne vois pas. Pas encore. Bientôt.
Ses doigts se crispèrent sur le volant. Il reconnaissait vite l’odeur habituelle de ses cigarettes et celle du parfum n’en ressortit que plus fort. Elle aussi aurait dû lui être ordinaire, quasiment naturelle. Une odeur piquante et désagréable de passante Baudelairienne, d’inconnue qui découvre un début de mollet et tout le reste plus tard. Un léger arrière-goût d’amertume le prit un peu à la gorge, tout soudainement. Il baissa légèrement la fenêtre, si légèrement que c’en était ridicule, espérant secrètement que l’odeur s’en aille et le souvenir vague avec. Il ne lui restait que la sensation d’une peau sur une autre et la satisfaction presque malsaine de la monotonie respectée. Sa vie, c’était tout un programme à suivre, à enchainer. À briser, comme il le faisait. Avec son lutin plus rouge aujourd’hui qu’avant. Peut-être rentrait-il « normal », sans rien de changé. Peut-être qu’il pouvait espérer que l’espèce d’extraterrestre n’imprimerait pas ses bizarreries sur lui et ne laisserait aucune trace de cette déroute, une fuite contre l’horloge de son quotidien. Une révolte pittoresque, au résultat tremblant d’incertitudes. Quelque chose se brisait déjà. Quelque chose qu’il ne reconnaissait pas, qu’il ne voulait pas reconnaitre. Et tant mieux si son monstre au grand cœur et aux petites larmes n’avait pas de nom. Tant que le mal n’a pas de nom, il est encore inoffensif. Erwin pouvait espérer, dans un sourire indifférent, un regard un peu lointain, des gestes trop assurés, espérer en finir. Tout retourner, une page comme toutes les autres. Un baiser, des souvenirs vites effacés, une claque peut-être et le tour était joué. Le magicien pourrait s’incliner et le rideau s’abaisserait sur des acteurs satisfaits. Oh oui, Erwin pouvait faire ainsi, s’endormir longtemps dans ses illusions douçâtres et se réveiller en sursaut, comme d’un cauchemar. Menteur.
« Tu as la radio ? »
Il ne répondit pas, souriant sans le savoir. Sa voix le réveillait d’un lointain songe. Il voulait qu’il parle, encore, plus, toujours. Que les petites vibrations sucrées restent et s’impriment dans sa mémoire, pour les ressusciter plus tard. Merde. Ressaisis-toi, imbécile. Ses envies l’effrayaient, le terrorisaient, même. Était-il une sorte de gamine pré-pubère se pavanant devant sa première idylle factice ? Non. Certainement pas. Il allait répondre mais son inconnu aux yeux rouges n’avait pas attendu de réponse. Pourquoi ça ne l’étonnait pas ? Il tendait déjà ses mains vers l’appareil et le temps d’un instant, Erwin se rappelait un certain enfant assez inconscient, plutôt bavard, jouant avec… Merde, Erwin, tu t’enfonces. Un petit air de guitare monta de la radio. Il reconnut le vieux CD de sa mère, qui n’avait jamais quitté son lecteur. Un miracle que sa voiture soit assez vieille pour en avoir un. La chanson lui rappelait les rires de ses parents. Ça devait ressembler à ça, l’amour. Deux idiots qui chantent faux mais qui ne s’arrêtent pas. Il se sentait bien au-dessous de ça. Heureusement, ils étaient partis avant de voir leur rejeton s’amouracher d’un junkie désespérant et quasiment flirter avec un gamin qui devait avoir dix ans de moins que lui. Une catastrophe sociale et sentimentale. Il avait arrêté la bagarre, c’était déjà ça, hein ?
Le vent rentrait de plus en plus, il baissait la fenêtre. L’idée lui allait bien, avec ses airs de rebelle et d’amoureux de la liberté. Les petites rafales faisaient des vagues dans ses cheveux noirs et sa mèche rouge s’entremêlait au reste, tandis que son front se libérait un peu. S’il n’avait pas à fixer cette route remplie et bordélique, il serait resté à faire le contour de ses paupières closes, de son petit nez, de ses lèvres un peu rouges, de sa gorge presque trop offerte. Il se serait juste perdu sur lui, en lui.
Et ils auraient sans doute provoqué un accident de la route.
« Prends le chemin le plus long d’accord ? »
Le choc aurait peut-être été moins rude, plus naturel. Le verre entrant dans sa peau, sa tête frappant le volant, son cœur s’arrêtant, cela aurait été moins douloureux, plus facile à expliquer, à comprendre. Pourquoi prendre le chemin le plus long ? Pourquoi encore souffrir cette présence trop attirante, trop piquante, trop rouge ? Il regrettait le parfum de femme, maintenant que le vent lui ramenait celui de son monstre trop doux-amer. Il voulait la noirceur de la salle de cinéma et se vider l’esprit dans un écran trop éclatant, à écouter une histoire sans importance. Il fallait oublier. Oublier l’envie, le désir, la naissance de la folie. Parce que oui, c’était de la pure folie.
« Si tu veux, après le cinéma, on ira manger une glace. Ou boire un verre… enfin, un café, je pense pas que tu aies l’âge pour l’alcool. »
Une taquinerie, comme on enfonce une dague dans le sens inverse. Oui, Erwin, tu vas presque avoir trente ans, il ne doit pas en avoir encore dix-huit. Tu ne connais même pas son foutu nom. Est-ce qu’il existe vraiment ? Peut-être n’est-ce qu’un fantôme ? Peut-être que tu as atteint le fond ?
Tu es complètement fou, Erwin. Tu commences à chanter faux. Tu ris presque, de toi peut-être. Sans doute. Il le faut, au moins.
Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai.
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Mer 7 Sep - 23:49
C’était tout simplement ton souvenir le plus vif, après la naissance, l’unique sens de la vie ; un air de guitare, des airs de voyage, l’air dans les cheveux, tellement fort contre la gueule qu’on peut plus respirer. Et puis les airs un peu fragiles de ton visage, ton sourire qui voulait dire Mais oui, c’est ça, il avait suffit d’une simple phrase et te voilà enfin libre. Qui voulait dire que ça se trouvait simplement à portée de voix, à portée de larmes. Qui voulait tout dire, tout, tout, tout. Et toi tu sais, t’en aurais jamais rêvé, t’aurais jamais espéré qu’une voiture sur une route, une chanson étrangère et un homme de ceux qu’on n’aimerait jamais pouvaient te rappeler au bonheur, t’inviter à fermer les yeux et à mettre un nom sur ce que tu voulais à jamais être.
À jamais sur une route, là où on oublie tellement mieux.
Là où le sourire d’Erwin Wolfgang Meister serait à jamais le plus beau, le tout premier. Erwin avait souri, comme si les routes balayaient le tableau fixe qu’était son visage. Comme un miracle, des cheveux au vent qui rendraient un sourire possible. Son sourire, possible. Personne ne fuit la joie des refrains aux accents d’ailleurs, Erwin, personne n’échappe à la fièvre des longs voyages. Même ceux qui mènent à une salle de cinéma de banlieue. Mais non… Une salle de cinéma ça pouvait être loin, si loin…
Faisons en sorte qu’elle le soit, Erwin Meister.
Et puis haut et fort l’homme t’avait parlé, et tu avais détourné le visage vers son sourire, et tu t’étais accroché à ses mots, nouveaux et si futiles. Tes yeux s’agrandissaient. C’était une invitation, incroyable et maudite invitation. Oh, si je veux, mais je veux. Je veux tellement, pleinement, oui emmène-moi, qui que tu sois, ne rentrons pas, ne rentrons plus. Plus jamais, et tu ris. Très haut, tu ris.
« Mon âge… Mais si. »
Douloureux mensonge qu’il fallait inventer, qui sera peut-être cru, peut-être pas, au fond les deux s’en fichaient, les deux en riraient bien, surtout toi Sôma. Oui, toi qui ris si bien des détails, toi qui abhorres les chiffres, les comptes et les raisons. Allons boire un verre, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à ce que chacun de nous n’ait plus les lèvres à prononcer un verbe. Même si ton sang, Sôma, n’atteindra cruellement jamais l’ivresse. Allons-y déjà, et on pensera à l’âge après les fous rires, au mien comme au tien.
« Mais bien sûr que j’ai l’âge pour l’alcool. Et pour tout le reste, aussi. »
Moi, monsieur, j’ai l’âge à tout faire. Surtout ce qu’il ne faut pas.
« Alors oui. Oui, je veux. »
Gaspillons cette journée, d’accord. Qu’est-ce qu’on s’en fout d’appeler ça un gâchis, si le gâchis est tout ce qui fait les bons souvenirs. Quelle douce et belle folie, stupide Sôma, enfant Sôma. Tu ne le sais que trop bien, c’est les folies qui font vivre, ces moments-là où on dit pleinement, du fond du cœur et comme si ça en valait toutes les peines du monde ; Je veux.
Et alors le vent battait contre ta tête, à présent tournée vers lui, et faisaient valser tes cheveux, tes idées, toutes tes envies, entre un homme et un voyage. Tes doigts repoussaient lentement les mèches qui se bousculaient, tes lèvres happaient un cheveu de temps en temps, et les pointes de quelques mèchent te battaient contre les joues, les piquaient, te faisait sourire ; c’était si bon. Et les yeux grands ouverts, il n’y avait plus que lui ; un homme au volant. Celui qui avait bien aimé t’accorder une journée, à gré ou contre-gré, peut importe maintenant qu’il souriait. Maintenant que ses lèvres maladroitement suivaient le pas de ces paroles étranges et incertaines qui parlaient sans doute d’amour et de tourmente. Alors tu souris plus fort, si grand, un sourire comme un rire, encore plus beau. Et si tu avais connu la chanson tu aurais complété sa cadence. Oh et puis, au diable les fausses notes et les paroles massacrées, tu suivrais seulement la cadence de ses lèvres et tu chanterais avec lui.
Et vous voilà bien bêtes, ridicules et joyeux. Massacrer une chanson n’avait jamais été aussi drôle qu’avec Erwin Meister, et tu ne l’oublierais plus jamais, cette belle chanson, cet air de guitare, la voix du chanteur écrasée par votre maladresse, il fallait tout oser, tout faire, tout garder. Éperdument, comme le rire que tu avais déployé.
« Je n’avais jamais si bien chanté ! Tu sais… »
La voiture roulait toujours. La musique aussi, comme toutes tes envies. Il fallait bien être fou et s’appeler Sôma pour encore rire après cette bêtise, et dire des compliments, dire des gentillesses qui ne brûleraient pas la gorge.
« Tu es vraiment gentil. »
Oui, il fallait être fou.
Et tu voulais tellement que ça dure plus que ça, que ça dure à jamais, peut-être, mon dieu c’était infiniment court. Tu voulais tellement que la route prenne des dérapages étranges, pénètre des tunnels, se fasse des ailes ou fonce droit sur un mur, le traversant vers d’autres villes encore, qui seraient tellement plus loin. Tu aurais pris le plan de cette maudite ville et tu aurais barré tous ses raccourcis, toutes ses autoroutes.
La façade du cinéma se profilait alors que le lecteur passait d’un air à un autre, beaucoup moins étrange et attirant.
Le voyage ne serait jamais vraiment long.
« Le chemin le plus long a quand même été vachement court. »
Le clic de la ceinture qui se défait. Et ton regard sur lui, qui, par contre, ne se défait jamais.
Erwin W. Meister
Fondatrices
MESSAGES : 186
AGE : 30
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Jeu 8 Sep - 22:40
Spoiler:
J'ai trouvé le sketch drôle qu'ils étaient censés voir xD
Quand ta voix monte jusqu’à tes oreilles, quand le rythme de ton chant grave remplace presque l’original, tu t’en mordrais les lèvres. A ton âge, tu ne devrais pas te laisser aller à de tels étalements de sentiments sourds et muets, que tu tais par ignorance. Par sagesse. Par fidélité à un souvenir plus lointain encore que tu voudrais t’enfoncer jusque dans les veines, comme un antidote. Ou un poison. Ou les deux. Depuis longtemps, la différence est si mince, si moindre, qu’elle en est invisible. Tu ne sais plus lequel guérit l’autre. Alors tu te noies dans l’effroyable inconnu. Tu te noies dans un chant à la mélodie trop fragile, au sens trop écœurant.
Erwin connaissait les paroles par cœur. Il savait leur signification, un à un. Combien de fois sa mère les lui avait traduits, combien de fois son père l’avait décortiqué avec une joie toute enfantine. Sans doute espéraient-ils déjà, elle dans sa petite cuisine, lui avec ses vins, qu’il referait la même chose et que ce serait une sorte de tradition familiale, un cadeau parfumé à la joie des ancêtres, un souvenir de bonheur. Tellement pittoresque. Tellement trivial. Peut-être était-ce l’affolement de ses sens qui l’avait poussé à se perdre dans des souvenirs de jeunesse ? La voix encore un peu enfantine qui disait tant de oui. Oui aux verres d’alcool où l’on laisse choir sa lucidité, oui aux… à quoi déjà ? Tout le reste, avait-il dit. On aurait dit une invitation. Ou pire, une déclaration. Calme-toi, Erwin. L’aveu d’un cauchemar qui commençait ou d’un autre qui finissait. Ou peut-être un rêve. Un long, très long rêve où les garçons ont des cœurs noirs zébrés de rouge. Un songe parmi les autres, un à oublier. Peut-être à maudire, pour garder sa lucidité. Protéger sa forteresse de briques et de mauvaise volonté. Mauvais départ, mauvaise route. Sans doute l’enfant-monstre était un tournant. Vers encore plus de soucis, il en était certain. La belle fin heureuse, avec confettis et berceaux en bois blanc, ils n’y auraient pas droit. Ce serait un enfer. Des enfants aux mèches rouges, seigneur ! Tu divagues encore, idiot. Le besoin de nicotine se réveillait un peu et il le taisait en crispant ses doigts sur le volant. Il sentait son regard sur lui, trop appuyé, trop nouveau. Il se tourna un peu vers lui, pour arrêter l’observation gênante. Merde. Il souriait. Lui et ses yeux toujours un peu rougis souriaient. Comme un rire. Erwin en avait le souffle coupé, pour un instant. Pourquoi était-il aussi beau, aussi poignant, aussi humain et inhumain en même temps ? Puis la bouche délicate s’entrouvrit et laissa échapper un chant étrange, doux, presque joyeux. Les deux voix s’entremêlaient et s’appropriaient l’air de guitare, anéantissant la voix grave et chaude du chanteur. Quelle importance ? Des murs s’effritaient. Lesquels ? Il ne le savait pas. La vie n’était pas que ça, elle était ailleurs. Elle était en ce petit monstre qui se disait grand. Elle était ce sourire qu’il voulait arracher, écraser, goûter, dévorer. Elle était cette faim dans son estomac, cette soif dans sa gorge, cette attente dans sa poitrine. Elle était ce qu’il n’avait jamais assez connu, ce qu’il n’avait jamais eu le courage de voir. Elle était…
Et le mot se meurt sur tes lèvres avec la fin du chant.
« Je n’avais jamais si bien chanté ! Tu sais… Tu es vraiment gentil. »
L’instant se brise, se casse, un peu. Erwin se mordit la lèvre, discrètement. Gentil ? Il était… gentil ? Comme les voisins qui tondent sa pelouse le dimanche, sans qu’il n’ait à demander ? Comme les caissières qui sourient toute la journée ? Comme les chiens qui ramènent les journaux le matin ? Gentil ? Le mot lui brûlait la gorge. Non, il n’était pas gentil. C’était tout sauf de la gentillesse. Surtout pour lui. C’était plus que ça ou moins. C’était… Qu’était-ce ?
Erwin accéléra légèrement tandis que le cinéma commençait à s’approcher dans son champ de vision. C’était un vieux théâtre, qui passait de très vieux films étrangers. C’était parfait. Peu de monde, le noir complet, une langue inconnue. L’assurance d’un esprit rempli pendant une heure. La peur de l’après le saisit au cou. Il arrêta la voiture dans le petit parking, juste devant. Sa main plongea dans son sac à dos, jeté à l’arrière depuis la vieille. Un journal y été fourré, celui de la vieille. Il devait être encore fonctionnel.
« Ils passent Gad Elmaleh, un vieux français. C’est un humoriste. Les sketchs sont sous-titrés en italien, par contre. »
La question était discrète, quoique perceptible. Oui, c’est ça. Cache ton effarement. Dissimule ta faiblesse. Il s’imaginait, assis à côté de lui, en plein théâtre, sur des sièges rouges, main contre main, épaule contre épaule. C’était idiot, le lutin rouge-noir était plus petit que lui. Et plus encore, il était Erwin, trentenaire perdu dans un ciel gris et monotone, un tic tac constant, un programme à échelle humaine. Celui qui ne donne d’importance à rien, sauf à l’argent et aux souvenirs révolus, enfermés dans une cage en bois ou flottant sur le fleure de sa conscience. Des envies d’extravagance qui l’enflammaient pour s’éteindre aussitôt, des mirages de sentiments improbables, des visions floues d’un lendemain différent. Différent. Il n’en voulait pas, de ça. Il voulait être Erwin Wolfgang Meister. Pas plus.
« Si tu es d’accord, il faut se dépêcher. C’est un cinéma minuscule mais bon, les sketchs ont déjà commencé et c’est la seule séance de la journée ! »
Il ouvrit la porte et le vent de l’extérieur – le vrai – le frappa un peu par sa nouvelle fraicheur. Comme un clin d’œil. Un coup de pied au cul soporifique pour avancer. Pour cesser ses jérémiades muettes et profiter. Courir sans penser aux conséquences.
Aimer sans poser de questions. Aimer sans le savoir, encore.
Sôma [Psuchè Hadzis]
Sôma
MESSAGES : 118
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin] Sam 10 Sep - 23:58
Pourquoi lui posait-il toujours des sous-questions ? Cet homme dissimulait ses demandes, fuyait ses propres invitations. Il lui offrait des sourires et lui demandait Tu les veux ? Il lui expliquait quelques petites joies formelles, le tentait presque et ponctuait ses demandes avec un « Si tu es d’accord ». Il avait ignoré ton premier compliment. Tu avais ignoré toutes ses questions. Ce qui comptait maintenant, ce n’était plus les mots. Mais tout ce qui était derrière. Et tout ce qui chargeait ces regards dérobés, les coins de leurs iris qui se rencontraient parfois ; une étrange tension. Et tu avais l’impression qu’il fuyait encore, lorsqu’il avait arrêté la voiture, lorsque sa main avait cherché autre chose que tes lèvres qu’il fixait un peu trop, tu l’avais vu, tu l’avais su ; c’était bien toi qu’il fixait. Bien que son regard ne durât jamais plus de quelques secondes.
Et tu sors de la voiture, tu t’en fous des prénoms, des nationalités, tu t’en fous des sous-titres. Tu l’attends seulement, et lorsqu’il se montre tu avances, t’approches, tu t’accroches. Il était grand, encore plus au toucher. Et alors le souvenir de ses épaules nues te revient en tête, et tu ris de tes douces provocations. Les bras autour du sien, la joue contre lui. Il sentait bon. Un mélange entre l’odeur des cigarettes, un parfum d’homme, un peu de mélancolie. Et vous aviez avancé.
Le garçon qui vous tend les billets vous regarde de travers. Oh, il était simplement jaloux de tes grands sourires, il était jaloux ce bras que tu serrais étroitement contre toi, ce bras qui n’avait étrangement pas été retiré. Le garçon qui vous regarde de travers était seulement jaloux du bonheur que tu exagérais à tes sourires. Et le temps que tu détournes la tête pour lui jeter un ultime regard de provocation, l’homme t’avait déjà entrainé avec lui, engouffré dans le noir.
Erwin Meister s’était trompé, ça avait été inutile de se presser. La salle était effectivement minuscule. Elle était surtout presque vide. Tu souris doucement, tu es content, au fond. Rassuré. Tu n’attends pas qu’il décide parce que tu sais qu’il sera trop prudent. Tu sais qu’un homme comme lui, qui avait tracé chaque jour sa vie sur une ligne appelée Responsabilité ne choisirait jamais de dévier vers la folie. Il avait peut-être quand même commencé, il avait chanté, il t’avait souri, peut-être que pour lui c’était déjà le cap dépassé, peut-être qu’il avait déjà dévié, mais pas vers cette folie-là. Jamais. Et dans un murmure tu choisis pour lui.
« Viens par ici. »
Tu l’avais doucement attiré par le bras. Par ici. Nous irons loin des quelques regards. Et tu t’étais assis. L’écran parlait déjà une langue pas si étrangère lorsque vous étiez entrés, mais toi tu regardais encore l’homme, tu voulais t’assurer qu’il ne partirait pas au dernier moment, qu’il ne grimacerait pas, tu voulais t’assurer qu’envers et contre tout Erwin Wolfgang Meister allait s’assoir ici, à côté de toi. Et c’est seulement au moment où il s’était assis, où tu avais légèrement senti son parfum penché sur toi que tu avais osé détourner la tête. Les sous-titres parlaient de cigarettes, de nicotine, d’un type qui découpe ses somnifères en cinq.
Et alors tu t’étais un peu oublié, et tu avais ri. Sans penser aux échos, aux résonances. Sans te préoccuper des gens qui eux riaient tellement moins forts que toi. Tu déployais ta voix et tant pis pour ceux qui ne savaient jamais le faire assez. Tu étais redevenu encore une fois cet enfant qui disait oui, et qui se permettait de chuchoter quelques petites remarques innocemment méchantes tout près de l’homme à ses côtés. Les sous-titres parlaient maintenant d’amour. Tu avais alors ri, encore plus fort peut-être, et tu t’étais penché un peu trop près, le bras appuyé contre le sien, la main offerte sur l’accoudoir. Tu avais collé tes lèvres à ses oreilles, ces méchantes petites lèvres vicieuses qui ne disaient que malveillances.
« Je t’ai démasqué. »
Tu avais démasqué le vieux fou, enfant Sôma. Dans le noir presque oppressant derrière vous. Le noir qui finalement s’étendait presque comme une invitation. Tu l’avais démasqué loin des regards, et il pouvait faire n’importe quoi. N’importe quoi.
Le contact n’avait pas duré, tu t’étais lentement éloigné, et les yeux contre l’écran tu avais feint l’oubli, tu avais feint l’innocence. Et tu t’étais remis à rire en espérant secrètement qu’Erwin Wolfgang Meister balance ta prétendue innocence droit contre le mur.
Spoiler:
Edit ; Oui, j'ai un peu joué avec les sentiments d'Erwin. C'était un peu irrésistible. 8D
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin]
Et c’est un autre au revoir teinté d’ironie. [Erwin]
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum