Ultima Alluvione
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 Rupture de ton regard sur le mien

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Leo Accettura

Leo Accettura

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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeLun 15 Aoû - 22:21

« T’aimer, c’est franchir l’impossible. Se sentir si libre. »
Ju’.

Il étira son dos, les bras tirés en arrière, force d’une pression qui s’exerce sur l’ensemble de ses os, mouvement nerveux qui s’infiltre entre les vertèbres qui relient son être. Une grimace lui marqua le visage, pincement des yeux, les dents qui se serrent. Appliquer une tension sur ses muscles, faire rouler l’os sous la chair, le faire craquer en deux fois, grimacer un peu plus. Ses doigts secs qui se serrent entre eux. Le sang qui s’échappe, glissant le long de sa peau, de son bras et goutant sur l’asphalte froid de Milan. Il grogna, remontant sa main jusqu’à la naissance de la blessure, juste en dessous de son omoplate droite. Tch. Combien de fois Alexis lui avait-elle dit de faire attention aux murs ? Sa langue claqua contre son palais. Super. C’était son soir. Il tenta de stopper le saignement. Dut s’arrêter relativement vite, se rendant à l’évidence qu’avec une main, il n’arriverait à rien, surtout s’il lui manquait de quoi se soigner correctement. Petit Leo. Serais-tu un héros fatigué ce soir ? Tu ne devrais pas. Ton cauchemar ne fait que commencer.

L’idée de rentrer chez lui lui traversa l’esprit alors qu’il s’aventurait dans une artère un peu plus peuplée de la ville, retenant le sang aussi bien qu’il le pouvait avec son vieux foulard vert. Mais jamais il ne pourrait faire ça, car déjà l’image d’une asiatique l’attendant devant un bar, qu’il connaissait plutôt bien ces derniers temps, lui marqua l’esprit, empreinte indélébile d’un attachement à son cœur. Il sourit, la fatigue s’accrochant à cette mimique en surface. Non. Il ne pourrait jamais la laisser seule. Qu’importe les blessures qu’il aurait. Que la mort lui court sur le dos en une marche macabre. Ses pieds ne pourraient que les guider vers elle. Et il savait parfaitement où elle se trouvait. Devant le Magenta. Là où Aya l’attendait. Lui Leo. Tu ne peux plus faire un pas sans elle, sans que ce ne soit pour elle, n’est-ce pas Leo ? A qu’elle point t’a-t-elle rendu fou, fou d’elle ? Car si ce n’est pas elle qui t’attend, ce sera toi qui l’attendras.

Alors Leo s’engage, la démarche dérangée par le poids de ses épaules qui lui paraissent trop lourdes. Et il continue de poser un pied devant l’autre. Une marche automatisée alors que son esprit vole déjà vers une silhouette trop connue. Si souvent observée de ses yeux bleus. De ce turquoise qui se noie dans l’onyx sombre, comme une ombre qui l’observe. Mais Leo sait qu’il y a tellement plus que la dureté de ce regard, qui à chaque fois qu’il l’observe, a l’impression d’être une erreur dans l’horreur de sa vie. Une vie de sang. Insensée connaitre le bonheur, qui se présentait sous un sourire moqueur. Petit Leo au regard de braise. Qui, calmement, s’invitait dans la réalité de la nippone. A son rythme. Ca ne le dérangeait pas. Horizon savait se montrer patient. Et elle, Aya, il se sentait capable de la guetter jusqu’à la fin de l’Eternité. La leur.

Il pivota sur la gauche, évitant quelques passants alcoolisés sentant la fin de la soirée. Un bâillement lui déchira la mâchoire. L’envie de se retrouver dans son lit se fit soudainement pressante, de faire semblant de rouler de sa position initiale pour se retrouver contre le corps d’Aya, dans cette nuisette qu’elle s’était habituée à porter à présent. Leo ne saisit pas tout de suite l’origine de ce désir soudain. Il se gratta la tête l’air pensif, camouflant une mimique de douleur en plongeant son regard vers le bas. Il remarqua qu’un peu de sang coulant encore, marquant son passage de coquelicots fanés.

Soudain, Leo comprit. Saisit la provenance de ce caprice, qui ne lui ressemblait pas. Ou si rarement. Il se mit à courir, alors que dans le ciel sans nuage se dessinait un éclaire le zébrant de sa couleur bleuté. Une crampe le saisit à l’estomac. Il échappa un « Tch. » abandonnant son garrot, facilitant ainsi sa course. Facilitant l’écoulement de sa blessure également.

Le chemin, il le connaissait par cœur. Il n’avait pas besoin d’avoir les yeux ouverts, même si ça lui permettait de se positionner mieux sur le sol. Tourner deux fois à droites, une fois à gauche, continuer sur 50 mètres. La distance lui parut infiniment longue, s’inquiétant d’arriver à temps pour empêcher Aya de commettre l’irréparable. Leo se souvint des quelques discussions qu’il avait eues avec Aya à ce sujet. « Dis-moi, que ferais-tu si l’occasion de te venger se présentait ? – Je la saisirais. » Non. S’il-te-plait, ne dis pas ça. Pas à moi. Et chaque pas sur le sol se répercutait en un tremblement agaçant dans le creux de sa chaire. Il inspira, se concentra sur sa destination, alors qu’un deuxième morceau de foudre tombait sur la terre, s’émiettant en une déchirure électrique. Leo jura.

Il y avait tant de choses qui s’étaient déroulées depuis ces cinq semaines. Et tous ces souvenirs liés à ces yeux bridés perforaient son inquiétude, en des réminiscences lumineuses, sur cette période de sa vie que June se plaisait à caractériser comme « l’épisode où tu es le plus souriant, fils ! ». Les réveils particuliers, à observer un visage de moins en moins étranger, qui dormait, l’air un peu plus apaisé. Des réflexes qui s’étaient forgés entre eux. Il entrait le dernier dans le lit, ça lui permettait, à elle, de se faire sa place, sans avoir chaud tout de suite. Ne plus se vexer d’avoir une brosse-à-dents rouges en plus dans sa salle de bain. Parfois écouter sa mère discuter de choses gênantes avec la nippone. Faire comme s’il n’avait rien entendu. Lui apporter des croissants quand il revenait au début du jour. Lui chaparder un baiser quand elle se réveillait à peine, la gratifier d’un « Bonjour, j’espère que tu as bien dormi ♥️ » et éviter la baffe qui suivait de moins en moins souvent après.

Il y avait ces moments d’intimités, à eux. De complicité tacite, où le rouge se faisait moins récurent sur les joues de la nippone. Elle prenait confiance en lui, en elle. En eux. Parce que ça rime avec Deux. Ce n’était pas de grande effusion. Juste des touchés délicats, d’un doigt qui en rencontre un autre, qui s’accrochent. D’un regard plus profond, plus puissant qui s’échangeait avec un autre. De ces moments où elle se laissait être l’oreiller de remplacement, qu’elle ne l’engueulait plus s’il lui murmurait un compliment. De ces étreintes qu’elle ne repoussait plus aussi vite. De ces baisers, qui peut-être, n’étaient plus si volés que ça.

Son cœur s’accéléra, battant de plus en plus fort dans sa tempe, l’assourdissant l’espace d’un « Ba-boum » affolé. Son front encore trempe de ses derniers efforts s’humidifiait à nouveau par cette sueur causée par l’effort. L’air pénétra dans ses poumons, lui brulant le pharynx avec délectation. Un instant, il ferma les yeux sous la douleur lui tailladant le dos, sentant la blessure s’agrandir sous la tension, grignoter un peu plus de peau sous les mouvements de son bras. Mauvais timing. Mauvaise idée. Il ne remarqua pas le déchet sous lequel son pied se posa. Et glissa. Comme ça lui était si souvent arrivé. Râpant son coude le long du mur, manquant de se tordre la cheville. La gueule dans les détritus, il pesta. Seras-tu capable de te relever, une dernière fois, mon héros ?

Il chassa cette voix cynique, serra la mâchoire, se mordit même la lèvre. Quel idiot tu fais Leo. Il se redressa trop vite. La tête lui tourna, continua néanmoins son chemin, faisant fi des obstacles, de cette entaille grandissante, s’installant un nid dans la chair. Il enjamba une poubelle renversée, enleva la gravelle installée dans la paume de ses mains ouvertes. Pesta à nouveau contre cette étoile incapable, trop joueuse avec les chiffres et sa fatigue. Leo dérapa à nouveau, et arriva enfin dans cette rue, où les dégâts étaient tous signés Aya. Sa respiration toujours aussi élevée, son torse se soulevait à une vitesse qui aurait dû l’inquiété. Mais sa tête était tournée vers autre chose. Dans cette noirceur où ses yeux s’habituèrent. Ses iris bleus détaillèrent la scène, son cœur eut plusieurs ratés. De peine, d’espoirs qui se brisent, de tristesse.

Leo n’avait pas pour coutume de baisser les yeux sur les spectacles de sa vie, de ceux qui le marquaient dans la spécificité de sa vie, ceux qui le touchaient vraiment, au-delà de ce sourire qu’il se permettait d’afficher en tout temps. Malheureusement, s’attacher à quelqu’un facilitait cet accès. Leo aurait voulu détourner le regard. Ne le pouvait pas. Il était captivé, dégouté de ce décore. De cette colère. Cette fureur qui se lisait sur les traits de son Echo. Des émotions qui, en un rien, détruisirent toutes ces pensées rassurantes sur lesquelles il s’était focalisé durant sa course. Certaines personnes se seraient contentées de faire marche arrière, tant que les protagonistes principaux ne les avaient pas remarqués. Pour la première fois de sa vie, Leo saisit l’essence de cette chose qui les poussait à fuir. La peur de se confronter à plus de douleur.

Et Leo en oublia cette douleur dans sa poitrine, la souffrance dans son dos, la brulure de son bras. Il oublia les dernières heures de sa vie, de cette course poursuite qui n’en finissait pas. Qui finalement le confronta à un pactisant trop zélé. Kamikaze des temps modernes. Il oublia les erreurs qu’il avait faites, cette envie de protéger un curieux de trop. De cette contrepartie qu’il avait manquée à offrir. Du rire lointain de Ray dans sa tête. De cette fatigue trop présente pour une soirée qui s’annonçait aussi longue. Il effaça la présence de ces trois individus, qu’il reconnaissait comme faisant partie du GDP. Il ne remarqua plus la destruction des murs, ni le corps carbonisé d’un agent sur le coin de la rue. Ni cette Lune en croissant, descendant de son piédestal.

Il n’y avait qu’Aya. Que cette nippone immigrée illégalement. Que cette asiatique qui dormait avec lui. Qu’il protégeait. Sur qui il veillait. Sur ce corps pris si souvent de soubresauts, de cauchemars, de maux. De cette peau si blanche, brillant à la lueur de la Dame d’Argent. De cette épée trop tranchante. De ce regard trop froid, comme si elle ne le reconnaissait pas.

Le combat continuait, incertain qu’un seul des opposants ait remarqué sa présence. Leo était captivé. Envouté par cette image d’un Cerbère déchainé. Libre de cette soif meurtrière. De ce désir de sang, dans lequel cette histoire était écrite. De ce sang qu’elle ne pouvait s’empêcher de faire couler. Comme pour se rassurer de sa propre légitimité dans ce monde, dans cet univers qui parfois lui paraissait si étrange. Le Bouffon était comme paralysé, incapable de faire autre chose que de la suivre de ces points bleus, spectateur muet d’un acte qui n’aurait pas dû exister. Leo aurait voulu se cacher les yeux. Faire comme si tout ceci n’était que le fruit de son imagination. Il n’avait plus huit ans, le regretta soudainement. Alors il regardait, se nourrissait de cette vision le marquant jusqu’à la dernière couche de son cœur trop petit, de ce vide nouveau, inconnu, qui annihilait de son esprit toute question philosophique, ou toute pensé héroïque. Il voulut pleurer. Un peu. Il ne savait pas vraiment pourquoi, savait seulement que c’était ce que son corps réclamait. S’en empêcha.

Que vas-tu faire, petit Leo ? Tout laisser au déni, ou affronter. Souviens-toi de ce qu’on t’a raconté. De ces promesses d’un avenir incertain. Tu le savais. Tu y étais préparé. Où est-donc passé tout ton beau discours, sur ces évènements que tu balayerais du revers de la main ? De cette peur que tu affronterais. De cette réalité que tu changerais ? N’oublie pas qui tu es Leo. Tu es un soldat de l’ombre. Tu ne peux pas abandonner. Tu n’en as pas le droit. Tu ne peux qu’affronter. Combattre. Car tu n’es que ça. Soldat de l’Ombre. Qu’importe les étoiles que tu as au-dessus de la tête. De ces blessures qui recouvrent ton corps. Tu es fort Leo. Tu peux en encaisser encore.

Leo redressa ses yeux opalins qui avaient glissé sur le sol où le monde lui semblait moins pénible à observer. Il n’avait plus de pouvoir ? Et alors. Ceux du GDP étaient comme lui. Il était blessé ? Et alors. Ceux du GDP n’avaient pas d’expérience. Il était fatigué ? Ne me raconte pas de mensonges. Depuis que tu l’as vu, ton corps bats plus vite. Tu as oublié la souffrance de tes os. Tu te moques de l’oxygène dont tu auras besoin. Leo. Ne crains pas ton ombre. Tu vis dedans.

Il releva ses yeux bleus. Electriques. S’approcha. J’aimerais dire lentement. En réalité, il courut. Le plus vite possible. Le plus vite qu’il n’avait jamais fait peut-être. Rentra dans le premier agent qui se présentait devant lui, lui attrapa la nuque, et serra. Fort. Evitant ses mains paniquées, les coups qu’il voulait donner. Leo bannit la peur de son regard. L’hésitation, il la tua. Et continua de tenir le plus fort possible, attendant que les réflexes de l’homme s’amoindrissent, jusqu’à ce qu’il sombre dans l’inconscient. Il fut heureux de ne pas voir ses yeux. De ne pas devoir affronter sa propre silhouette assommant un homme comme il ne l’avait jamais fait. Soudain, le fil de sa vie se calma. Il arrêta de vouloir donner des coups de coudes dans les côtes fragilisées de Leo. Dès qu’il le lâcha, B. se permit de respirer à nouveau, d’observer le jeunot qui ne passerait pas au casse-pipe ce soir.

Un deuxième adversaire surgit de nulle part. Il présuma qu’il venait de derrière. En temps normal, Leo aurait eu peur, que son visage soit dévoilé. Il aurait repris son foulard plein de sang, se le serait collé sous le nez. Cependant, ce n’était plus le temps de jouer au héros de pacotille, à sa protection, où à n’importe quelle image qu’il cherchait à se donner. Ces moments de douces utopies étaient finies. Leo avait la désagréable sensation que ça l’était pour de bon. Que toute sa vie prenait un tournant différent. Maintenant qu’il se battait à mains nues, contre des adversaires à mains nues. Connaitre l’égalité d’un combat qui n’était pas dictée par la Lune Rouge, ou par ses Elues. Et ce n’était plus combattre pour la survie d’un individu lambda qu’il ne reverrait plus jamais. Ce n’était plus un combat contre. C’était un combat pour. Pour Elle. Pour Aya. Qui donnait la mort avec tellement de simplicité.

Où son épée, croc de Cerbère, dans un élan de trop, le fameux élan de trop, se dirigeait sur un Leo qu’elle n’avait peut-être pas reconnu. Sur des yeux bleus qu’elle n’avait peut-être pas vus. Sur cette attache qu’elle ne semblait pas percevoir. Leo contra un dernier poing, qu’il attrapa, pour attirer l’homme vers lui, faire subir le même sort qu’à son collègue, seule technique que son cerveau semblait maitriser. La lame s’approcha. Mortelle. Il le savait pour y avoir déjà gouté. Mais il ne se retira pas. Ne s’abaissa pas –il n’en n’aurait pas eu le temps. Ne fuit pas.

Car dans ce combat pour elle, pour une vengeance qui disparaitrait le dernier adversaire tombé, la peur n’avait pas de place. Le doute non plus. L’hésitation encore moins. Ses opalines rencontrèrent des tourmalines tourmentées, qui semblaient si libre du chemin qu’elles avaient pris. Leo était calme. Etrangement serein. Où ses yeux ne reflétaient que la confiance qu’il avait en elle, en eux. Car cette histoire, elle s’écrivait à deux, dans le sang qu’ils perdraient dans leurs affrontements.

« Veux-tu vraiment faire ça, Aya ? »
La lame s’abattit.

« Car le temps n’était plus aux demi-mesures. Quelle route choisiras-tu ? »

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Aya Murazaki [Sky]

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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeJeu 18 Aoû - 15:50

A la frontière de mon ombre
Au coin de tes yeux
Une douleur qui demeure
Une douceur qui s'éteint
Dans l'obsidienne d'un éclat.


    PAN !
    Le verre éclata sur le parquet, en une dizaine d'éclats alors qu'un juron japonais franchissait la barrière de mes lèvres pincées en un mimique agacée. Un seul. Un seul instant où mes pensées avaient dérivées en regardant du coin de l’œil sortir cette cliente. Crinière blonde, yeux noisettes ... Elle n'était pas elle ne lui ressemblait pas, ne le pourrait jamais, et pourtant le sursaut qui avait surpris mes épaules m'avait fait lâcher le verre propre que je tenais.
    Pensée furieuse et meurtrière pour une ombre au sourire étincelant rencontrée en début de semaine. Des jours marqués par un drôle de sentiments de mal être insistant, aussi amer que les fonds de whisky qui avaient plus souvent coulés au fond de ma gorge. Boisson détestable, autant que cette fille contre laquelle je n'avais pourtant rien à reprocher. Rien si ce n'était de n'être elle. Alexis. L'ex...

    La folie de ma jalousie. Le croque-mitaine blond, en roller, de mes rêves.
    Le jour qui avait suivi cette malencontreuse rencontre avait été d'un froid polaire, l'expression de mon visage ne se déridant que forcé, plongée dans des pensées plus sombres et plus incertaines les unes que les autres. J'avais passé la nuit les yeux ouverts sur une obscurité qui ne m'était d'aucun secours, incapable de savoir gérer ce que je n'avais connu. Cette sensation qui s'était engluée à moi, dérangeante, fouillant la moindre de mes pensées pour la détruire de doute et de colère mêlée. Une colère dont j'avais peine à comprendre le sens réel, ce grondement de Cerbère qui résonnait au son d'un rire.
    Sous le regard de June, à l'écossage habituel de petit pois et de légumes, j'avais lâché une seule phrase. Quatre petits mots qui se suffisaient à eux-mêmes. Qui expliquait tout, de cette boule qui me faisait remonter la bile au bord des lèvres.
    " J'ai rencontré Alexis. "
    Elle avait ri légèrement, sourit devant mon regard agacé par mon propre comportement. Tout ça, ses silences remplis de mots muets, de regards en coins, d'éloignement distants, d'une gêne encore plus forte. Tout cela à cause d'un boulet de canon blond.
    Et se dire qu'elle n'était pas uniquement la cause de cette distance provoquait un saut de fureur dans mon cœur chamboulé. Si bien que je mis un certain temps à répondre à Fabio, inquiet, qui avait passé la tête par dessus le comptoir, moi les mains quelque peu entaillées par les bouts de verre que je ramassais comme si c'était de simples morceaux de papiers. Je secouai la tête, m’ébrouant de raison, soupirant sur une maîtrise de moi-même que je perdais ces temps-ci.
    Rassurant mon patron et les derniers clients d'un sourire et d'un geste, j'essayai de me concentrer sur les fins de conversations qui s'élevaient encore, rires de fin de soirée achevée.

    Quelques instants plus tard, j'étais sortie par la porte de service, saluai Fabio qui resta quelques instants comme pour s'assurer des environs et puis finalement qui fila sous mon regard noir. Il haussa les épaules et disparut, me laissant seule adossée au mur de l'angle de la rue, tergiversant encore sur le fait de rentrer seule ou d'attendre un certain pactisant en retard.
    Leo ...
    Leo avec qui l'incompréhension avait fait son règne, nous dardant de ses facéties, jouant à la roulette russe avec nos désirs. Leo que j'avais envie subitement de voir apparaître dans la clarté d'un réverbère tout en ayant en même temps l'envie qu'il ne vienne jamais.
    Un énième soupir sur le sujet du héros chez qui je squattais s'échappa de mes lèvres, quand mes pensées furent interrompues par une vive discussion que je captais dans la rue adjacente.

    Des brides de mots qui réveillèrent l'instinct de ma méfiance, mais ils en avaient trop peu dit pour que je sois sure... Mon corps marqua une hésitation, mais piquée au vif par des mots que seuls un petit cercle de gens connaissaient, je m'engouffrai dans la ruelle, les suivant à bonne distance, ombre parmi ses semblables, cachant en elle l'éclat d'un acier meurtrier.
    Les questions dansaient dans mes prunelles au même rythme que les pas de ces messieurs un peu trop propres pour être honnêtes. Bien que la crasse sortait de leur bouche comme un flot d'injures à mes oreilles, réveillant un chien en colère sous la surface d'un Enfer. Un Enfer qui s'était pourtant un peu adouci, un peu calmé sous le couvert d'un regard taquin souligné de bleu.
    Mais je n'avais rien promis aux opalines, je n'avais pas pu. Honnêteté acérée. Promettre l'impossible était quelque chose que je n'avais pas voulu offrir à Leo, lui faire miroiter une vie, une espérance qui n'aurait d'existence que dans le lagon de ses yeux.

    Je restais et resterais cette princesse des rues aux yeux de sang, cette ombre qui avait trempé ses pas dans un sentier d'horreur et de noir absolu. Pas une once de lumière ... à part la sienne, peut-être. Mais changer la nature d'un être est une chose que l’on n’a pas le droit de tenter, la cacher est inutile, elle reviendra vous hanter au galop. Et l'instinct du meurtrier avait repris sa place sur les traits impassibles de mon visage. Les inquiétudes d'une blonde au sourire exaspérant envolées, aussi bien que mon absence devant le Magenta. Ne restait plus que cette haine qui montait, enflait dans mon cœur lorsque j'avais compris que mon intuition s'était révélée bonne.

    Des agents du GDP. Des monstres au cœur de glace. Hanako.

    A ce seul nom prononcé silencieusement, le souffle entre mes dents serrés se fit plus erratique, oppressée par des souvenirs qui revenaient en flash, écorchant mon regard plus perdu que jamais. Je m’arrêtai, me laissant glisser tout doucement contre le mur, figée dans une grimace de douleur, happée et submergée par des vagues de ressentiments qui occultaient peu à peu mon univers.
    Si j'avais pu, quelques larmes auraient même filtré de mes paupières plissées. Mais elles n'avaient plus leur place. Il n'y avait de la place pour plus rien d'autre dans mon cœur. Seul restait ce vide, ce gouffre effrayant dans mon âme, oublié mais jamais comblé.
    Haletante de rage pure, les yeux devenus le reflet d'une vengeance hurlante, je m'avançai doucement, le fourreau de mon sabre, la lame dégainée, aussi noire que ma silhouette, dans l'autre.
    Je m'étais abandonnée, j'avais comme appuyé sur le bouton "pause" de mon esprit, laissant libre court à des mécanismes ancrées en moi depuis toujours. Nul besoin de réflechir quand il s'agit de se glisser dans le rôle d'une envoyée de la faucheuse. Une mort drapée d'ébène qui avait trop longtemps attendu son dû.
    Le sabre entama mon avant-bras, sans un seul frisson, mes sensations aux abonnés absentes.
    Le souffle qui s'échappait de mes lèvres était redevenu calme, celui d'un tueur qui connait les rouages de ses gestes, la manière dont ses poignets se plieraient, amples, efficaces. Je serrais un peu plus mes doigts sur la garde de ma lame, Cerbère aiguisant ses griffes dans un silence chuintant, seulement marqué par le bruit léger de mes bottes sur les pavés.

    Ils se retournèrent, suspicieux, leur visage à moitié éclairé par une lune éclatante. Un geste. Un éclat, et un minuscule couteau vint se ficher directement dans la poitrine d'un des agents, le faisant suffoquer de douleur et de surprise tandis qu'un éclair le frappait, crépitant sous ses vêtements, enflammant les tissus dans un hurlement.
    Un cri qui se mêla au mien, contenu de haine, un cri à la Dame Rouge. Je m'élançai, funambule experte d'une ligne de mort, la discrétion de l'assassin oubliée sous un sentiment qui pulsait en moi comme des tambours de guerre. Je leur en voulais, je les exécrais, voulais voir la terreur s'infiltrer dans leur cœur, couler des larmes de douleurs qui naitraient dans leur yeux.

    Autant que j'avais pleuré.

    Le corps tomba sur l'asphalte, inerte. Une poupée de chiffon cassée. Ils reculèrent dans le croisement de ses rues, se ressaisirent après un instant de crainte dansant dans leurs prunelles en formant un arc de cercle face à moi. Les armes déjà sortis au bout de leurs doigts. Avant le premier coup de feu, résonnant dans le silence comme le véritable début de l'affrontement, j'arrivais à leur hauteur. J'avais dévié ma trajectoire, artiste dont la lame les séparaient un moment, les acculaient, forçant les plus stupides d'entre eux à venir plus près. Encore plus près. A la limite de mon existence, aux confins de la leur, un trait de sang la menaçant dangereusement.
    Une moue pincée au coin des lèvres, je devais leur reconnaître une certaine valeur. Pas comme ces soldats de pacotilles que mes étincelles avaient mangé tel le grand méchant loup devant des chaperons idiots. Leur retraite fut coupée par un premier puis un deuxième éclair perçant l'obscurité de la nuit.
    Peu en importait l'issue, je voulais ma vengeance. Et je l'aurai.

    La respiration sifflante, saccadée, il régnait pourtant un silence de mort dans mon esprit, engouffré dans une guerre personnelle, trop vivace pour n'être pas douloureuse. Les coups pleuvaient, mes jambes dansaient, tournoyaient dans un rythme précipité, mes doigts en suivant le rythme. Assener des coups, se pencher, courber l'échine pour riposter la seconde d'après, l’amplifier sous une gerbe d'éclair.
    Cracher du sang, mais s'en moquer. Morsures qui ne feront nullement reculer le Cerbère.
    Absente de sa réalité.
    Et percevoir cette ombre hésitante dans son dos, ne pas savoir déterminer sa dangerosité, mais la barrer d'un regard pour ne voir que l'instant suivant, le souffle qui manquera, laissera une ouverture à l'éclat de métal.
    Un coup me coupa le souffle tandis que mon dos heurtait le mur dans son élan, les yeux fermés sous la douleur, nuit d'une ombre sifflante, mais dont la haine se désemplissait pas. Les échanges se faisaient plus courts, vifs et meurtriers, vicieux au fur et à mesure que les secondes s'égrainaient. Je leur rendais coups sur coups, au centuple de la douleur qui étreignait mon cœur, le Cerbère ayant pris le pas sur ma propre personnalité, oublié le temps d'une respiration sanglante.

    Seule la surprise pourrait les avoir.
    Et elle faillit bien m'avoir aussi, un instant immobile, stupéfaite de surprise à voir une flèche humaine se jeter littéralement sur un des agents encore debout, lui assener ses poings dans sa chair, la marquant de traces de mort. Amie ou ennemie, le voile sur cette silhouette qui me semblait bien familière se déchirerait dans le sang. Comme tout ici en portant le sceau.
    Évitant de justesse un coup mortel, je retournai du poignet la garde de ma lame d'onyx, la plantant dans le torse de l'impudent dans un gargouillis affreux, mais que je n'entendais déjà plus, portée par une danse aux pas pourpres.
    Pivoter, et s'élancer, tranchant toujours plus de cette existence aux pans déchirés, marquant ses murs de sang.

    « Veux-tu vraiment faire ça, Aya ? »

    Les paroles transpercèrent la carapace de rage du Cerbère, m'ébranlant jusqu'au tréfonds de mon âme en larmes. Une seconde, tout s'envola sous son regard.
    Une seconde trop tard, l'élan me portait vers cette silhouette dont les yeux provoquaient ma décadence. Ces prunelles nullement effrayées par l'éclat de l'onyx qui se rapprochait dangereusement, inexorablement. Ces opalines et leurs sourires qui soufflaient une chaleur dans le vide glacial de mon existence, cette vision dramatique qui fit rater un ou deux battements à mon cœur. Leo ...
    Au dernier moment, le tranchant de la lame s'inversa au prix d'une douleur au poignet la portant, évitant le pire.
    Et c'est un Leo qui se retrouva poussé par l'élan du coup inévitable, tandis que le sabre volait sous l'éclat de la lune derrière moi pour chuter sur le trottoir dans un bruit assourdissant.
    Emportée par mon élan dévié, je n'eus pas d'autre choix que de prendre appui sur son épaule, mon corps basculant dans son dos sous un saut avant de rouler dans la poussière des graviers.
    Je me relevais, ignorant la douleur naissante, plantant mon regard dans le sien, impitoyable.
    Le Cerbère, ébroué, reprenait les rennes, refusant de se laisser amadouer par cette présence.
    Un souffle. Une supplication tranchante. Grondement rauque.

    " Vas-t'en Leo ".
    Un dernier petit couteau dansant entre mes doigts, je parcourais sa silhouette comme pour la graver, l'écorcher du regard. Déterminée, désespérée.
    - Tu comprends cette douleur n'est-ce pas Leo ?
    Alors laisses-moi passer, laisses-moi rassasier ce gouffre qui rugit en moi. S'il te plait, ne deviens pas un obstacle devant ces prunelles dans lesquelles ne brillent qu'un éclat de vengeance.
    Un éclair claqua, prolongement de mon bras entaillé, avertissement que je savais d'avance malheureusement ignoré. Les particules d'électricité dans l'air s'étaient incrustées dans mes cheveux, leur donnant une impression de vie, de souffle douloureux, si ce n'était cette mèche rebelle, me donnant un petit air ridicule. Balayé par des ombres de nuits totales où l'intransigeance régnait.

    " Tu ne m'en empêcheras pas".

    Ma voix était l'hiver de mes mots, d'un timbre sans sensations, reflet tueur. Mais sa silhouette floue restait toujours sur mon chemin, ancrée dans mon existence par un sourire qui ne voulait disparaître. Je le savais, les mots n'étaient rien contre lui. Et le geste qui suivit fut empli de regrets aussi déchirants que des larmes absentes, orageux.
    Le coup s'abattit sur lui comme un couperet, mais moins fort que prévu, une partie de ma force soudainement occupée à faire reculer un agent, la lame sifflante, lui écorchant la joue.

    Recules Leo !


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MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeSam 20 Aoû - 11:03

« Et tu t’enfuis dans la nuit, seul repère où tu peux supporter mon regard. Oh. Toi qui es si noire. Emportes-moi. Dévore-moi. »
Lueurs.

Le temps était venu. D’affronter. Ce que Leo ne voulait pas vivre. Que secrètement, il avait placé dans un coin de son esprit, en espérant l’oublier. Ne pas se faire capturer par la peur, le regret. Intimement, il savait qu’il n’avait plus le droit à ce genre de sentiments. Ou, que s’il le faisait, ça lui serait fatal. Toutes les illusions de son enfance, de son adolescence volaient en des éclats dorés à chaque nouveau mouvement qu’il faisait. Comme si tout n’avait été construit que pour céder à des moments clés de sa vie. En voici un. Où s’opposer au regard noir d’Aya ne lui faisait, au final, pas si mal que ça. Que la croix de la Fatalité ne représentait plus qu’un infime détail. Leo savait ce qu’il avait à faire. Détermination.

Et tout ceci se lut dans son regard. Dans ce bleu si familier. Ces yeux trop brillants, qui transperçaient la nuit et l’empreinte de la Lune sur Aya. Leo ne craignait rien. Il n’avait pas de raison de se mettre à courir, de fuir les relents d’une réalité cruelle. Trop. Son corps en entier se tendit, alors que son bras serrait encore la gorge d’un des agents du GDP. Il rencontra les iris d’Aya, elle qui semblait tellement égarée. Mais il l’acceptait. A sa manière. Un faible sourire se posa sur ses lèvres, illuminant un peu plus son visage. Et la lame rencontra son corps. Ses côtes, plus précisément. Avant que la douleur n’atteigne son cerveau, ce fut la surprise qui le marqua. Surprise de ne pas sentir l’acier lui mordre la chair plus en profondeur. Ensuite, le choc le poussa sur sa droite, le forçant à lâcher la prise de sa proie. L’homme s’effondra sur le sol, inconscient.

Leo réussi à se tenir droit, alors qu’une nouvelle grimace s’accrocha à son visage, le forçant à pincer les yeux, lâcher un grognement de mécontentement. Il se pencha un peu sur la droite, oubliant cette blessure qui lui vrillait le dos. Il la vit, tomber sur elle. Il voulut la rattraper. Le fit même. Mais le poids de la nippone fut de trop. Son bras l’abandonna dans sa réactivité, incapable de stopper la chute de la noiraude, qui se rattrapa mieux que Leo. Il se retrouva penché, les mains sur le bitume humide de Milan. Le souffle lui manqua, pénétrant partiellement en une sulfureuse impression dans sa gorge. Et Leo réussit à se relever. Comme toujours. Car il ne pouvait faire que ça.

Ses doigts se portèrent à son derrière, appuyant momentanément sur sa griffure. Profonde et douce souffrance. Seul élément qui le maintenait encore à cette triste réalité. Il pressa dessus, atténuant la sensation d’engourdissement, réveillant partiellement ses sens, l’éveil de ses nerfs. Et il fit tout ceci de manière discrète, alors qu’il était capturé par deux orbes noirs. Si sombres. Si belles. Il aurait voulu sourire. Voulu. Ne le put. C’était une sorte d’instinct qui le susurrait que ce n’était ni le lieu, ni le moment adéquat pour s’adonner à sa mimique favorite. Etrangement il écouta cette impression.

Je pourrais dire que commença un nouveau jeu de regard, où Leo essaya par tous les moyens de lui faire reprendre pied. Pour qu’Aya abandonne ces visions de vengeances, ces désirs de sang. Et c’était trop tard. Leo, toujours arriver quand il n’y a plus de marche arrière possible. Il approcha d’un pas. Grondement du Cerbère. Il ne fléchit pas. Avança un peu plus.

« Vas-t'en Leo. »
« Non. »

Protestation. Non. Je ne te laisserai pas dans le marécage poisseux de tes regrets, de tes maux. C’était dit. Aussi clair que cette couleur turquoise qui n’avait de cesse de se confronter à l’encre de son regard. Prononcer des mots qu’aucun d’entre eux n’écoutait. C’était une opposition. La plus pure. La plus simple. De faire comme Aya en avait envie. De faire comme Leo en avait envie. Jusqu’à ce que le premier courbe l’échine, s’incline face à la volonté de l’autre. Déroulement incertain. Aya n’abandonnerait pas. Leo n’abandonnerait pas. Aucun des deux. Jusqu’à se fracasser l’un contre l’autre en une retrouvaille blessante. Assassine.

Et il l’avait dit avec tellement de force, d’une voix qui aurait fait trembler la terre si elle en avait la force. Elle ne fit que rassurer Leo dans le chemin sur lequel il s’engageait. Une route tortueuse. Ou peut-être qu’aucun des deux n’en sortirait indemne. Et Horizon l’acceptait, prêt à s’affronter lui-même pour qu’Aya puisse vivre dans le bonheur une seconde de plus. Lui, Leo, ne comptait plus. Plus depuis longtemps. Qu’importe s’il devait en souffrir, en périr. Il était prêt. Enfin. Te voilà. Leo ♥

Leo aperçut à peine la dague, son reflet argenté brillant dans la nuit, répondant à l’éclat lumineux de cette Lune en croissant. Un Echo. Comme Elle. Comme Lui. Un Echo. Comme Lui. Comme Elle. Ce couteau ne lui fit pas peur. Nullement. Il s’approcha d’un pas. Encore. Un de plus. Juste un. S’approcher d’elle. Pour la serrer dans ses bras. Il en rêvait. Effacer toutes les erreurs de cette nuit trop obscure. Et la retrouver, comme à chaque fois qu’elle l’attendait devant le Magenta. Lui faire de grands signes de loin, sourire au coin. Ding dong. C’est le gong. Il est trop tard.

Le Cerbère hurlait à la mort, réclamant la pitance de sa vengeance. Des morts. Des morts. Mais il avait tort. Petite Cerbère effrayé. Il ne faisait que détruire Aya. La faisant souffrir, pour son propre plaisir. Suicidaire. Au bord du gouffre du Non-Retour. Alors Leo tuerait la bête. Sauverait Aya. Les éclaires surgirent sur la peau en sang de la pactisante. Combien de coquelicots feras-tu fleurir ce soir, Aya ? Leo aurait voulu être plus proche. Enserrer ces poignets fatigués, rassurer Aya. Lui promettre des jours meilleurs qui ne viendraient pas. Elle l’aurait frappé. Et Leo, pour que cette empreinte nuisible sur le corps d’Aya disparaisse, l’aurait laissé faire. Il se serait laissé tuer. Arracher le souffle de sa vie, de son bonheur.

« Tu ne m’en empêcheras pas. »
« Je t’en empêcherai. »

Confrontation de Convictions. Toujours. Ne pas étendre le sacrifice d’un être. Leo était suffisant. Marches sur son corps, piétines ses efforts. Fais ce que tu veux. Et vis libre, comme il ne peut plus le faire. Ses mots résonnèrent, pouvoir constructeur. Je t’en empêcherai Aya. De te détruire, jusqu’à ce que je ne puisse plus en rire. Il ne prétendait pas en savoir plus que la nippone. Il était beaucoup plus innocent et ignorant qu’elle. Mais il voulait croire. En eux. Pour eux.

Ses doigts se retirèrent de sa blessure, qui ne manqua pas de tacher le sol de Milan en une gerbe rouge. Le bruit ne l’atteignit déjà pas, s’empêchant d’esquiver la lame volante, comme ses réflexes lui ordonnaient de le faire. Et elle ne lui était pas destinée. Il le comprit quand le métal lui entailla à peine la pommette, libérant un fil d’électron lui endormant le haut de la joue, sans ciller. Qu’elle continua sa course dans l’air de la ville, pour se planter dans l’épaule d’un tierce individu, catégorisé comme ennemi. Il suivit des yeux la course de l’arme, se tourna sur lui-même pour observer le garde chavirer en arrière, et tenir sur ses pieds malgré tout.

Leo n’avait pas envie de se battre. Et pourtant, en un Echo aux plaintes d’Aya, une fureur sourde s’empara de lui, le prenant au ventre avec violence. Cela se refléta dans son regard, posé sur l’homme en face de lui. Et la même chose était visible sur ce dernier, en plus féroce. Plus viscéral aussi. La haine. De tout ce que Leo et Aya représentait. Pactisants. Et il sourit. Aussi tristement que possible. Aussi joyeusement que possible. C’était ça. La raison de cette organisation gouvernementale sur le plan le plus basique. Eliminer. Eradique. Leo ne les laisserait pas faire. Pas elle. L’homme attaqua, une arme blanche entre les doigts. Il surprit Leo par la vélocité de son attaque, de sa précision. Il aurait préféré l’avoir par derrière, sans devoir se confronter à ces chiens enragés du GDP, poser ses mains sur son coup, serrer, et prier. Mais c’est trop tard. Encore. Entends le gong de la Fatalité.

Son corps se mit en position, les épaules plus en avant, un appui plus fort sur les jambes, près à éviter l’attaque. Des bruits d’affrontements lui arrivaient derrière lui. Sans se retourner, il imagina le pivotement des hanches d’Aya, ses muscles qui se bandent, son cri de rage. Il s’empêcha de fermer les yeux. Une expression désolée s’incrusta sur son visage et il évita difficilement l’adversaire. Il se pencha sur la droite, jolie mouvement. Et là, il sentit qu’il avait une côte cassée, ou deux. Que le signal nerveux remonta toute sa colonne. Que l’étonnement produit par la douleur le ralentit. Juste ce qu’il fallait pour que le nigaud en face l’attaque à nouveau. Et que cette fois-ci, il touche sa cible. Feulement métallique qui s’enfonce dans l’os, le sang.

« Tch. Encore ?! »

La lame fichée dans l’estomac, un picotement se diffusa dans tout son abdomen, ainsi qu’une impression de chaleur. Il claqua sa langue, agacé. Il se pencha un peu plus sur lui-même, presque assommé. Ce n’était pas le moment de s’évanouir. Non. Automatisme. Ses doigts, en pieuvre furtives s’accrochèrent à ceux de l’agent, l’empêchant de s’enfuir. Il plongea ses yeux verts dans ceux –bruns- de l’homme, qui lâcha plusieurs jurons. La tête de Leo prit un rapide élan en arrière, avant de venir se heurter sur sa jumelle, faisant vaciller momentanément les deux jeunes hommes. Ne laissant pas le temps à sa vue de se centrer sur un point fixe, il frappa. De son poing qui s’enfonce dans le torse du lambda-boy. D’un autre qui suivit. Ainsi que d’un troisième.

Sa tête était vide. Vide de tous ses idéaux. De son inquiétude mortelle pour Aya, de ne pas la voir. De la savoir dans son dos, sans pour autant l’observer de ses yeux malicieux. De devoir affronter un idiot de plus, alors qu’il aurait juste souhaité que tout ceci s’arrête. A nouveau, il sentit la colère s’insinuer en lui, sournoisement. Non. Plus rien n’existait. Que ce désir d’en finir au plus vite, pour pouvoir courir jusqu’à Aya et le prendre dans ses bras.

Leo inspira profondément, gonflant ses poumons d’oxygène, abaissant son diaphragme sur la zone blessée, sentant la lame s’enfoncer un peu plus. Il esquiva à moitié un coup de pied, qui atterrit sur ses côtes –les cassées, bien évidement. Le reste se passa rapidement. D’un agacement profond qui surgit de nulle part, de cette colère qu’il tentait de maintenir en lui, de cette fatigue un peu plus présente. Un halo bleu se diffusa sur ses doigts, d’une brulure lui paralysant presque le bras. Et l’homme s’envola contre un mur, où un bruit de craquement se fit entendre. Aussi vite que la lumière était apparue, elle disparut, laissant tout le loisir à Leo de serrer son bras, pour bannir les spasmes de ses muscles. Le souffle coupé, il osa un coup d’œil vers l’endroit où lambda-boy s’était effondré. Aucun mouvement. Il ne bougeait plus.

Les tremblements de son avant-bras se calmèrent un peu, mais l’engourdissement prit rapidement la place, ne permettant pas à Leo de fermer correctement ses doigts. Et déjà le bruit de l’épée d’Aya arrivait à ses oreilles. Il se retourna, la détailla. Prise dans cet élan de rage et de folie. Face à cet agent, déjà au sol. Il la vit abaisser son épée. Son sang ne fit qu’un tour, sortant par tous les trous possibles au passage. Et fonça. Qu’importe la lame dans son ventre – elle tomberait bien toute seule, non ? Qu’importe les picotements dans son bras, dans son dos. Qu’importe ses côtes qui le lançaient.

C’était une impulsion, que toutes ces cellules le forçaient à faire. Courir jusqu’à elle, et bloquer du mieux possible le bras de la nippone. Avec les forces qu’il lui restait. Avec le courage qu’il avait. Attraper son poignet entre ses doigts pleins de son sang, qui se mélangerait avec celui d’Aya. Le bleu rencontra le noir. De cette détermination son faille. Qu’as-tu décidé de faire, Leo ? Il aurait voulu l’embrasser. Déposer un baiser sur les prémices de ses lèvres. Sécher ces larmes qui ne coulaient pas. Réconforter son cœur brisé.

Ce temps était révolu.

L’affection aurait pu être dans son regard, y était certainement, caché dans la résolution de ses yeux. Lui qui la regardait les sourcils froncés, les traits tirés. Le souffle court, l’épuisement voulait lui faire lâcher sa prise, mais il s’y attardait. Il voulait retrouver une Aya qui se cachait dans ces élans de violence. Dis-moi, où te caches-tu ? Qu’elle lâche prise sur ces buts, que Leo trouvait inutile. Après avoir tué ceux-là, sur qui te jetteras-tu ? Ressentiras-tu le besoin de me trancher, moi aussi ? Et ces yeux trop sombres qui le regardaient avec colère, mépris. Quelque part. Quelque chose au fond de lui souris. D’un amusement qu’il ne pouvait pas accepter. Mais Leo ne voulait plus rire avec Aya. Pas pour ce genre de choses.

« Arrêtes ! Tu ne vois pas qu’il n’est plus en état de faire quoi que ce soit ? »

Alors qu’il désignait l’homme inconscient et blessé sur le sol, il regrettait en partie ses paroles, sachant qu’elle le prendrait mal. Personne ne lui donnait d’ordre. Elle prendrait la mouche sur sa recommandation. Et sur d’autres choses encore. Et Leo ne la lâchait pas. Comme par peur qu’elle s’envole, qu’elle se dissipe dans un nuage impalpable.

«Reviens. Reviens-moi Aya. »

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MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeDim 21 Aoû - 12:55

Protège-toi de moi,
De cet éclat de noirceur
Protèges-moi de toi,
De tes yeux sur les miens
De cette craquelure sinistre.



    Le contact avec le sol fut brutal, comme une réalité amère, rêche, rappeuse contre mes côtes, mon dos qui le heurta sans douceur, expirant l'air de mes poumons dans un souffle saccadé, précipitation d'une chute inévitable. Mais ce n'était rien, rien en comparaison de ce qui brulait dans ma gorge, l'enfer qui s’effritait sous mes pieds, me léchant le visage dans un rire acide. J'étais devenue la poupée du Cerbère, tout en ayant encore les rênes de mon existence entre les doigts. Étrange sentiment d'être à coté de la plaque, à côté de son propre corps, regardant la scène le cœur en charpie, mue par un désespoir sourd à tout autre cri. Un feu qui dirigeait tout, comme ça avait été le cas depuis toujours, écho d'une rage ancienne ... gravée.

    Le velours sombre de mon regard se posa sur la silhouette qui me faisait face, se rapprochant d'avantage alors que de ma gorge s'éleva un grondement furieux. Une alarme à la survie de Leo, qu'il balayait de la détermination de ses prunelles azurées.
    Idiot. Le chien est en colère, il ne t'écoutera pas. Malgré toute la douceur que tu serais capable de mettre dans tes mots, dans tes yeux. Malgré tout ce qui pourrait franchir tes lèvres, petit pion d'une lune teintée de sang. Veux-tu quand même t'enfoncer dans les ténèbres ?

    « Non. »

    Il venait de franchir la limite entre la détermination et la stupidité. On ne s'opposait pas à moi, tu devrais le savoir Leo. Ma colère résonnait dans le creux de celle du Cerbère, alimentant cette haine au coin de mes yeux, glaciale. Froide comme l'acier de la lame qui vint se ficher dans l'épaule de l'agent derrière lui, vestige d'une envie profonde de le protéger malgré tout. De le protéger de moi, jusqu'à le dégoutter, jusqu'à en avoir la bile au fond de la gorge, faire fuir son regard de mon obscurité.
    Et y enfermer cette étincelle bleutée dans un murmure de regret.

    « Je t’en empêcherai. »

    Sa voix, forte, trop forte pour être détournée. Elle résonnait dans la pâleur de la nuit, comme une promesse impossible, comme une supplication que je n'entendais plus. Imperturbable de volonté, tracée, qui se heurtait à la mienne dans une mimique coléreuse, orageuse. Leo avait beau être ce qu'il était, un écho timide en mon cœur, ses paroles ne faisaient pas le poids. Surtout si c'était pour m'imposer un désir égoïste de me garder dans une cage dorée. Le Cerbère n'est pas ainsi.
    Il se retrouvait devant la tueuse, celle-là même dont l'existence niait tout sentiment. Efficace, ombrée, implacable. Noire. Celle qu'il avait déjà affronté une première fois, scellant ses pas aux miens, avec toujours ce sourire isolant. Celle dont les techniques ancrées dans la sueur et sang servait un désir brulant de vengeance. Dévorant tout sur son passage.
    Ses regards, ses sourires, nos regards complices et le coin de ses lèvres, l'éclat de ses yeux d'un bleu trop profond qui s'animaient pour en révéler bien plus. Tout ceci volait en mille morceaux, oubliés dans l'affrontement de nos regards.
    Au fond de moi, je ne voulais pas voir ce qui allait suivre, pressentiment d'une fracture dans ce fil qui nous liait étrangement, déjà bien ébranlé.

    La fatalité s’abattait.
    Leo refuserait de plier, de reculer. Je ne pouvais faire qu'avancer et cette certitude amère s'infiltrait dans les pores de ma peau à mesure que les secondes s'écoulaient dans nos prunelles. S'il le faudrait, je lui passerais dessus, l'écartant rudement. S'il continuait à vouloir faire taire le sifflement d'une existence passée ms non oubliée. Il était naïf, je l'avais été aussi, à me laisser couler dans ses bras en me disant que ce que j'étais ne ferait pas obligatoirement obstacle à un "nous deux" qui me terrifiaient pourtant, autant qu'il m'attirait. Plus de demi-mesure, plus de silence laissant en suspens les dissensions dans la limite de nos êtres.
    On ne revenait pas au début de nos écarts, au début de notre premier affrontement. Tout ceci n'était que la suite immuable d'une tragédie dont le rideau avait été levé depuis longtemps. Cette rage, cette colère effrayée n'étaient que l'aboutissement d’un gouffre qui ne faisait que s’agrandir, d'une perte qui me hantait alors que je n'osais plus y porter mon regard. Engloutie dans les vestiges d'une vie marquée par des hurlements de rage, le Cerbère comme ombre, mon regard fixait infailliblement le sien, s'accrochant, s'agrafant à lui.
    Comme toujours. Comme jamais.

    Un combat d'éclat de noir dans du bleu d'encre, qui fut interrompu brutalement par la présence haineuse d'une ombre dans le dos de Leo, se relevant, du sang plein la bouche. Un fantôme de crainte, de rejet, d'extermination d'un vœu lancé à la lune. Un autre dans le coin de mon regard, la main s'appuyant sur le mur pour se maintenir debout.
    Pas la peine, vermine, il aurait mieux valu pour toi rester à terre et avaler des graviers. Les bruits du face à face de Leo avec son adversaire résonnaient déjà à mes oreilles quand je m'avançai doucement vers l'autre survivant encore conscient.
    Un jeune, à peu près de mon âge, mais dont l'innocence et les préjugés étaient des brins d'herbes que ma rage et l'expérience de mon regard balayait comme du vent. Un être qui n'était qu à l'aube de sa vie, d'une existence qui s'éteindrait ce soir ... Mes yeux détaillaient la douleur qui transparaissait de ses tremblements, son souffle déjà court alors que la distance entre nos coups, entre nos corps étaient encore importante. Pas de larmes d'implorations, juste l'ultime sursaut d'une âme qui s'est retrouvé fourrée dans cette merde parce qu'il me considérait, moi, comme une erreur de la nature. Pas de pitié pour un tel être. Erreur fatale de sa part.

    Echec et mat.



    L'épuisement de mon propre corps relégué au statut de non-importance, je m'élançai, les talons claquant sur le bitume, dans un cri de rage pure, le tonnerre d'un acte sanglant marquant la fin d'une vie. Mais aucun besoin d'étincelles, de pouvoir pour arracher le souffle de cet individu que je percevais comme marqué de rouge. Les mains disposées en un geste d'attaque, il évita mon premier poing, leurre grossier, pour se prendre mon pied dans les reins, le projetant contre le mur. Je ne voyais plus les grimaces de ses lèvres sous la douleur, les coups pleuvant sur sa silhouette, comme si ce jeune homme recroquevillé était personnellement responsable de la mort d'Hanako. Comme si c'est lui qui avait tiré.
    J'expirais ma haine sur lui, dans des cris plus sauvages les uns que les autres, mes prunelles sèches de larmes rageuses. Le poison du Cerbère en colère s'écoulait dans mes veines, mes membres qui le frappaient encore, encore, jusqu'à tout s'arrête, tout devienne noir. Un véritable massacre, l’œuvre du Cerbère, le contraire total de la manière dont il m'arrivait de donner la mort. Je me déchargeais de toute ma douleur sur lui, hurlant à la lune.
    Mais je n'avais même plus conscience que le corps qui avait glissé à mes pieds ne répondait plus depuis longtemps. Le visage en sang, un membre désarticulé et une conscience qui s'était envolée depuis quelques minutes.
    Ce n'était pas de la vantardise de dire que cet idiot n'avait eu aucune chance, dès le départ. Il aurait pu se défendre bien mieux que le résultat aurait été le même. La vérité était qu'il s'était retrouvé à affronter un être qui faisait abstraction de sa propre douleur pour en donner deux fois plus. Un être forgé dans la lame d'acier d'un regard, un assassin portée par un Enfer.

    Ma poitrine s’élevait dans un mouvement douloureux, comme respirant un air vicié, regardant d'un œil vide de sens, ce corps gémissant silencieusement. La cible à abattre dans un océan de douleur, perdue entre les frontières de la sienne et celle qui pulsait en moi. Il fallait que cela cesse, que ce sentiment qui enserrait mon cœur dans une étreinte froide s'éteigne. Avec lui. Agent du GDP.

    Tues-le. Tues-le. Tues l’égérie de ton malheur.

    Il ne me fallu que quelques secondes pour saisir d'une main l'onyx d'une lame qui retrouvait sa place au creux de ma paume. Retrouver quelque chose de familier, qui a toujours eu sa place ici, et nulle part ailleurs. Retrouver le centre de gravité d'une existence qui m'échappait, les filaments de ma vie entre des doigts serrés, les ongles s'enfonçant dans la peau. L'acier trainant contre le sol produisit un bruit épouvantable, que je ne percevais pourtant pas, plongée dans un monde, une idée pourpre.
    Geste avorté, souffle coupé par l'élan d'un corps contre le mien, poisseux de sang, frémissant d’efforts contenus. Il y avait un objet dur au contact de Leo dans mon dos, son souffle saccadé à mon oreille tandis que ses mains emprisonnaient mon poignet dans une prise de fer, douloureuse. Un arrêt sur image violent, projeté sur le côté de la scène, élément perturbateur d'une fin pourtant programmée par une respiration fétide à l'intérieur de mon esprit.

    Je me dégageais de son giron violemment, d'un geste brusque pour l'éloigner de moi, alors que ses doigts me brulaient toujours la peau de sa détermination à m'arrêter. Ne t’ais-je pas déjà souffler, susurrer Leo, que l'on ne m'arrête pas ?
    Mon regard souligné de noir, étincelle de ténèbres rencontra encore ce bleu de ses yeux. Cet océan qui signait ma perdition, cette encre que je ne voulais pas toucher, sachant que je m'y perdrais. Furieuse, je restais à la lisière de ses prunelles, refusant de m'y plonger, ne voyant qu'une chose: l'opposition, le non de ses yeux, de ses gestes. Nouvel adversaire ?
    Le Cerbère écumait de rage au fond de moi, ravageant l'éclat de ses yeux dans mon esprit, le mettant en pièce d'un mouvement rageur du poignet que j'essayais de dégager en vain.

    « Arrêtes ! Tu ne vois pas qu’il n’est plus en état de faire quoi que ce soit ? »

    Après un rapide coup d’œil sur le corps affaissé contre le mur comme une poupée de chiffon désarticulée, je revins planter mon regard dans celui de Leo, une grimace sur les bords de mes lèvres. L'affrontement reprenait, opposant nos prunelles, nos vies même. L'éraflant de mes yeux plus noirs que jamais, les lèvres pincées, je rompis le silence pensant à la frontière de nos êtres.

    " Et alors ? Tu crois qu'il aurait hésité lui, si t'avais été à sa place ? Hein ! RÉPONDS ! Ne me fais pas rire Leo, tu sais bien qu'il t'aurait troué la peau sans un doute. "

    Et à mesure que le flot de paroles sortait de ma bouche, aussi acide que du poison qui tachait le sol entre nos pieds, ma fureur enflait, impossible à calmer. Je lui en voulais, de ne pas comprendre, de ne pas toucher du doigt l'horreur de ce que j'étais en réalité, de vouloir la raturer d'un sourire. Vois, écarquilles-les yeux Leo, vois et n'oublies jamais.
    Je suis le Cerbère, et il a une vengeance à accomplir.

    " Tu vas prendre leur défense maintenant !? ... Pour qui est-ce que tu te prends ? Tu n'as aucun droit, aucun, à me dire ce que je dois faire ou non. A décider de ma vie ! Ne crois pas avoir ce pouvoir".

    Les dernières lettres prononcées roulaient sous mes lèvres, hurlées puis murmurées froidement, la langue et le regard tranchant dans celui d'un Leo qui se prenait des coups martelés par des mots qui le rejetaient. Le poussaient, nous retranchant dans une distance invisible mais bien là.
    Au delà de la vengeance qui grondait dans mes entrailles, c'étaient d'autres colères que l'opposition de Leo provoquait. Il n’était rien face à mon libre-arbitre. J'avais lié ma vie à la sienne, oui, mais ça ne voulait pas dire qu'il avait forcément un droit de regard sur celle-ci, et en une seule petit phrase, j'avais comme l'impression qu'il avait fait plus que cela. La juger, la barrer d'un trait rouge, comme on souligne une faute sur une copie.
    Au bout de mes doigts crépitaient des étincelles pourtant inoffensives, mais non maîtrisées, reflet de l'agitation de mon esprit, pouvoir refluant et affluant en fonction de mes émotions. Conséquences d'une pratique plus précise qu'avant.

    Je m'enfonçais dans la voie d'une incompréhension teintée de déception pourpre, perdue dans une fourrure de rage, mais nullement prête à céder, la tension s'accumulant dans ce bras qu'il tenait prisonnier.

    Et le repousser encore une fois.
    Sous un éclat perçant la nuit.

    Pour le faire reculer d’un coup sur sa poitrine, un pan d’obscurité tombant sur chacun de nos gestes.



Dernière édition par Aya Murazaki [Sky] le Jeu 20 Oct - 15:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeDim 21 Aoû - 22:24

« Je ne contrôle plus rien, excepté mon souffle sur tes reins. »
Désirs.

Et il n’y avait rien de désirs. Ni cette envie de la prendre dans ses bras distraitement, en évitant un coup de poing. Ni cette envie de l’embrasser durant quelques secondes d’égarement. De lui toucher les doigts distraitement. De s’affaler sur elle en insistant bien sur son poids, pour qu’elle puisse à peine le bouger. De l’observer les yeux mi-clos alors que la fatigue l’emmenait déjà loin. De lui caresser la joue quand elle ouvrait ses yeux pour la première fois de la journée. De lui laisser des mots doux sur le post-it de la porte. De la forcer à lui laisser les sacs les plus lourds. De raller sur ses cheveux qu’elle laissait humide et de se battre pour les lui sécher avec une serviette propre. De la taquiner sur le plat asiatique qu’elle réussissait presque bien. De lui montrer un Ray en plein rêver, jappant après des illusions. De la trainer par la peau du cou pour qu’elle l’accompagne chez le boulanger, dire bonjour à la madame qui l’aimait bien. Aucun désir de l’apprécier, ni de l’aimer.

Et ils étaient là. Les yeux dans les yeux. De noir dans du bleu. Du bleu dans du noir. Ces yeux. Chacun aussi sombre que l’ombre. Se détaillant en opposition, comme si toutes ces secondes écoulées l’un avec l’autre n’existaient plus. N’existaient pas. Comme si les rires qu’il lui avait dédiés s’étaient évaporés, dissipés. Tu le détruiras Aya. Jusqu’à la moelle et plus loin encore.Il aurait voulu crever ces yeux qui le détruisait, ébranlait ses convictions, comme un vulgaire château de cartes balayé par le vent. Du goudron qui se rependait sur les apprêtés de sa vie, annihilant toute saveur connue. Mais il ne céderait pas. Il le savait. Se le murmurait en un chapelet protecteur dans le fond de sa prison de tourmalines. Et il faillit plonger, se retint.

En contrepartie, il resserra un peu plus ses doigts imbibés de sang jusque sous les ongles, sur le poignet de la nippone, s’assurant une prise à laquelle elle ne pourrait pas se défaire. Tu es mienne, ressens mon empreinte sur toi. Ce n’était pas un jeu de possession. Ce n’était pas un jeu du plus fort qui bat le plus faible. Ce n’était pas un jeu malsain. Leo s’assurait qu’elle restait là. Près de lui. Que, même si elle sombrait encore dans les ténèbres de son cœur, elle avait toujours un point de retour. Une place, un lien dans ce monde où le sang pouvait être encore chaud. Où les corps n’étaient pas tous froids. Où Leo était là, qui patiemment l’attendrait.

La tension monta. Brulante. Assassine. Plus jeune, il aurait certainement reculé. Mais Leo n’était plus le même, avait des raisons de combattre qui lui étaient propres. Des gens qui les guidaient. Une lumière bleutée. Sombre. Feu follet de sa vie, l’attendant au tournant de ses erreurs. Alors il l’affronta. Ouvertement. Dans un combat peut-être plus violent que tous ceux qui les avaient opposés jusqu’à aujourd’hui. Où les enjeux dépassaient le souffle d’une ou deux personnes. D’un ou deux pactisants. Car au-dessus de la Lune il y avait tellement plus qu’un ciel d’étoile. Qu’une voie de Lait, Milkyway. Au-dessus d’eux, il y avait la Liberté. Pauvres idiots incapables de la contempler.

De l’encre dans de l’eau qui patiemment se dilue. Et il la ressentait. Qui grondait en lui. Colère sourde entre ses entrailles qui ne lui appartenait pas, sujet incapable d’y résister, de s’y opposer. Leo percevrait cette rage inondant les sens de l’asiatique, l’empêchant de voir un éclat de lumière trop brillant. Il aurait voulu la serrer dans ses bras. La rassurer. A la place, il lui lança ces mots, guidés par l’agacement nouveau de ses membres, la fatigue de son corps. Il tanga une seconde en avant, se retint sur lui-même, se pliant un peu plus sur ce clou de métal lui perforant l’être avec délectation, noyant son sang avec ceux de ces inconnus, soit morts ou évanouis. Il remonta ses iris sur elle, zébrant son corps de ce regard électrique, comme le crépitement de son étoile à la bordure de sa peau. Regarde Aya, ce que tu me fais faire. Ce que tu me fais dire, me fait vivre.

Ce n’était que ça, que ce refus de voir la réalité en face. D’Elle. De Lui. Refus de voir combien chacun avait blessé son ombre, forçant son Echo à se détacher de son miroir. Rêve d’enfant que l’on brise en un éclat. Les pièces d’un jouet dispersées sur le sol, démembré, désarticulé. Les mots avaient filés. Trop durs pour qu’il y imposa sa marque distinctive. Trop acide pour qu’il accepte d’être l’auteur de ce genre de message. Pourtant c’était lui. Leo dans toute la représentation unique de sa complexité. Il pesa les mots graves dispensés par sa voix fatiguée, rauque de l’effort. Le regret l’assaillit. Et il le chassa de ses yeux, de son cœur, s’enfermant dans une rigidité que Leo ne gardait que pour les grands évènements. Pour la destruction de son être qui lui enlevait les voiles de son cœur, en les froissant l’un après l’autre, cassant les protections de son rire, de son sourire. Il s’enroulait dans ses convictions les plus intimes, dans celles en qui il avait le plus confiance. Peur qu’elle te blesse ? Il est déjà trop tard. Tout a déjà commencé. Quand l'accepteras-tu ?

La réaction d’Aya ne se fit pas attendre, se débattant de son emprise d’un geste sec. Leo tint bon, jusqu’au point où ses jointures étaient déjà blanches, que la force entre ses articulations engourdissait le bout de ses doigts. Et il ne lâcha pas. Agrippé à la dernière bouée de secoure qu’il possédait encore, qu’elle ne s’échappa en lui offrant une dernière morsure de ses crocs noirs. Ce n’était pas de la crainte, une peur panique. Horizon se serait laissé trancher. En deux. En Quatre. En mille. Pour son plaisir. Sans ciller, ni détourner les yeux. La violence d’Aya, il y avait déjà gouté. Et s’il restait avec elle, malgré les péripéties qui les unissaient en des fils d’or de complicité, de souffrance murmures dans l’oreille de l’autre, c’était pour d’autres raisons. D’un rayon d’humanité qui vibrait en un appel lointain dans le coin torturé de la vie de Leo. Un besoin. Urgent. Tacite. De passer du temps avec elle. De la voir. De la ressentir. De la vivre. De te connaitre Aya. Comme deux amants qui se retrouvaient après des séparations imprévues. De ce sang qui lui intimidait de se rapprocher d’elle. De t’aimer, tout simplement.

Le frisson de fureur lui déchira le dos, escaladant ses vertèbres une à une, butant sur sa chair, lorgnant cette ouverture sous l’omoplate, tourna trois fois autour de son cou, et mourut à la naissance de sa nuque, dressant sa peau en alerte. Il brula l’espace le séparant du Cerbère, son corps à la frontière du sien. Il percevait le froid glacial de son corps, de son cœur aussi. De ces épines de haine qu’elle ne réservait que pour lui, dans une intensité qu’il ne lui connaissait pas. Qu’il trouva charmant. Des dards de reproches qui s’infiltraient aussi simplement que l’air qu’il respirait, ondulant à la limite de ses remords, pour s’enfoncer dans les entraves de son âme. Il serra les dents, se mordit le bout de la langue au passage. Ses yeux se plissèrent. Et Leo tenait bon, petit lionceau dans l’œil de la tempête. Le bleu de ses yeux s’intensifia. Un nouveau sursaut d’excitation le gagna, dilatant ses pupilles, augmentant encore le rythme de son cœur cherchant à se détacher de son fourreau de chair.

« Et alors ? Tu crois qu'il aurait hésité lui, si t'avais été à sa place ? Hein ! RÉPONDS ! Ne me fais pas rire Leo, tu sais bien qu'il t'aurait troué la peau sans un doute. »

Il avait arrêté de respirer. Attendant le coup des mots qui lui rentra dans les cotes comme la lame d’un sabre. Il ne baissa pas l’échine, grinçant des dents momentanément, retenant cette colère. L’empathie qu’il avait envers Aya le rendait malade. Fou. De tout ce qu’il percevait rien qu’en la touchant. De tout ce qu’il lisait rien qu’en la regardant. Il aurait voulu rompre le contacte, frapper son poing dans le mur, faire taire ce tourbillon d’émotion lui grugeant le ventre en un ver affamé de perfidies.

Et il se passa quelque chose d’étrange. D’un sourire moqueur qui fleurit sur le bout de ses lèvres. D’un sourire qu’Aya devait reconnaitre, puisqu’elle le portait si bien sur son masque d’indifférence. De cette signature particulière. Regarde. Il se détache petit à petit. J’ai hâte de voir ce que tu en feras sortir Aya. Quelles horreurs tu lui feras dire. De ces mots qu’il ne pensera pas, mais que, tout de même, il dira. Leo les prononcera si bien, plein de verve, de colère, de mépris. Vous serez les mêmes dans cette opposition de convictions. Des marionnettes manipulées par cette attraction destructrice vous poussant l’un contre l’autre, collision vous brisant les membres.Leo ne broncha pas. Attendit. Deuxième coup.

« Tu vas prendre leur défense maintenant !? ... Pour qui est-ce que tu te prends ? Tu n'as aucun droit, aucun, à me dire ce que je dois faire ou non. A décider de ma vie ! Ne crois pas avoir ce pouvoir. »

Et elle déversait son poison avec passion. Cette rage, qui ne se traduisant plus par le corps, par l’épée, s’échappait en des flots de mots rageurs. Et lui aurait pu jouer avec ces mots. Sous des formes modifiées. Retourner ses propos contre elle. La blesser. La briser sous l’articulation des voyelles, des consonnes, se mariant en des syllabes de chaos. Mais Leo ne savait pas. Leo ne savait plus. Leo était fatigué par tout ce jeu. Attrape-moi, je te mords. Mords-moi, je t’embrasse.

Il porta sa main libre à son ventre. Appuya sur la plaie. Il s’interdit tout mouvement de douleur, se forçant à se tenir droit, bien que ses épaules étaient un peu voutées. Des mèches brunes rognaient ses yeux, cachant son front humide de cette transpiration l’incombant. De ce souffle qui lui manquait, encore. Qui lui brulait la gorge, séchait ses lèvres. Du fait qu’il ne sentait plus son bras depuis longtemps. Que ses jambes esquissait un tremblement dès qu’il faisait mine d’avancer, ou de reculer. De ce bleu irradiant l’air. Preuve de la détermination bientôt vacillante qui l’attaquerait.

Ses paroles voulaient sortir. Mais Leo les retenait entre ses dents, crispation de sa mâchoire. Et ce n’était que des secondes dans l’écoulement de son temps. Qu’une poignée de secondes perdues dans l’océan des grains de sables s’égrainant sous ses pieds. Toujours se sourire moqueur collé sur ses lèvres, comme s’il savait tout, alors qu’il ne savait rien. Marcheur dans l’inconnu de son contrôle qui s’échappait le long des mots poisons, mots néfastes. Leo aurait voulu fuir. Partir. Mais il était trop tard. Il le savait. Et à présent, cela se lisait dans son regard.

Elle le poussa. Ce fut le coup de trop. Ses doigts engourdis lâchèrent sa prisent. Ce feu de sauvetage. Ce bras sur lequel il s’accrochait d’une manière si désespérée, si déterminée pour qu’elle ne le fuît pas. Pour qu’elle ne gronde pas. Même si elle le faisait sens cesse, montrant ses crocs. Le contact physique était la dernière entité rassurante qu’il avait réussi à préserver, dans cette nuit qui lui creusait les joues, la joie. Il recula de quelque pas, fit preuve d’un effort qui lui tira un grognement pour rester droit. Automatiquement, sa deuxième main vint renforcer sa jumelle à cette tâche d’acier lui gangrénant le ventre. Directement, il posa son regard sur la pactisante. Horreur. Sa détermination, ce courage presque impudent s’était transformé en une colère sourde. Regardes Aya. C’est la même que toi ♥

A présent, plus rien ne le retenait. A son tour, il gronda.

« Parce que ta vie se résume à un massacre sanglant de plus ? Qu’a-t-il de si important que ça ? Je pensais que tu ne les comptais plus, ces gens que tu assassines dans l’ombre. Après ceux-ci, combien d’inconnu, transperceras-tu encore de ta lame ? As-tu vraiment une soif de sang si profonde en toi, ou est-ce que tu te plies à cette idée pour te lever plus facilement le matin ? »

Il ferma les yeux, recula de deux pas, se colla contre le mur. Il put souffler enfin, l’impression d’être plus libre, comme si le poids de ses épaules s’était envolé. Le sang coulait encore, alors que les briques renforçaient le malaise dans le haut de son dos. Il posa son regard sur elle. De ces yeux froids, qu’elle ne lui connaissait pas. Leo pouvait être chaud, chaleureux, trop même, tiède, amicale, timide, joueur, malicieux, fuyant. Il y avait des étoiles dans ses yeux, de sourires au coin d’eux. Et ici il n’y avait rien. Que ce regard glacial, parfait écho de celui qu’Aya lui adressait. Au jeu du mime, qui gagne ? Tu n’es plus qu’une inconnue pour moi. Restes ainsi, ne me brise pas plus que ce que tu es en train de faire. S’il-te-plait. Pas toi.

Il tut cette tristesse intérieure lui grimpant dans la gorge, l’obstruant d’un nœud oppressant, qu’il aurait voulu vomir à côté de ses chaussures. Il fuit cette déception. De la rencontre sous ce jour qu’il avait espéré révolu. Mais Leo n’était qu’un petit fou rêveur. Qui, lui-même, empilait tout son passé pour l’écraser par la masse de la Vérité. De celle qui les détruisait pour mieux les reformer dans le futur, oubliant ce présent blessant. Celui qui lui donnait envie de pleurer, de s’effacer.

Sa main empoigna le manche de l’arme. Il voulut la retirer en un coup, du s’y abstenir quand la douleur lui paralysa presque totalement le bras droit. Il pesta. Calqua sa langue. Jura encore. Il ne releva pas les yeux vers Aya, craignant qu’elle ne lui saute au visage. Il ne voulait pas de ça. Pitié. Il ne voulait pas de sa colère. Il ne voulait pas de ce regard en amande qu’il appréciait tant. Qu’il se serait mutiler plus que ce qu’il ne l’était déjà pour la serrer dans ses bras. Ah... Ce fut sa main gauche qui pris le relais, alors que sa sœur pendait sagement sur le côté –gentille fille. Le bruit d’une lame qui fuit la chair est toujours réjouissante. Et le gargouillis des organes entrant en contact avec l’air de Milan le força à faire une grimace. Pour la forme avant tout, et également pour cette douleur diffuse qui se rependit dans son corps. Il aurait voulu faire une blague, détendre l’atmosphère –« Si je mets mon doigt dedans, tu penses que je touche mes intestins ? ». Leo, encore une fois, n’obéit pas à ce désir débile. A la place, il appuya sur la plaie, se mordit la langue. Le couteau toujours entre ses doigts, il préféra ne pas parier sur les centimètres de celle-ci.

« Et pour répondre à ta question, je pense que la vie prend un malin plaisir à me rappeler que oui, ils veulent notre peau. Qu’ils ont déjà failli l’avoir plusieurs fois. Ce n’est pas parce que j’ai des idéologies débiles que je vis dans mon rêve Aya. Mais, comme tu ne veux pas que je te dise quoi faire, tu n’es pas plus en position de me dire en quoi croire. Surtout quand ta route est faite de sang, et la mienne de… Ah. »

Leo soupira, le souffle lui manquant terriblement. Le soulagement le prit les veines, de ne pas avoir terminé sa dernière phrase. Sa tête était vide, et en même temps sur le point d’exploser. Sa cage thoracique se soulevait difficilement, certainement à cause des côtes qu’Aya lui avait brisées. Soit. Ce délire de fureur lui restait encore dans le fond de l’estomac. De toutes ces choses qu’il avait tus bien avant leur rencontre, et de ce que l’asiatique lui avait fait revivre, camouflant tout cet amas de crainte, de faux-semblants sur le point de lui échapper entre les lèvres. De dire des mots qu’il ne pensait pas. Mais qui se disaient tellement bien. Il posa à nouveau ses yeux sur Aya. Deux froids polaires qui se confrontent. Le Pôle Nord et le Pôle Sud au même endroit.

« Je ne les protège pas. Je ne les tue pas. Ce n'est pas la même chose Aya. Depuis quand ton seul moyen de te défendre est de tuer ce qui te blesse? As-tu si peur d’être blessée ? »

Leo aurait pu conclure avec un sourire sadique. Leo aurait pu conclure avec ce même air glacial. Mais à nouveau, c’était la détermination qui lui brulait les yeux, c’était cette voix presque triste de raconter cette réalité. Volonté qui lui murmurait toutes ces paroles. De celles qui blessent. Qui tuent.Te relèveras-tu après ça, Aya ? Pourras-tu accepter ce qu’il dit, le pardonner, ou le tuer ?

« Regarde-moi ! Regarde-moi ! Je ne t’abandonnerai pas. Tu m’entends. Je serais toujours avec toi. Ne lâche pas ma main. »
Une nuit si lointaine, t’en souviens-tu encore ?
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Aya Murazaki [Sky]

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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeMer 24 Aoû - 22:22

L'éclat de ton regard sur le mien
Ta main contre la mienne
Et cet espace qui s’agrandit entre nous
Qui nous sépare.




    Je t'aurais tout donné Leo. Tout. Je te donnerais tout. Mon cœur, mon âme, mon corps.


    Mais l'essence de mon être est immuable, elle s'accroche aux filaments de haine qui ont façonné mon existence. Cela ne peut pas changer comme ça, dans un sourire et un claquement de langue, et c'est pourtant ce que tu me demandais au fond de tes yeux désespérément.
    Au fond de ce gouffre d'océans que j'essayais tant bien que mal d'éviter si ce n'était pour lui opposer un mur de froideur, de colère sourde. Une ultime menace pour le faire reculer encore, encore, loin de la fureur du Cerbère qui m'engloutissait, qui me submergeait, annihilant toute résistance de mon esprit. Ma rage avait soif de sang, avait faim de vengeance. Et l'opposition de Leo miroitait de rouge dans ce monde strillé de ténèbres, elle l'appelait de tout ses feux pour que celle-ci se jette dessus dans un souffle. Mon ressentiment contre les agents s'était décalé envers Leo dans l'espace d'un instant, d'un geste. J'en hurlais de tristesse alors que ma perte de contrôle, ces vagues de rage allaient se fracasser sur la barrière de ses yeux. C'était comme si ma nature et mon cœur s'affrontaient dans un combat inégal, les années passées à vivre ainsi prenant tout, détruisant tout sur leur passage, enflant cette colère, ces inquiétudes, peurs, qui me faisaient réagir encore plus violemment. L'une entraine l'autre dans un cercle vicieux ...

    Leo, devenu le souffle murmuré d'un espoir, d'une seconde vie ou tout du moins d'un changement dans les ruines qui m'habitait était à présent une faiblesse à éradiquer. Son nom courrait le long du pelage hirsute du Cerbère en moi comme un feu sanglant, trop dangereux pour le laisser continuer, le laisser s'insinuer plus qu'il ne l'avait déjà fait.
    Quelque chose me disait que c'était déjà trop tard, que son emprise que j'avais fini par accepter d'une certaine manière allait nous perdre, nous enfoncer encore plus dans la décadence d'une affection trop forte pour être retenue. D'un sentiment devenu douloureux, arrachant, écharpant mon cœur par ma seule voix. Il fallait déchirer ce voile qui me rattachait encore à Leo, dans un cri de fureur silencieuse, dans une poussée qui le projeta contre le mur. Lui donner à voir l'horreur d'un Cerbère qui n'a pas eu sa pitance. Sauvage, agressive, aussi dure et froide que l’obsidienne de mon regard.
    Contact rompu, lien creusé.

    Cette promiscuité qui semblait passée, mise en suspens entre nos deux respirations. Et ce bleu qui avait changé de teinte, plus sombre, plus glacial encore que cette colère qui pouvait émaner de Leo parfois. De la fureur qui résonnait au diapason de celle du Cerbère, aussi forte de détermination que la mienne était de rage. L'affrontement de nos regards égratignait ses heures passées à s'observer du coin de l’œil, découvrant le voile de l'autre dans un sourire, ses gaffes, ses cauchemars. N'avais-je jamais été poursuivie par un Leo les doigts tout aussi fripés qu'une petit vieille à la sortie de la douche, pour lui rendre la pareil d'un verre d'eau glissé par dessus le rideau de douche ? Ne l'avais jamais pincé, le faisant sursauter, et rire toute l'attablée sous ma vexation qui n'en était pas réellement une ... ?
    La complicité, les sourires, les moments de calme comme de légère excitation n'existaient-ils plus ? C'était tout comme. Et ce que je voyais dans ces prunelles qui me fixaient me terrifiait, ébranlant mon échine. De la peur. De la peur qui alimenta encore plus la colère, seul moyen de réagir encore un peu maitrisé sous une situation qui nous échappait. Comme ses mots qui sortaient de sa bouche, libérés.

    « Parce que ta vie se résume à un massacre sanglant de plus ? Qu’a-t-il de si important que ça ? Je pensais que tu ne les comptais plus, ces gens que tu assassines dans l’ombre. Après ceux-ci, combien d’inconnu, transperceras-tu encore de ta lame ? As-tu vraiment une soif de sang si profonde en toi, ou est-ce que tu te plies à cette idée pour te lever plus facilement le matin ? »

    Les mots s'ancraient en moi comme de minuscules billes de plomb qui auraient trouvé le chemin de mon cœur, heurtant ma sensibilité, ma fierté, se fichant en moi comme indélébiles. Sourds. Griffant mon cœur, hurlant de rage sous les coups. Leo me renvoyait ma réalité, sanglante, le chemin que mes pas suivaient depuis bientôt une dizaine d'années. D'une gamine effrontée, espiègle et chieuse, j'étais passée à un tueur au regard implacable et à la main qui tremblait rarement, le souffle absent. Absent d'une vie gravée dans la lame d'Onyx qui trônait dans ma main.

    Un sentiment amer sous la langue, j'ingurgitai ses paroles.

    Un souffle qui me manquait, pour revenir dans un sifflement agacé, acide. L'ironie mordante de sa dernière phrase me restait coincée dans la gorge. Le désespoir d'une existence. De la mienne ... Le Cerbère grondait à sa mort, lui qui osait juger d'une hypocrisie possible sur mes actes. Qu'en savait-il ? Que savait-il réellement de moi ? La constatation me tira un frisson glacé : Non. Il ne savait rien de ce cheminement que j'avais fait à la sueur et au sang de mes mains accrochées à cette terre ensanglantée. Il ne savait rien et tournait en ridicule un métier qui m'avait bien des fois sauvé la peau. Tu n'es qu'un idiot Leo, un idiot qui vit dans un monde où le mot "survie" n'est qu'une encre sur du papier.
    Mon regard se fit encore plus acéré, assassinant silencieusement le bleu acier de ses prunelles dans l'obscurité d'une lune qui nous observait, nous et notre fatalité. Nous et notre stupidité.
    La froideur de son regard sur le mien. Colérique. Désespérément effrayé qui se cachait derrière une rage qui le protégeait. L'impression d'être une ombre détestable dans son regard, provoquant un dégout de moi-même que je chassai d'un revers, c'est ça qui me fit surement plus mal, encore plus que ces paroles que Leo venait de jeter sur l'asphalte.
    Ces paroles auxquelles je ne tardais pas à répliquer, le ton à couper au couteau.

    " La question ne se pose pas. Ma vie est un massacre à elle toute seule. Et c'est faux. 78 ... 78 morts, par ma main ou à cause de moi. Et autant qu'il le faudra. Je ne suis pas un ange.Ne prétends pas me connaître en jugeant d'une pratique dont tu ne serais même pas capable ! Q'est-ce que tu sais de moi ? Si tu crois que je le fais par plaisir ...C'était la seule solution, et encore aujourd'hui !"

    Arriveras-tu à toucher du doigt cette nécessité d'éradiquer ce malaise qui m'habite au point de m'en faire vomir Leo ? Ce remords qui m'assaille jour et nuit, cette douleur qui n'existe que dans les bas fonds de mon âme.


    Ma voie était montée dans les aigu sous l'émotion qui m'avait saisie, les flashes de toutes ses années à se relever toujours et toujours, mordre plus fort pour survivre, se faire respecter m'envahissaient. Exister. Accepter d'être la chienne de quelques-uns pour les écharper la seconde suivante. Parce que je n'avais connu que ça, qu'appris ça, parce que mon champ de vision était trop étroit pour un autre chose, trop effrayé aussi aujourd'hui. Lâche ? Peut-être bien, mais j'estimais de ne pas avoir bafoué cette vie que je vivais sous prétexte qu'elle ne rentrait pas dans les critères de Monsieur Accettura. Je refusais d’effacer ces années qui avaient forgés l'être que j'étais à présent, dans toute sa pratique, sa résistance, parce que lui les bafouait de quelques mots.
    Une haine sans précédent brulait dans mes prunelles à cette pensée, palpable sous le crépitement encore présent entre mes doigts, signe d'un pouvoir qui me contrôlait presque plus que le contraire. Il réagit au Cerbère, aux émotions trop forte qui m'assaillaient, me perdaient.
    Et je me haïssais aussi pour éprouver cela envers lui, lui qui avait été le premier à me sourire, à m'accepter, à se faire frapper à s'en fendre la poire. Le premier aussi à me faire aussi mal depuis des années. Douleur, douceur. Ainsi, toi aussi Leo, tu es capable de souffle le chaud et le froid.
    Et ce n'était pas fini ...

    « Et pour répondre à ta question, je pense que la vie prend un malin plaisir à me rappeler que oui, ils veulent notre peau. Qu’ils ont déjà failli l’avoir plusieurs fois. Ce n’est pas parce que j’ai des idéologies débiles que je vis dans mon rêve Aya. Mais, comme tu ne veux pas que je te dise quoi faire, tu n’es pas plus en position de me dire en quoi croire. Surtout quand ta route est faite de sang, et la mienne de… Ah. »

    Ce sentiment flamboyant qui me dévorait les entrailles comme un feu de joie digne de l'enfer s'estompa au petit manège des mains du jeune homme que mes yeux avaient suivis tandis que je lui répondais. Une fraction de seconde, ce fut une lueur d'inquiétude vive qui se dessinait dans mes prunelles. Finalement, il s'était fait troué ... mais la distance mise par ces yeux, les miens comme les siens, empêchait toute compassion. Et là où je l'aurais charrié peut-être un peu et aider à faire un garrot de fortune avant de trouver un endroit plus éclairé, j’émis une remarque froide. Elle reflétait ce que je pensais, mais sans ce ton moqueur qui trainait dans ma voix habituellement. Du vide.
    Du vide dans ma voix, du vide dans mon cœur.

    " Tu vas te vider sur place si ça continue."

    Simple, constat froid, comme cette âme qui ne se cachait derrière une volonté de tuer, comme Leo l'avait sous-entendu. Regardes, contemples ce que tu décris, ce qui est faux. Et ce qui cachait dessous, cette pointe d'envie de l'aider, de faire un pas en avant et poser délicatement mes doigts sur la plaie, habituée au sang qui s'en rependait. Rien, pas un geste rien de tout ça, juste un regard sévère, âcre.

    " La tienne quoi ? Oui, elle est faite de sang, du mien principalement, mais au moins je sais pertinemment où je vais. " Dans le mur, dans une antre macabre, de douleur, comme s'il n'existait plus que ça. Perdue. "Est-ce moins bien que de se complaire dans des espoirs vains ? "

    « Je ne les protège pas. Je ne les tue pas. Ce n'est pas la même chose Aya. Depuis quand ton seul moyen de te défendre est de tuer ce qui te blesse? As-tu si peur d’être blessée ? »

    Un rire sinistre filtra d'entre mes lèvres serrées, les jointures de mes mains blanches de fureur, prête à lui sauter à la gorge sans jamais le faire. Acide, je n'étais plus que l'ombre de moi-même en écoutant ses paroles, blessée plus que jamais. Comment avais-je pu lui laisser autant de pouvoir sur moi ? Je n'arrivais plus à ériger de barrière mentale face à ses yeux, même si la lueur des opalines avait radicalement changé. Et je m'en prenais plein la gueule; Vas-y Leo, j'suis capable d'encaisser.
    Ou tu ne me verras pas choir devant toi. Mon corps tendu comme un arc s'interdisait tout vacillement sous les mots d'un Leo qui soufflait une vérité cachée. Une vérité qui éclatait en moi, éclaboussant tout, voile de frayeur sur ma colère.
    Il y eut pourtant une craquelure, dans mon regard, dans cette mimique acide, ce coin de ma bouche qui refusait de se soulever dans un faux sourire moqueur. Dans cette lueur de douleur qui tremblait dans le noir nuit de mon regard.
    Rage contre froideur, le souffle coupé par la douleur mentale, physique. Miroir d'un lac sanglant qui se formait sous nos pieds.

    " T'oublies une chose. C'est la guerre, faudrait peut-être t'enlever tes œillères, sur moi comme sur les autres. Si ce n'est pas toi, l'autre qui t'aura. April ou le GDP, c'est pareil. C'est tout.
    Et depuis quand ? Depuis toujours. Depuis qu'on m'a fait comprendre que ça sera la seule option que j'avais si je ne voulais pas crever sur le trottoir. "


    Depuis quand ? Depuis que je m'étais effondrée au milieu de cette tragédie, depuis que j'avais fermé mon cœur à double tour, et que j'avais fait de cette détresse, de cette colère envers le monde entier un atout, un métier. Il me collait comme une seconde peau. Me protégeait.
    Une respiration hachée, le soulèvement irrégulier de ma poitrine.

    "Je n'ai pas peur ... Je n'ai pas peur ! Ne redis jamais ça ... "

    Paradoxe. Mensonge. Grognement. Tremblement imperceptible.
    Cri d'un cœur qui saignait à vif, la voix rauque, comme un avertissement de ne pas approcher, de rester à distance, pour maintenir mes résistances encore en place, pour lui comme pour moi. Pour ne pas de nouveau céder à ce hurlement qui me vrillait les tempes.
    La fureur qui pulsait en moi était telle que les mots qui s'échappaient en crue de ma bouche étaient incontrôlables. Je ne les aurais jamais prononcés. Il ne fallait pas y toucher, Leo. Il ne fallait pas.
    Une blessure gravée dans la neige.

    " La mort d'Eva ne t'as donc pas servi de leçon !?"

    J'attaquais, parce que je savais faire que ça, la rage au fond de la voix malgré le timbre presque murmuré, même si au fond, il restait des remords de me servir ainsi de la pactisante, mais il fallait qu'il comprenne. Je n'aurais pas voulu mais j'avais trop mal. Mal à en mourir, les yeux de Yuki se rappelaient à moi, se substituant à ceux de Leo. Les pertes ne ressemblaient pas, sourire contre détermination suicidaire, mais le même résultat. Un trou béant, qu'il avait réveillé.
    Mes lèvres venaient de lancer une bombe à retardement, traçant des sillons dans mon âme tandis que le sang goutait aux pieds de celui que je tuais.
    Qui me tuait.

    D'un regard. D'un sourire. D'une mimique. Du bord de ses yeux.


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Leo Accettura

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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeDim 28 Aoû - 14:55

« Ainsi tu as choisi de le tuer. Quel goût a sa chair que tu mords avec délectation ? »
Smithy.

Les mots se répercutaient, boomerang de leur impact sur la silhouette de la nippone. Barbelés écorchant ses bras, ses jambes. Arrachant ces liens qu’ils avaient créés, qu’ils avaient appris à aimer. De cette complicité si fragile qu’ils avaient réussi à instaurer. Et qui ce soir se détruisait, soufflée par leur colère commune s’accentuant en diapason de la rancune de l’autre. Miroir d’intentions fausses, qui se heurtaient avec satisfaction sur l’échine d’un de ces idiots, pour plier le dos de l’Echo qui suivait. Jeu de Rôle, en tour par tour, où le perdant serait celui qui verserait la première larme. Celui qui mourrait dans un océan de désarroi, alors que le vainqueur ne serait pas plus glorieux. Autodestruction de votre vie à deux, comme si vous n’aviez pas saisis les enjeux de votre rencontre.

Et Leo ne plierait pas l’échine. Ce sentiment froid qui coulait dans ses veines le maintenait droit, fort, les yeux glacés posés sur ces tourmalines trop dures pour son cœur. Il ne silla pas. Pas une seule seconde, guidé par un code de conduite implicite. Les règles, il les connaissait. Choisir les mots justes, les maux forts, pour blesser. Ne proférer que des mensonges, des vers qu’il ne pensait que pas assez. De ces yeux bleus, presque terne d’un échange qu’il n’appréciait pas. Et il se trompait lui-même, mimique moqueuse sur le visage, renvoyant ce comportement à Aya. Tu veux jouer ? On va jouer. La colère sulfureuse. Ses poings étaient serrés. La bouche fermée, le regard perçant qui à travers la nuit détaillait la nippone qui butait sur ses paroles haineuses. La satisfaction lui fendit le visage.

Et sa tête lui tournait, relent de son cœur qui se retournait dans sa poitrine, se crispant sur lui-même. Car, dans le fond, s’engueuler, ce n’était pas ce que Leo aimait. Il aurait pu l’emmener avec lui, la tirer de force sur un point élevé de la ville, attendre qu’elle se calme. Se seraient battus certainement. Il aurait attendu qu’elle déverse ses flots de rages sur lui, attendant avec un sourire qu’elle se sente mieux. Elle le giflerait, lui dévierait la tête sous le coup, plus fort que ceux qu’elle lui donnait quand il l’embêtait. Et l’orage serait passé, disparaissant aussi vite qu’il avait touché l’Horizon. Leo aurait préféré cette solution. Elle pourtant, dans son principe de base, était bancale. Aya s’infiltrait profondément en lui, dans son cœur, dans ses sourires, pour que, quand elle pleurait de rage, il ne pouvait pas faire semblant de ne pas être affecté. Aya était une partie de sa vie qu’il ne perdrait pas, ne le supporterait pas.

Ses doigts se posèrent sur sa chair ouverte, saignante.

« La question ne se pose pas. Ma vie est un massacre à elle toute seule. Et c'est faux. 78 ... 78 morts, par ma main ou à cause de moi. Et autant qu'il le faudra. Je ne suis pas un ange. Ne prétends pas me connaître en jugeant d'une pratique dont tu ne serais même pas capable ! Qu'est-ce que tu sais de moi ? Si tu crois que je le fais par plaisir ...C'était la seule solution, et encore aujourd'hui ! »

Il tira, la lame s’échappant de sa chair, capturée par sa main. Il pencha sa tête en avant, des perles de sueur s’effondrant sur le sol, se mélangeant au sang peignant la rue de ces couleurs familières. Ses lèvres se pincèrent d’elles-mêmes. Il se réfugia dans la réplique d’Aya, goutant sa verve avec plaisir, écoutant le ton de sa voix déformée par la colère, la rage. Ca te vas si bien Aya. Du bleu dans du noir. Ether de leurs sentiments rendus au plus simple appareil, alors qu’ils crachaient leur dégoût de l’autre, mais surtout d’eux-mêmes. C’était à se demander contre qui les deux pactisants s’engueulaient : son partenaire, ou ce qu’il se reflétait dans leurs regards. Leo sourit, s’aida du mur pour se redresser correctement. Sa tête était lourde, les pensées électrisants ses neurones, comme ces éclairs rongeant la peau de la nippone.

Et il se sentait vide, comme l’essence même de qui il était l’avait abandonné, fuyant ce spectacle qui ne lui appartenait pas. Mais cette lumière était tout de même là, timide de cette confrontation, elle se cachait quelque part, perdue dans les méandres de sa fatigue, de ses blessures. Et Leo, au fond de lui, priait pour qu’elle lui revienne. Pour qu’il trouve la force de ne plus se laisser conduire par cette fureur sourde, dessinait à sa place les répliques qu’il voulait offrir à Aya, au lien de la rassurer, l’aimer. Ca ne fonctionnait pas. Il se perdait dans ce torrent d’agacement, dans ces yeux noirs glaciaires, dans cette haine dont elle déversait le contenu sur le dos de Leo. Vas-tu céder Leo ? Non. Leo ne perdrait pas à ce jeu. Pour mentir, il était le meilleur. Pour la détruire, il sera celui qui lui brisera ses espoirs de sangs, de vengeance. Te briser les côtes pour te faire comprendre que c’est inutile d’avancer. Te tordre les jambes si tu continues d’insister. Te saigner si tu t’empêches de pleurer. Il lui inhumera le cœur, pour le remplacer par des gains de lumière, des grains de sourires.

Il aurait voulu l’aimer. Se rapprocher d’elle, poser sa main sur sa joue, l’embrasser. A la place, à la détailla encore plus fort de ses iris bleus. Bleu pétrole lui renvoyant le goudron de son regard. Bleu de foudre, de ce pouvoir brillant dans le noir. Bleu nuit, qui les entrainaient tous les deux dans de meilleurs cauchemars. Bleu de toi.

« Tu as raison. Je ne sais rien de toi. Tout ce que je sais, c’est ce que j’ai pu voir de toi. Tout ce que tu fais. Tout ce que tu n’oses pas me montrer. Mais ça ne veut pas dire que je ne te connais pas. Je suis celui qui te connaît le mieux Aya, même si tu ne veux pas te l’avouer. »

Calme. Etrangement calme pour cette tornade grouillant en lui. Sa main passa dans ses cheveux, y déposant des éclats carmin. En un élan, où il prit son souffle du mieux qu’il pouvait, alors que son ventre le faisait souffrir, que son dos l’entrainant en arrière, il se détacha du mur, approchant d’un pas jusqu’à Aya. S’immiscer, recommencer les retrouvailles. En surface. Alors qu’ils se chassaient encore. Qu’elle lui aurait sauté au moindre mot prononcé de travers. Son pied se posa lourdement sous le tarmac. Il tanguait un peu sur ses jambes, mais réussissait à rester debout. Le plus important. Il la dévisagea, contemplant cette haine qu’elle lui vouait. Tu es si belle comme ça.

Il fut tenté de baisser le regard, ne le fit pas. Il se mordit la lèvre discrètement, resta impassible quand ce nouveau frisson lui lécha le dos. Son poing droit se serra, sentant à peine ses côtes cassées. Leo savait. Aya, il l’appréhendait à chaque seconde où il l’observait distraitement. Quand elle se détournait de lui pour cacher ses rougeurs. Quand elle fuyait son regard trop chaleureux. Quand elle retenait un rire sur le bout de ses lèvres. Oui, il ne savait rien d’elle, ou si peu. Née un jour de Neige, Glace Immortelle qui lui capturèrent le cœur. Orpheline. Née au Japon, un pays si lointain du sien. Mais pour y arriver. Et apparaitre derrière July. Voilà. C’était stupide. De sa vie, de son existence, il ne connaissait que ces misérables lignes couchées sur un bout de papier. De ce qu’elle avait accepté de révéler sur son enfance, ses déboires, ses désespoirs.

Le reste, Leo l’avait découvert, aventurier de sa vie, de ses désirs, de ses silences. Elle réagissait toujours de la même manière, en cherchant à se protéger de ce qu’il aurait pu faire, de ce qu’il ferait ce soir certainement. Eviter que la douceur de ses sourires ne l’atteigne totalement, qu’il l’attrape dans un coin de la maison pour la couvrir de tendresse. De tout ce qu’elle fuyait et qui, le soir, la rattrapait. Quand elle se débattait dans son sommeil. Que des cris et des gémissements franchissaient ses lèvres entrouvertes. Les combats qu’elle menait dans son esprit la nuit, qu’elle avait beau gagné, mais qui revenaient, plus forts, plus sournois le lendemain. Et cette douceur que Leo avait, de s’approcher furtivement d’elle, de la serrer dans ses bras pendant qu’elle se débattait, tapait son torse pour se libérer de ses rêves trompeurs. Puis Aya finissait par se calmer, le visage caché dans le cou du milanais, qui lui murmurait des mots doux. Des mots qu’elle n’entendait pas. Mais des mots tout de même. Qui en sait le plus sur l’autre, dis-moi ?

« Tu vas te vider sur place si ça continue. »
« Alors je me viderai sur place. »

Un nouveau pas en avant. Pour appuyer sa parole. Le sang qui coula de sa plaie, couvrant la main qui cachait la plaie, liquide rougeâtre souillant ses chaussures, ses vêtements, son corps. Qui ne l’atteignait pas. Leo avait l’intention de continuer. A présent qu’ils y étaient, autant crevé l’abcès, déversé ce pus les empoisonnant sur place. Se détruire l’un sur l’autre en une folie passagère. Et en rire. Encore & Encore. Jusqu’à ne plus vouloir en rire.

Le froid de sa voix lui arracha une grimace, qu’il plaça sur le compte de la douleur, alors qu’il n’en était rien. Qu’est-ce que ça fait de se détacher de moi Aya, comme j’apprends à me détacher de toi ? De se tutoyer l’air prudent, violent, en inconnus qui se détestent avant d’avoir parlé. Elle ne voulait pas l’aider, c’était mieux ainsi. Leo ne voulait pas d’aide. N’en n’avait pas besoin. Il avait survécu sans elle pendant des années, ce n’était pas une blessure dans le ventre qui allait le laisser pour mort dans cette ruelle sombre. Ce n’était pas ce sang qui continuait de couler qui allait lui manquer. Ce n’était pas cette nippone qui lui ferait tourner la tête. Ou si peu ♥

« La tienne quoi ? Oui, elle est faite de sang, du mien principalement, mais au moins je sais pertinemment où je vais. Est-ce moins bien que de se complaire dans des espoirs vains ? »

C’était un besoin qui le fit trembler de l’intérieur, vibration subtile de ses cellules. Se rapprocher. Sentir son souffle atterrir sur sa peau, cette odeur de menthe pour couvrir celle de ce liquide poisseux. La toucher du bout des doigts, la faire rougir par une remarque bien placée. S’excuser. Sa main s’accrocha sur son ventre, le rappelant dans ce monde où Aya rigola à sa dernière remarque. S’ancrer dans la réalité cruelle. Il l’observa, curieux. Alors que sa colère finissait pas s’écouler sur sa langue et fil des horreurs prononcées, jetée sur la figure du Cerbère, ce dernier rigola. Touchée ? Il sourit. Satisfait. Aurais-je réussi à percer ta carapace d’acier, celle dont tu étais si fière, celle dont tu pensais que personne n’arriverait à la traverser. Au bout de mille efforts, regard cette brèche de j’ai creusé.

L’espace ouvert de ton cœur où je m’immisce, me tortillant sous tes attaques, pour te le ravir. Te le voler, et dans ton dos, le crucifier de ces paroles noires. Noires de tout ce que tu portes depuis trop longtemps. Sens la douleur. Je te ferai toucher le fond, couperai tes veines, empêcherai ton souffle. Je mourrais pour toi. Mourras-tu pour moi ? Seras-tu capable de me faire à nouveau confiance ? De m’accorder ces regards que j’aspirais à voir quand je te disais « bonjour, tu as ronflé cette nuit. J’ai pas pu dormir. »? Pourras-tu un jour m’aimer comme je t’ai aimé, comme je t’aimerai toujours ?
Leo ne s’en voulait pas. Ou plutôt, il faisait la sourde oreille à son cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine, résonnant dans sa tête en des marteaux fous de ce qu’il osait avancer. De ce qu’il pensait à cet instant. De cette satisfaction unique de la voir se plier du regard. De cette colère, cette nouvelle fureur, qui lui bandait les muscles, le tirait le visage. Regarde, je suis le centre de ta haine. Maintenant, qui est-ce qui te fait le plus mal ? Ton passé ou moi ?

« T'oublies une chose. C'est la guerre, faudrait peut-être t'enlever tes œillères, sur moi comme sur les autres. Si ce n'est pas toi, l'autre qui t'aura. April ou le GDP, c'est pareil. C'est tout. Et depuis quand ? Depuis toujours. Depuis qu'on m'a fait comprendre que ça sera la seule option que j'avais si je ne voulais pas crever sur le trottoir. »
« Ce serait toi, qui devrait enlever tes œillères. »

A nouveau, calmement, il diminua l’écart. Un pas. Encore un où son équilibre lui faisait défaut. Où à chaque centimètre grignoter, il les compensait en cette énergie qu’il perdait, cette douleur qu’il lui offrait. Et pourtant, elle s’éloignait. Irrémédiablement. Dans une gravité aléatoire, qui la guidait partout, sauf vers lui. Elle avait choisi plus de rancune. Soit. Il lui en offrirait encore plus. Une raison de le haïr pour de bon. Il martèlera chaque mot que tu poseras. Chaque parole que tu prononceras. Et il les retournera contre toi. Leo voulait se rapprocher. Sentir sa fragilité sous les effluves de son esprit égaré. Percevoir les tremblements de ses bras, de son corps, tous diriger dans le moindre soupçon d’existence vers lui. Jouissance d’être le centre d’un monde d’abîmes. Leo.

Leo ! Il ne voulait pas. Mais sa tête lui faisait si mal. Le contact de cette peau froide sur sa main lui manquait cruellement. Les tapes sur l’arrière de son crâne se perdaient dans l’efflorescence de sa mémoire. Il voulait la surprendre en arrivant dans la salle de bain, se faire jeter aussi sec dans le couloir. La regarder quand elle se perdait dans la contemplation de ces photos de famille, quand elle se cachait de June et de ses questions indiscrètes. Le frémissement discret qu’elle avait à chaque fois qu’il l’embrassait, ces gestes qu’elle s’interdisait pour ne pas s’accrocher à Leo. Il était déjà trop tard, tu aurais dû le savoir.

« Je n'ai pas peur... Je n'ai pas peur ! Ne redis jamais ça... »

Et s’en fut trop. Et s’en fut assez.

Il. Tout. Tout. Tout s’arrêta dans sa tête. Pour cet appel d’Aya qui l’eut achevé. Sur le coup. De ces supplices qu’il entendait dans le fond de sa voix, sur lesquels il fermait les yeux pour lui piétiner le cœur plus fort. Chante ta souffrance, ton monde de cadavres. La glace fondit. Son cœur se raviva dans son coffre de chair. La chaleur se répandit, vrillant le mal de ses blessures, les oubliant, les obscurcissant. A nouveau, il ressentait son bras droit, bien qu’engourdit. La brulure dans son dos, dans ses côtes, dans son ventre. Le monde repris une forme qu’il connaissait. Le monde repris des couleurs qu’il appréciait. Et ce bleu. Azur de ses pensées, qui la détaillèrent, souffrant. Touché ? Leo savait être un monstre, hélas, pas long.

Alors s’en fut assez. Il s’approcha à nouveau. Brisant les meurtrissures de son corps qui l’empêchaient de bouger. Brisant cet élan de colère qu’il l’avait possédé. Reprenant le dessus sur le calme de sa tête qui l’avait anesthésié de ses sensations, de ses sentiments, de sa Lumière, de son Echo. Il voulait la toucher. La sentir. L’embrasser. L’aimer. L’avoir dans ses bras, percevoir son souffle sur sa peau, les battements de son corps, le pétillement de ses yeux, le début de ses rires, les caresses sur son ventre, la course de ses doigts sur ses bras, ses cicatrices. Ses étreintes. Ses baisers. Ses regards. Son attention. Ses soupirs. Ses murmures. Ses élans de colère. Ses remarques sarcastiques. Ses désespoirs face à June. Ses rougissements. Ses espoirs. Sa découverte d’un monde nouveau. Son amour. Il la voulait Une. Pour lui. Rien que pour lui. Pour l’apprécier. L’aimer.

Mais as-tu oublié qu’il était trop tard Leo ? Il n’y a pas de place pour l’amour dans cette histoire. Il n’y aura qu’un vainqueur. Qu’un perdant. Et là, tu perds.

« La mort d'Eva ne t'as donc pas servi de leçon !? »

Ce fut la fin. La fin d’un cycle.

Il continua son mouvement d’approche. Au dernier pas, alors que son regard avait repris sa teinte habituelle, celle qu’il ne dédiait qu’à elle, il s’éteint. Une seconde. Et ce fut la fin. Tu as raison Aya, il y a des choses auxquelles on ne touche pas. Eva était le sujet par excellence à ne pas aborder. Pas de cette manière. Pas avec cette colère. Sorcière ! La seconde d’après, alors qu’il lançait le poignard sur le côté, le bruit du métal roulant sur le sol, ses yeux s’illuminèrent à nouveau. Mais c’était ce genre de regard que tu ne veux pas voir. Ce genre d’émotion que tu ne veux pas reconnaitre. Ce genre d’émotion que tu fuis, que Leo, lui, affronte. De la colère ? Un Euphémisme. De la fureur ? Un Euphémisme. De la rage ? Un Euphémisme. De la souffrance ? Un Euphémisme. De la haine ? Du dégout ? De la folie ? De la rancune ? Du désespoir ? De la violence ? Euphémismes. Tu ne peux pas savoir ce que tu as réveillé. Petite sotte.

Leo était assez proche. Son bras partit malgré lui. Il partit, à toute vitesse. Il la giflerait, marquerait sa peau si blanche d’une marque rouge. Rouge de colère, de remords, de chagrin, de sang. Le son retentirait dans la rue, ferait fuir les derniers soupçons de ce qu’il ressentait pour elle. Pour Aya. Pour Eva. Finalement, il ne le put, attrapa le col d’Aya, la tirant à jusqu’à lui, la soulevant presque du sol. Le sang coula sous l’effort, l’entaille sous l’omoplate s’accentuant dans la chair, découvrant bientôt les os. Qu’importe. Plus rien ne comptait. Plus rien n’avait d’importance. Il claqua sa langue contre son palais, approcha le visage d’Aya en face du sien.

« Ne redis jamais ça. Jamais ! »

Ce qu’il y a de magique avec des mots écrits, c’est que peu de sentiments transparaissent entre les différentes lettres. Leo avait la rage au ventre. Ce n’était plus une question d’Echo, d’empathie pour Aya. Elle n’existait plus. Aya n’était qu’un morpion sur le bord d’une route, qu’il écraserait de son pied, jusqu’à ce que la bouillie de son corps fraichement assassinée sèche au soleil. De dégout de cette bestiole d’exister. D’être. Et c’était suffisant pour lui en vouloir, la vomir tous les jours, la détruire sans un regard, en se débarrassant des restes de l’affection qu’il avait éprouvé pour elle. Son cœur ne saignait pas. Son cœur suintait quelque chose de viscéral. Qui le forçait à garder sa prise sur le col d’une Aya qui tentait de se dégager. Il ne la laisserait pas filer comme ça. Maintenant qu’il la tenait, il la briserait. Os par Os. En faire de la poudre, du jus et tout jeter.

Le calme dans sa tête qui l’avait assommé durant leur première confrontation s’était évaporé, chassé, abattu. Accalmie oubliée. Il n’y avait plus qu’un bruit sourd lui parcourant l’être. Des souvenirs, des sentiments que Leo ne gardait que pour lui, et qu’aujourd’hui, il montrerait à Aya. Tu ne peux pas savoir ce que tu as fait. Idiote. Sa voix était devenue rauque. Forte. Plus que ce qu’il ne lui avait jamais dit. Il avait crié aussi, insistant sur cette mise en garde. Appel qui retentit sur les murs de la rue, amplifiant son dégout. Intimidation. Sa mâchoire bien que fermée se crispa sous la tension de tout son corps.

Avant, il aurait voulu l’embrasser, la rassurer. C’était fini. Le feu ardent dans ses yeux, les sourcils foncés, la tempe tachée par le sang, ses iris pointaient celle d’Aya, prolongation du contact pour s’étirer à l’infini. Ce n’était plus un jeu. Ce n’était plus un affrontement. C’était un Leo de bien mauvaise humeur. De tout ce ressentis. Boite de Pandore. Tu te bruleras les ailes, les doigts, le cœur. Tu souffriras. Leo ne la blesserait pas. Il la tuera.

Son souffle s’écrasait sur celui d’Aya. Il se fichait de l’électricité lui léchant la peau, de ce regard noir qu’elle lui adressait. Elle le haïssait ? Soit. Elle lui en voulait ? Soit. Elle le briserait ? Soit. Il lui rendrait au centuple, vengeance illégitime. Leo la souleva un peu plus, ne bronchant pas aux coups qu’elle serait tentée de lui donner pour se libérer. Le Lion tenait le Cerbère entre ses crocs. Alors, autant l’achever.

« Qu’est-ce que tu en sais ? Hein ? REGARDE-MOI ! Est-ce que tu étais là quand elle est tombée ? Est-ce que tu as vu ses larmes de déceptions ? Est-ce que tu t’es saigné pour la sauver ? »

De la bile lui arriva dans la bouche, mélangée avec le sang. Il la secoua de ses deux bras, imprimant en elle cette colère. Qu’est-ce que Aya pouvait bien lui reprocher ? De ne pas être mort à la place d’Eva ? De ne pas avoir assez souffert pour avoir tenté l’impossible ? D’avoir affronté son meilleur ami pour cette fille ? Elle, cette idiote qui tuait tout le monde sur son passage, est-ce qu’elle pouvait vraiment saisir l’importance d’une étincelle de vie qui s’éteint devant ses yeux ? Le remord te pèse Aya ? Essaies de protéger la personne la plus importante pour toi, sans y arriver, on en reparlera. Un serpent de feu s’enroula autour de sa gorge, son cœur battant à tout rompre, résonnant dans la plus fine particule de chair.

Le contact de son corps lui brulait les doigts, les bras, les épaules, le corps, la tête, le cœur. Il voulut vomir son dégout pour elle. Pour cette asiatique ignorante qui ne savait rien. Alors il la poussa. Saturation de sa présence dans son existence. Leo devenait sourd. Sourd à tout ce qu’ils avaient construit, tout ce qu’ils avaient appris. Comment. Comment pouvait-elle s’entretenir sur le sujet en ne connaissant qu’une virgule de l’histoire. Qu’un grain de sable perdu dans le foutoire de sa vie ? Oh, s’il-te-plait Aya, ne me dis pas que c’est encore de la jalouse ? D’elle ? De cet amour que je lui aie porté, ou de ce but qu’elle s’était fixé, en l’atteignant. Une balle dans l’épaule, l’autre dans le crâne. Tu veux finir comme ça ? Recouverte par la Neige qui t’as vu naitre, et qui te fera également disparaitre ? La Neige efface les traces, mais le gout du sang, lui, reste.

Leo recula d’un pas, agacé. Il se pinça l’arête du nez, soupira, tentant de se calmer, sans que ça n’arrange rien. Il marmonna des choses incompréhensibles, laissa échapper un rire jaune. Il avait mal, s’en fichait éperdument. Ray, dans un coin de sa tête commençait à s’inquiéter en voyant que la dispute tardait à sa fin, que Leo perdait beaucoup trop de sang à s’énerver comme ça. D’un ton sans retour, il dicta à son Stella de rester où il était. « Cette histoire ne te concerne pas Ray. Reste dans ton panier. » Leo était seul. Resterait seul. Il ne voulait personne près de lui. Personne.

« Une leçon ? Tu veux savoir ce que j’ai appris ? Tu te plains de ces âmes que tu as fauchées. Soit. Pleures dans ton coin alors, comme tu l’as toujours fait, parce que tu ne sembles rien apprendre d’eux, de ces morts qui te poursuivent. Tu en as juste peur, non ? »

Leo s’approcha à nouveau d’elle, prenant une grande respiration. Des gestes vifs. Nerveux. Il pointa le torse de la nippone, appuyant par deux fois à l’endroit où se trouvait cette cicatrice lui barrant le corps.

« La mort d’Eva. Tu ne peux même pas savoir ce que ça fait. Enfin. Ce que ça m’a appris ? » Il eut un léger rire. « Tch. Est-ce que tu pourras seulement le comprendre ? »

Son visage se pinça par automatisme, dégouté de ce qu’il s’apprêtait à dire. Réminiscence d’une chevelure blonde lui tombant sur les épaules. Des rares baisers qu’il avait échangés. De la chaleur de ses mains se posant sur sa nuque. De son parfum de lavande, hériter de sa terre natale. Eva détestait la neige. Elle le détestait aussi. Dire qu’elle était morte entourée des deux. Leo sentait encore sa main sur son épaule qui chutait, sans vie. De la lueur de ses yeux verts qui s’éteignait dans des reflets turquoise biens connus. La Nostalgie lui barra le visage de longues secondes. Regardes ce que tu fuis Aya. Pourtant, Leo paraissait plus calme, les gestes nerveux qui s’étaient calmés, alors que son doigt était toujours posé sur le haut du sternum de la noiraude. Du bleu dans du noir, et toujours cette rage sourde dans le fond de son regard.

« Elle m’a appris à ne pas suivre n’importe quel imbécile qui voulait se jeter gueule la première dans une vengeance stupide, spécialement envers le GDP. »

Explosion de son esprit. Alors que cette néfaste soirée lui revenait en tête. Finalement, il avait à nouveau fini sa phrase en criant, appuyant toujours plus fort de son doigt. Et il se recula, rageur, alors que deux perles d’argent ruisselèrent sur le coin de son œil. Il pesta, jura. Contre sa stupidité et celle d’Aya. C’était une erreur de sa vie qui se répétait. Acte 2, Scène 3, on change d’acteurs. Eva change avec Aya. Et maintenant tu meurs. Car Leo dans son incapacité à se montrer plus ferme avec les gens de son entourage fini par la perdre. Désespérée, désillusionnée, il décide de mourir dans un ultime combat. Fermeture du rideau. Amen.

Un soupir s’échappa de ses lèvres. Leo passa une main dans ses cheveux avant de serrer son ventre. Il ne savait pas quelle heure il était, mais la fatigue le rattrapa, l’élan de colère moins envahisseur. Il leva momentanément la tête vers le Ciel, cherchant le croissant de Lune de son regard, qu’il trouva, les observant de son sourire pointu. Tu te moques bien de nous, hein ? Sa langue claqua à nouveau contre son palais. Horizon tourna le dos à Aya, n’aillant que faire de sa réponse. Son estomac commençait à se libérer du poids qui l’avait enserré, alors qu’une pointe le prenait au cœur. Leo avait envie de tout arrêter là. De se poser quelque part, en attendant que la Lune ait fini sa course dans le ciel, et lui de s’éteindre au premier rayon de soleil.

Marchant avec un équilibre laissant à désirer, il retourna sur le mur qui l’avait accueilli, passant sans voir les traces de son sang séché sur les briques. Leo se laissa glisser contre lui, les fesses atterrissant sur le sol humide de Milan. La main toujours posée sur son flanc ouvert, il remarqua qu’il ne sentait presque plus la blessure. Bon, ça devait être bon signe. Soit. Il s’en fichait. Leo, les yeux mi-clos, détaillait de loin Aya, avant de lever à nouveau ses opales vers le Ciel, contemplant les peu d’étoiles visible dans la ville, comme par réflexe cherchant l’étoile d’Eva, brillant non loin de la Grande Ours. Il sourit. Es-tu fière de moi comme ça, Eva ? Tu as raison, je me meurs pour les autres…

« De toute façon, pourquoi je m’attache à toi de cette manière ? Tu n’écoutes même pas ce que je dis… Tu ne m’aimes même pas. »

Un dernier soupir conclu sur le murmure de sa vie. Et les paupières de Leo se fermèrent sur ce monde qu’il ne pouvait plus supporter.

« Tu m’as tué Aya. Félicitations. »
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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeJeu 1 Sep - 19:39

En manque de ciel
En manque de rêves
En manque de toi
Une demi-vie
Une moitié d'âme arrachée.



    Les griffes du Cerbère crissaient contre la paroi de mon esprit, les crocs sortis dans un râle macabre, humant ce sang qui s'épandait de la plaie abdominale de Leo. Mauvais, très mauvais. Couleur pourpre qui poissait son univers, se rependant à la frontière du mien, comme un vieil habitué, espace glacial entre nos deux silhouettes tendues. Mes yeux suivaient le chemin de ses mains, la crispation de sa mâchoire, l'éclat de douleur dans ses yeux sans éveiller le moindre écho de compassion.
    Juste une note perdue dans un monde déchiré par des mots.
    La haine avait fait de moi son cocon, submergée par un sentiment dont la laisse s'était brisée en milles morceaux, laissant des échardes corrosives dans mon cœur. Mouvement défensif, autodestructeur. D'un cœur qui suinte de douleur et d'acidité. Une haine étrangère et à la fois ressentie comme personnelle, capturant de sa fureur la moindre parcelle de ma peau, feu brulant, coulant dans mes veines comme un poison qui s'égrenait au fil de ses paroles. Fiel de reproches dont la barrière muette avait éclaté.

    « Tu as raison. Je ne sais rien de toi. Tout ce que je sais, c’est ce que j’ai pu voir de toi. Tout ce que tu fais. Tout ce que tu n’oses pas me montrer. Mais ça ne veut pas dire que je ne te connais pas. Je suis celui qui te connaît le mieux Aya, même si tu ne veux pas te l’avouer. »

    Nouveau sifflement de réprobation rauque.

    " Parce que tu m'en montres plus ? En matière de confidences et de confiance, tu ne fais pas mieux. Ne crois que ce que tu as deviné de moi fait de toi quelqu'un qui me connait. Tu ne sais rien. Tu ne comprends donc pas que ton ignorance permet ta survie !?"

    Le ton de ma voix était couvert de colère, exaspérée par ce ton calme, comme si Leo était persuadé d'être un visionnaire, un regard qui aurait tout dévoilé d'une lueur de bleu. Idiot. Ignare, tu crois tout savoir en t'accrochant à une image, à des instants volés d'une carapace qui se fissure lentement, sans en avoir le prologue sanglant. Que peux-tu comprendre de moi ? Que penses-tu savoir de cette douleur, petit rêveur ?
    Et toujours ce mouvement dans ma direction, égratignant, craquelant cette distance d'un geste qui m’effraie plus que de raison, ce soir encore plus.
    Leo, réveilles-toi, tu abrites une tueuse, à quoi t'attentais-tu petit bouffon ? Un rire moqueur s'éleva en moi à cette pensée, sure qu'il n'avait jamais pensé aux risques de se retrouver menacer, lui et sa famille par ma faute. Il avait barré cette éventualité d'un rire, avançant irrémédiablement vers un voile qu'il ne valait pas mieux soulever.
    J'aurais voulu lui révéler, d'un ton neutre ce qui c'était passé, ce qui avait amené mon sourire à disparaitre, les gestes ancrées dans mon échine, danse de mort inscrite dans des prunelles ténébreuses, le mettre en garde. Mais ma bouche était restée close, part d'ombre gardée secrète, scellée dans la douleur d'une existence qui n'avait appris qu'à marcher seule.
    Alors que tu me mens, ne peux-tu comprendre qu'une partie de mon univers ne doit pas te concerner ? Une nécessité tout simplement, et tant pis si cela faisait de moi quelqu'un d'insensible, de mauvais. Une tâche dans son monde, une erreur. Un faux pas; de sa part comme de la mienne. Surtout de la mienne.

    Et un autre de sa part qui s'avance dans l'obscurité alors que je recule d'un pas en arrière, réhabilitant cette distance entre nous. Lui qui m'oppose toujours sa volonté agaçante dans un sang qui s'écoule, se moquant de sa vie, inconscient de mon inquiétude sous la colère qui gronde. Leo était un frein à la fureur du Cerbère; sa vengeance, tremblant de ses chaines de feu à la vue de cet être qui osait.
    Poser un pied dans son territoire de ténèbres, le barrer d'un regard océan. Gronder, et essayer d'ignorer ce liquide sombre qui se répandait à nos pieds, gouttes d'espoir se diluant dans du goudron. Effacer ce sursaut de lucidité quand à l'état du corps vacillant de Leo, cette peur qui s'insinuait dans une pensée de danger. Oubliée sous l'exaspération de ses répliques. T'es bouché Leo.

    « Ce serait toi, qui devrait enlever tes œillères. »

    Reculer encore. Buter contre une aspérité du bitume, comme cette phrase qui me giflait, dans son entreprise têtue. Pardon ?
    Il m'excédait, son comportement à la limite du suicidaire, cette capacité à ne pas vouloir comprendre les signes à répétitions, les barrages que je lui opposais, pour le protéger. Qui des deux voyait le danger de sa main dans la mienne ? De cet attachement. Cette affection qui était bien plus que cela, gravée, arrachée par une sensation de frustration et de colère qui écrasait tout. Tout ces espoirs, tout ces regards qui revenaient sans cesse sur sa silhouette, ces gestes de douceur retenue, tout ce que j'avais mis dans ce début de relation timide, d'un je ne sais quoi de plus doux.
    Et tout ce dont je crevais de montrer sans oser le faire. Il ne restait rien, rien que deux inconnus qui n'en étaient pas, s'écharpant dans du sang sur un trottoir. L'une ayant peur de ce que représentait l'autre à ses yeux. Sa perte, et plus encore. Son Eden, son Enfer. Bien plus que le passé sanglant qui marquait ses talons, révolu mais toujours flottant dans une brume qui ne semblait jamais s'estomper. Un réflexe Inné.
    Que de mots gâchés, éviscérés pour les projeter à la gueule de l'autre dans une rage qui faisait écho. De la peur, de la rage, de la colère aussi sombre que nos prunelles qui s'affrontaient, viscéralement accrochées l'une à l'autre. Comme des aimants qui se repoussent, comme des amants qui se déchirent.

    On aurait pu, on aurait pu continuer longtemps comme ça, lui s'approchant, moi me réfugiant dans une ombre qui n'était d'aucune protection face à ces opalines. Pourquoi fallait-il qu'il soit aveugle ? Aveugle au point de ne pas voir le simple risque de mon existence même dans son giron.
    Il y eut un flottement silencieux, dans lequel mes pas restèrent figés, cloués au sol dans cette incertitude qui me bouffait les tripes. Mais je ne devais pas céder, je ne pouvais pas. Hurlement du Cerbère à la lune. Le calme avant la tempête, dans lequel l'espoir de Leo fut brisé. Annihilé par une réaction de ma part trop violente pour être contenue.
    Un revers de douleur, rêche, maudit.
    Sorti de l'antre la plus mauvaise de mon esprit, vicieux dans un réflexe de défense ultime.
    Parce que je lui en voulais. Je lui voulais profondément de ne pas comprendre le pourquoi caché dans mes regards, cette ombre qui planait sur mon passé. Parce que je ne pouvais supporter de le perdre de la même manière et que j'aurais tout fait pour, même m'estropier au plus profond, m'arracher ce morceau de petit bonheur. Me tuer. Et replonger dans des abimes dont les miroirs me fixaient, furieuses et plus que cela ...
    J'avais tapé fort, trop.

    « Ne redis jamais ça. Jamais ! »

    La lueur dans les yeux de Leo, je la connaissais trop pour ne pas savoir ce que je venais de déclencher. Une colère aussi froide que la lame d’un assassin. Une volonté sauvage de destruction de l'autre, d'anéantir son ombre pour qu'elle souffre le plus possible, n'être plus qu'une cible à fracasser contre le mur. Et face à ce regard, le mien se fissura.
    La gifle ne vint pas alors que le mouvement du bras était étamé, moi m’attendant à sentir le gout amer du sang dans ma bouche. La douleur de l’humiliation. Le début de la fin entre nos deux êtres.
    Il vint, insipide, âcre sur le bout de ma langue quand je sentis mes pieds décoller légèrement du sol sous la pression des mains de Leo sur mon col.
    Les fibres de mes vêtements me griffaient la peau aussi surement que les doigts du jeune homme en colère étaient des serres trop proches de ma jugulaire. La brusquerie du geste m’avait coupé le souffle, me faisant grimacer mais pas une plainte ne siffla entre mes lèvres tandis que je posais un regard froid dans celui devenu d’hiver de Leo.
    L’instinct du Cerbère avait pris de nouveau le dessus, mes doigts accrochés aux siens, enfonçant mes ongles dans sa peau pour le faire se décrocher de moi. Mais toute la force que j’aurais pu déployer n’aurait pas suffit, pas face à ça. Le crépitement des étincelles ne tarda pas, plus féroce que jamais, léchant mes bras pour piquer les siens, dans un mouvement rageur. Une seconde poussée ignorée, rouvrant des cicatrices fines sur mes poignets comme par magie.
    Le sang filtrait entre mes doigts, se mélangeant au sien, avec de couler le long de mes avants bras, caché par des manches qui ne me protégerait plus de la pluie que j’avais déclenché.

    Presque. Il n’y avait plus de magie, plus de contact, plus de lune Rouge partagée, juste la rage froide d’un être qui niait mon existence par son regard, l’anéantissait de toute sensation.
    La chaleur de son sourire, de ses prunelles avait disparu pour ne me montrer que sa haine, profonde, viciée à mon égard. Une moins que rien, une rature dans l’écriture des lignes de sa vie, une interligne qu’il fallait effacer de mots rageurs, assassins.

    « Qu’est-ce que tu en sais ? Hein ? REGARDE-MOI ! Est-ce que tu étais là quand elle est tombée ? Est-ce que tu as vu ses larmes de déceptions ? Est-ce que tu t’es saigné pour la sauver ? »

    Mon souffle se fit plus erratique quand ses bras me soulevèrent un peu plus, le bout de mes bottes ne touchant presque plus terre. Pourtant, j’essayais de ne pas céder à la panique. Ne vous détrompez pas, il aurait bien pu se saisir des lames encore cachées dans mon manteau pour me les planter dans le corps que je n’aurais pas bronché. La souffrance physique n’était pas quelque chose que je craignais, une résistance accrue avait fini par marquer mon corps. Non, c’était ce qui dansait dans ses prunelles. Cette négation noire, aussi ténébreuse que pouvaient l’être les miennes. Ce déni sourd, cette envie meurtrière. Cette intuition de le perdre.
    De tout perdre. .
    Tu auras tout fait pour, petite idiote.

    Vas-y Leo, tues-moi. Je suis déjà à la frontière de ma vie.
    Leo me secouait, comme une poupée de chiffon aux crocs accrochés à ses doigts, le regard droit, dur, aussi sombre que la lame d’onyx affalée sur le sol, honnête dans toute son horreur pendant qu’il déversait le poison de son cœur dans les veines du mien.
    Ne rien montrer du désastre intérieur qu’il déclenchait à son tour.
    Non, je n’étais pas là quand le corps d’Eva avait chuté sur le sol pour ne plus jamais se relever, sourire, pousser un soupir percé de larmes. Non, je ne savais que pressentir la déception d’un échec qui frôlait mes reins.
    Tu ne sais rien Leo
    Sa dernière phrase claqua en moi comme un coup de fusil tiré à bout portant, m’emportant en arrière tout comme le geste de rejet, de dégout de Leo. Je vacillai, des ombres hivernales dans les yeux, perdue l’espace d’un instant, dans un autre temps.
    La perte légère d’équilibre faillit me faire chuter sur le sol, retenue à temps par cette jambe droite qui accusa la poussée d’un frisson de douleur le long de mon échine. L’échine d’un Cerbère retourné à la naissance de sa vie.
    Dans ce cri de désespoir lancé à un silence sanglant que je revivais certaines nuits.
    Une douleur ancienne se réveilla, tirant sur des nerfs déjà à vifs par des émotions qui déclenchaient des jets lumineux furieux autour de mes poignets, devenus insensibles sous la rancœur qui courrait sous ma peau.
    Mon poing se serra, les jointures blanches de fureur contenue, prêt à partir pour cueillir la mâchoire de Leo, au moindre pas envers moi, agressif ou non.

    « Une leçon ? Tu veux savoir ce que j’ai appris ? Tu te plains de ces âmes que tu as fauchées. Soit. Pleures dans ton coin alors, comme tu l’as toujours fait, parce que tu ne sembles rien apprendre d’eux, de ces morts qui te poursuivent. Tu en as juste peur, non ? »

    Ses mots coulaient en moi, injection létale qui se rependait, détruisant, arrachant par pan le masque de froideur de mon visage. Pour ne laisser que transparaître qu’une fraction de douleur. Pure, sauvage, abrupte. Mes yeux secs pleuraient des larmes de sang.
    Je le fixais, mon visage à demi plongé dans cette clarté qui n’éclairait plus rien en moi, qu’un vide. Les mots se ruaient sous ma langue, tandis que je me laissais détruire jusqu’à l’os, jusqu’au fond de mon âme, ajoutant un nouveau champ de ruines dans le labyrinthe sanglant qu’était devenu mon esprit.

    « Se plaindre !! Et quand m’as-tu entendue me plaindre de ces morts? Pas une seule fois. J’ai …. »

    J’avais mal, mal à en vomir, sous ses paroles, et pourtant à aucun moment je n’aurais baissé les yeux, le laissant déverser sa haine sur moi comme un torrent d’acidité qui mettait à nu la chair déjà à vif de mon être. Ils me hantaient oui, mais jamais une seule parole n’avait filtré sur eux, pas une seule larme sur le carnage qu’avait été ma vie.
    A quoi bon lui dire ?
    J’ai tué un des premiers souffles de mon existence, Leo. Et tu es en train de faire de même, me le retirant, t’effaçant.
    Il était sourd, à tout, à mes paroles, au souffle douloureux qui peu à peu s’était emparé de moi, crise de panique à poindre, et moi j’étais une éponge qui absorbait son dégout sans pouvoir le repousser, tout ce qu’il sous-entendait, tout ce ressentiment acerbe qui m’éclatait en milles morceaux, sur ses lèvres, pour s’éparpiller dans mon esprit. L’absorber, le digérer sans le recracher. Et se laisser détruire de l’intérieur, parce que rien d’autre n’était possible.
    C’était une part tranchante de Leo que je ne connaissais pas, la plus sincère, brute peut-être, qu’il cachait derrière ses sourires. Fermer les yeux. Souffler. Les rouvrir sur ma Némésis cachée, le seul à pouvoir me tuer d’un seul regard.
    Malgré la douleur et la rage qui m’envahissait de nouveau par vague, petite coquille qui n’était plus que le réceptacle de sentiments furieux, je ne bougeai pas à l’approche de Leo, le poing incapable de jaillir.
    Ses doigts me frappaient, martelaient la ligne de sang sur ma poitrine, réveillant sa douleur cachée, comme si sous son contact, ma peau s’était enflammée. L’amer d’un échec cuisant, le corps trop faible, se trainant dans une ruelle pour échapper à un regard encore plus noir que le mien.

    « La mort d’Eva. Tu ne peux même pas savoir ce que ça fait. Enfin. Ce que ça m’a appris ? Tch. Est-ce que tu pourras seulement le comprendre ? »
    Murmure.
    « Qu’en sais-tu ?... »

    Ne pas savoir ? Il se foutait de ma gueule ? J’avais eu le tort de parler sans savoir, mais Leo tombait dans le même travers, son ignorance marquant mes traits d’une tristesse infinie. Son rire agressait mon âme, la tranchant de ses notes désabusées alors qu’elle pleurait une perte similaire.
    « Vengeance stupide » ? Peut-être bien. Mais qui l’était le plus à ce moment là ?
    Tu n’es vraiment qu’un pauvre idiot, Leo. Enfermé dans ta douleur pour ne s’être jamais douté qu’un être tel qu’Aya, de par son métier de nuit ne puisse connaître le même chagrin. Mais bien sur, un tueur est un être sans émotion, il le doit, sans trembler, mettre son humanité de côté, la détruire pour mieux percer celle des autres d’une lame aussi sombre que la nuit.
    Retournes-toi, va.

    « De toute façon, pourquoi je m’attache à toi de cette manière ? Tu n’écoutes même pas ce que je dis… Tu ne m’aimes même pas. »

    Alors que j’aurais pu lui rétorquer vertement ma douleur, la sienne, mon écho, comme ce cri au bord de ses lèvres, au bord du bleu de ses yeux, les lettres s’étaient taries sous ma langue, ma salive devenue rare, comme si mon âme s’était soudainement retrouvée desséchée. J’avais du mal à respirer correctement, sa silhouette aveugle tournant le dos aux émotions qui se battaient dans mes yeux, sur la commissure crispée de mes lèvres, le tremblement de mes mains, les ongles enfoncés profondément dans mes paumes.
    Colère, rage, désespoir, les chaînes sinistres d’une culpabilité mordante, et cette douleur qui m’estompait comme une gomme sous son intensité.
    Il se jouait entre nous le requiem d’un rêve que nous avions, peut-être à tord même si je ne voulais le croire au fond, osé prétendre toucher du doigt.

    Un sursaut de conscience peut-être. De survie.
    A peine Leo avait-il eu le temps de fermer les yeux que je me précipitai sur lui, le saisissant pas le col, plaquant son corps contre la froideur du mur derrière lui, son sang poissant mes vêtements.
    La claque retentit, lui faisant rouvrir les yeux tandis qu’au bord des miens pointait des larmes amères.

    « C’est faux ! Je t’… C’est FAUX ! Tu l’as dit toi-même Leo, tu ne sais rien, rien de ce que j’ai pu vivre. Ne crois pas me buter en crevant aussi simplement. »

    Le souffle douloureux, je l’obligeais à me fixer, une main déjà en train de déchirer un pan de ma chemise, l’autre le maintenant toujours en l’empêchant de gigoter. Le froid réveilla des douleurs, des bleus datant de quelques jours au dessus de mes hanches, mordantes, mais ce n’était rien, rien comparé au château de cartes qui s’effondrait dans mon esprit. Déchiré, morcelé.
    Décrochant mon regard sombre du sien, un avertissement d’une prochaine baffe au bout des doigts, je nouai sans ménagement le bout de tissu autour de sa taille, lui tirant un râle de douleur. Un sifflement agacé sortit de mes lèvres, tandis que j’en ajoutai un autre, me retrouvant avec mon seul manteau au dessus d’un débardeur, la tête à hauteur de son torse.

    « J’ai tué la seule personne qui me maintenait debout ! J’avais quatorze ans putain ! Quatorze ans ! … Et il est mort en voulant me protéger. J’ai tout fait, j’aurais du faire encore plus pour que ça n’arrive pas. Mais c’était tr..op tard … Alors ne me dis pas que je ne peux pas comprendre. Jamais ! »
    Grondement du Cerbère dans ma voix, marque de sa naissance.
    Il y eut le bruit sourd de mon poing sur le mur, à quelques centimètres des côtes de Leo, ultime geste révélateur de la tempête qui faisait encore rage sous mes doigts.
    Je m’étranglai avec mes propres mots, ma propre salive, les yeux ravagés par des souvenirs qui me laceraient, me laissant pantelante de l’intérieur. Trop d’émotions. Mes prunelles n’avaient toujours pas osé frôler les opalines sombres de Leo.
    Pas besoin de compassion, d’un regret, de rien du tout. Pas besoin de lui. Et pourtant irrémédiablement le contraire. Comme un second souffle, mon second souffle. Essentiel.
    Un peu trop brusquement peut-être, je me redressai, appuyant son épaule contre la mienne, le regard vide de ce tout qui enserrait mon âme, fissuré, le soulevant légèrement.
    L’entrainer loin de cet instant où nos lignes de vies s’étaient entredéchirées pour nous laisser blesser du regard de l’autre.
    Plus profondément encore.
    Pour ne jamais l’oublier.

    Des ricochets sanglants qui avaient joué le début d’une tragédie, d’une nuit.
    Des paroles soufflées, encore encrées de reproches, d’âpreté prudente.

    « Je vais te ramener, tu vas te requinquer et arrêter de faire le con. Tu pourras même jouer les transits avec ta blonde si ça te chante … »
    Mensonge éhonté sur mon visage qui peinait à retrouver son impassibilité mordante, le corps vacillant sous le poids de Leo.

    Qui a dit que je devais haïr l’hiver de ma vie pour t’aimer ?
    Le temps des larmes était révolu. Et dans dix jours, j’aurais disparu.
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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeMer 14 Sep - 17:53

« A sens unique dans ta réalité. »

« Parce que tu m'en montres plus ? En matière de confidences et de confiance, tu ne fais pas mieux. Ne crois que ce que tu as deviné de moi fait de toi quelqu'un qui me connait. Tu ne sais rien. Tu ne comprends donc pas que ton ignorance permet ta survie !? »
Un pas. « C’est vrai. Nous en sommes au même point. Mais je te fais confiance, malgré tout ça. Et la seule chose dont j’ai peur, c’est de te perdre. Toi, crains-tu à ce point ce qu’il y a au fond de toi pour me faire fuir ? As-tu si peu confiance en moi pour penser que je puisse partir avec tout ce que tu ne veux me raconter ? Je. Je suis déçu. »

Il baissa le regard une seconde, livrant ses yeux bleus à la dureté de la réalité, la noirceur de la rue, l’horreur de leur dispute. C’est vrai. Il était déçu. Mais ça ne voulait rien dire. Leo avait connu tellement plus de peine que celle qu’il ressentait à ce moment. Il n’était que de la glace, cœur givré sur le bord de ses lèvres. Il fit un deuxième pas. Et cette glace le protégerait – un peu- de ce qu’il vivait. De ce que son cœur risquait. Leo avait peur – un peu – de tout ce qui était en jeu ce soir. De tout ce qui se brisait au fil des secondes. Le temps qui s’égrenait sous la dispersion des mots, de la rage. Regarde-moi Aya. Vois ce que nous nous reprochons. Vois combien je tiens à toi sans oser te le dire, de peur de te voir éclater en mille morceaux d’étoiles si je te le dis. J’ai peur. Que tu ne puisses m’accepter ainsi. Alors je te blesse. Pleure. Ce sera plus facile pour moi de partir.

Et c’était ainsi. Un jeu à deux perdants. Où chacun chutait un peu plus en entrainant l’autre vers les fonds. Et personne ne disait rien. Ce serait leur secret à eux. Secret de leur destruction. De leur Annihilation. Où la confiance s’émiettait au même rythme que ce sang qu’il perdait. Sa tête tournait. Leo était fou. Fou de tout. De ce qu’Aya disait. De ses paroles. Fou de son passé. De ce qu’elle lui cachait. De ce qu’elle lui crachait à la figure. Fou de rage, de colère. Fou d’elle. De ses yeux. De son malheur. De sa méchanceté. De sa froideur. Fou d’elle, tout simplement. Et en gamine capricieuse, elle détruisait le Jouet Leo, pièce par pièce, lui démantelant le corps, les organes, le cœur. Morceau après morceau. Les éparpillant dans un monde qu’il ne connaissait pas. Que Leo refusait d’affronter plus longtemps, agacé de n’être que le patin de cette nippone.

Leo grimaça. S’en fut trop. S’en fut assez. Ses doigts vinrent l’arracher du sol, la capturant par son col, la dominant de sa frustration, de ses blessures. Il la souleva jusqu’à lui. A la hauteur de ses yeux. Du bleu dans du noir. Du noir dans du bleu. Si éloignées. Il secoua vivement la tête, replaçant des mèches poisseuses, la sueur ruisselant un peu plus vite sur ses tempes, lui mouillante le bas de la nuque, le haut du dos. Leo aurait pu l’embrasser. Leo aurait pu l’aimer. Il n’en avait pas envie. Leo désirait la mordre. Leo désirait la serrer contre lui. L’étouffer. Lui voler son souffle, l’en déposséder, le bruler. Réduire son existence à un corps oublié dans une ruelle. Et faire en sorte qu’elle disparaisse, rejoignant ceux qui l’attendaient de l’autre côté.

Et quelque chose au fond de lui l’en empêchait. Un sentiment ancré au fond de son estomac, sur la paroi délimitant ce qu’il avait, ce qu’il voulait, ce qu’il abhorrait. Aya était un peu ces trois choses en même temps. Une ombre plaintive jetée sur son dos, l’appelant de son regard noir, le rejetant de ses mots acerbes. C’était une obsession terrible qui lui courait les veines, l’envoûtant dans sa perte du soir. Un mélange ardent de désir, de dégout. Cependant, il était important de savoir lequel l’emporterait sur l’autre. Le Désir ? Le Dégout ? L’un tuerait l’autre, le domptant de sa carrure fière. Nous savons tous ce qu’il en restera. Il aurait pu la plaquer contre un mur. La tirer dans un coin sombre. La posséder. D’une manière ou d’une autre. Il aurait pu lui faire regretter les immondices sorties de sa bouche pincée. Il aurait pu lui faire gouter quelque chose de pire qu’un Leo en colère…

Mais ça n’aurait pas été Leo. Ça n’aurait pas été l’Horizon qui attend le soleil. Ca n’aurait pas été notre idiot de première. Celui qui agace tant l’asiatique. Qui gomme ses frontières d’un début de sourire, et qui en pourfend une suivante avec l’étirement de sa joie. Leo se vivait avec douceur, bonté. Leo se savourait d’un contact avec l’autre, d’une crasse sur le dos de la main, d’un chaste baiser posé à la commissure des lèvres. Leo, présentement, se vivait avec méfiance, violence, vengeance. Les ongles d’Aya s’enfonçant dans sa peau, contacte de deux corps qui se repoussent, et qui, pourtant, restent unis, l’un à l’autre, dans un refus de se reconnaitre, de se comprendre. Leo l’aurait plaqué contre le mur, raclant son dos, lui cassant les côtes, attendant qu’elle crie, qu’elle le supplie d’arrêter. Le mouvement partit de ses bras, alors que ses propres os le firent souffrir. Rien ne cilla. Il s’arrêta tout de même quand les éclairs flirtèrent sur ses bras. Et il se crispa un peu plus, augmentant la pression sur sa proie. Tu es mienne. A présent, je peux te détruire.

C’était un affrontement. Pure. Inefficace. Aya n’était que du venin. Du poison. La destruction. Elle n’apportait que ça. Partout où elle passait. Le Cerbère ? Ne te moques pas de moi. Le cerbère obéit encore au Dieu de la mort. Aya était un autre animal perdu. Qui grognait sur n’importe quel con qui osait s’approcher d’elle –Leo, déchiquetait n’importe quel imprudent qui s’opposait à elle. A ne plus que mordre et grogner, sauras-tu comment te comporter ? Dans d’autres moments ? Où tout ceci sera révolu, quand Aya ne sauras plus quoi faire d’autre que de se servir de ses dents et de se complaire dans son rôle de chien des Enfers ?

Aya n’était que violence, et elle lui inspirait violence. Il la secoua. Idiote. Leo lui exprima une partie de son histoire. Une de ces marques qui inscrit des réflexes dans le temps, jusqu’à la fin de ta vie. Passer à côté d’une ruelle à l’emprunte trop familière, respirer profondément une fois, une deuxième. Idiote.Remarquer que cela ne change rien au pincement qui lui prend au cœur, sourire tristement, fermer un peu plus son manteau et continuer d’avancer. Pouvait-il seulement l’oublier ? Idiote. Alexis lui avait parlé de ça, « devoir de mémoire ». Ce n’était pas tout à fait la même chose pour le lion, mais il trouvait que ça lui convenait si bien. S’il n’y a plus personne pour y penser, quelle preuve restera-il de sa vie, de ses actes ? Sera-t-elle morte ne vain ?

Il l’éjecta, relâcha sa prise sur la nippone. Dégout en Saturation de ta vie sur la sienne. Tu ne laisses que des empreintes néfastes Aya. Tu le détruis, creuse dans son échine les traces de ses douleurs pour les raviver avec délectations. Tu n’es qu’un monstre. Sorcière ! Sorcière !

« Se plaindre !! Et quand m’as-tu entendue me plaindre de ces morts? Pas une seule fois. J’ai …. »

Leo était en retrait. De ses yeux bleus, il l’observa vaciller, le cœur au bord de l’autodestruction. Il attendit que rien ne vienne, yeux de fauve qui attend la chute de sa proie. Et Aya ne broncha pas. Pas encore. Ce combat, c’est toi qui le perds Leo. Il ne dit rien, beaucoup trop emporté par la fusion de ses émotions dans le creux de son être. Tu le fais saigner Aya. De tout son corps. De tout son cœur. De toi. De ce mal qu’il te faisait pour une délectation qu’il ne goutait pas. Pour un plaisir qu’il ne prenait pas. A présent, ce n’était pas une question d’aimer ou non. La pactisante avait touché aux reliques qu’on effleure que du regard. C’était une question de protection. Protéger ce qui n’existait plus, ce qu’Aya, par ses simples phrases, mettait en doute son potentiel entier. Je te détruirai Aya. En entier. Une. Toute. Il ne restera plus rien de toi. Que le vide. Que l’oubli.

Et la destruction continua. Feu de son Esprit qui se déverse en une gerbe de malédictions portées sur la Terre. Retracer du bout de l’ongle une cicatrice profonde, relevé les erreurs qu’elle faisait, celle qu’elle continuerait à faire malgré les mises en gardes. Leo se demanda pourquoi il l’avait sauvé, ce jour-là, dans les ruelles cruelles de Milan. Tout aurait été plus simple si elle était morte avant. Plus douloureux peut-être, mais plus simple. Dis, tu ne veux pas arrêter d’exister ? C’est difficile ? Je peux t’aider tu sais… Le dégout monta, s’intensifia, l’enveloppa. Il n’était plus que cette impression volatile sur les empreintes de ses actes. Tout. Il ferait tout pour qu’elle comprenne. Qu’à présent, tout était fini. Qu’il n’y a plus d’eux. Plus de nous. Plus de toi. Plus de moi. Plus d’Ensemble. Qu’il n’y a plus de confiance, de complicité, d’amour, de sourires.

Leur aventure se termina ainsi. Sur un Leo s’effondrant vide de tout ce qu’il avait connu. Sur un Leo qui frôlait un peu trop la mort. Game Over Boy.

Une cascade de cheveux blonds effleurait son visage, caresse fort connue, mais oubliée depuis trop longtemps. Un rire mutin. L’odeur du soleil. Un regard vert qui lui en voulait. Ah. Tu ne t’arrêtes jamais de m’en vouloir ? A croire que tout ce que je fais te dérange. Jamais contente hein ? ♥ Un baiser sur le menton, là où reposera une cicatrice significative. e.v.a. Va petite Leo. Va petit Idiot.
Il papillonna des yeux, réajustant sa vue, rattrapant le souffle de sa vie qui lui échappait. Les battements de son cœur redémarrent, s’accélèrent. Ce fut à nouveau la rencontre de sa vie. De deux orbes noirs le captivant. Bordée de larmes qu’il ne connaissait pas. Il fallut à Leo plusieurs secondes avant de se ressaisir, se rappeler où il était. Pourquoi il avait si froid, qu’il se sentait si fatiguée aussi et pourquoi Muzaraki avait l’air de lui en vouloir plus que d’habitude. Une grimace marqua son visage, le masque de froideur laissé dans les mains d’une faucheuse repartie bredouille.

« […] ne sais rien, rien de ce que j’ai pu vivre. Ne crois pas me buter en crevant aussi simplement. »
« Ça c’est parce que tu es lente à la détente. C’pas de ma faute. »

Le sifflement dans ses oreilles disparu, comprenant un peu près où Aya voulait en venir. Sa réponse avait filtré, la rancune encore ancrée à son estomac, comme un navire qui attendait son heure pour prendre le large. Sa voix, cependant, était moins lourde de reproches, teintée d’un soupçon d’ironie. Il avait froid, gigota un peu pour se dégager. Il aurait voulu bouger pour se défaire de ce clou de souffrance vissé dans son abdomen. Une main posée fermement sur le haut de son torse l’en empêcha et remarquant que cette même main appartenait à la nippone, il ne dit rien, se contentant de claquer sa langue, se laissant faire, son attention dérivant ailleurs. Dans un monde qui n’appartenait qu’à lui. Dans un monde où Aya ne lui en voulait pas. Voir même où elle n’existait plus du tout.

La température du mur le réveilla. Il souffla l’air de ses poumons, sursauta quand Aya s’occupa de sa blessure. Une question lui traversa l’esprit, cherchant à comprendre comment il avait fait pour la soulever avec autant d’aisance alors qu’à présent il se tortillait dans tous les sens, accentuant la pression sur sa blessure. Et il se laissa faire, dans les gestes d’une routine qui n’aurait pas dû l’être. Où Leo savait qu’il pouvait laisser son corps maltraité entre les mains d’une nippone qui l'horripilait de trop. Muselant son orgueil, sa rancune insatisfaite, il posa son bras sur l’épaule de Murazaki, soulageant ses côtes endolories, son dos griffé. Les dents serrées, le petit Leo montrait occasionnellement ses crocs, partagé entre retenir un cri ou une remarque sarcastique.

« J’ai tué la seule personne qui me maintenait debout ! J’avais quatorze ans putain ! Quatorze ans ! … Et il est mort en voulant me protéger. J’ai tout fait, j’aurais du faire encore plus pour que ça n’arrive pas. Mais c’était tr..op tard … Alors ne me dis pas que je ne peux pas comprendre. Jamais ! »

Les sens endoloris, il vérifia par deux fois qu’il avait bien entendu. Que le murmure qu’il avait rattrapé dans la noirceur de la nuit n’était pas une hallucination, un délire. Que ces paroles, c’était bien la jeune asiatique qui les avait prononcés, entre ses lèvres pincées. Leo se décala pour éviter le poing, qu’il crut recevoir en plein dans l’abdomen, exutoire de l’orage grouillant dans l’ébène de son regard. Les pièces de son imagination se dressèrent en un tableau représentatif de ce qu’elle lui racontait. Leo imagina Aya serrée contre le corps de sa seule famille, les épaules frêles du manque de nourriture, tremblant plus par dépit que par la pluie qui lui martelait le monde. Nous y voilà. Des larmes qui ruissèlent. Des larmes qu’elle ravale. Leo effleura du bout des doigts l’origine de ce regard si sombre, si profond.

De nombreux sentiments tombèrent. Comme cette colère, une partie de son dégout. Egrainage de ses émotions dans le bleu de ses yeux. Où chute le besoin de la détruire, poussé par la nécessité de l’oublier. Il voulait la graver en elle. Toute son histoire. Tout son être. Son malheur, sa noirceur. Les retrouvailles qu’elle évitait de son regard de goudron, déversant son maelström vindicatif un peu plus loin dans son cœur, écartelant le peu d’humanité qu’il lui restait. Et Leo resta charmé un moment, empêchant le sourire de naitre, pour en échange offrir un voile de tendresse à la nippone. La paume de sa main se posa chaleureusement sur la joue d’Aya. Regardes, je suis là. Tout va bien se passer. Il releva sa tête, la forçant à l’affronter du regard. Se décollant de son emprise avec les briques, il força sur son estomac, força sur cette poigne qui voulut le retenir, s’approcha d’elle. A la limite de ton Être. De son front, il toucha celui d’Aya. Du noir dans du bleu.

« Alors tu devrais faire plus attention à toi. Pour Lui. » Tout Simplement.

Parce que la mort n’est pas l’arrêt définitif d’une vie. Ce n’est qu’une épreuve pour vérifier à quel point celui qui reste peut continuer à avancer, tout en perpétrant ce que le défunt désire. Leo voyait les choses de cette manière. C’était son « devoir de mémoire » à lui. Comme aller se recueillir sur la tombe d’Eva, lui raconter les dernières remontrances de Ray à son égard. Parler de tout. Parler de rien. Et continuer jusqu’à ce que le poids sur ses espoirs se fasse plus léger. Ne serait-ce qu’infiniment plus léger, pour lui donner la force de croire. De croire en des idiots comme eux. En des idiots comme elle, comme Aya.

Et maintenant, ce n’était plus une question de toi, de moi, d’elle, de lui, d’eux, d’ensemble, de toujours, d’amour et de petits papillons dans l’air. La différence était ici. Déjà dans le ton que prenait Leo, d’être plus dégagé d’Aya. De tenter de défaire le fil rouge de la Fatalité l’enchainant à elle en une emprise délicieuse. De commencer à accepter de se dégager d’Aya. Peut-être avait-elle raison ? Peut-être n’étaient-ils pas fait pour continuer sur cette route ensemble. Ca avait déjà trop duré. Toute histoire à une fin. Déjà maintenant ?... Je suis triste. Combien de temps pourras-tu te soumettre à cette idée, jeune idiot ? C’était ainsi. La fin d’un entrelacs de leurs actes, se répercutant sur son écho, le faisant vibrer en une mélodie unique. Tout avait une fin. A leur tour.

C’était ainsi. Ainsi qu’au lieu de la rassurer sur ce que Leo pourrait lui apporter, Horizon lui offrait une piste pour se dégager toute seule de son passé la rattrapant trop souvent. Sans sourire, ni remarque profondément douce. Des paroles presque murmurées, rien que pour elle, comme un dernier secret entre eux. S’il n’y avait plus Leo, Aya serait-elle prête à revenir en arrière, avant ? De faire comme si le bouffon n’avait jamais existé, comme s’il était resté, pour toujours, une figure diabolique sur un comics renversé sur le sol. A vrai dire, il s’en fichait. Leo était un solitaire dans sa peine, autant le rester jusqu’à ce que tout se termine. Alors il attendrait qu’Aya s’en aille, qu’elle disparaisse lors d’une nuit de pleine Lune. Pour ensuite se briser. Définitivement.

Elle le tira à lui. Fortement. C’était ce dont il avait besoin. Leo se pencha plus que de raison sur Aya. Mais la fatigue lui happait le cerveau, rendant sa logique habituelle inefficace. Alors il ne se soucia plus de ce genre de chose. De rester à l’écart, de forcer sur ses jambes inutiles, s’encourage à avancer d’une manière ou d’une autre en se disant que ce qui l’attendait serait meilleur. Qu’il se réveillerait au côté d’un Aya ayant veillé un peu trop tard. Qu’il pourrait lui caresser le bras distraitement avant qu’elle n’ouvre ses yeux noirs sur lui. Faux ! Oui, c’était faux. Le temps était passé, venu, vaincu. Il ne pourrait plus jamais s’offrir ce petit plaisir qui ne manquait pas de lui faire sourire.

« Je vais te ramener, tu vas te requinquer et arrêter de faire le con. Tu pourras même jouer les trans-»

Son estomac lui fit terriblement mal. Pointe cynique lui tordant les trips. Vivement, il se détacha d’Aya, tanguant dangereusement au-dessus du sol. Il s’appuya sur ses genoux, vomi. De la bile et du sang. Qui lui brulèrent la gorge, la bouche. Un nouveau spasme lui prit le ventre, contractant les muscles de son abdomen plus que de raison. Il cracha une nouvelle fois ce liquide carmin, alors que le bandage de fortune retenait un flot de sang désirant visiter le monde extérieur –Oh ! Comme c’est joli par ici !- noyant les sens d’un Leo en manque d’équilibre. Ses doigts s’enfoncèrent dans son pantalon, renforçant sa prise, sa stabilité un peu.

La phrase d’Aya, il voulut la lui faire ravaler. Placer une succession de mots pour qu’elle se taise, qu’elle se rende compte de sa stupidité. Le con, ici, il lui disait merde. Et s’il n’avait pas été un peu plus en forme, c’aurait été sur ses chaussures qu’il aurait rendu le restant de son estomac. Mais son corps ne l’entendait pas de cette manière, le rappelant à l’ordre de cette flaque rougeâtre, se vidant une dernière fois sur le tarmac de Milan. Tu as fini par la rejeter, elle aussi. Il respira lourdement, le souffle enflammant sa glotte. La main de Murazaki se posa sur son épaule. Il s’en dégagea, le poids de ses doigts l’incombant. Leo aurait voulu être seul. Terriblement seul. Se complaire dans sa solitude. Et rêver d’un ailleurs qui existait, mais qui actuellement le détruisait. Mais tu es seul. Terriblement seul.

« S’il-te-plait, dis pas que je fais chier. S’il-te-plait. »

N’enfonce pas les pieux encore plus profondément dans la chair de sa détresse. Il ne l’aurait pas supporté. Il n’aurait pas survécu. La voix rauque, éreintée. Il cracha ce qu’il lui restait dans la bouche, lui donnant un goût amer. Un gout de fer également. Il se frotta la bouche distraitement, attendant de reprendre un semblant de souffle avant de continuer. Soudainement, sa demeure lui sembla terriblement loin. Il serra des dents, réussi par se redresser, s’étira en arrière, se moquant de la douleur dans son dos, dans ses côtes. Leo se moquait de tout. De Tout.



Se relever. Avancer. Souffrir. Mourir. En Rire.


« Game Over. Tu gagnes Aya. Tu es libre… A quel prix ? »
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Rupture de ton regard sur le mien Vide
MessageSujet: Re: Rupture de ton regard sur le mien   Rupture de ton regard sur le mien I_icon_minitimeJeu 15 Sep - 20:54

Ma main sur ta joue
Ta chaleur contre la mienne
Qui s'échappe et s'enchaine
Inexorablement.




    La confiance. Petit concept de rien du tout, aussi éphémère que son nom et pourtant si difficile à obtenir de chacun. Cette part de l'autre donnée de son plein gré, en pleine connaissance de cause. Cette emprise sur l'existence de l'autre, le droit divin de le regarder dans les yeux, et de savoir. La signification d'une lueur, d'un grincement, et tellement plus encore. Lui accorder d'être un pilier de sa vie, un souffle second quand le votre se tarit, d'être ce sourire quand le votre s’effrite et s’effondre.
    Cette confiance que je n'avais pas. En moi, en lui. Du moins en partie. Totalité de s'abandonner à l'autre impossible. Le nerf de notre affrontement, la blessure béante qui pulsait au rythme de nos respirations difficiles. Cette lueur que je ne pouvais lui confier, enfermée dans un carcan de solitude qui suivait les courbes de mon corps pour l'épouser comme une deuxième peau. Un manteau qui me protégeait, malgré des filaments d'envie envers lui, de lui donner.
    Pas de déception, pas de trahison.
    Juste ce regard sur le vide d'une existence parsemée d'éclats de métal.

    Une existence qu'il rognait, tuait de cette volonté qui dansait dans ses yeux, dans ses mots. De cette acidité qui rongeait mon cœur déjà en charpie, de cette rancune au bord de ce bleu létal. Me tuer, m’effacer, me faire cracher autant de sang que sa douleur enflait en lui. Et pourtant, au bout de ses bras qui me soulevaient, il n'y avait rien. Pas de peur. Juste un gouffre, seulement mû par une colère encore plus grande, au goût aussi amer.
    Après tout, ma vie se serait achevée comme elle avait débuté : dans le sang.
    Mais le Destin, goguenard, en avait décidé autrement.
    Il attendait patiemment, l'instant T.
    La cassure, la rupture de son regard sur le mien.
    La seconde où la barrière de mes larmes franchirait le voile de mes yeux perdus.
    L'illusion d'une tendresse retrouvée alors que tout n'était que sang et amertume dans l'espace de nos deux êtres.
    Pour jouer avec nos sentiments et les mettre à terre, en pièces, les piétiner dans ce malaise, ce retournement dans mon estomac, cette rancœur dans mon corps, que je percevais comme étrangère. Cette boule de colère pure qui ne m'appartenait pas, écho plus sombre encore que la mienne. Le lien tissé entre nos deux esprits se retournait contre nous, contre moi, et je serrais des dents sous ce ressenti qui me détruisait aussi surement que ses mots tandis que mes mains travaillaient d'elles-mêmes.

    « Alors tu devrais faire plus attention à toi. Pour Lui. »

    Le vide dans ses mots, malgré cette tendresse de sa main sur ma joue, tandis que mes prunelles refusaient toujours de rencontrer les siennes. Perdues dans cette distance passée, dans cette distance future. Celle qui se cachait derrière le ton de Leo. J'entendais mais ne réagissait pas.
    Il avait raison, j'avais fait tout le contraire. Combien de fois depuis la mort de Yuki avais-je mis ma vie en péril ? Elles ne se comptaient plus, perdues dans un flot sanglant, charriant de sa rivière, des larmes amères essuyées d'un revers rageur de la main. C'était comme si j'avais sciemment voulu en finir, ce qui avait été mon but certaines fois, virevoltant dans un univers que je ne faisais que frôler étant plus jeune. Je m'y étais jetée, perdant mes couleurs peu à peu, gommant mon humanité pour n'être qu'une arme, un réceptacle, un objet de mort et de désir. Et ne restait que cette vision en bichromie de la vie. Noir. Pourpre.
    Ne restait que le vide de mon regard dans le sien, le cœur crevé par un abandon qui détissait le lien entre nous. Je vacillai de voir mon passé énoncé à haute voix, reprendre vie dans l'écho de ses prunelles dans les miennes.

    Leo m'abandonnait. J'abandonnais, happée par un gouffre sous mes pieds que mon corps semblait encore combattre.
    A trop vouloir se voiler, le terrer au fond, j'en venais à de nouveau être détruite par des sentiments qui se rappelaient à moi, fissurant les barrières mentales érigées depuis des années.
    Mais il ne pouvait rien pour moi. Je le savais et l'avais toujours su , le contact électrique du corps fatigué du jeune homme contre moi me le rappelait, tout comme cette distance qu'il s'appliquait à mettre entre lui et moi.
    Une bile amère me monta dans la gorge, dans un dégout de moi-même ressenti à son paroxysme, au milieu d'un flot de pensées qui refusaient de se mettre en ordre. Alors je barrais tout d'un trait d'encre, d'un grondement intérieur. J'oubliais le rejet de ses gestes contres mes mains, le feu distant de son regard qui vacillait dangereusement. Je raturais l'image insistante d'un Yuki ensanglanté, ma colère, tout. Tout. Tout pour n'avoir bizarrement que cette impression de n'être que de vide. Sombre, ténébreux, mais toujours présent.

    Le retenir dans ce flot de sang se déversant sur les pavés, graver au fer rouge le contact de mes mains sur ses épaules pour lui faire garder conscience. Se rendre compte d'une blessure récente sur son dos, non due à notre affrontement. Soupirer et s'en vouloir. J'aurais dû le voir beaucoup plus tôt, tout stopper et trouver un moyen de le mettre à l'écart. Absorber les remords, toujours.
    Ne plus réflechir, à ce que j'aurais voulu. Ce que je voulais sans réellement le savoir. A cette dispute qui nous avait déchirés.
    Aux larmes qui menaçaient plus que jamais d'engloutir l'encre de mon regard aux derniers mots de Leo.

    « S’il-te-plait, dis pas que je fais chier. S’il-te-plait. »

    Sa supplication me donnait envie de rire. D'un rire de souffrance, de folie, comme une hystérique qui perd de plus en plus avec la réalité. Une folle de toi, Leo, qui voit son monde à la limite de s’effondrer de nouveau, et entièrement par sa faute. Une inconsciente sur une voix meurtrière qui aurait juste l'envie de s'affaisser sur le sol, s'assoir dans cette flaque de sang et maquiller son visage de larmes amères.
    Mais tout ça resta coincé dans un rictus pas vraiment amusé, le rappel de cette phrase sonnait creux à mes oreilles, refusant de croire que tous les efforts que nous avions étaient du gâchis. Un immense gâchis.
    Une horreur que pourtant mon cœur battant par à coup douloureux refusait sans que j'en comprenne véritablement la raison.
    Il était le lithium de mon existence.
    Je me reculais pour ramasser le fourreau de mon katana, rangeant la lame de ténèbres dans sa caverne ouvragée, hésitante à suivre un Leo pantelant, le souffle trop court.
    Je continuerais, au moins pour ce soir. Veiller sur lui, une dernière fois, comme enchainée dans quelque chose de mystérieux, d'impératif, d'urgent. Ancré au fond de mon âme. Je continuerais, malgré le rejet de son regard sur mon corps, malgré cette amertume qui chantait entre nous.

    Balayant ses protestations de quelques gestes, j'en vins à le soutenir, presque le porter. J'avais examiné sa blessure sur le dos, sacrifiant un morceau du bas de mon débardeur pour le protéger un tant soit peu. Mais ce ne serait pas suffisant, et une inquiétude filtrait dans mon regard sombre alors que je le forçais à avancer.
    Une scène plus sombre que son écho ancien. Comme si la Trotteuse avait voulu faire marche arrière mais que le mécanisme s'était enraillé.

    " Tu ne fais pas chier Leo. Tu es juste... juste inconscient. Terriblement naïf pour le monde où j'évolue. Ça fait ton charme, et c'est horripilant d'ailleurs. Tu ne fais que le frôler, tu ne dois jamais t'y laisser engouffrer. Jamais. On en ressort pas... Yuki croyait lui aussi pouvoir vaincre tout le reste. Mais on trouve toujours plus fort que soi. Je n'aurais jamais du le forcer à quitter l'orphelinat, il s'y sentait comme chez lui. Il avait le même sourire que toi quand tu rentres chez tes parents. Ce n'était pas mon cas ... et égoïstement, je n'avais besoin que de lui. Je suis un monstre ... Je ... "

    A vrai dire, je m'en fichais qu'il m'écoute ou non, le portant à moitié dans une direction légèrement différente que son domicile. La barrière de mes lèvres s’était rompue et je lui livrais pour la première et peut-être la dernière fois, quelques bribes de ce qu'avait été mon quotidien avec Yuki. Les paris, les chutes des cerisiers en fleurs, et les cauchemars qu'il faisait toutes les nuits. Mes absences de sommeil, la rue. Les mafieux qui nous avaient embauchés, la lutte continuelle mais avec le sourire. Je ne pus continuer sur le jour où je l'avais perdu, me rendant compte que le poids sur mon épaule gauche était plus lourd.

    Leo venait de perdre connaissance. Et alors que j'allais me retourner pour essayer de le porter complètement, ma jambe droite céda de nouveau, trop demandée. Je m'étalai dans la boue, entrainant le corps du pactisant inconscient dans ma chute.
    Pas encore. Ce n'était pas le moment de s'effondrer. Je continuerais. Parce que malgré tout, c'était Leo, et que s'il y avait une dernière chose que je pouvais faire pour lui, c'était bien tenter de lui sauver la vie. La réponse à une sorte de dette de sang. S'il ne devait plus y avoir d'après, je voulais au moins faire ça, et ensuite m'effacer. A tout jamais.

    Je rampai et me redressai, les cheveux ruisselant de terre imbibée d'eau, de sang. Bandant mes muscles au maximum, je relevai Leo qui était tombé sur moi, dans un râle de douleur. Notre destination n'était plus très loin, la blessure de son bas-ventre trop grave pour que je puisse m'en occuper, même avec l'aide hypothétique de Ray et de Sky. Trop près des points vitaux. Et tant pis si cela me mettait dans une situation délicate ensuite, si l'on découvrait les liens qui avaient existé entre lui et moi.
    L'entrée de la clinique improvisée d'un docteur, rebouteux à ses heures, entra dans mon champ de vision alors que je me penchais plus sous le poids d'un Leo perdu dans un monde de rêves. Planque de secours et accueillant tout type de monde, il arrivait que j'y croise parfois des gars de la Mafia après une entrevue un peu trop musclée.
    Avant même que j'ai pu lever la main pour toquer à la porte, celle-ci s’entrebâilla sur une silhouette légèrement voutée, des lunettes à montures fines encadrant des yeux vifs sous une touffe grisonnante de cheveux.

    " Tu n'es pas aussi discrète que d'habitude Aya ... Fais voir moi ça. " Dit- il en prenant le relai.
    Il ne demanda rien, et mes lèvres restèrent serrées durant les minutes qui s'égrainaient sur la survie de Leo. Je me persuadais que le doc m'avait sauvé bien des fois pour en faire de même avec lui. Je frissonnais en silence, assise sur une chaise en bois qui martyrisait mon dos sans que la douleur ne m'atteigne.
    Le Doc, parce qu'il n'avait pas de nom, ou du moins personne ne l'avait découvert-ou chercher à le découvrir- arriva enfin, les gants poisseux de sang, un étrange sourire aux lèvres.

    " Il a failli y passer, de très très près même. Je ne savais pas que tu sauvais des victimes maintenant ... "
    Je lui jetai un regard étrange. Comment avait-il décelé quels étaient mes coups sur son corps. Tu psychotes trop Aya ....
    Je lui adressai un sourire de reconnaissance.

    " Merci, tu sais que ton payement arrivera bientôt, j'ajouterais un supplément pour ce soir... "
    " J'sais que t'es réglo. Je te l'aurais bien gardé, mais quelque chose me dit que vous ne pouvez pas rester. Je lui ai donné de la morphine. Penses à refaire son bandage en arrivant à bon port".
    Je m'étais en effet déjà levée, les muscles ankylosés par l'attente. S'il remarqua la fatigue de mon corps, son léger vacillement, le vieux n'ajouta rien, me donna ce dont j'avais besoin pour les jours à venir, et retourna dans son sous-sol crasseux.

    L'air libre, trop frais de cette nuit-là me claqua au visage alors que j'avais pris Leo à califourchon sur mon dos, piquant mes yeux de larmes qui terminèrent leur course sur mon menton sans que j'esquisse le moindre battement de cil, une seconde en attente sur le fil de nos vies.
    Je n'avais plus envie de parler, ma tête vide de pensées, perdue dans un monde que je n'arrivais plus à appréhender correctement. De Leo, de moi, de nous, ne restait qu'une infime trace douloureuse, fissure béante de mon cœur qui la cachait aux yeux des autres. Aux miens aussi.
    Quelques souffles hasardeux plus tard, j'arrivai devant le pallier de la maison des Accettura, silencieuse et pourtant comme animée d'une tension hors du commun. Un éclair rouge apparut, comme je lui avais demandé en attendant les soins.
    Pas un regard. Une demande d'aide en pointillé et une entrée plus silencieuse que la mort à l'intérieur. Une fois arrivée au premier, je déposai Leo sur son lit, essuyant les remarques acerbes et coupantes de son stella. Il m'en voulait, lui aussi, mais je ne rétorquai rien, concentrée sur le remplacement du bandage. La morphine calmerait la fièvre.
    Débout au milieu de cette chambre emplie de comics, de bleu, d'éclats de soleil, j'étais perdue. En décalage. je n'osais plus approcher de lui, de peur de briser plus encore. Sky glissa un regard vers moi, étrangement silencieux, relation particulière entre un enfer qui rentrait dans mes ténèbres en constatant les dégâts. Un instant, mon ombre tangua. Mais il ne pipa mot devant le gouffre de mes prunelles d'obsidiennes brisées.
    " Veilles-sur lui, S'il te plait. "
    La Foudre hocha la tête, sombre, couvant du regard le dos de sa pactisante alors qu'elle disparaissait dans l'embrasure de la porte en bois. Mes pas ne réveillèrent pas June, même s'il me faudrait surement justifier de mon déménagement sur le canapé du salon le lendemain. A mon retour.
    ~

    Il la sentait courir, courir à en avoir mal, les poumons en feu, les larmes aux yeux, mais ce n'était pas assez. Pas assez pour aborder ne serait-ce qu'un peu la douleur et la rage qui pulsaient dans son cœur, dans sa tête. Elle voulait s''immerger, être ivre de douleur et de peine, la laisser l'envahir pour craquer définitivement loin de tous. Loin de ses opalines qui l'écorchaient de leur douceur.
    Le stella ouvrit le velux, s'alluma une clope, seule lueur dans la pièce, se reflétant dans les yeux d'un chien attentif au souffle de l'humain de la pièce. Ses yeux rougeoyant se fermèrent un instant, tandis qu'un cri de douleur animale résonna soudain dans Milan. Vestige de larmes.
    Regarda la lune, eut un drôle de sourire triste dont la signification échapperait surement au plus perspicace. Il se retourna, fixa ses prunelles incandescentes sur le corps de Leo.

    C'était de sa faute. A lui, ce moucheron qui avait ouvert la boîte de Pandore de force. Le champ de ruines que Sky avait aperçu dans l'esprit de sa pactisante était son œuvre, son poison. Il voulait lui faire payer, le faire bruler de l'intérieur pour qu'il réalise ce qu'il avait fait. Aya n'était pas faite pour lui et ils en avaient eu la preuve. Pourtant le stella avait vu. Au travers de son âme, ce fil ténu, mais toujours là. Et il haïssait Leo pour ça, rattraperait sa protégée, l'envelopperait d'un masque de douleur plus sombre s'il le faudrait, en silence s'il le fallait.

    Mais il l'attendait, dans l'ombre d'une pièce.

    ~




Oh Leo ... Pourquoi le bout de mes doigts ne peuvent quitter ta peau alors que la haine pleure au coin de mes yeux ?


Meet me after dark again and I'll hold you
I am nothing more than to see you there
And maybe tonight, we'll fly so far away
We'll be lost before the dawn
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