Mon cœur sans vacarme Est peau de chagrin Larmes ou pas larmes N'y changeront rien Face à ce morose Paradis perdu
Le bruit strident d’un réveil bon marché retentit dans le silence presque religieux du grand appartement au septième étage du numéro 26 de la 194 via. Une main suivie d’un grognement se mit en marche pour l’arrêter. De toute façon, Livio Gianelli était réveillé depuis plusieurs heures sans être parvenu à se rendormir. Le cauchemar qui l’avait sorti de son sommeil, en sueur et en cris, était particulièrement violent et les avaient achevés, lui et sa fatigue, devenue chronique après trois semaines de rêves éveillés des plus réalistes. Trois semaines, déjà, et pourtant cela faisait si longtemps. Ce n’était pas trois semaines à attendre de se revoir, mais trois semaines marquant le début d’une période infinie qui ne les verrait jamais revenir l’un vers l’autre. Livio avait compté les jours, il avait arrêté. Cela ne servait à rien de savoir combien d’heures le séparaient du drame de sa vie, de celui qui avait remplacé d’anciens souvenirs enterrés pour venir marquer une entaille profonde et infectée au fond de son cœur. Il avait tenté de se souvenir pour exorciser, il avait arrêté aussi. Les rêves n’en étaient que plus violents et les journées pas moins difficiles. Il avait même essayé d’oublier, là encore il avait rendu les armes. Tout était là pour le lui rappeler, tout. Et plus particulièrement la douleur de sa cuisse, que Luca avait soignée rapidement dans une ruelle sombre et sale avant de l’emmener à l’hôpital où on lui avait donné des cachets après l’avoir rafistolé. Mais la souplesse de son muscle peinait à revenir et il devait chaque jour passer une heure à masser sa jambe, à étaler une crème puante et à prendre des médicaments qu’il se refusait à avaler, préférant encore avoir mal que de s’endormir sur ses responsabilités. Au moins, la douleur galvanise, elle maintient éveillé malgré l’éreintement et le surmenage. Elle maintient en vie, et lui prouvait à chaque seconde qu’il n’était pas ailleurs, qu’il n’avait pas imaginé tout cela.
Il ne dormait quasiment plus, et au boulot c’était devenu problématique. Sans compter son incapacité à faire de l’administratif, Mirko lui avait filé quelques missions faciles et pas vraiment à la hauteur de ses capacités, sentant bien la faille sous le masque impassible qu’il s’était construit. De la recherche, des entretiens, des questions à ne poser que sous réserve de ne pas abîmer le témoin. Et bizarrement, tout cela l’avait tenu éloigné des quartiers sombres, comme Valente le lui avait ordonné. Ironie du sort ou attention calculée de la part de son supérieur ? Peu importait, à vrai dire. Il avait fait son travail, en se trompant de nom, d’adresse, en posant les mauvaises questions, en n’y allant pas. Bref, le gros n’importe quoi pendant une semaine. Ce qui lui avait valu une convocation de Mirko dans son bureau, officiellement et en la présence de ses collègues lieutenants. Livio avait cru mourir de honte devant les remontrances, et les consignes de son chef de ne pas lui donner de responsabilités. D’ailleurs, il l’envoyait en congé loin du GDP pendant toute une semaine, voire deux s’il avait envie. Livio n’avait pas vraiment eu le choix, on lui avait retiré son arme et ses clés d’accès aux bureaux. Blessé dans son orgueil et dans la seule chose qui le maintenait à peu près en vie et sur pieds, le militaire s’était toutefois rendu à l’évidence de son état. Un soldat blessé ne peut pas continuer efficacement à aider ses pairs, il était temps qu’il raccroche un moment pour se sortir de ce merdier abominable.
Le sort s’acharnait, sans doute. C’était l’heure de sa revanche, son moment de gloire et peut-être qu’après tout irait mieux. Valente, il pouvait gérer. Enfin, toujours est-il qu’il n’avait pas vraiment le choix et devait vivre avec une douleur encore persistante dans la cuisse et un poids sur le cœur qu’il avait pris le soin de reconstruire plus d’une semaine dans les bras attentionnés de sa mère, pleurant en silence dans son lit d’adolescent sans donner une seule explication. Lucia l’avait couvert d’attentions qui ne l’avait atteint qu'après de nombreux essais, le déridant légèrement. Elle lui avait appris la simplicité d’une promenade dans les bois et la détente obligatoire qui était de mise dans son monde, si simple et si coloré. Il ne lui avait rien dit, mais elle n’avait rien demandé. Elle s’était contentée de rire, de lui offrir quelques mots sortis de nulle part qui pansaient mieux sa peine que de longs discours. Ses baisers, ailes de papillons sur son visage devenu insensible à tout contact, avaient peu à peu percés sa carapace pour atteindre de nouveau le grand frère qu’elle aimait tant. Le silence entre eux était naturel, tout comme la faiblesse dont il faisait preuve devant Carmen l’était. Face à son père, Livio avait tenté de rester stoïque, alors qu’ils se fixaient dans un calme inhabituel, jusqu’à ce qu’il lui tende une clé à molette et l’invite dans le garage sur la même voiture qu’ils bricolaient il y a bien des années de cela. Comme si en son absence il n’y avait pas touché, ce qui au final était ce qui était le plus plausible. Comme si le temps s’était figé pour lui, et qu’en y revenant après tant de mois il retrouvait les mêmes airs, les mêmes mots et les mêmes odeurs de cuisine, de cambouis ou d’herbe coupée.
Comme un pansement sur une fracture, tout n’avait été que vain au départ mais à force d’accumulations et de patience, ceux qui étaient sa famille malgré leur différence de sang avaient réussi à tarir le flux bouillonnant de sa peine et de sa colère. Il avait tout évacué dans les travaux de remise à neuf de certaines parties de la maison, et dans les longues journées à ne rien faire d’autre que penser. Penser à sa haine qui était toujours là, penser à sa colère qui ne partirait pas. Mais découvrir le moyen de les juguler, les méthodes pour ne rien laisser paraitre et pour reconstruire les fondations de son apparence placide et nonchalante. Comme on regarde un mur de brique sans savoir ce qu’il y a derrière, Livio avait placé chaque pierre dans le but de continuer à vivre et était parvenu à un résultat suffisamment satisfaisant pour que Mirko lui rende ses effets personnels, mais pas les missions qu’il convoitait. Aussi, cela faisait deux jours maintenant, Livio était allé faire un tour du côté du bureau de Fortunato Luigi, le deuxième lieutenant de Mirko. Beaucoup moins paranoïaque que leur chef, heureusement. Il rentra sans problème et feuilleta les premiers fichiers de la pile. En trouva un intéressant dont le nom du responsable avait été « Livio Gianelli » avant qu’il ne soit barré et remplacé par celui de Fortunato, et s’en saisit sans la moindre once de culpabilité. Il était de nouveau apte au travail, et de toute façon ce n’était pas quelque chose de bien difficile. Presque heureux, même si ce mot ne voulait plus dire grand-chose, Livio avait épluché le dossier et avait pris le soin de l’apprendre par cœur. Puis il prit sa journée pour l’approfondir chez lui. Et le lendemain, il était partit, cœur vaillant et confiance au point.
Et ce matin, il se réveillait avec la pire nuit qu’il ait jamais passé. La faute à beaucoup de choses, la faute à Valente mais pas seulement. Tout ne s’était pas déroulé comme prévu, la veille dans la journée. Des imprévus, des déceptions, des peurs et un sommeil d’autant plus agité. Depuis trois semaines que cela durait, il aurait pu être habitué. Ceci dit, aujourd’hui c’était pire. Aujourd’hui il avait l’impression que le monde avait profité de son sommeil pour tourner à l’envers, d’où cette nausée persistante. Se levant, doucement pourtant, Livio sentit la bile remonter dans sa gorge, brûlant de son acide tout ce qui se trouvait sur son passage. Il se précipita jusqu’à la salle de bain, et vomit ce qu’il n’avait pas mangé depuis deux jours. Il le regrettait d’ailleurs, son estomac criant famine alors que rien ne passait la barrière de ses lèvres, tout devenant cendres dans sa bouche, comme si ce qu’il touchait mourrait implacablement. Pourquoi tout devait-il forcément plier sous ses doigts, jusqu’à se briser ? Pourquoi tout ce qu’il croyait avoir acquis justement et avec le temps se disloquait-il en quelques secondes dans ses mains ? Livio resta là une dizaine de minutes, attendant que tout s’évacue. Quand il eut la certitude que le pire était passé, il se releva et tenta de se nettoyer le visage. Qui était maigre, cerné de fatigue et crispé à force de ne jamais sourire. Puis il se prépara pour terminer le travail qui avait si mal tourné, comme il aurait pu s’en douter au vu de ses défauts actuels. Son jean noir, ses chaussures sombres enserrant sa cheville et remontant sur son mollet, un débardeur bleu foncé, sa veste et sa casquette militaire.
Il claqua la porte sans se retourner, dévala les marches et se dirigea droit vers là où il n’était pas le bienvenue. Comme un condamné qui avance dans le couloir de la mort, comme une brebis allant à l’abattoir. C’était presque risible d’y aller pour une fois tel un insecte qui craint la main qui pourra l’écraser. Il suffisait que Valente ait parlé de lui pour que n’importe qui lui tombe dessus maintenant, dans l’instant. Il était armé, et ces dernières semaines n’avaient fait qu’accroire sa morgue et donc sa puissance de frappe, mais à un contre plusieurs ce n’était pas vraiment évident d’affirmer qu’il puisse s’en sortir avec les honneurs. Et s’il n’avait pas parlé de lui, eh bien il suffisait de ...
- Et merde, c’est quoi cette journée ?
Evidemment, il était là. Un chapeau reconnaissable entre mille. Une silhouette qu’il aurait pu dessiner ou identifier dans le noir. Un corps qui contenait le cadavre de son meilleur ami et son actuel ennemi le plus farouche et le plus dangereux. Il ne pouvait pas l’éviter.
Son cœur se serra, et l’envie de vomir lui agita à nouveau les entrailles. Réaction allergique, douleur dans la cuisse, regrets éternels.
Valente Genovese
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Jeu 6 Oct - 17:03
And it goes on ant on And i just feel helpless How long will this take to wear out On and on When will I get through this Welcome to my own down and out
Valente ne souriait plus. Ou du moins plus comme avant. Sa famille avait toujours le privilège de voir son visage avenant et heureux. Il n’était pas souvent déprimé ou de mauvaise humeur, ou quand c’était le cas, sa famille n’en faisait que rarement les frais, sauf pour le cas de Cristiano. Mais avec lui, c’était toujours exceptionnel. Mais là il ne souriait plus et ni les pâtes maison de sa grand-mère, ni les blagues débiles de son père ni les efforts conjugués de ses trois sœurs qui ne s’étaient pas une fois disputé en trois semaines ne lui rendait sa joie de vivre. Il leur donnait parfois des sourires de façades qui ne trompaient personne. Le reste du temps il restait neutre, comme s’il était extrêmement concentré, en pleine réflexion. Ce qui était plus ou moins le cas. Il restait enfermé dans sa chambre comme l’ado de base et ne descendait que pour l’heure des repas. Son père s’inquiétait mais malgré tout ce qu’il disait, il n’arrivait pas à lui tirer la raison de ce soudain repli sur lui-même. Il se doutait bien que ça avait un rapport avec l’état dans lequel il l’avait trouvé la dernière fois, mais il était incapable de deviner pourquoi. Il connaissait son fils, plutôt très bien même. Il savait qu’une mission foirée, même dans les grandes largeurs ne le rendait pas ainsi. Cela avait plutôt tendance à le déchainer et prouver que ce n’était qu’une erreur. Oh bien sur Valente se déchainait à sa manière. Il n’avait plus été aussi insensible aux douleurs qu’ils provoquaient aux autres depuis bien longtemps. C’était presque s’il n’en rajoutait pas plus qu’il ne le devrait. Ainsi Daniele s’inquiétait de la tournure qu’il prenait et il avait peur qu’il ne se mette à jurer que par la douleur infligée plus que par le devoir familial. Mais il n’arrivait pas à le recadrer et il sentait Valente lui échapper jour après jour alors qu’il l’observait avec son regard vide, voyant quelque chose que Daniele ne pouvait deviner.
Il était vrai que Val, après avoir pu de nouveau marcher s’était plongé dans des missions dangereuses qui nécessitaient un haut degré de concentration, où les bévues n’étaient permises. Et il n’en avait pas commises. Mais il faisait crier de douleur, il faisait supplier sans laisser le moindre espoir. Il n’achevait plus vraiment proprement. Il changeait un peu. Il se souvenait clairement avoir déjà eu des passades de cette espèce, mais il s’était reprit, sachant très bien que ce n’était pas la solution et qu’il ne ferait que s’embourber dans une spirale de violence dont il cherchait à se préserver, lui et ses sœurs par la même occasion. Mais là, ça lui semblait le véritable cadet de ses soucis. Il tuait pour essayer de ne plus penser à ce qui le faisait mourir à petit feu. La dernière fois que ça lui était arrivé, il se souvenait très bien qui avait été là pour le soutenir, pour le remettre dans le droit chemin, pour l’aider à redevenir le mafioso loyal qui ne profitait pas d’une supériorité pour écraser les autres. Et ça lui faisait encore plus mal alors il s’acharnait de plus belle, même sur des hommes qui n’en valait pas du tout la peine. La rumeur avait vite fait son chemin de qui l’énerverait, ne serait-ce qu’un peu risquait à tout moment de finir au cimetière. L’ambiance était morose et les gens avaient peur de faire un faux pas quand un Genovese était de sortie. Valente n’en éprouvait aucun plaisir ni aucune satisfaction. Il se fichait bien d’ailleurs qu’on le fuit comme la peste. Au moins il était tranquille et pouvait se plonger à son aise dans ses noires pensées.
Daniele savait que la faute à sa mission ne pouvait pas être la seule raison du brusque changement de son fils. Et la mort de son neveu n’y était certainement pas pour rien. Alesio avait toujours été un garçon charmant et serviable, prêt à tout pour être accepté au même titre que ses cousins dans la famille. Il avait travaillé dur, il avait fait ses preuves, il était doué et il était évident que Midnight n’aurait pu le refuser, il accordait beaucoup d’attentions à ses petits fils qui allaient lui succéder plus tard. Alesio ne faisait pas exception à la règle et personne n’aurait pu se douter qu’il disparaitrait si vite. Et depuis trois semaines la famille était en deuil. Tous ne portaient que du noir et la mère d’Alesio qui habitait temporairement à la maison versait des larmes à longueur de journée, ajoutant une touche de pathétique à l’ambiance déjà bien noircie. Elle n’aurait pu se permettre d’attaquer Valente en lui disait que c’était de sa faute. De toute façon, il en était déjà conscient, même si le vrai coupable était d’une toute autre envergure. Ce n’était pas le jeune homme qui avait appuyé sur la gâchette. Ce n’était pas lui qui avait mit un terme à la vie de son propre cousin, mais c’était lui qui n’avait pas su agir, qui n’avait pas su saisir les enjeux de la situation. C’était de sa faute et il s’en voulait énormément. Cela Daniele le savait aussi. Et il savait qu’ils étaient tous confrontés à ça un jour ou l’autre. Lui-même avait déjà vu des oncles ou des cousins mourir devant ses yeux. Et les séquelles étaient toujours là. Il consolait sa sœur du mieux qu’il pouvait de la perte de son fils. Mais malgré tout, il ne pouvait s’empêcher de penser que cette mort n’était pas non plus l’entière raison du comportement de son fils.
Valente voyait que son père s’inquiétait à son sujet. Mais à vrai dire il s’en fichait. Il avait l’impression de revoir constamment le corps d’Alesio fauché en pleine action, tombant par terre comme une vulgaire poupée de chiffon. Il sentait ses points se serrer et son souffle se faire court en imaginant la main puis le visage de celui qui avait fait ça. Il se revoyait pleurant et serrant la main de ce cousin si jeune qui n’aurait pas dû disparaitre si vite. Il lui avait fermé les paupières, avait murmuré une prière, espérant de tout cœur que son père arrive au plus vite les chercher. Il avait fait de son mieux pour être fort mais ça ne marchait pas. L’enterrement avait été une épreuve des plus douloureuses mais il s’était forcé à rester jusqu’à la fin. Il le devait à Alesio. Lui qui était le plus âgé, lui qui aurait dû le protéger. Ce n’était pas le premier enterrement auquel il assistait, ni même de quelqu’un de la famille, mais c’était la première fois que ça c’était déroulé sous ses yeux, la première fois qu’il était plus jeune que lui, la première fois où il aurait pu faire quelque chose. Et cela le hantait. Il dormait mal, se réveillait sans cesse à cause d’une détonation dans les oreilles. Il avait souvent mal au ventre mais il doutait que ça soit uniquement à cause du coup qu’il avait reçu. Il n’avait aucune échappatoire autre que celui d’hurler sa peine dans son oreiller en pleine nuit, espérant que personne ne l’entende. Il pensait à ces deux êtres qui lui manquaient tant et la maxime de Lamartine, poète français ne fut jamais si vrai que à ce jour. Il pensait à tout ça et se sentait si mal qu’il en avait parfois la nausée. Jamais rien ne l’avait mit dans un état pareil. Rien et il aurait tellement voulu que toute cette douleur, culpabilité, colère cesse. Il aurait tellement voulu que tout redevienne comme avant.
Mais il y avait quelqu’un pour ignorer totalement l’état de Valente. Toujours le même à tel point qu’on ne le présentait plus. Cristiano n’avait plus été aussi exécrable avec lui depuis bien longtemps. L’accusant de la mort d’Alesio dès qu’il le pouvait, retrouvant ses surnoms tous aussi agréable de lopette à moins que rien en passant par débile profond. Durant les premiers jours, Val ne les entendait qu’à peine. Déjà parce qu’il avait l’habitude et surtout parce qu’il avait d’autre chose à faire et à penser que d’écouter son connard de frère lui cracher des gentillesses à la figure. Mais bien vite la situation était devenue intenable, aussi bien que Cristiano d’ailleurs. Il ne semblait pas se lasser et éprouvait un plaisir malsain à enfoncer son frère dans ses noires pensées, prouvant de ce fait à quel point il était faible et qu’on n’aurait jamais dû lui laisser une telle responsabilité. Ce à quoi Daniele répliquait que lui n’avait pas voulu se charger de cette mission alors qu’il ferait mieux de se taire sur le sujet. Ce qu’il faisait uniquement en sa présence. Mais le côté cinglant de Valente avait bien vite prit le dessus, et entre les larmes, la morosité, la tristesse et la sale ambiance qui régnait éclatait parfois des engueulades mémorables entre deux frères qui n’avaient jamais pu se supporter depuis leur plus tendre enfance. La dernière remontait à la veille au soir et avait finit très mal se terminer jusqu’à ce que Midnight entre dans la pièce, excédé mais ces comportements de gamins. Il avait cette capacité de mettre fin à toute dispute rien qu’avec sa présence. Et il avait bien fait, car ses deux petits fils crachaient du sang, le plus âgé avait un œil au beurre noir et Valente sentait un magnifique bleu fleurir sur sa mâchoire. C’était fou ce que ça faisait professionnel comme attitude. Il s’en voulait quand le regard de son grand père croisa le sien, mais Cristy avait dépassé les bornes en le traitant de lâche et de peureux, prétextant qu’il avait dû s’enfuir au lieu de se battre contre les agresseurs de la fille que protégeait Alesio.
Valente avait essayé d’oublier sous une douche brûlante sans vraiment de succès. En ce moment, il était au chômage technique et Daniele évitait de lui donner trop de missions, il voulait juste qu’il se repose. Pratique quand on se réveillait si souvent. Au moins il mangeait, sa grand-mère y veillait particulièrement. Il se réveilla de bonne heure et décida de trainer un peu dans le quartier pour ne pas avoir à subir la sale tête de son frère et l’ambiance pourrie qui régnait dans la maison. Il s’habilla de noir, du chapeau aux chaussures en passant par la chemise et la veste. Seul un liseré blanc prenait place sur son couvre chef, ainsi que les boutons de sa chemise. Il portait le deuil aussi bien que sa tante. Il fallait à tout prix qu’il arrive à se changer les idées, à essayer de voir vers l’avant au lieu de ressasser. Mais il n’y avait rien de plus difficile quand on avait l’impression qu’on nous avait arraché une partie de nous même à tout jamais. Il ne faisait pas mauvais quand il sortit. Se forçant à respirer de grandes bouffés d’air, il entra dans un bar pour se faire offrir le petit déjeuner, il assura d’un regard qu’il n’avait nullement l’intention de faire un esclandre de bon matin, mais ça ne rassurait pas le gérant pour autant qui semblait assez nerveux. Il sortit donc pour terminer son croissant et son café avant de s’allumer une cigarette. Il en fumait beaucoup en ce moment, le paquet par jour n’était pas très loin, il le dépassait parfois en présence de son frère adoré.
Sauf qu’il fallait croire que rien n’allait jamais comme quand on le souhaitait, ça Valente l’avait apprit à ses dépens trois semaines auparavant, et il lui semblait que le schéma se répétait encore et toujours à l’infini. Il le vit, il vit qu’il le vit, il vit qu’il vit qu’il le vit. Bref, ils se virent. Une bouffée d’adrénaline et de colère incontrôlable monta en Valente alors qu’il se dirigeait à pas vif vers lui, les rares passants s’écartant devant ce regard noir. Il se planta à quelque dix centimètres de Livio Gianelli, les doigts sur sa cigarette tremblant de rage.
- Je ne t’avais pas dit de ne plus jamais remettre les pieds ici ? Tu veux qu’on finisse ce qu’on a commencé la dernière fois ou tu te casses immédiatement ?
La voix de Valente était d’une ironie acérée que c’en était presque tranchant. Il n’avait pas peur. Oh non jamais. Il se demandait juste pourquoi il avait aussi peu de chance en ce moment. La douleur dans son genou sembla se réveiller alors qu’il soutenait le regard de son ancien ami d’un air de défi, prêt à sortir son arme si la situation l’exigeait.
Ce qu’il – En se for très très intérieur – n’espérait pas.
Dernière édition par Valente Genovese le Ven 7 Oct - 11:36, édité 2 fois
Livio Gianelli
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Jeu 6 Oct - 18:35
Un instant, éphémère, avant d’apercevoir celui qui occupait un peu trop ses pensées ces derniers temps, et plus vraiment de la même façon qu’auparavant. Quelques secondes seulement pour se souvenir. Ce quartier, c’était bien évidemment un ensemble de rues qu’il connaissait, des pâtés de maisons qu’il voyait souvent et dont il se souvenait sans hésitation. C’était un peu son monde, les quartiers sombres. D’abord parce que c’est là qu’il avait rencontré Valente, ensuite parce que généralement, les mecs louches et les gens qui ont quelque chose à se reprocher -deux types de personnes qui faisaient sa clientèle- se cachent souvent dans des endroits dans le genre. Ce qui est plutôt stupide, quand on y réfléchit. Où est-ce que quelqu’un de suffisamment intelligent pense à aller quand il traque quelqu’un ? Précisément à l’endroit où l’on se cache le mieux, qui devient alors la planque la moins sûre au monde. Si seulement quelques crétins pas trop attardés se donnaient la peine d’aller dans les beaux quartiers squatter une villa luxueuse, voilà un endroit dans lequel Livio n’aurait pas pensé aller dans l’immédiat. Mais il n’y avait pas d’hésitations à avoir, l’imbécile qui était à la tête de son tableau de chasse depuis deux jours se trouvaient par là, il avait même posé ses cliques et ses claques dans une chambre de bonne au nom d’une vieille mama italienne décédée la semaine dernière. Mystérieusement. Et c’était par ici, Livio pouvait lever les yeux et repérer les carreaux sales qu’il était venu identifier comme le bon endroit, la veille. Au dessus d’un billard un peu moisi dans lequel il fallait déposer les armes avant de jouer. Pour vous dire un peu le niveau de fréquentations ...
Mais Livio ne leva pas les yeux. Il se contenta de se souvenir. Hier, à peu près à la même heure, Luca et lui se tenaient juste là. Oui, Luca, son sous-lieutenant fragile et piétinant toujours en le suppliant de l’accompagner. Toujours, le militaire avait dit non. Trop dangereux, évidemment, d’autant que Luca n’avait aucune expérience du terrain et ne connaissait les armes à feu que dans la théorie. Sans parler de l’alternative des poings, qui était suffisamment ridicule quand on observait sa frêle silhouette. Que faisait-il alors dans les bureaux du GDP, d’autant plus dans la branche policière ? C’était une excellente question, que Livio se posait régulièrement. En essayant de ne pas imaginer que Luca avait dû coucher pour réussir ... Mais cette idée se chassa d’elle-même bien rapidement. Il était trop naïf, ses yeux remplis d’admiration étoilée ne pouvaient mentir sur sa simplicité et sa droiture. Toujours est-il que la veille, il l’avait surpris ce dossier à la main. L’avait vaguement grondé pour son méfait, et aussi pour sa prise de décision inconsidérée du fait de sa mise à pied partielle, dont tout le monde ou presque était au courant. Il imita Mirko à la perfection en assénant un « Gianelli n’est pas en mesure de prendre des responsabilités ou des risques. On le garde gentiment au placard. » Evidemment, Livio avait grogné et lui avait demandé de tenir sa langue, comme il savait si bien le faire.
Pour la première fois, Luca lui avait résisté en lui opposant un refus catégorique. Enfin, plus ou moins catégorique puisqu’il capitula rapidement en lui demandant de ne le faire qu’à la seule condition de ne pas partir seul. Et donc, de l’emmener lui, déjà au courant, qui du coup serait muet comme une tombe. Livio avait tout essayé : marchandage, menace, supplique, rien n’y fit et il s’imposa rapidement à lui que s’il voulait se dégourdir les jambes et reprendre ses bonnes attitudes pour se sortir du placard du GDP mais aussi de celui de ses émotions, il fallait faire des concessions. Après deux heures durant lesquelles Livio fit démonter, remonter une arme à Luca avant de l’emmener sur le stand d’entrainement de tir, il se résigna à hausser les épaules et à donner son accord. Il tirait parfaitement bien, remarquablement même, en dépit de son physique et de l’énergie qu’il devait fournir pour absorber des tirs répétés. Voilà sans doute où était la clé de son grade. Toujours est-il qu’après un breefing qui n’en finissait plus, le lieutenant qu’il était accepta pour la première fois de se faire seconder par son subordonné. De toute façon, cela avait beau être une mission plus intéressante que le simple interrogatoire, leur cible ne paraissait pas vraiment dangereuse et il était peu probable que cela se complique. Livio avait toutefois insisté sur un point : le premier jour serait celui du repérage, et après seulement ils réfléchiraient à un plan d’action. On ne s’improvise pas agent de terrain en deux heures et il était hors de question qu’il lui fasse courir un risque potentiel, étant donné qu’il était sous sa responsabilité.
C’est pour cette raison que Livio n’avait jamais cherché à grimper très haut dans les rangs de l’armée, et son statut actuel n’était supposé que garantir sa liberté et non lui imposer des seconds dans les pattes. Mais il était difficile de dire non au regard teinté d’espoir de Luca Sante. Toujours est-il qu’ils étaient partis de bonne heure. Passant plusieurs heures à étudier les allées et venues de leur cible en prenant un café dans la rue d’en face ou bien en se plantant dans une impasse adjacente qui donnait une vue intéressante mais sécurisée. Rien de bien spécifique, à part quelques visites que Livio identifiait plutôt comme des dealers de mauvaise catégorie que comme des indics ou des ennemis potentiels. Un camé, à la fois bonne et mauvaise nouvelle. Bonne parce qu’il serait moins maitre de ses gestes, mauvaise parce qu’il serait moins maitre de ses gestes. Equilibre précaire entre le risque et l’assurance d’une mission réussie. C’est là que Livio aurait dû commencer à se méfier et à renvoyer Luca chez lui, à l’instant même où son sous lieutenant lui fit cette réflexion : « un drogué c’est toujours moins opposant ». Mais il laissa filer, sans réellement rebondir. Première erreur. La seconde fut de s’absenter un instant pour aller acheter un paquet de cigarettes -oui, depuis peu il fumait de temps à autres- au marchand de tabac du coin. Quand il revint, de Luca il ne restait qu’un courant d’air, et à la fenêtre qu’ils observaient depuis un certain temps déjà il y avait deux silhouettes, dont celle de quelqu’un qui pourrait se faire passer pour un adolescent.
Livio avait couru, gravit les marches, s’était précipité dans la pièce en défonçant la porte -pourtant restée ouverte- d’un coup d’épaule. La scène à laquelle il assista le laissa sans voix un instant. Luca était assis sur un lit branlant, le canon d’un silencieux pointé sur lui. Pistolet tenu par une main tremblante d’un homme d’une trentaine d’années au regard fou, transpirant à grosses goutte et réunissant tous les autres signes de la bonne overdose. Livio avait tenté de le calmer, sans résultat. Il avait sortit son arme, sans résultat non plus. Il la pointa sur sa cible, résultat il y eut. Le coup de l’homme partit, sans une détonation grâce au silencieux, et Luca poussa un cri. La balle était venue se ficher sans l’épaule du jeune homme, qui s’affala sur le matelas en gémissant de douleur. La suite fut un peu confuse, Livio se souvient d’avoir neutralisé l’homme en l’assommant sans plus s’en occuper puis d’avoir chargé Luca sur son épaule pour l’accompagner en lieu sûr. Ce n’était pas grave, mais ça le faisait paniquer. Ce n’était qu’une petite blessure, mais c’était sa faute. Luca n’était pas prêt, Luca n’aurait rien dû faire là, Luca n’aurait pas dû être blessé. Le militaire voyait trouble, s’en voulait énormément malgré les paroles de réconfort que son subordonné lui avait adressées sur le chemin. Il avait beau dire tout ce qu’il désirait, les faits étaient là. Et cette simple idée lui avait fait tourner la tête, le renvoyant directement à un état qu’il croyait avoir quitté.
Après s’être assuré que Luca ne craignait plus rien, Livio était retourné au bureau pour solliciter un rendez vous avec Mirko, s’excuser platement et avouer sa faute. Et accessoirement, demander à ce que l’on retire Luca de son service. Il promit d’attendre sa réintégration officielle pour recommencer son boulot à plein temps, il promit de bien se comporter et de ne pas voler les affaires de ses collègues, il promit beaucoup de choses, et demanda humblement à Mirko de déplacer Luca de section, appuyant qu’il n’était pas qualifié pour les missions de terrain malgré une formation poussée et complète. Quitte à se faire prodigieusement détester, Livio savait que son supérieur lui laisserait la main mise là-dessus, ayant encore confiance en ses capacités de jugement du travail des autres, faute de ne pas faire le sien correctement. Et puis, le petit Sante qu’il avait engagé par appui de son père était blessé, alors il n’avait pas vraiment le choix ... C’est ainsi, et pour cette raison que Livio se trouvait ici, maintenant, et dans un aussi mauvais état. Enervé, blessé, ayant passé une nuit affreuse qui avait concilié la trahison de Valente et l’inattention dont il avait fait preuve, faillant à protéger son subordonné. Un Livio qui n’a pas eu sa dose de sommeil, un Livio accablé par la culpabilité d’une part et la haine d’autre part, un Livio qui ne croit même plus à la malchance de croiser ici la dernière personne qu’il aurait voulu voir aujourd’hui ... ça ne donne rien de bon.
Alors quand il aperçut enfin Valente s’approcher de lui avec une lueur rageuse dans les yeux, il se campa sur ses deux pieds et l’attendit. Il n’avait pas peur, pas plus qu’il n’avait eu peur quand il lui avait délibérément tiré dessus. Certes, Livio ne connaissait plus cet homme qui pour lui n’était pas l’ami qu’il avait côtoyé, mais ça n’empêchait qu’il savait parfaitement comment il réagirait à sa présence. Comme lui, par la colère, la provocation et les reproches. Comme un chat qui feule pour se défendre et repousser la menace. Il était là, à le fixer d’un œil terriblement sombre, la clope au bec et manifestement la même ancienne blessure qui se réveillait, d’où le léger déplacement du poids de son corps sur l’autre jambe, comme Livio venait de le faire en sentant sa cuisse pousser un gémissement bien connu.
- Je ne t’avais pas dit de ne plus jamais remettre les pieds ici ? Tu veux qu’on finisse ce qu’on a commencé la dernière fois ou tu te casses immédiatement ?
Dire qu’il avait fantasmé sur ce corps qui lui faisait face et qui le dévisageait avec hargne. Dire qu’il avait voulu le toucher, l’embrasser, le couvrir d’attentions. A cette idée, Livio eut un haut le cœur. Ce n’était pas possible, de l’envie pour quelqu’un qui lui avait sans hésitation troué le corps à deux reprises, ce n’était juste pas sain. Maintenant il ne lui inspirait que du dégoût, du mépris et une colère indicible. Il en venait même, après trois semaines où il avait eu le temps d’oublier les bons moments au profit du seul mauvais qu’ils avaient en commun, à se demander en quoi il avait pu l’apprécier. Il était têtu, fier, il était sanguin et impulsif. Il n’hésitait pas à sortir son arme à tout va, à draguer toute belle paire de jambes qui passait dans son champ de vision, et se montrait incapable de tenir à l’alcool. Tout cela, avant, il l’appréciait, l’admirait parfois, ou encore s’en amusait. En quelques secondes, les habitudes de Valente Genovese devenaient une cible d’irritation et d’énervement. Ils n’avaient finalement pas tant de choses que ça en commun, si ? Livio n’était pas aussi stupide, Livio réfléchissait, Livio ...
C’était faux, évidemment. Livio était rendu stupide par la colère et n’avait jamais réellement réfléchi quand il agissait, encore moins lorsque c’était tous les ordres du GDP. Mais là, il était simplement hors de question qu’il lui obéisse à lui. Il n’était plus rien pour lui, à part un ennemi à éviter ou, dans le cas d’un échec cuisant comme c’était le cas actuellement, quelqu’un qu’il fallait affronter de face. Sa voix se fit tout aussi froide alors qu’il le fixait d’un air goguenard et moqueur, acide.
- Parce que tu crois que j’aurais pas préféré une de tes putain de balles dans ma tête plutôt qu’ailleurs ? Tu sais plus viser, ou quoi ?
Puis son ton se teinta d’amertume et de rancœur. Il ne méritait pas autre chose que la plus criante des vérités de sa haine.
- Et si tu crois que je vais t’obéir gentiment comme un de tes hommes, tu te goures totalement Valente. J’ai ma vie, elle est aussi ici. Et j’ai pas fait exprès de croiser ta salle tronche dès le matin, crois moi.
Le début de la fin, ou la fin d’un début ?
Valente Genovese
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Dim 9 Oct - 10:52
Pourquoi avait-il fallu qu’il tombe sur lui maintenant ? Alors qu’il se battait depuis trois semaines pour ne plus voir ce visage déformé par la rage, la douleur, la trahison ? Alors qu’il se battait jour et nuit pour ne plus penser à cette amertume acide qui lui brûlait les intestins et l’œsophage ? Ne lui avait-il pourtant pas dit de ne jamais remettre les pieds ici ? Il n’avait pas été assez clair sur le sujet ? Aurait-il du lui préciser que sinon il le tuerait de sang froid ? Non bien sur qu’il n’avait pas pu lui dire ça, car il se sentait plus lâche que jamais et incapable de lui porter le coup fatal. D’ailleurs au fond, très profond de lui il se sentait soulagé de voir qu’il n’avait pas succombé à sa blessure à la cuisse qui semblait encore bien présente dans sa chair au vu de sa posture. Il n’en éprouvait toujours aucun remord mais savait que Livio, c’était son affaire et que s’il devait mourir, c’était lui qui le tuerait. Et c’était pour ça qu’il avait menti. Il avait inventé une histoire qu’il avait espéré la plus plausible possible pour expliquer le fiasco total de sa mission. Il n’était pas du tout sûr que Daniele l’ait cru, mais il n’avait pas posé d’autres questions, estimant sûrement que ce n’était guère le bon moment. Ainsi pour la première fois de sa vie, Valente avait gardé une vérité criante pour lui, il n’avait pas lancé la famille entière à sa poursuite pour le faire souffrir avant de l’achever à cause de la mort d’Alesio. Alors théoriquement, il pouvait encore se balader tranquillement dans les quartiers sombres sans que personne de la famille Genovese ne lui tombe dessus sous ce prétexte unique d’un meurtre au sein de la famille. Après, on pouvait lui tomber dessus pour mille et une autre raison mais ce n’était pas son problème. Son problème était que si on découvrait qu’il avait caché un assassin, il était assez mal. Mais c’était le cadet de ses soucis et voyant le visage orgueilleux de Livio, il était bien content de l’avoir encore en face de lui. Car c’était son problème à lui seul et il était hors de question qu’il laisse quelqu’un d’autre s’en saisir.
Et pourtant Dieu sait que cet ami jadis si important avait pu lui manquer ces trois dernières semaines. Tout n’avait été que brouillard et il aurait tellement voulu raconter ce problème à un meilleur ami pour lui demander conseil, de l’aide. Sauf que le problème concernait le meilleur ami, l’ex meilleur ami. Et il se sentait totalement vide sans lui. Sans personne sur qui compter. Il lui manquait tellement que ça semblait s’inscrire avec la tristesse, la colère et la culpabilité à chaque instant dans tout son être. Et tous ces sentiments contradictoires ne lui faisaient pas le moindre bien et le rendait plus morose et déconnecté que jamais. D’ailleurs, il n’avait plus eu de sursaut aussi sanguin devant quelqu’un d’autre que son frère depuis ces trois semaines. Il pouvait au moins donner ça à Cristiano, il lui permettait de ressentir encore des choses et de pouvoir agir. Mais il n’arrivait plus à être normal avec ses sœurs malgré les efforts qu’elle faisait. Mais il n’était pas prêt à tourner la page pas encore. Car il savait que rien n’était encore finit. Et qu’ils finiraient par se recroiser de nouveau, comme au tout début de leur relation. C’était inéluctable, mais Livio et Valente finissait toujours par se recroiser, peu importait leur état d’esprit, ils étaient comme liés l’un à l’autres et destinés à se voir, que ça soit pour rire ou pour avoir envie de se tuer. Et comme on ne pouvait pas jouer contre le destin, autant y aller franchement. Car la simple vue de son visage avait ravivé des instants de haine et de mépris envers cet homme qui avait tant bousillé.
- Parce que tu crois que j’aurais pas préféré une de tes putain de balles dans ma tête plutôt qu’ailleurs ? Tu sais plus viser, ou quoi ? Et si tu crois que je vais t’obéir gentiment comme un de tes hommes, tu te goures totalement Valente. J’ai ma vie, elle est aussi ici. Et j’ai pas fait exprès de croiser ta salle tronche dès le matin, crois moi.
Et évidemment ce n’était pas avec des paroles pareilles que tout allait s’arranger. Sauf que l’un comme l’autre n’avaient aucunement l’intention d’arranger quoi que ce soit. Et ils étaient partis tous les deux dans une spirale de rancœur et de colère envers l’autre avec cette envie de faire mal à l’autre, de lui faire passer leur propre douleur, espérant ainsi soulager un peu la peine qui les habitait tous les deux. Ils étaient stupides, imbus d’eux même, fiers et profondément trahis, ainsi comment une quelconque entente aurait pu avoir lieu dans des conditions pareilles ? C’était impossible et le regard agressif de Valente le prouvait à tout instant, tout comme son reflet dans les yeux clairs de Livio. Un rire bref et coupant s’échappa de la gorge du mafioso alors qu’il répondait avec une raillerie palpable.
- Je ne t’aurais pas fait cet honneur, mais si tu veux je peux remédier à ce problème assez rapidement. Ma sale tronche ? Mais tu as vu la tienne ? T’es passé sous un rouleau compresseur avant de venir ? Mais apparemment même ça ne peut pas venir à bout de ta grande gueule. Ta vie ne fait en aucun cas partie de ce quartier et tout le monde te le diras, tu fais une grossière erreur en te croyant au dessus de nos lois.
Les gens s’arrêtaient pour regarder mais finissaient irrémédiablement par partir, de crainte qu’une fusillade n’éclate. Et les rares courageux se faisait immédiatement fusiller du regard par Valente et reprenait leur route sans demander leur rester. Il ne faisait que lui dire ce qu’il pensait, lui expliquer à quel point il méritait d’entendre toutes ces horreurs. Finit le meilleur ami compréhensif et souriant. J’ai changé Livio, tu m’as changé. Alors ne joue pas au plus malin tu risquerais de t’en mordre plus que les doigts. Cependant il savait que Livio ne reculerait pas face à une tirade chargé de haine comme la sienne. Car il savait que lui aussi en emmagasinait et qu’à tout moment ça risquait de péter pour eux. Mais ce n’était pas pour ça qu’il pouvait s’empêcher de parler. Et puis Val se révélait en plus particulièrement irrité par l’utilisation de son prénom complet que seul Cristiano utilisait. Mais bien sûr, il ne l’aurait pas non plus permit d’utiliser à nouveau son surnom. Il se voyait mal employer à nouveau Liv pour s’adresser à lui. Aha tout était finit et enterré et malgré ce qu’il ressentait au plus profond de son cœur, il n’avait pas l’intention de lui pardonner même un tout petit peu ce qu’il avait osé faire. Cependant il fut un peu déconcentré par l’arrivée de quelqu’un auquel il ne s’attendait pas.
Lucilla était assez grande pour se préoccuper de ce qui se passait au sein de sa propre famille. Son père lui avait expliqué beaucoup de choses, bien plus qu’à ses deux sœurs qui étaient trop jeunes pour comprendre. Elle s’était senti flattée mais savait aussi que c’était inéluctable et que ce n’était pas parce qu’elle était une fille qu’elle serait à l’abri des actions familiales. Elle savait que chaque jour des personnes mourraient de la main de son père, ses frères ou son oncle. Elle savait à quel point le nom Genovese pouvait inspirer la crainte et le respect. Elle savait qu’on veillait sur elle à chaque instant car elle pouvait être facilement une proie de choix pour les ennemis de la famille. Elle avait eu récemment sa première arme à feu que son père avait quand même rechigné à lui donner et elle s’était entrainé avec Valente. Lui aussi ça ne l’enchantait pas mais il savait que c’était indispensable, tout le monde passait par là. Et même si on n’avait pas l’intention de plonger dans l’univers noir des Genovese, il convenait de toujours savoir se défendre quoi qu’il arrivait. Alors Lucilla c’était entrainé pour être à la hauteur, pour qu’ils soient fiers d’elle. Car elle adorait cette famille qui était si chaleureuse et aimante, à l’exception de ce demi frère si méprisant. Elle adorait Val avec qui elle aimait discuter à longueur de temps de tout et de rien. Et elle s’était inquiété énormément au fur et à mesure qu’elle le voyait dépérir dans sa chambre et tout ce qu’elle avait tenté n’avait servi à rien. Son frère adoré n’avait pas retrouvé le sourire qu’elle aimait tant et elle n’arrivait pas à savoir pourquoi. Elle avait été mise au fait des évènements tragiques mais sentait qu’il y avait quelque chose d’autre. Valente paraissait triste et inconsolable mais possédait pourtant une flamme de résignation et de haine dans le regard. Et cela intriguait tout comme effrayait sa sœur, sans qu’elle sache vers qui elle pouvait bien être dirigée.
Et ce fut dans l’optique de chercher à comprendre, à lui remonter le moral, à le faire de nouveau sourire et à ne pas le laisser s’embourber dans ses idées noires qu’elle l’avait suivie alors qu’elle l’avait entendu se lever de façon matinale. Elle savait que leur père ne lui donnait plus de missions, alors c’était idéal pour marcher dans Milan avec lui en respirant de grandes bouffés, parler ou non mais essayer de lui faire comprendre que malgré leur différence d’âge, elle serait toujours là pour lui comme il serait toujours là pour elle. C’était pour elle le principal. Attrapant un morceau de brioche à la maison, elle l’avait suivit en premier lieu pour voir à partir de quand il la remarquerait, mais il semblait bien trop perdu dans ses pensées pour la voir. Ce qui n’était pas une bonne chose se disait-elle car n’importe qui d’autre aurait pu le suivre de cette manière. Elle le vit s’arrêter prendre son petit déjeuner et décida qu’il était temps de cesser ce jeu pour lui faire la surprise de sa présence et ainsi de pouvoir discuter avec lui comme ils n’avaient guère pu le faire depuis ce drame trois semaines avant. Sauf qu’au moment où elle marchait vers lui, elle le vit se diriger vers un homme grand et bien bâti. Et il lui fit froid dans le dos, car c’était la première fois qu’elle sentait la haine s’échapper du corps de son frère avec tant de violence, qu’elle vit ce regard noir qu’il ne jetait qu’à peine à Cristiano. Qui était cette personne qui semblait être l’ennemi le plus important que son frère ait jamais eu ? Et ce fut comme hypnotisée qu’elle vint à leur rencontre. Elle ne pouvait plus faire demi-tour maintenant qu’elle avait vu ça, c’était impossible. Elle arriva à la hauteur de Val pour glisser une main dans la sienne, le faisant légèrement sursauter.
- Lucilla ? Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? - Je voulais juste qu’on parle et qu’on se balade un peu tous les deux et… La main de frère arriva sur ses yeux comme pour l’empêcher de voir à qui il parlait. - Non tu vas rentrer immédiatement et tu vas oublier ce que tu as vu. Il faut que tu n’en parles à personne Lucilla. J’aimerais éviter une nouvelle tragédie au sein de la famille.
Si Lucilla avait eu la capacité de voir, elle aurait vu son frère jeter un regard suintant de haine à son interlocuteur qui lui rendait bien volontiers la pareille.
- Mais Val… - Ca suffit Lucilla tu rentres maintenant, je viendrais te voir plus tard.
Jamais la voix de son frère n’avait été si froide à son encontre, et cela la fit frissonner. Elle comprit qu’elle était allée trop loin et qu’elle avait dépassé une limite de la vie privée de son frère qu’il ne fallait pas franchir sous aucun prétexte. Et cela lui fit peur. Il était bien sûr hors de question qu’elle en parle à qui que ce soit, la confiance de Valente était précieuse et elle ne la gaspillerait pas. Jamais. Elle s’échappa de sa main avant de jeter un dernier rapide regard au blond et au brun. La tension était palpable entre eux et elle comprit à quel point il était important pour elle de partir. Maintenant. Elle fit demi-tour avant de s’enfoncer dans les ruelles menant à la maison principale, se rendant compte que le bout de ses doits tremblait un peu. Elle avait vu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir, et Valente avait intérêt à lui expliquer, même à demi mot de quoi il avait été question entre lui et cet homme si imposant.
Valente lui se serait volontiers fracassé la tête contre un mur d’avoir été surpris de la sorte par sa propre petite sœur et il s’inquiétait à présent énormément pour elle. Cependant il ne fallait pas qu’il ait la tête ailleurs, pas maintenant, il fallait qu’il reste concentré sur le jeu d’équilibriste qu’il jouait avec Livio de peur de tomber pour une chute mortelle.
- Lucia va bien ? Elle est au courant que son grand frère qu’elle doit tant admirer a trahi son ami et est devenu un sacré meurtrier ? C’est pour ça que tu es là ? Tuer encore des innocents ? C’est ton credo en ce moment non ?
C’était lâche comme provocation. Utiliser la famille était un moyen retord et il se serait bien foutu des gifles pour ça. Mais il semblait qu’avec Livio il n’y avait plus de règles, plus de retenue. Tout était bon pour lui faire mal, pour lui asséner la vérité et le mettre en face des horribles choses qu’il avait fait. Il refusait de se censurer, d’arrondir les angles. Pas après ce qu’il avait osé faire, pas après l’avoir laissé tout seul, l’avoir abandonné. Il avait tué Alesio et sa confiance en même temps. Il n’avait plus à prendre de pincettes avec lui c’était finit. Le but était toujours de lui faire comprendre à quel point ce qu’il avait fait était impardonnable, et à quel point il était prêt à lui en faire baver jusqu’à une improbable rédemption. Tu es dans mon collimateur Livio et maintenant, je ne te lâcherais plus, plus jamais.
Livio Gianelli
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Mar 11 Oct - 15:07
Cette vie n’était plus qu’une succession de douleurs. Petites, importantes, négligeables ou irrémédiables, chacune avait ses attributs, ses composantes. Mais toutes étaient réelles. Depuis qu’il avait perdu son meilleur ami -perdu dans le sens mort, puisque pour lui « Val » était bel et bien mort-, ça n’arrêtait plus. Que ce soit de se coincer le doigt dans sa porte d’entrée, se brûler avec l’eau des pâtes, perdre Luca ou recroiser celui qui lui avait mis le cœur en miettes, tout était bon pour lui procurer une souffrance. La plupart du temps, les atteintes physiques n’étaient rien d’autre que des piqures d’insecte sur sa peau épaisse et habituée aux agressions extérieures. Mais en ces temps de fragilité extrême, il devait se retenir de pleurer à chaque écorchure, et le seul contact d’un autre corps que le sien le rendait fou. Un frôlement était comme le coup de poing de Val, ce soir là, une poignée de main ravivait sa douleur au flanc et une accolade chaleureuse tordait ses entrailles et faisait céder son poids qui ne pouvait plus le soutenir, menaçant de le laisser s’affaler par terre comme la loque qu’il était peu à peu devenu. Puis, il avait remonté la pente. Apprenant à vivre avec un poids quotidien sur le cœur, acceptant de n’être en sécurité et en confiance nulle part, avec personne. Tant d’émotions qu’il connaissait pour les avoir vécu au contact de Natale. La même froideur, le même manque, la même sensation de vide et de perdition constante. Comme s’il était vrai que si un seul être vous manque, tout s’en trouvait dépeuplé.
La même trahison, ou presque. Pire, peut-être, puisque l’amour est instable, passionnel et fougueux tandis que l’amitié est stable, mesurée et réfléchie. L’amitié ne cède pas aux pressions du temps et de la constance, ne plie pas devant le doute et contourne les obstacles. Mais elle se brise de la même manière face à la trahison, ultime coup de poignard qui vient à bout des dernières défenses comme des plus efficaces. C’était le même sentiment, pourtant, et la déception n’était pas vraiment différente si ce n’est que Livio pensait en avoir terminé avec les désillusions et les saloperies dans le dos. Mais le regard de Natale au moment où il lui annonça pour lui et son stella, et celui de Val quand il avait compris la situation, étaient les mêmes et signifiaient les mêmes choses. Au revoir Livio, tu es de trop. Dans mon cœur, dans ma famille, dans mon monde. Tu as franchi une barrière que tu pensais invisible mais que je ne te laisserai pas passer indemne, tu dois payer. C’est exactement cela que le militaire avait pu lire dans les regards qui, dans ses souvenirs, se superposaient à présent. Personne n’avait jamais réellement eu besoin de lui, personne n’avait accepté de le garder longtemps auprès de lui. Tous ceux à qui il tenait réellement s’étaient un jour retourné vers lui pour lui dire au revoir, d’une façon ou d’une autre. Il ne restait plus rien à Livio, si ce n’est qu’une famille aimante trop lointaine qu’il tentait de protéger de lui. La famille, finalement Val n’avait peut être pas eu tord de choisir son cousin, se disait le jeune homme en riant jaune. Rien de plus fidèle que la famille, hein. Mais s’il avait pu juste comprendre et écouter, ils n’en seraient pas là.
La discussion n’étant pas réellement leur point fort, voilà à quoi se réduisait actuellement leur relation : une haine profonde et tenace malgré sa toute récente naissance, et le sentiment pour Livio que personne ne resterait jamais à ses côtés. Un seul en avait exprimé le souhait, et il venait de l’envoyer le plus loin possible de son existence. Luca. Petit chiot fidèle qu’il avait négligé, se satisfaisant de sa présence rassurante, de sa constance et de son admiration aveugle. Sans penser qu’un chiot peut se casser une patte lorsqu’on l’envoie trop tôt à la chasse. Ainsi, il venait de s’attirer volontairement et délibérément les foudres du seul encore assez fou pour réclamer sa présence. En l’envoyant se ranger dans la partie administrative, se disant que sa jovialité et son sourire charmeur et innocent seraient parfaits pour calmer les réclamations, les impatiences et les indignations que reçoit chaque jour ce genre de service. Tout sauf son bureau, le terrain, le risque et l’ombre de la mort ou de la souffrance. Que Luca ait le sentiment d’être trahi, peu lui importait. Seule sa sécurité devenait importante maintenant qu’il avait vu quelqu’un de cher à son cœur se faire blesser par sa faute. Et en cela, il comprenait vaguement Valente. Vaguement, évidemment, puisqu’à sa place il se serait pardonné, il aurait compris que ce n’était pas volontaire, il aurait tempéré, il aurait ...
Ou pas. Enfin, tout ça pour dire que la perte de quelqu’un de primordial est douloureuse, et c’est la seule raison pour laquelle il n’avait pas descendu son ancien ami d’une balle bien placée. Parce qu’il comprenait sa tristesse, même s’il ne pardonnait en aucun cas ni même n’envisageait de comprendre son attitude envers lui. Livio n’avait pas non plus descendu Natale, parce que le contexte était différent et que c’est Matteo qui devait souffrir et non son ancien amant, mais faire mal à l’un sans blesser l’autre semblait impossible tant ils étaient liés par quelque chose de trop fort, de trop pur et d’incassable. Comme l’amitié qu’il pensait partager avec Valente.
- Je ne t’aurais pas fait cet honneur, mais si tu veux je peux remédier à ce problème assez rapidement. Ma sale tronche ? Mais tu as vu la tienne ? T’es passé sous un rouleau compresseur avant de venir ? Mais apparemment même ça ne peut pas venir à bout de ta grande gueule. Ta vie ne fait en aucun cas partie de ce quartier et tout le monde te le diras, tu fais une grossière erreur en te croyant au dessus de nos lois.
Il se moquait, sans hésiter, de lui et du regard un peu voilé par la fatigue qu’il lui offrait à voir. Oui, il était éreinté et son corps semblait au bout de ne plus avoir de carburant, malgré l’étonnante force qu’il conservait. Oui, il était à bout et pensait voir sa carcasse s’effondrer à chaque pas, il savait que des cernes habillaient ses yeux et que ses cheveux n’étaient pas artistiquement coiffés en arrière comme il en avait tant l’habitude. Livio n’était plus que l’ombre de lui-même ces derniers temps, d’autant plus avec la nuit qu’il venait de passer et si cela lui donnait l’air perdu et faible, il n’était ni l’un ni l’autre devant son ancien ami, étrangement revigoré par la haine qu’il lui vouait à présent.
- Tu n’oseras pas, pas plus que tu n’as osé m’achever la dernière fois. T’es bon qu’à me blesser comme un animal qu’on marquerait. Dommage pour toi, c’est pas au programme. Tes lois, j’en ai rien à foutre, tu le sais. J’ai les miennes et ne t’inquiète pas, je suis pas seul et on m’autorise à venir ici. Pas toi, j’ai pas besoin de ton accord. Plus haut, plus grand.
En effet, c’était juste hors de question que le GDP perde un de ses meilleurs agents de terrain sous prétexte que quelqu’un voulait sa mort dans le quartier le plus fréquemment utilisé par leurs cibles. Le remplacer n’était pas à l’ordre du jour, même si ces derniers temps il avait failli passer au placard pour conduite inadmissible et même faute professionnelles. Heureusement, la sanction était douce et les représailles légères, en rendu de tous ses bons services et sa dévotion à la cause. Et Livio savait que le GDP couvrait ses ouailles, tant qu’elles ne mettaient pas l’organisation en danger. Et s’il fallait livrer une guerre d’influence à un petit mafieux ou même son écrasante famille, ça ne serait sans doute pas un problème. De toute façon, sans que Livio n’en sache rien, le casino de Valente énervait passablement Mirko qui se retrouvait trop souvent confronté à la loi du « terrain neutre » qui l’empêchait de faire ce qu’il voulait quand il le voulait. Guerre de pouvoir, pour deux anciens amis qui se découvrent une haine commune ? Sans doute. En tous les cas, il était hors de question de plier devant les Genovese, qui devaient pourtant l’attendre au tournant. Livio savait qu’à partir de maintenant, il devrait faire attention à sa vie à chaque coin de rue. Et encore, pas sûr que cela soit suffisant si jamais les grands moyens étaient employés contre lui.
Soudain, une tête châtain surgit devant lui, dans son champ de vision qui ne se concentrait jusque là qu’exclusivement sur Valente. Des mèches claires qui rappelaient celles de son frère, des grands yeux innocents mais pas naïfs. Une fillette de treize ou quatorze ans qui lui rappelait soudain une autre, au prénom sensiblement similaire, et à l’âge quasiment identique. Sans la connaitre, Livio la reconnut tout de suite. Valente lui avait suffisamment parlé de ses sœurs en long en large et en travers pour deviner avant même qu’il ne l’interpelle. Lucilla, comme sa Lucia qui lui manquait alors cruellement. Si elle avait été là, la jeune fille l’aurait aussi pris par la main pour le calmer, le traînant jusqu’au premier arbre venu en lui demandant d’y grimper puis de l’aider à faire de même. Et là, le silence se serait installé entre eux, et ils auraient communiqué dans la plus parfaite osmose d’un frère et d’une sœur. Elle aurait apaisé sa blessure, elle aurait soigné sa douleur, elle aurait séché ses larmes invisibles et aurait guéri son cœur. Mais Lucia n’était pas là, et son sourire lui manquait alors qu’il dévisageait la jeune Genovese, son visage encore dur de par la tension qui régnait entre Valente et lui, mais l’œil interrogateur sous la noirceur de la rancune. Une interrogation simple. Pourquoi venait-il de lui cacher les yeux, comme pour effacer la vision du militaire de sa mémoire ? Pour lui éviter de voir le responsable de la mort de son cousin bien aimé ? Pour la protéger du grand méchant loup qu’il était devenu à ses yeux ?
- Non tu vas rentrer immédiatement et tu vas oublier ce que tu as vu. Il faut que tu n’en parles à personne Lucilla. J’aimerais éviter une nouvelle tragédie au sein de la famille.
Ou parce qu’il n’en avait parlé à personne. Sa famille n’était pas au courant ? Pourquoi, comment ? Une chose aussi grave, et ils ignoraient tous qui était le responsable ? Valente l’avait tut, était-ce pour se garder le plaisir de le haïr seul et de savourer l’exclusivité de la peur que Livio ne ressentait nullement ? Valente était-il fou au point de penser pouvoir venir à bout de lui, seul, sans l’appui d’aucun membre de sa famille ? Il semblerait. C’était incroyable, étrange et à la fois déconcertant. Livio pensait que pour lui la famille était ce qu’il y avait de plus important, alors cacher cela à ses proches, c’était comme mentir par omission à la mère éplorée qui attend un nom pour pouvoir le détester en silence. Il les privait de la satisfaction d’avoir un visage à mettre sur le drame qui devait les agiter, il les coupait de la vengeance. Livio s’interrogeait de plus en plus, mais remercia du fond du cœur Lucilla d’être venue aujourd’hui et lui permettre de comprendre ça. Même s’il était du coup persuadé d’avoir compris de travers. C’était sans doute la première option envisagée, à savoir la préserver du regard de l’ennemi public numéro un de la famille. C’est vrai qu’elle était un peu jeune pour la haine et pour les reproches, Valente faisait bien de la protéger avant tout. Puisqu’il ne pouvait pas avoir passé sous silence cette information capitale auprès des siens, Livio imaginait seulement que les Genovese, très à cheval sur les convenances, attendaient une période décente de deuil avant de passer aux représailles. Comme pour ne pas gâcher la mémoire du défunt par un peu plus de sang versé. Dans tous les cas, Livio était encore en vie et il n’en demandait à vrai dire pas vraiment plus.
Alors que Lucilla s’éloignait, Livio reporta son attention sur son vis-à-vis. Laissant à nouveau la colère le submerger de le trouver là, par hasard, encore. Lui qui s’était tant de fois réjoui de le voir au détour d’une rue sans que rien ne soit programmé ou prévu, voilà qu’il en venait à détester ce lien qui les attirait irrémédiablement l’un vers l’autre même quand leur volonté était de s’éviter à jamais.
- Lucia va bien ? Elle est au courant que son grand frère qu’elle doit tant admirer a trahi son ami et est devenu un sacré meurtrier ? C’est pour ça que tu es là ? Tuer encore des innocents ? C’est ton credo en ce moment non ?
Ah. Le mot de trop.
- De quel droit tu me parles de quelqu’un dont tu souilles le nom rien qu’en le prononçant ? Je t’interdis de redire ça, Valente. Je ne le répéterai pas.
S’approche, comme un prédateur fixerait sa proie. Sent ses jointures blanchir alors qu’il serre les poings de toutes ses forces, se griffant légèrement d’un ongle épousant la chair de la paume de sa main. Il n’avait aucunement le droit de parler de sa sœur. De lui, oui. Dire ce qu’il voulait, mais jamais le prénom de Lucia ne serait de nouveau prononcé par cette bouche traitresse et ennemie. Il en faisait le serment et la promesse. Jamais il ne permettrait que l’image de sa sœur soit malmenée par les mensonges qu’il proférait à son encontre. Tout, sauf ça. Sinon il allait vraiment le refroidir à jamais et le faire taire de façon ... définitive.
- Ecoute moi je vais le dire qu’une fois, bien lentement pour que tu intègres. Je ne suis pas un meurtrier, pas plus que toi. C’était un accident, bordel. J’ai jamais voulu ça. Pas comme toi qui me tires dessus, vachement plus conscient et décidé. Alors ta gueule, avec tes jugements de merde, t’es largement pire pour trahir ce que tu appelais un ami.
Au bord du gouffre, Livio regardait le vide d’un œil envieux. Plongeons, Valente. De toute façon, pour nous l’enfer ne sera pas pire que se déchirer à longueur de temps. Ensemble, encore.
Valente Genovese
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Mer 9 Nov - 13:12
Cette ironie pénétrante était un moyen de se protéger de lui autant que de le faire souffrir et aussi de s’empêcher de lui sauter dessus pour en finir. Il fallait qu’il garde un maximum son sang froid avec lui qu’il voulait ne fasse pas d’erreurs qu’il pourrait regretter par la suite. Il ne savait pas grand-chose sur ce qu’il voulait faire, mais il savait qu’il ne voulait pas le tuer. Malgré la colère qu’il éprouvait à son encontre, il ne voulait pas le tuer, pas l’achever, mais encore, pas maintenant, car ces dernières années restaient ancrées plus solidement en lui qu’il ne pouvait s’en rendre compte. Il lui avait tiré dessus sans même hésiter et pourtant là, malgré la colère qui lui brûlait les veines et une envie de le voir disparaître de son champ de vision, ça ne voulait pas dire qu’il voulait le voir disparaître totalement de la surface de la Terre. Cela aurait dû lui être insupportable que le meurtrier de son cousin vive et respire toujours. Il aurait dû personnellement s’en débarrasser avec le plus de douleur possible. C’est ce qu’il aurait fait si l’assassin en question n’avait pas été un ami qui lui avait tant donné. Mais le fait était là. Celui qui avait mené Alesio droit au cercueil n’était pas n’importe qui. Et il ne pouvait décemment pas ôter la vie de Livio. Car s’il avait dû le faire, il l’aurait fait la dernière fois. Et il n’aurait pas plus de courage maintenant que lors de leur dernier affrontement. Livio devait payer. Peut être même pendant des années, mais jamais, jamais il ne pourrait se résoudre à le tuer. Il le savait, cette certitude devenait de plus en plus évidente. Et pour ça il se haïssait, pour ça il le haïssait.
Lui qui l’avait frappé. Violemment, plusieurs fois. Il savait qu’une balle pouvait faire mal. Il avait tiré dans cette intention. Mais Livio ne l’avais pas laissé en reste non plus. Val avait été aveuglé par la haine, la colère, la perte de son cousin et avait utilisé le seul moyen à sa disposition pour lui rendre ne serait-ce qu’un centième de ce qu’il lui avait fait. Et il avait tiré, à bout portant, lui déchirant la cuisse, le faisant s’effondrer. Il ne regrettait toujours pas. Mais ne savait pas s’il serait en mesure de recommencer. Tirer sur un ami, quelqu’un à qui on tenait autant, ce n’était pas donné à tout le monde. Et malgré la folie meurtrière dont il faisait preuve depuis quelques semaines, il ne parvenait pas à la diriger entièrement vers Livio. Il préférait les phrases acides et sèches, les phrases violentes, ironiques, méchantes, qui pouvaient parfois blesser autant que les mots. Comme si toutes leurs discussions amicales autour d’un verre s’étaient retournées pour se transformer en discussions haineuses autour d’une épée de Damoclès. Se demandant qui de l’un ou de l’autre craquerait en premier pour employer des moyens physiques plus violents. Ils en étaient là. Des souvenirs si agréables perdus dans leurs yeux, voilés par la rancune et la trahison, des marques physiques sensiblement repérables mais surtout, un rejet de l’autre. Purement et simplement, leurs auras se rejetaient comme si c’était suffisant pour les faire partir. Mais ils étaient forts mentalement comme physiquement. Et si Livio le surpassait au corps à corps, Valente ne lui devait rien en résistance mentale et maniement de l’arme à feu. Et à part si les dernières semaines avaient totalement bouleversée à un point irréparable son ex ami, le mafieux savait qu’il ne l’attaquerait pas physiquement en étant sûr de sa supériorité. Car il n’en retirerait aucune gloire que celle de l’écraser sur un plan où de toute façon il se savait supérieur.
Et Livio n’était pas comme ça. Tout comme Valente ne pourrait plus lui tirer dessus. C’était quelque chose dont il était presque sûr. Mais il pouvait se tromper. Il s’était trompé en pensant que leur amitié durerait toujours, il s’était trompé en pensant qu’ils pourraient toujours se faire confiance. Il s’était trompé en disant que la trahison était inenvisageable. Oui il lui arrivait de se tromper. Et c’était d’autant plus triste que ça concernait les choses dont il était le plus sûr. Les choses dont il avait besoin qu’elles restent telles qu’elles étaient. Adieu les bars, les restaurants et les soirées pizza. Adieu Livio et tout ce que tu représentais. Et tu me fais mal.
- Tu n’oseras pas, pas plus que tu n’as osé m’achever la dernière fois. T’es bon qu’à me blesser comme un animal qu’on marquerait. Dommage pour toi, c’est pas au programme. Tes lois, j’en ai rien à foutre, tu le sais. J’ai les miennes et ne t’inquiète pas, je suis pas seul et on m’autorise à venir ici. Pas toi, j’ai pas besoin de ton accord. Plus haut, plus grand.
Valente failli esquisser un sourire. Alors lui aussi il le savait, et ne se privait pas pour lui faire remarquer. Il savait qu’il ne pourrait pas le tuer, pas même lui tirer à nouveau dessus. Livio le savait car il connaissait aussi bien son ex ami que Valente connaissait le militaire. De toute façon, il était hors de question qu’il lui montre qu’il avait raison. Alors il rie, de nouveau, montrant à quel point ses phrases étaient désopilantes. Il se savait chez lui, dans son terrain, son univers. Et Livio ne pouvait pas se douter de ce qui lui planait au dessus de la tête. Il n’avait qu’un mot à dire et la famille ainsi que leurs affiliés pouvaient à tout moment engager une grande chasse à l’homme pour le trouver et lui faire passer très clairement l’envie de se rebeller contre leurs lois. Sauf qu’il ne voulait pas en arriver là. Il préférait encore que ça reste son affaire personnelle. Mais s’il faisait appel à ses unités supérieures, il ne se gênerait pas pour prétendre la même chose.
- Il faut croire que je t’ai tellement marqué que tu ne peux pas t’empêcher de revenir, encore et toujours. On t’autorise à venir ici ? As-tu seulement idée de ce qui te pend au nez si tu te crois plus fort que les Genovese ? Tes instances aussi hautes et grandes soient-elles ne sont rien face au pouvoir illégal et parallèle que nous menons. Tu n’es rien ici.
Il balaya l’air de sa main, mais en plus du quartier, la dernière phrase comptait aussi pour Valente en lui-même. Il n’était plus rien pour lui non plus. Et pourtant il lui parlait, ils échangeaient. Et rien que pour ça, il le savait, ça voulait dire que malgré lui, il lui attachait encore énormément d’importance. Peut être même trop. Mais d’un autre côté, leurs échanges avaient aussi quelque chose de jouissif. C’était si bon de pouvoir cracher sa colère, sa haine, sa rancœur et ce qu’il ressentait au plus profond de lui, erroné ou non par la perception qu’il avait de la situation. Vrai ou pas, peu importait au final, tant qu’il pouvait l’enfoncer à plus bas que terre. Même s’il ne se laissait pas faire. Il ne pouvait l’ignorer. Ce n’était ni dans sa nature, ni dans ses habitudes et encore moins face à Livio.
Et puis il avait fallu que Lucilla décide que c’était le moment de pointer le bout de son nez. Dommage. Il n’avait pas envie, plus envie de lui présenter ses sœurs. Encore moins dans un moment pareil et encore moins dans de telles circonstances. Il ne voulait pas se trahir, il ne voulait pas qu’il comprenne qu’il n’avait pas encore prévenue ses parents, et surtout qu’il ne comptait pas le faire. Du moins tant qu’il pourrait l’éviter. Il fallait qu’il croie qu’il voulait juste préserver sa petite sœur la plus vieille. Elle n’était pas stupide, elle lui poserait des questions et il allait falloir jouer fin pour ne pas que Daniele fasse des rapprochements trop intempestifs. Il voulait tant la protéger de ce monde, de son monde de douleur et de mort. Val refusait que Lucilla soit impliqué. Elle ne le méritait pas. Pas elle. Et ça le mettait en colère plus contre lui que contre elle ne n’avoir pas su prendre des précautions. Il espérait qu’elle suive son conseil et qu’elle n’en parle à personne. Il fallait qu’elle n’en parle à personne. Mais elle savait qu’une promesse était sacrée. Elle ne a briserait sûrement pas. Pas faite à son frère.
Il regarda de nouveau Livio, ne sachant plus très bien s’il voulait lui faire du mal avec les poings ou avec les mots. Alors il choisi les mots, cinglants, méchants, qui feraient mouches. Et ce fut en effet le cas. Lucia était à Livio ce que Lucilla Franca et Sofia étaient à Valente. Intouchables. Il avait touché à l’intouchable et cela lui procurait une étrange sensation de plaisir malsain. Tu as également touché l’intouchable Livio. Tu as touché à la famille, tu as tué mon cousin et toutes tes excuses du monde n’y changeront rien. Valente n’avait nullement l’intention ne se déplacer jusqu’à Monza pour faire payer à Livio. Il se sentait mentalement incapable de faire une chose pareille. Et il ne tuait jamais, jamais des innocents. Même avec sa nouvelle manière de torturer. Et il ne comptait pas s’abaisser à ça pour lui en faire voir de toutes les couleurs. Il n’irait jamais voir Lucia, ne la salirait pas non plus en parlant mal d’elle. Mais il savait que rien que son prénom était tabou, et pour ça, il n’en avait cure. Il ne faisait rien de mal sinon le mettre face à face avec la réalité de ce qu’il avait fait. Et ça ne serait pas cher payé de passer un coup de fil pour annoncer le nouveau statut de meurtrier à la famille Gianelli. Valente n’était pas un tendre. Et s’il se relâchait un peu en la présence de Livio, maintenant il n’avait même plus ce devoir.
- De quel droit tu me parles de quelqu’un dont tu souilles le nom rien qu’en le prononçant ? Je t’interdis de redire ça, Valente. Je ne le répéterai pas.
- Elle au moins est vivante.
Il voyait la haine qu’il provoquait en lui et l’accueillait avec un grand plaisir. Hais-moi comme je te hais Livio, parce que désormais notre relation n’est basée que sur ça. Puisque qu’il semblerait que nous soyons incapables de ne pas se croiser, il fallait bien créer quelque chose de nouveau. Une haine viscérale et entêtante. Un sourire moqueur s’afficha sur son visage. Provoquant. Mais tu ne me fais pas peur Livio, pas plus que l’inverse. Alors tous les coups sont permis pour fissurer un peu le masque que l’on s’impose, ça sera une guerre de longue haleine. Et je marque un point. Bien qu’il ne doute pas que Livio puisse à son tour posséder un certain nombre de carte lui permettant de rendre la pareille à Val. Ils avaient tous deux des points faibles. Et quand deux anciens amis se mettent à se haïr cordialement, le passé commun ne pouvait s’empêcher d’intervenir, à tout moment, pour n’importe quoi. Si l’amitié et l’ignorance n’étaient pas possibles. Laissons place à une relation d’ennemis. Et voyons voir jusqu’où ça ira. Prêt à parier Livio ?
- Ecoute moi je vais le dire qu’une fois, bien lentement pour que tu intègres. Je ne suis pas un meurtrier, pas plus que toi. C’était un accident, bordel. J’ai jamais voulu ça. Pas comme toi qui me tires dessus, vachement plus conscient et décidé. Alors ta gueule, avec tes jugements de merde, t’es largement pire pour trahir ce que tu appelais un ami.
Provocations sur provocations. Valente ne bougea pas, tirant négligemment sur une nouvelle cigarette qu’il venait de s’allumer. Et pourtant il bouillonnait. Parce qu’il n’aimait pas le ton qu’il prenait. Après tout, Livio réagissait à ses provocations, c’était normal qu’il fasse de même. Mais surtout car le côté sanguin de Val ne disparaissait jamais vraiment, surtout en face d’un traitre pareil. Qu’il ne commence pas à l’insulter, car ça n’allait pas aller sinon. Il savait pourtant qu’on ne jouait pas avec Valente quand il était de mauvaise humeur. Bien sûr qu’il le savait. Pauvre tâche. Il jeta sa clope par terre pour l’écraser d’un pas lent mais décidé. Et le foudroya du regard.
- Qu’est-ce que tu aurais préféré ? Que je te tape dans le dos, qu’on trouve une solution à l’amiable ? Il n’y a pas d’amiable dans ce cas Livio tu as tué mon cousin. Il parla d’une traite, sans même respirer. Tu aurais pu l’éviter mais non, tu fais toujours passer ton boulot avant le reste. Même la confiance qu’on t’accordait. Alors mes jugements de merde t’envoient te faire foutre, et bien profondément. Je ne regrette pas ce que j’ai fait, j’aurais même dû faire pire vu que ça semble avoir été vain.
Roi de la mauvaise foi bonjour. Mais par contre, contrairement au reste, il n’était pas en mesure de l’évaluer et de s’en rendre compte. Il se croyait réellement dans ses droits et ne pouvait voir tous les tords dont Livio l’abreuvait. Pas plus qu’il ne se rendait compte de ses propres lacunes de raisonnements. Mais la haine était ainsi, incapable d’être objective. Le sentiment de trahison réciproque les brûlait mais il préférait ça plutôt que de ne rien ressentir.
- Mais dis-moi Livio. Aurais-tu renié tous tes principes ? Un militaire de carrière n’est-il pas sensé protéger plutôt que tuer ? Il a bon dos ton statut, je ne sais pas comment tu fais pour encore te regarder dans la glace.
De nouveau des mots qu’avant il n’aurait pu se permettre de lui dire. Mais là il n’y avait plus aucune limite. Elles avaient toutes été brisées une fois le premier coup de feu tiré.
Livio Gianelli
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Mer 9 Nov - 18:16
Tous ceux qui le connaissent peuvent s’accorder sur une chose : Livio n’est pas un homme généreux ou magnanime. Pour faire son travail, c’est la première qualité qui lui est nécessaire. Cela lui est indispensable quand il doit casser avec application les os du visage d’une personne qu’il ne connait que par un bout de papier, ou bien quand il livre une ancienne étoile filante -pour laquelle il n’a de toute façon aucune compassion- à ces tarés de scientifiques. Ses collègues. Ceux que Livio préfère ne pas trop approcher tant ils sont étranges, dans un monde bizarre où l’instinct de survie ne semble pas vraiment primer sur l’intérêt et la curiosité. Un peu comme un ver de terre qui se dresserait sur son corps visqueux, réajusterait ses lunettes et fixerait d’un œil passionné le corbeau qui se lèche le bec à l’idée de le gober. Des grands malades, en somme, qu’il préférait regarder de loin. Leur livrer des pactisants et leurs stellas, voilà bien tout ce qu’il avait à faire avec eux. En tout cas, pour avoir le courage de les balancer dans les mains de ces fous dangereux, il ne fallait pas avoir pitié. Jamais. Même devant une jolie fille -bon à la rigueur là-dessus, pas trop de problème-, même devant un gosse à peine pubère. Parce que c’était son travail, parce que c’était sa vie. Et que maintenant, maintenant qu’un trou s’était installé à la place de son cœur, il ne lui restait guère plus que cela. Donc si jamais Livio avait encore eu une once de pitié ou de sympathie spontanée pour quelqu’un qui ne le mérite pas, Val les avait piétinées avec application et en se gaussant d’un rire gras et huileux. En en faisant des tonnes simplement pour lui faire comprendre qu’il pouvait leur dire adieu, comme à leur amitié, comme à sa présence réconfortante à ses côtés. Vous avez joué, vous avez perdu. Allez directement rue de la trahison sans passer par la case réconciliation. Ne touchez pas votre pardon. Jamais.
Tout ça pour dire que le lieutenant du GDP n’hésitait jamais. Tuer n’était pas chose quotidienne, mais quand cela s’avérait nécessaire, eh bien il le faisait sans état d’âme, sans trembler même devant les suppliques, les menaces, les pleurs et les tentatives de séduction, de corruption. On lui promettait monts et merveilles, on lui jurait de ne jamais le dénoncer, on lui parlait de tel fiancé, de telle fille. D’un ami, de son chien. C’était impressionnant tout ce que Livio avait pu recueillir comme confessions, comme priorités de certaines personnes avant leur mort tragique. Avant ou après leur passage dans les mains des scientifiques, cela dépendait s’ils avaient envie de s’amuser ou s’il fallait simplement éliminer un témoin ou un élément gênant. Généralement, la mort était une douce façon de repartir du QG de cette organisation pas vraiment au clair avec les lois, qu’ils modifiaient quand cela les arrangeaient. Plus personne ne quémandait le pardon, ils remerciaient plutôt le bourreau venant terminer une œuvre déjà bien amorcée et attaquée d’une main de maître dans l’art du sadisme. C’était les rares fois où le militaire voyait son arme comme une bénédiction, étonné. Et curieux, également, de savoir ce qui se tramait derrière les blouses blanches et les tâches de cafés, les ordinateurs poussiéreux et les objets étranges. Il connaissait bien quelques spécimens, mais il se serait arraché la langue à main nue plutôt que de demander quelque chose à Egeado, et Agostina n’était pas au courant de tout, et restait discrète sur le sujet. Elle embrayait rapidement sur ses petits problèmes, sur ceux qui avaient osé l’énerver le matin même et ... tout un tas de trucs que Livio ne suivait plus que d’une oreille. Alors il restait discret, intéressé par ce qu’il se passait mais pas assez pour s’y risquer, ou même pour demander à Mirko qui ne devait probablement pas en savoir des masses à ce sujet. Ils avaient bien assez à faire avec leur spécialité, après tout.
Toujours est-il que Livio n’aurait dû avoir aucune raison d’hésiter ce jour là. Il aurait dû dégainer son Colt 45 neuf coups. Et tirer, en plein milieu de son front. Son chapeau aurait volé sous l’impact, retombant un peu plus loin. Son sourire goguenard se serait figé à jamais sur des traits étonnés de sa réaction. Puis il serait retombé au sol avec une grâce digne de lui, dans un dernier salut à la scène. Bref. Il aurait dû tuer Valente Genovese quand il en avait eu l’occasion, la première fois que leur haine commune avait explosé.
Pourquoi il ne l’avait pas fait alors qu’il en avait l’occasion ? Voilà qui était une bonne question. Sans doute parce qu’il estimait que c’était trop tôt. Parce que Livio avait un deuil à faire de cette amitié si importante, et si elle s’était brisée irrémédiablement ce jour là, restait non pas un espoir de retour en arrière mais un besoin de ressentir, pour analyser et enfin prendre en compte. Comme si, à l’instant où Val avait tiré, Livio n’avait en réalité rien compris à la situation. Il lui avait donc fallu du temps, et cela justifiait sa clémence immédiate. Après tout, si Val avait disparu le militaire n’aurait peut être même pas compris ce qui lui arrivait, pensant à un rêve. Alors non, il était hors de question de l’achever aussi rapidement. Là-dessus, d’accord. Mais alors depuis que le temps était passé, pourquoi ne le tuait-il pas maintenant ? Là encore, interrogation pertinente. Mais la raison était toute trouvée. Du moins, Livio pensait qu’il ne pouvait le faire car ce serait trop gentil. Il ferait montre de clémence en l’achevant simplement, alors qu’il pouvait lui balancer perpétuellement ses quatre vérités à la figure, lui faire mal en étant sincère, se lâcher totalement. Et si les dommages collatéraux comprenaient son propre malaise, eh bien tant pis. Le voir souffrir, le voir se braquer, répondre, le savoir dévasté, c’était un sentiment qui lui était bien inconnu mais qu’il apprenait rapidement à apprécier. Il se délectait même de chaque réplique bien trouvée, dont il pouvait lire les répercussions sur son visage. Plutôt aisément, malgré le talent qu’il déployait pour se cacher, mais n’y parvenant que lorsqu’il était suffisamment serein pour analyser d’un œil neutre les réactions de son ancien ami. Autant dire pas souvent.
Parce qu’en théorie, il connaissait ces petites mimiques montrant son énervement, ce sourire acide qui conseillait largement à celui à qui il était destiné de déguerpir vite fait. Dommage que cela ne marche pas sur le militaire qu’il était, hein ? Son rire feint qui n’était que poudre aux yeux et qu’il utilisait pour masquer la réalité des attaques de Livio, par exemple. Avant sa contre attaque, mordante.
- Il faut croire que je t’ai tellement marqué que tu ne peux pas t’empêcher de revenir, encore et toujours. On t’autorise à venir ici ? As-tu seulement idée de ce qui te pend au nez si tu te crois plus fort que les Genovese ? Tes instances aussi hautes et grandes soient-elles ne sont rien face au pouvoir illégal et parallèle que nous menons. Tu n’es rien ici.
- Ne te donne pas tant d’importance, tu ne m’as pas marqué. Tu as juste essayé, sans succès, parce que tu n’as pas assez d’importance pour réussir.
Bon, ça c’était faux. Mais qui a dit que Livio ne mentait jamais ? Lorsqu’il était énervé, quand il sentait la colère gronder en lui, il ne se gênait pas. Le blesser, l’atteindre. Autant qu’il l’était lui, et continuer de toujours plus l’agacer, pour ne jamais perdre son attention.
- Ne fais pas comme si tu savais qui se trouve au dessus de moi, Val. Je t’assure que ta petite famille n’est pas grand-chose à côté de ceux qui supervisent mes supérieurs. Tu n’es là que parce qu’ils acceptent de vous laisser vous ... amuser.
Son sourire revenait. Il revenait quand il reparlait de Lucia. Livio s’approcha encore, jusqu’à ne se trouver plus qu’à un mètre de lui. Si ses yeux avaient pu le carboniser sur place, il l’aurait fait avec un plaisir indicible. Son sourire revenait et il paraissait plus arrogant encore que jamais, mais cette fois-ci cela ne l’amusait plus. Avant, il l’aurait taquiné en se moquant gentiment de ce trait de carrière qu’il avait du mal à réprimer, maintenant cela lui donnait envie de le lui faire enlever à grands coups de poings. Livio commençait à fichtrement bien comprendre Christiano, et hésitait même à aller lui demander quelques conseils pour réussir à énerver Valente d’autant plus. Il aurait adoré déjà savoir ce qui le blessait vraiment, puisqu’en tant qu’ami il s’attachait d’avantage au reste. Mais c’était plutôt amusant de le découvrir peu à peu. Livio décida dans l’instant que le voir allumer une clope, ça l’énervait, lui. Il paraissait tellement se foutre de tout comma ça, que c’en était rageant. Et insupportable. Il avait envie de la prendre, et de l’écraser sur ses lèvres si souriantes, sur son rictus si provoquant, sur ses joues si affreuses, sur sa langue si calomniante et menteuse. Mais il la jeta avant qu’il ne puisse passer à l’acte. Dommage.
- Qu’est-ce que tu aurais préféré ? Que je te tape dans le dos, qu’on trouve une solution à l’amiable ? Il n’y a pas d’amiable dans ce cas Livio tu as tué mon cousin. Tu aurais pu l’éviter mais non, tu fais toujours passer ton boulot avant le reste. Même la confiance qu’on t’accordait. Alors mes jugements de merde t’envoient te faire foutre, et bien profondément. Je ne regrette pas ce que j’ai fait, j’aurais même dû faire pire vu que ça semble avoir été vain. Mais dis-moi Livio. Aurais-tu renié tous tes principes ? Un militaire de carrière n’est-il pas sensé protéger plutôt que tuer ? Il a bon dos ton statut, je ne sais pas comment tu fais pour encore te regarder dans la glace.
Là, le pire, c’est que Livio savait qu’il ne se foutait pas de lui. Il sentait bien que Valente était sincère et croyait vraiment à ce qu’il disait. Et c’est sans doute cela qui le fit bouillir de rage. Et le mit hors de lui. Il écarta doucement un pan de sa chemise, révélant sa ceinture à laquelle était accroché un étui à révolver. Il ouvrit le bouton sécuritaire, sortit son arme. Le regarda un instant briller à la lumière du soleil, et comme dans un rêve dans lequel tout serait ralenti, Livio leva le poing. Pointant peu à peu son arme sur le ventre, le torse, le cou et enfin le visage de son interlocuteur. Son visage était d’une froideur soudaine, toute trace de colère ayant disparue. Il était énervé au-delà de la colère, la haine ne suffisant plus à décrire ce qui lui brûlait la poitrine et rendait son bras si assuré. Il n’hésitait plus. Il allait le descendre, là, maintenant. Il prit le temps d’observer, d’admirer la réaction de Valente avant de répondre d’un ton glacial qui transpirait l’assurance et le contrôle. Ce n’était pas une impulsion, il savait pertinnement ce qu’il faisait. Il allait refroidir à jamais l’arrogance de Valente Genovese.
- Je-n’ai-pas-fait-exprès. Et ne parle pas de confiance, tu as perdu la mienne au moment où tu as compris ce qui allait se passer, au moment où tu as su quel camp tu choisissais. Tu aurais dû faire pire, oui, parce que bientôt tu n’en auras plus jamais l’occasion.
Il arma le canon et posa le doigt sur la gâchette. Il ne le raterait pas. Un dernier point à éclaircir.
- Tu ne l’as jamais su et tu l’emporteras dans la tombe mais ... Au GDP on ne sauve pas les gens. On ne protège personne, ou presque. Je les tue, je les traque. Comme toi, alors ne me parle pas de fierté. Tu n’es qu’un rat d’égout habillé en Versace, rien de plus. Tu fais le sale boulot, comme moi. C’est bien le seul domaine où tu m’es égal.
Sa voix était sans appel, ne tremblait plus. A vrai dire, plus rien ne tremblait. Son cœur se calquait avec précision sur sa respiration, battant lentement à ses oreilles, preuve de sa détermination. Il en avait assez vu, il l’avait assez admiré. Il en avait marre, et tout son corps se tendait vers la volonté de l’anéantir physiquement. Pour de bon. Tous ses muscles se relâchaient, et Livio entrait dans cette condition qu’il aimait tant. Celle qui le faisait tout oublier, celle par laquelle il était capable de tout. Même d’assassiner de sang froid son ancien meilleur et unique ami. Il était impitoyable, et prêt à le montrer, dut-ce lui coûter la haine des Genovse qu’il avait déjà attirée sur lui ce fameux jour. Une question toutefois subsistait. Lui donnerait-il le plaisir de se justifier, admirerait-il la bête en train de se débattre ? Ou bien l’achèverait-il d’un coup ? La seconde solution était tentante. Valente devait avoir compris qu’il n’aurait pas le temps de tirer son arme avant de recevoir une balle entre les deux yeux, et Livio était déterminé à le faire. Pour tout, il allait payer. Pour sa trahison, pour sa connerie, pour son incapacité à voir la réalité. Pour la haine qu’il lui portait maintenant, après une confiance aveugle. Pour la disparition d’une partie de sa vie, pour tout ce à quoi il tenait. Valente, tu vas payer pour ça.
Livio visa.
Spoiler:
Pour les lecteurs : AHAHAHAH. Val va mourir XD
Genre. Personne n'y croit.
Valente Genovese
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C’était presque si on n’entendait pas le son de l’harmonica et si une boule d’herbe sèche ne traversait pas la rue poussée par un souffle de vent. C’était presque un western. Ils étaient là, tous les deux, à se regarder dans le blanc des yeux, l’air le plus sérieux sur le visage, prêt à dégainer quand ils verraient la moindre faille chez l’adversaire. Ca n’arrivait pas souvent à vrai dire. D’habitude, Valente ne se posait pas la question de savoir qui quand ou comment. Il tirait, et faisait mouche. Pour le reste, c’était à voir plus tard. Les premières notes de tension apparaissaient à peine que c’était déjà terminé. Basta, au suivant. Durant une fusillade, on n’avait guère le temps de réfléchir, ce n’était que de l’instinct. Heureusement que Val pouvait se vanter d’en avoir une bonne dose. Mais pas avec Livio. Tous les codes étaient bouleversés avec lui, rien n’était pareil. Déjà il ne tirait pas, et puis avec leurs répliques de plus en plus acides, ils cherchaient à déstabiliser, à chercher l’autre, à le comprendre en fait. Alors que dans une vraie bataille, il se fichait bien de savoir le passé et le présent de ses adversaires, ce qui comptait, c’était de les voir morts ou de les faire parler. Mais alors, là, tout de suite, qu’est-ce qui comptait ? Ce n’était pas de le voir mort, ce n’était pas non plus de le faire parler ? Ils n’avaient pas vraiment quelque chose à se dire. Ils savaient déjà tout ce qu’ils étaient sensés savoir. Tout n’était que haine et rancœur. Mais alors que cherchaient-ils ? A prouver leur supériorité sur l’autre ? A l’écraser, le rabaisser, à montrer qu’on était dans nos droits ? Sûrement un peu tout ça à la fois oui. Mais encore ? Valente n’avait pas pu rester de marbre devant le responsable de tous ses malheurs et s’était laissé allez à la provocation, la colère. Et Livio n’avait pas non plus pu faire comme si de rien n’était. Il avait répondu. Ils étaient comme ça après tout. Et puis au fond, ça montrait l’attachement qu’ils avaient l’un envers l’autre. Même s’il était malsain.
Jamais il n’aurait baissé les yeux devant lui. Devant personne en fait. Valente était trop fier pour ça et même dans des situations parfois inextricables, il ne baissait pas les yeux, il faisait face. Mais faire face à un ancien meilleur ami, ce n’était pas aussi facile il fallait l’avouer. Utiliser leurs discussions pour savoir où et comment frapper, sur le point qui faisait le plus mal. Peut être qu’au final tout n’était qu’une histoire d’orgueil de deux hommes étant persuadés d’être dans leurs droits. Et bien d’autres choses. Mais chacun savait que ni l’un ni l’autre n’avaient de patience dans des moments comme ceux-ci. Tout cela était triste mais on n’y pouvait rien. Quelque chose allait devoir se passer pour rompre ce climat, et il n’était pas aisé de savoir quoi. Parce que là tout de suite, Valente aurait volontiers donné une bonne partie de sa fortune pour être ailleurs, avec d’autres responsabilités sur le dos. Au Love’s Out par exemple, à draguer une jolie femme ou juste le barman. Essayer de décoder ce qui se cache derrière les sourires amicaux d’Elio. Fuir la patronne qui lui donnait l’impression d’être passé aux rayons X ou juste se détendre et rire. Avec cet ami pour qui il aurait fait tant de chose.
Certainement pas lui tirer dessus. La vie était vraiment mal foutue. Il aurait préféré se prendre la tête une énième fois avec son cher frère plutôt que de continuer ce manège de souffrance dans lesquels ils s’embarquaient tous les deux à présent. Mais il était trop tard pour faire demi-tour et chaque coup assené, même oralement se devait d’être rendu au double. Et maintenant qu’ils y étaient, autant en finir avec ça. Du moins pour cette fois. Car si ça ne dégénérait pas, c’était certain, ils se reverraient, encore et encore. Comme une punition qu’ils ne pouvaient abréger. Ils étaient destinés à se tomber dessus, même sans en avoir la moindre envie…
- Ne te donne pas tant d’importance, tu ne m’as pas marqué. Tu as juste essayé, sans succès, parce que tu n’as pas assez d’importance pour réussir. Ne fais pas comme si tu savais qui se trouve au dessus de moi, Val. Je t’assure que ta petite famille n’est pas grand-chose à côté de ceux qui supervisent mes supérieurs. Tu n’es là que parce qu’ils acceptent de vous laisser vous ... amuser.
Attend il déconne là ? Val ? Ne pas avoir assez d’importance ? Hormis son père, son oncle, son grand père, son frère et peut être un ou deux cousins bien placés, il tenait une des places les plus importantes de la famille. Oh calme-toi Valente. Ce n’est que de la mauvaise foi, il sait ce qui t’emmerde et sait très bien l’utiliser, tu fais pareil de toute façon hein ? Oui mais c’est pas une raison. Il nage en plein délire. Même l’état ne peut rien faire contre eux. Nous la mafia, la gangrène de ce pays comme disent si bien les politiques pas encore corrompus. Ils ne peuvent rien contre nous, c’est notre territoire et vous n’êtes pas les bienvenus. Et peu importait qui employait Livio au final, jamais il n’arriverait à la cheville des Genovese qui avait des contacts et des informateurs qui couvrait quasiment tout le nord de l’Italie, sans compter les familles qu’ils gouvernaient en plus ou moins bons termes. Une nouvelle veine de colère palpita à la tempe de Valente. C’était vraiment à celui qui porterait le coup final hein ? Il n’allait certainement pas se laisser faire par un militaire à la manque, coupable et passif de la peine capitale dans la Famille.
- Si t’es encore là à me cracher tes débilités à la figure c’est parce qu’on le veut bien et si tu ne t’en rends pas compte, tu risques de passer l’arme à gauche bien plus vite que tu ne le crois. Mais qu’ils viennent tes sois disant supérieurs, qu’on s’amuse comme tu le dis si bien. Et on verra bien qui restera ici et qui sera forcé de se replier. Tes menaces, ce n’est que du vent.
Il cracha par terre pour symboliser à quel point il pensait ce qu’il disait. Il n’avait pas peur. Surtout pas de lui. Il savait la puissance qu’avait la Famille et ne s’en faisait pas outre mesure. Si une guerre devait éclater à Milan dans les bas quartiers, ils avaient forcément l’avantage. Quoi qu’il en dise. Oui le mafioso n’avait pas peur et c’était ça qui lui permettait de se permettre autant de phrases qui blesserait Livio. Mais au final, il ne pensait pas aller trop loin. Il ne pensait pas non plus que c’était lui qui craquerait en premier. Mais finalement, quelque chose vint cogner un peu trop fortement dans sa poitrine alors qu’il le regardait descendre la main vers son porte revolver, et l’y tirer. Enlevant toute sécurité et le pointant sur lui. Sur son visage.
Valente eu la même sensation qui si on venait de lui jeter un seau entier d’eau glacé sur la tête. Comment oublier, comment passer à côté de ce que Livio lui disait ? Il se souvenait de tout. Comme de cette question, ce pourquoi il ne sortait jamais son arme. Et de la réponse. Empreinte de noblesse d’âme à l’époque. Mais qui aujourd’hui se retournait avec brusquerie contre lui. Il ne tire son arme que pour tuer. Et ce qu’il visait à ce moment ne permettait guère de doute quant à son objectif. Et pour la première fois depuis qu’il le connaissait. Valente eu peur de Livio. Il eut peur de ce canon, de ce bras qui le tenait, de son doigt sur la gâchette. Et ça le faisait rager. Oui ! Oui il avait peur de lui et rien que ça, ça devait faire bander le militaire. Il devait se délecter de voir son ancien ami suintant la trouille face à lui. Mais il était sur le point de se faire tuer. Personne ne peut rester insensible à sa mort prochaine. Val le savait, il avait vu des étincelles s’éteindre au fond d’yeux plus souvent qu’à son tour. Il le savait, mais jamais eu grand jamais il n’avait été dans la situation inverse. Et inconsciemment, malgré lui et bien que ça lui donne envie de se coller des gifles, il recula d’un pas. Comme si ça pouvait l’éloigner un peu plus de ce dont à quoi il était destiné.
- Je-n’ai-pas-fait-exprès. Et ne parle pas de confiance, tu as perdu la mienne au moment où tu as compris ce qui allait se passer, au moment où tu as su quel camp tu choisissais. Tu aurais dû faire pire, oui, parce que bientôt tu n’en auras plus jamais l’occasion. Tu ne l’as jamais su et tu l’emporteras dans la tombe mais ... Au GDP on ne sauve pas les gens. On ne protège personne, ou presque. Je les tue, je les traque. Comme toi, alors ne me parle pas de fierté. Tu n’es qu’un rat d’égout habillé en Versace, rien de plus. Tu fais le sale boulot, comme moi. C’est bien le seul domaine où tu m’es égal.
Et Valente ne répondit pas. Car sur le coup il n’avait rien à répondre. Déjà car il ne voulait pas risquer de l’énerver un peu plus et puis car il était assez assommé par cette nouvelle révélation qu’il ne lui avait jamais faite. A laquelle il ne s’attendait pas du tout. Mais qui au final expliquait pas mal de chose quant à son attitude. Alors il était au GDP. Ce groupe avec lequel son frère et son père négociaient parfois. C’était pour ça qu’Alesio était mort. Car il protégeait une pactisante. La même que Livio devait tuer. Il était… il était vraiment… Alors il avait de réelles hautes instances au dessus de sa tête. Pour un peu Valente se serait appuyé au mur s’il n’avait pas toujours cette arme pointée sur lui, tenu par quelqu’un dont le visage ne laissait planer aucun doute quant à l’issue de ce geste. Alors il décida que malgré cette révélation fracassante coup de tonnerre, il fallait se concentrer sur quelque chose de plus important pour le moment. A savoir sa propre vie.
Mais la question était. Comment s’en sortir ? Car s’il y avait quelque chose de sûr, c’était que jamais au grand jamais Val ne le supplierait de l’épargner. Jamais. Et malgré sa peur et la situation plus que précaire dans laquelle il se trouvait, il ne baisserait pas non plus le regard, fût-il son dernier. Quitte à crever, autant le faire la tête haute, en bon fils Genovese. Il n’en revenait pas d’ailleurs. Livio allait le butter. Par lui tirer dessus comme Val l’avait fait. Non il tirait pour tuer. Il allait en finir comme ça. Et il n’en revenait pas. C’était tout ce qu’il lui inspirait alors ? Il avait été une fois de plus bien naïf ne croire que ni l’un ni l’autre ne pourrait en arriver à cette extrémité. Il avait sous estimé la rancœur de Livio et il était en bien mauvaise posture alors que le bout de ses doigts devenaient de plus en plus glacés, prémisses de ce qui allait se passer. Il aurait aimé faire son bravache. Lui dire que de toute façon il ne tirerait pas. Mais qu’en savait-il ? Au fond de lui il voulait en être persuadé mais le regard froid et sans appel de Livio associé au fait qu’il ne sortait son arme que pour apporter la mort ne jouait pas en sa faveur. Est-ce que l’homme qu’il connaissait était bel et bien parti ? Leur amitié était brisée et de ce fait, il voulait sa vengeance, quitte à le tuer de la sorte ? Comme ça. Et étrangement, il ne voulait pas parier sa vie qu’il ne le ferait pas. C’était trop délicat pour tenter. Et que faire maintenant ?
Lucilla aurait sûrement fait le rapprochement. S’il mourrait, Livio l’était tout autant. Mais ce n’était qu’une piètre consolation car Cristiano ne veillerait pas sur ses sœurs. Tout comme Lucia n’aurait plus personne. S’il tirait c’était deux familles qui se retrouvaient brisées. S’il tirait c’était le bain de sang assuré. Mais comment lui montrer ça avant qu’il ne décide que l’attente avait assez duré ? De plus son orgueil l’empêchait de jouer la négoce avec lui, il mourrait d’envie de le provoquer un peu plus mais ne voulait pas qu’il tire. Vraiment pas. Il n’aurait pas le temps de dégainer à son tour, tous deux le savaient. Valente avait beau être un as de la gâchette, face à Livio dans cette situation, il ne faisait pas le poids. Pas du tout il fallait essayer autre chose. Et a vrai il ne pouvait pas faire grand-chose et ce qui l’énervait, c’était qu’il savait que Livio en avait conscience, et ça le bouffait. Il détestait ça. Se sentir à sa merci de la sorte. Lui qui ne l’était jamais. Mais il avait baissé sa garde. Lui qui tirait tout le temps son arme pour rien, c’était Livio qui l’avait devancé, lui qui ne la tirait jamais pour rien. Et maintenant il payait son excès de confiance en lui. Mais il se refusait à admettre sa défaite. Car quitte à mourir, il n’allait pas rien tenter. Et n’allait pas non plus marchander sa vie. Jamais il ne s’abaisserait à ça. Non il tablait sur le fait que Livio l’écouterait. Au moins une dernière fois. Il aurait bien envie de savoir ce qu’il pensait non.
Ce fut non sans appréhension qu’il avança de nouveau et revint à sa place originelle. Il s’alluma une nouvelle clope car s’il devait mourir, il préférait avoir le goût de la nicotine en bouche. La dernière cigarette du condamné ne c’était jamais autant appliqué qu’aujourd’hui. Il inspira, expira quelques bouffés et osa faire un nouveau pas, malgré ses doigts un peu tremblants sur le bâton de nicotine. Il voulait paraitre assuré, mais ne l’était assurément pas. C’était vraiment la roulette russe. Jouer sa vie à pile ou face. Livio tirerait-il vraiment un trait sur tout ce qu’ils avaient vécu ou ferait-il une entorse à sa propre règle ? Ce qu’il allait dire était bas mais finalement, il préférait ça plutôt que de crever, tiré comme un lapin par son ancien meilleur ami.
- Vas-y tire. Tire Liv. si tu fais ça, c’est la famille Gianelli entière qui sera décimée.
Il lui souffla de la fumée dans le visage, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, la peur au ventre. Il jouait gros mais c’était la seule chose qu’il eut trouvé pour ne pas finir baignant dans son sang, entachant d’un nouveau deuil sa famille.
- Ce n’est pas du chantage, c’est une réalité. Daniele ne le fera pas de gaieté de cœur, lui qui prône la punition de ceux qui l’ont mérité. Mais s’il perd un fils, je ne suis pas sûr que son mode de pensée soit toujours le même.
De la cendre tomba de sa cigarette, se demandant si le bruit de cette arme qui avait prit la vie de son cousin serait aussi le dernier bruit qu’il entendrait.
Livio Gianelli
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Ven 23 Déc - 8:34
C’était si facile de trouver ce qui le dérangeait, ce qui le mettait en colère, ce qui lui faisait mal. Il le connaissait tellement bien, et c’était réciproque, que devenir tout à coup ennemis était presque un parcours de santé. Mettre le doigt où ça coince. Sur sa fierté, sur son travail, sur sa famille. Les mêmes points noirs que les siens, en somme. Mais rabaisser l’influence de son cher clan qui manifestement remplaçait tout dans sa vie, l’idée était plutôt bonne. Cela marchait, inévitablement et bien que Livio n’en ait pas douté un seul instant. Il lui répliqua vertement qu’il n’avait rien pour lui à part des effets de manche. Livio faillit éclater de rire devant son ignorance, devant sa naïveté. C’est ça, Val. Crois-toi supérieur, tout puissant si tu veux. Cache-toi derrière ta famille pour te protéger de moi, ça ne rime à rien. Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors que moi je connais tous les enjeux. Livio savait parfaitement ce que représentait le groupuscule des Genovese dans Milan mais il avait tout autant conscience de son appartenance au rassemblement le plus mystérieux, le plus secret, le plus anonyme de la ville. Le geste de défi de son ancien ami ne le fit pas broncher un seul instant, tant il se moquait bien de son avis à son sujet. Et puis, c’était d’un vulgaire ... Hésitant à le lui faire remarquer, Livio n’en eut pas le temps tandis que ses traits s’assombrissaient. La plaisanterie de le voir se débattre sans information, sans savoir et à l’aveugle avait apparemment assez durée. Monsieur Valente désirait passer à des choses plus sérieuses, eh bien soit. Son compagnon à neuf coups allait se faire un plaisir de l’y inviter. De façon plutôt définitive.
A vrai dire, ce devait être la première fois qu’une telle chose arrivait. D’ordinaire, le militaire n’attachait aucun sentiment à son arme. Ce n’était qu’un outil bien pratique pour achever une figure gênante, presque un jouet qu’il dégainait de temps à autre pour lui éviter de rouiller. Car à part dans la salle d’entrainement au tir situé dans les sous sols de la tour du GDP, il ne s’en servait pas souvent. Etrangement, le militaire ne tuait pas souvent et préférait employer d’autres techniques, ne se reconnaissant pas le droit d’ôter la vie à quelqu’un. Il n’était rien d’autre qu’un humain insignifiant, même s’il se considérait clairement au dessus de la moyenne. Mais au final, un humain quand même qui n’avait aucune légitimité pour enlever une vie. Si Livio ne croyait pas en Dieu, il avait toutefois des valeurs inculquées depuis son enfance. Tu ne tueras pas ton prochain. C’était une maxime très claire qu’il avait du piétiner et mettre de côté pendant les quelques semaines passées sur un champ de bataille, en temps réel. C’est là qu’il s’était rendu compte du paradoxe de la vie. Si facile à enlever, d’un tir, d’une seconde. Et pourtant si précieuse, si indispensable et surtout, irréversible. Il avait vu beaucoup trop de regards se voiler et perdre en vitalité, jusqu’à s’éteindre et ne plus refléter qu’un vide désespérément grand, laissant présager que la mort n’apportait ni soulagement ni délivrance. Lui-même avait arraché la vie à trop de personnes, et la plupart il ne s’en souvenait pas, n’avait même pas pris la peine de regarder leurs traits pour les graver dans sa mémoire ou de leur rabattre les paupières. Ils restaient là, fixant l’infini de leurs pupilles immobiles, attendant l’éternité qui ne venait pas. Espérant un dénouement plus heureux qui ne les accompagnerait jamais vers le paradis, ou même l’enfer. Il n’y avait juste rien. A part la solitude infinie, le questionnement éternel du « pourquoi moi ? »
Alors non, Livio ne tuait pas à la légère. Mais d’un autre côté, il ne rechignait pas à le faire quand on le lui ordonnait. Parce que ce n’était pas de son fait, pas de sa décision et il pouvait aisément se défiler sur ce sujet. L’intérêt de la hiérarchie, assumer ce qu’on refuse d’accepter à la place des exécutants. Livio vénérerait toujours, pour cette raison, ses supérieurs qui se chargeaient du réel sale boulot : prendre sur soi la responsabilité d’une exécution. C’est pour cette raison bien commode que Livio n’associait jamais aucun sentiment à son arme. Ce n’était qu’un outil, et il ne lui prêtait jamais ni compassion ni pitié. Ni même joie ou félicité. Comme un robot, il se contentait de tirer et de ne pas se poser de question. C’est pour cela qu’il avait un jour dit à Valente qu’il ne dégainait que pour donner la mort. Il avait omis la possibilité d’avoir un jour une émotion qui le pousse à le faire. Comme à présent, la colère profonde et sourde qui pulsait à ses tempes, s’accordant dans le temps du pistolet pour trouver le bon moment. Se délecter d’abord de ce qu’il provoquait, chez son ancien ami. Parce qu’il venait de trop parler, de dire les mots de trop. Il s’était permis d’aller bien plus loin qu’à l’ordinaire, sur un terrain jalousement gardé et préservé. Est-ce que lui s’était amusé à menacer sa sœur quand elle s’était pointé devant lui, la bouche en cœur ? Il aurait pu la retenir par le bras, lui pointer une arme sur le torse et sourire au grand frère paniqué qu’il aurait eu l’occasion de voir. L’image même de cette idée lui donnait envie de rattraper Lucilla, toutefois Livio n’en fit rien. Parce que lui avait conscience que c’était une limite à ne pas franchir. Valente l’avait oublié, et il en payait à cet instant le prix. Sa mort, imminente, sans que son prochain tueur ne se soucie un seul instant des répercussions.
Il allait très certainement finir refroidi au fond d’une rivière, ou découpé en petits bouts pour le plaisir de mutiler son cadavre. Les pratiques de la mafia, donc. Car la famille de Valente ne laisserait jamais passer le meurtre d’un cousin et d’un fils. Daniele Genovese n’était pas homme d’une grande clémence quand on l’approchait de trop près et Livio savait bien que s’il appuyait sur cette gâchette, il signait son arrêt de mort. Mais comme il était de toute façon en sursis, sans doute jusqu’à ce que la famille décide de son sort pour la mort du cousin de Valente, le militaire n’en était plus à un risque près. Valente mort, il se moquait bien de le rejoindre. Tant que cette pourriture payait pour sa trahison, qu’il renouvelait à l’instant en osant parler de sa chère et tendre petite sœur. Lucia se remettrait sûrement de sa mort, elle était tellement détachée du monde qu’elle verrait cet « incident » d’une toute autre manière que la cruelle réalité. Elle créerait une histoire beaucoup plus idéale, et se consolerait en se disant que son frère était toujours là quelque part. C’était sa Lucia, aussi rêveuse qu’elle était sensible, mais capable de se protéger de la souffrance d’une telle nouvelle. Et si elle s’en remettrait, alors Livio se pardonnait de l’abandonner. Et, dans un élan égoïste, il était prêt à faire souffrir ses proches pour avoir sa vengeance. Que tout se termine ici, maintenant. Dans l’instant, sans sommation. Il n’avait qu’à appuyer, ramener son index vers lui. En une seconde, moins même, tout serait terminé. Il n’y aurait plus de Valente, et Livio serait soulagé. Il irait ensuite se rendre directement à Daniele, avouant l’accident, et son crime. Il se demandait juste comment il allait finir entre leurs mains. En avouant directement, il s’épargnerait peut être la séance de torture, à moins qu’ils n’y trouvent un plaisir sadique à satisfaire. Peu importait, après tout.
Il n’y avait tout de même qu’un pas entre descendre son ancien meilleur ami en un instant, et prendre le temps de savourer le moment. Ce ne sont pas des choses qui se bâclent et qui se précipitent, après tout. Il y avait un minimum de choses à respecter. Val n’était pas le premier péquenot venu, et Livio se refusait à appuyer par maladresse sur la gâchette. C’était un moment délicieux au palais, qu’il se devait de savourer. Et pour ça, il gravait dans sa mémoire les moindres détails de la scène. La température de l’air, le bruit ambiant, la noirceur de leur rue, le visage de son interlocuteur soudainement devenu proie. Tout le temps que dura cette simple menace du bout d’un canon, Livio se demandait avec plaisir ce que Valente allait pouvoir lui dire pour le supplier. Doux songe qui ne se réaliserait jamais, Livio savait bien que celui qu’il pointait de son arme ne s’y abaisserait jamais. Mais un instant, le militaire se plut à imaginer ce qu’il aurait pu dire. Ses suppliques imaginaires sonnaient comme des promesses aux oreilles du jeune homme, qui se délectait de l’entendre dire ça, même dans une réalité qui jamais n’aurait lieu. Oui ça lui faisait plaisir, parce qu’il ne l’avait jamais encore vu plier devant qui que ce soit. Valente était un morceau de granit, inaltérable, qui ne reculait devant rien. Se croyant toujours supérieur, sûr de lui grâce à son talent il n’avait en fait pas rencontré d’adversaire à sa mesure. Mais face à un militaire plus musclé, plus fort, et surtout en position de force grâce à ce qu’il tenait dans la main, les choses changeaient. Se savoir être le seul à le faire fléchir, c’était quelque chose de presque jouissif, qui allumait une petite flamme d’intérêt dans sa poitrine glacée et vindicative. Mais la plus belle récompense fut ... son pas en arrière. Livio afficha aussitôt une ombre de sourire. Victorieux. Fier, et immensément moqueur. Pas besoin de mots pour lui faire comprendre à quel point il venait de se ridiculiser devant lui, de se compromettre. Un simple regard suffit. Livio y mit tout son cynisme, toute sa joie de le voir courber l’échine, ne serait-ce qu’un peu.
Il le tenait par les couilles, Valente avait peur. Et c’était un parfum que Livio ne pouvait s’empêcher de humer avec délectation. Une fragrance qu’il ne connaissait jusqu’alors pas, même au temps où ils écumaient ensemble les rues de Milan. Et malgré l’assurance qu’il montrait en revenant vers lui et en sortant une cigarette, Livio n’était pas dupe. Il était mort de trouille, et c’était délicieusement bon. Quant à lui, il ne retirait pas son arme, continuant de le viser en attendant le bon moment. En le laissant réaliser l’ampleur de la situation qui l’attendait. Le jeune homme blond ne quittait pas son adversaire des yeux, le fixant d’un air de carnassier qui attend immobile de bondir sur sa proie. Il suivait des yeux son petit manège, ne toussa même pas en recevant son abominable fumée en plein visage. Se contentant de plisser le nez d’un air dégoûté, il ne cligna même pas des yeux pour ne surtout pas le perdre un instant. On n’était jamais assez prudent avec lui.
- Vas-y tire. Tire Liv. si tu fais ça, c’est la famille Gianelli entière qui sera décimée. Ce n’est pas du chantage, c’est une réalité. Daniele ne le fera pas de gaieté de cœur, lui qui prône la punition de ceux qui l’ont mérité. Mais s’il perd un fils, je ne suis pas sûr que son mode de pensée soit toujours le même.
Sans baisser son revolver, Livio fit le dernier pas qui les séparait. Il lui arracha sa clope des doigts, lui écrasant sans hésitation aucune sur son avant bras, la où la peau est la plus douce et la plus fragile, plus proche du poignet que du coude. Il appuya fort, savourant l’odeur légère mais reconnaissable de la chair qui brûle. Puis il jeta le mégot par terre, élargissant un peu le sourire qu’il arborait. Mais ses yeux n’avaient pas perdu leur motivation froide, leur décision qui semblait irrévocable.
- Ne m’appelle pas comme ça, tu as perdu ce droit au moment même où tu as décidé que tu n’en avais plus rien à foutre de moi. Alors ta gueule, TA GUEULE !
Et puis il imagina ce qui pourrait arriver à sa Lucia. Si Daniele décidait en plus de le laisser en vie suffisamment de temps pour voir ça, Livio ne s’en remettrait pas. Son bras se fit un peu tremblant mais il se reprit, ne baissant pas sa garde. Ne cillant même pas des yeux, pour éviter de se faire prendre en traitre et de subitement voir la situation se retourner contre lui. Il était hors de question qu’il se laisse atteindre, oui. Hors de question qu’il l’effraie pas de simples mots. De toute façon, il était clair qu’il bluffait, il ne pouvait pas être sérieux. C’était stupide. Mais en le regardant plus précisément, en détails, Livio se rendit compte que derrière la peur il restait un peu d’assurance. Peut être ne mentait-il pas tant que ça, finalement ? Et lui, était-il prêt à prendre ce risque immense juste pour son propre plaisir ? Qu’on le punisse lui, qu’on le tire comme un lapin pour ce crime, Livio s’en moquait mais si on touchait à sa famille c’était ... impensable. Comment démêler le vrai du faux, et surtout était-ce raisonnable de parier la vie des Gianelli sur son seul instinct ? Pas vraiment. Livio hésitait de plus en plus, et cherchait à voir s’il existait vraiment ce risque que Val lui mettait sous les yeux. Gagner du temps, ça c’était possible. Le jeune homme posa son canon sur le torse de son ancien ami, en plein sur le cœur, avant de lui répondre d’une voix moins froide ou filtrait la passion de la colère.
- Vous êtes donc bien une famille de pourris. S’en prendre à une gamine innocente, pourquoi ? Moi j’aurais juste tué un mafieux de bas étage, une raclure de la société, ça ne fait pas le poids. Qu’il me tue moi si ça le soulage, mais c’est vraiment dégueulasse ce que vous faites. Sous le couvert de la famille, elle a bon dos ! Vous n’êtes qu’une bande de chiens sans aucune morale. Je vous méprise.
Et c’est sur une impulsion, prudente même si Livio savait qu’il allait regretter d’avoir laissé passer ce qui serait sans doute la seule occasion qu’il aurait jamais de descendre Valente, qu’il rangea son arme. D’un geste habile, le pistolet retrouva sa gaine et Livio releva des yeux acides et tueurs vers celui qui ne cessait de le torturer. Et il lui envoya son poing dans sa gueule de merdeux, balançant toute sa force dans ce coup, sentant l’os de l’arcade sourcilière craquer tandis que ses propres phalanges s’aplatissaient, le faisant grimacer de douleur. Il ne pouvait pas le tuer, c’était sa punition. Alors il allait lui faire mal, autant que possible, par tous les moyens qui existaient. Parce que Livio venait de se rendre compte qu’il ne pourrait jamais l’ignorer, que Valente ne sortirait jamais de sa vie. Qu’ils étaient condamnés à se supporter, à se haïr. A conserver un lien malgré tout, aussi pourri et fragile soit-il. Parce que Livio n’était plus rien sans Valente, qu’il soit son pire ami ou son meilleur ennemi.
Valente Genovese
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Le cœur de Valente battait à tout rompre dans sa poitrine. Avec force et conviction. Cette conviction qu’il n’avait guère envie de cesser de battre. Il n’en avait pas suffisamment vu et malgré ses poumons encrassés de goudron, ses cicatrices sur le corps et l’état actuel de sa vie, Valente n’avait pas la moindre envie de mourir. Il avait encore bien d’autres choses à faire. Personne ne voulait vraiment mourir. Et il n’avait surtout pas l’intention de disparaitre par la main de Livio. Surtout pas non. Il ferait tout pour l’empêcher. Quitte à se prendre une balle ailleurs, il ne voulait pas qu’elle touche un organe vital. Pas maintenant pas comme ça. Un goût amer remontait dans sa gorge, envahissait son palais. Valente n’a pas peur. Il n’a jamais peur pas vrai ? C’était pour ça qu’il se permettait de faire parfois des choses vraiment dangereuses, car il croyait en lui, en ses capacités et n’avait pas peur de ce qu’il pouvait advenir. Il n’en pensait pas, ne l’envisageait pas. Jamais il n’aurait pu croire être fauché en plein vol lors d’une mission, et ce n’était pas les fois qui avaient manquées pourtant, ou la balle n’était pas passée loin, ou le combat semblait désespéré. A chaque fois il avait eu une chance inouïe qu’il mettait sur le compte de son instinct et sa classe. Mais là. Là c’était plus compliqué. Là il n’était pas en mission, il n’était pas dans une situation d’adrénaline, d’excitation. Là il était à froid malgré sa haine en lui. Il était à froid et dans de sales draps, à ne pas en douter. Généralement, quand ça arrivait, il se baissait, esquivait, tirait son arme dans le même temps et faisait mouche. Toujours. Mais là c’était inenvisageable. Livio n’était pas une petite frappe, un chef de gang de Milan. Il était un militaire entrainé… Non… Il était un agent du GDP entrainé. Et si ses chances de survie étaient déjà minces, elles venaient à l’instant de chuter irrémédiablement à zéro.
Il en avait déjà vu. Certains venaient de bonne grâce ou non à l’Argente parfois. Mais c’était une zone neutre et peu importait leur importance, ils étaient traités de la même manière que les autres. Et les armes à feu étaient prohibées. Mais tout se voyait dans leur attitude, leur manière de regarder partout à la fois, la façon de se tenir. Tout indiquait à quel point ils étaient entrainés et Valente s’était toujours dit qu’il n’aurait pas aimé devoir engagé une joute avec l’un d’eux. S’il avait su que pendant tout ce temps, son meilleur ami était un de ses agents surentrainé et crains. Ceux qui chassent les… Pactisants et Stellas. Il était vraiment l’un d’eux. Intraitable, imbattable, inébranlable. Livio était de ceux là. Et finalement, ce n’était pas si étonnant maintenant qu’on y pensait. Toutes ces missions pour lesquelles Valente ne posait aucune question. Le fait qu’il soit si doué, si fort, si réactif. Il avait parfaitement sa place là bas, bien qu’il ne soit pas au fait de tout. Bordel, le GDP, rien que ça. Il avait vraiment tiré le bon numéro en le foutant en rogne. Un regain de fierté le prit. Mais c’était de toute façon lui qui avait commencé en tuant son cousin à cause de son boulot ! Il aurait pu la rattraper plus tard et tant pis pour la mission d’Alesio mais non ! Il n’était qu’un pantin pour ses supérieurs juste bon à tuer, attraper, torturer. Il était encore plus aliéné de son travail que le mafieux ne l’était. Tous deux avaient joué avec le feu. Et bordel maintenant il était dans de sales draps car il savait qu’il n’avait presque aucune chance à cet instant et qu’il fallait jouer plus fin pour s’en sortir. Chose que Val rechignait à la faire la plupart du temps.
Et surtout il s’en voulait. Il s’en voulait de se comporter de la sorte. Mais c’était plus fort que lui. Il avait peur. Pour la première fois il avait peur de Livio, il avait peur de mourir. Une sensation qu’il n’avait jamais le prenait à la gorge de façon à l’étrangler, lui faisant faire des choses qu’en temps normal il n’aurait même pas envisagées. Comme reculer. Ce qui était l’équivalent de se mettre à genoux pour Val. Et le pire, c’était que Livio savait tout ça. Et ça se voyait, ça se voyait dans son regard triomphant, ça se voyait dans son sourire moqueur. Ca se voyait et ça faisait vibrer avec une extrême violence la haine viscérale que Valente avait pour lui. Il osait le prendre de haut et lui montrer à quel point il était plus fort à cet instant, à quel point il pouvait décider de son droit à la vie, ou à la mort. Et ça lui donnait encore plus la nausée et le goût de la bile devenait intenable. Il avait plié devant lui. Il avait plié par peur de la mort. Il n’était qu’un lâche. Qu’un pauvre lâche. Et il se haïssait. Et il le haïssait d’en profiter. Si seulement il avait pu tirer son arme aussi, rendre les choses plus égales mais non. Non il était fait comme un rat. Et il en tremblait de rage. De rage et de peur. Et il aurait tellement aimé lui sauter à la gorge et lui faire ravaler sa suffisance qu’il ne lui aurait jamais montré quand ils étaient encore proches et amis. Il se sentait nu et vulnérable. Il n’était jamais la cible de regard pareil, jamais et voilà qu’en prime c’était ce connard qui se permettait de le jauger de la sorte et de le rabaisser ? Tout ça parce qu’il avait un flingue ? Putain ! Valente avait envie d’hurler de frustration, de le frapper, de lui faire mal juste pour le regard qu’il lui lançait. « T’as pas de quoi être fier connard ! Si tu tiens pas à la vie c’est ton problème moi j’espère vivre encore quelques années alors j’ai le droit d’avoir un mouvement de recul quand on me vise de la sorte ! » Voilà ce qu’il avait envie de lui crier dessus, de lui cracher à la gueule. Mais il ne pouvait pas, pas tant que sa vie était au moins autant en suspens que celle du chat de Schrödinger.
Il voulait vivre mais il ne voulait pas s’écraser. Sauf qu’il venait de le faire à l’instant. Et merde de merde ! Son regain envers lui ne changeait rien. Il avait reculé et maintenant c’était pour sa pomme. Il ne pouvait pas le tromper en s’avançant de nouveau. Il le savait, ça se voyait. Et il fallait qu’il le persuade, même si c’était de façon ignoble, qu’il avait tout intérêt à ne pas faire ça. Pour son bien, pour le bien de tout le monde à vrai dire. Mais le Livio si posé semblait avoir disparu. Et ce qui suivit en fut une belle preuve. Brusquement sa cigarette lui fut arraché des doigts et écrasée côté incandescent sur son bras, proche de son poignet. Aïe. Aïe aïe aïe. Putain ça fait bien mal ça aussi. Mais Valente ne bougea pas malgré son bras qui souffrait et qui ne demandait qu’à s’échapper de la brûlure qu’on lui infligeait pour mettre une droite à celui qui lui faisait ça. Mais le mafieux en avait suffisamment fait. Il ne voulait pas encore plus s’écraser et si le prix de sa fierté était d’endurer ça en silence, alors que Livio se faisait un plaisir d’appuyer encore et encore. Le jeune homme ne put s’empêcher de serrer le poing, fort pour ne pas laisser échapper un souffle de douleur. Il eut l’impression que ça avait duré des minutes et des minutes. Alors ça faisait ça quand il faisait de même sur certaines personnes pour avoir des renseignements. En effet ce n’était pas très agréable, pas étonnant que les plus faibles craquaient rapidement. Mais Valente n’était pas faible et malgré le mal de chien qu’il en résultait, de la marque qu’il garderait à vie, il se disait que ce n’était rien comparé à leur dernière altercation. Il fallait qu’il pense à autre chose plutôt qu’à ce bras qui lui faisait autant mal. Merde Livio t’es qu’un bâtard.
- Ne m’appelle pas comme ça, tu as perdu ce droit au moment même où tu as décidé que tu n’en avais plus rien à foutre de moi. Alors ta gueule, TA GUEULE !
Finalement, l’appeler par son surnom avait eu le mérite de l’énerver. C’était déjà ça à vrai dire. On se consolait comme on pouvait quand on avait le bras qui irradiait d’une petite mais très vicieuse brûlure. Il aurait de nouveau voulu lui cracher tout ce qu’il pensait à la gueule à cet instant précis. Jamais il n’en avait eu plus rien à foutre de lui ! Si c’était le cas il n’aurait pas cette blessure au cœur qui ne voulait pas guérir ! Il ne penserait pas à lui de cette manière ! Merde de quel droit il jugeait ce qu’il pensait ou non ? OKAY il avait fait une grosse merde en lui tirant dessus. Mais la cause était justifiée ! Et il aurait été prêt à essayer ensuite de chercher un truc à l’amiable. Mais il était trop tard alors qu’il ne vienne pas lui parler de rien en avoir à foutre de lui ! Il était important pour lui ! Il l’était toujours même après tant de blessure, de venin, de trahison et de menace. Et alors même qu’il risquait de perdre la vie à tout moment, cette injustice le mettait hors de lui. Aussi bien que le fait de ne pas pouvoir lui dire. Ca le bouffait encore plus. Ca lui faisait bien plus mal que sa peau qui était brûlée au plus près. Vu la façon dont il s’énervait contre lui, il n’allait pas non plus en rajouter pour l’instant, pas tant qu’il le tenait en joue de la sorte. Il n’était vraiment pas suicidaire.
Au fond de lui il se sentait lâche d’avoir eu recours à un tel argument pour s’en sortir. Utiliser la famille, justement ce qu’il lui avait reproché. Mais quoi d’autre aurait pu l’arrêter alors qu’il était dans ce tel état de rage contre lui. Il voulait juste l’emmerder, le provoquer, mais jamais il n’avait eu l’intention de toucher un cheveu de sa sœur. Pas plus qu’il n’aurait supporté l’inverse. Par contre là, la menace était claire. Mais ce n’était pas lui qui allait l’orchestrer. Ce n’était qu’une réaction en chaine qui se passerait si jamais il se décidait à passer à l’acte. Daniele serait intransigeant. Il n’était pas le chef actuel des Genovese pour rien. Si Valente venait à mourir de la main de Livio, les Gianelli étaient rayé de la carte. Mais ça serait rapide, la torture ne servirait à rien. Daniele était contre. Même si Valente n’était pas en mesure de savoir comment il réagirait devant son décès. S’il avait un fils et qu’il mourrait, quelle sera sa réaction à lui ? Pire que face au décès d’Alesio. Il deviendrait fou de rage de voir sa chair et son sang parti avant lui. Et à quelles extrémités en serait-il venu pour le venger ? C’était moins une menace qu’une réalité. Il espérait juste ne pas avoir à en venir là. Il ne voulait pas mourir, mais il ne voulait pas non plus que ni Livio, ni sa famille ne disparaisse. Car Livio était à lui, et les Gianelli étaient hors conflit. Et pourtant à cet instant, sa vie était plus importante. Et ça, son ancien ami ne se fit pas prier pour lui faire remarquer.
- Vous êtes donc bien une famille de pourris. S’en prendre à une gamine innocente, pourquoi ? Moi j’aurais juste tué un mafieux de bas étage, une raclure de la société, ça ne fait pas le poids. Qu’il me tue moi si ça le soulage, mais c’est vraiment dégueulasse ce que vous faites. Sous le couvert de la famille, elle a bon dos ! Vous n’êtes qu’une bande de chiens sans aucune morale. Je vous méprise.
Et il avait raison de dire ça car à cet instant, c’était exactement ce qu’ils étaient. Malgré ses mots durs et insultants, malgré la fierté déjà bien mise à mal de Valente, il avait raison. Et ça le bouffait. Il s’excuserait plus tard, dans un autre temps, un autre moment. Mais là c’était impossible. Lui dire que ce n’était pas son credo dans la vie que de toucher à la famille des autres. Jamais. Mais là, il ne voulait pas mourir. Et son cœur fit un nouveau bond quand Livio plaqua le canon sur son torse. Son cœur. Ah là, ce n’était plus du bon portant à ce niveau. Aha. Game over. Valente pensa en un éclair qu’il pour attraper le dit canon et le pointer vers le ciel et ramener son bras rapidement pour lui tordre le coude, le désarmer, le frapper pour le déstabiliser encore plus et sortir son arme à son tour. Mais non c’était stupide. Il ne faisait pas le poids contre Livio. Vraiment pas. Et pourtant ce fut avec une grande surprise qu’il le regarda mettre son arme à nouveau dans sa protection. Rengainer. Le soulagement prit le jeune brun à la gorge une seconde avant de croiser le regard du blond qui n’avait pas changé. Toujours aussi haineux et meurtrier. Et il ne put esquiver le coup qui vint à lui, lui éclatant l’arcade sourcilière, pochant presque son œil, se répercutant sur sa pommette, résonnant jusque dans la mâchoire. Le mafioso recula d’un pas sous le choc qui résonnait encore dans sa tête, la douleur explosant à ses tempes en plus du reste. Mais il n’était pas mort. Il s’en prenait, au sens propre, plein la gueule mais il était vivant. Livio le haïssait plus que de raison. Mais il était vivant. Il épongea de sa manche le sang qui coula sur son visage sans que ça ne change rien, l’arcade ayant décidé de s’épancher un bon moment.
Valente ne savait pas si c’était le moment ou non, alors que son visage irradiait de douleur, de pouvoir à nouveau lui parler. Essayer de revenir sur ça… Quoique ça pourrait le motiver à de nouveau vouloir le butter. Ce qui après tant d’effort, serait un peu dommage. Et puis il ne voyait pas pourquoi il aurait le droit de se laisser aller et pas lui. Il ne voulait pas être en reste face au militaire… L’agent du GDP… Son ex… Livio quoi. Malgré le sang qui lui coulait dans l’œil qui le faisait souffrir. Il sortit son arme et tira dans le mur à côté d’eux pour ensuite plaquer le canon encore fumant et chaud de son arme sur le bras de Livio, au même endroit qu’il venait d’appuyer sa cigarette. Il ne serait pas le seul marqué dans l’affaire, il en était hors de question. Il rengaina aussi sec, lui retournant à son tour un uppercut à la mâchoire, faisant tout aussi craquer ses jointures, la douleur dans son bras se réveillant encore un peu plus.
- Fais pas ton martyr alors que t’allais me buter sans sourciller ! Niveau mépris c’est clair que contre toute attente, je ne t’arrive pas à la cheville. T’es qu’un chien de garde obéissant aveuglement au moindre ordre qu’on te donne pour obtenir un os à ronger en récompense ! Je me demande qui de nous est le plus pitoyable !
Il s’approcha de lui, haineux et perclus de douleur, lui choppant le col.
- Si ça peut te faire plaisir, j’en ai pas rien à foutre de toi. Rassure toi je pense qu’en fait c’est même tout à fait le contraire. Et ce que tu as fait, que tu le veuilles ou non ne restera pas impuni. Parce que te buter. Ca serait te faire un beau cadeau. Si tu veux mourir et expier. Fais-le tout seul ! Moi j’ai encore des raisons de vivre ! Malgré la ruine que tu as provoqué !
Et puis merde. Décidemment c’était impossible, pour l’instant il était incapable de parler tranquillement avec lui. Pas pour le moment. Ruine était un mot qui convenait bien à la situation. Mais qui savait, peut être que des ruines, avec le temps, ça peut se décider à se reconstruire…
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Sam 24 Déc - 8:19
Au fur et à mesure que la colère montait dans la poitrine de Livio, envahissant son être, prenant la place de la calme résolution qu’il venait de prendre, son corps le lâchait. Il sentait des signes le trahir, encore invisibles pour l’instant. Son poignet se détendait. Alors qu’il fallait toujours une tenue rigide et impeccable pour ne pas risquer de dévier la balle sous l’impact du retour du coup, à cause de la violence du mécanisme. S’il ne voulait pas rater sa cible, à savoir le cœur qui était maintenant à quelques centimètres seulement, Livio devait tenir son poignet rigide et imperturbable, tout comme son bras qui ne tremblait pas encore. Pourtant il ressentait de la fatigue dans ce bras, qui n’était manifestement pas liée aux quelques minutes qu’il avait passé à le tenir en joue. Non, son esprit perdait sa résolution alors son bras refusait de tenir cette position contraignante et ridicule sans raison ni logique. Ses doigts étaient ankylosés, déjà, et bien avant de baisser son arme Livio comprit qu’il ne pourrait pas tirer. Son index semblait comme figé, incapable de se fermer tout à fait sur un simple bout d’acier qui signerait l’arrêt de mort de Valente. Il ne paraissait que capable de s’ouvrir à nouveau, de libérer l’arme de son porteur. Même sa tête commençait à flancher, devant la résolution qui s’étiolait peu à peu dans son esprit, alors que son abominable ex ami lui exposait des faits tangibles, les seuls qui faisaient fléchir sa volonté. Un voile passait devant ses yeux, qu’il masquait par un regard acéré et déterminé, d’une force qu’il n’avait plus. Et sans le savoir, il rejoignit son vis-à-vis, un goût acide dans la bouche alors qu’il se crispait sur son arme, indécis, hésitant. Pesant le pour et le contre, décidant de son degré de franchise quand il disait ça. Son repas de la veille se rappelait à ses bons souvenirs, et un nœud dans l’estomac vint ajouter au malaise généralisé que son corps s’escrimait à mettre en scène pour le mettre en garde, pour l’arrêter.
Détestable que cette envie de lui vomir au visage, cette sensation de léger tournis qui commençait à le rendre plus incertain et par-dessous tout, la force désespérée qu’il mettait à lutter contre tous ces symptômes, pour tromper Valente, pour ne rien lui laisser paraître et continuer à savourer la terreur qui l’étreignait. Car oui, malgré le malaise qui le saisissait au corps, Livio ne laissait rien filtrer d’autre que sa joie immense de voir Valente presque à terre. Comme un vermisseau qui cherche à se débattre, qui crie son désir de vivre sous la menace d’une chaussure intraitable, sans faille. Bien sûr, rien n’était flagrant et un regard extérieur n’aurait sans doute rien remarqué. Mais l’œil entrainé de Livio, qui avait tant de fois observé les nombreuses réactions de son actuel ennemi, savait déceler ce qu’il n’avait jamais vu. Comprenait qu’un simple pas en arrière, un si petit instinct de recul signifiait beaucoup. Ça le faisait souffrir, quelque part dans son esprit rempli de fierté et d’ego. Mais le poids qui pesait depuis trop longtemps sur les épaules du militaire ne fut plus léger que quand il le mutila avec amusement, laissant sur ce corps si familier une marque indélébile, un signe. Parce qu’il avait besoin de le voir avoir mal, sur tous les fronts. Le corps, la tête, un merveilleux mélange qui gonflait son cœur d’un soulagement malsain et déplacé qu’il assumait parfaitement. Bien sûr, Valente ne broncha pas mais sentir sa main lutter contre la douleur, voir presque ses dents se serrer pour ne pas réagir, c’était tout aussi bon. Autant de preuves, encore plus jouissives car montrant sa combativité, de sa douleur, et donc de la brève réussite de Livio. Qu’on ne lui enlève pas cela, qu’on le laisse profiter de cet instant si magique où il avait fait plier Valente. En le menaçant, en lui promettant une mort certaine, proche mais rapide et à priori pas vraiment douloureuse. Livio aurait presque eu envie de se coller à lui pour sentir sa peur, les tremblements indécelables à l’œil nu qui devaient parcourir son corps effrayé. Déguster sa récompense.
Mais en y réfléchissant bien, est-ce qu’il avait vraiment envie de le tuer ? Tout d’un coup, violemment, tout lui revint en mémoire. Les courses avec lui quand il avait envie de l’étrangler à trainer des heures dans des boutiques de marque, les repas pris pendant leurs heures de boulot en prenant le temps de partager leurs journées, leurs conquêtes, leur quotidien. Mais aussi les missions ensemble, alors que Livio admirait sans relâche les qualités de son meilleur ami, sa dextérité et sa persuasion. Sa décontraction, sa facilité, sa bonne humeur. Autant de choses qu’il prétextait détester aujourd’hui mais qui lui manquaient malgré tout. Cruelle constatation, après tant de semaine de haine pure, que celle du manque d’un ami. En dépit de ce qu’il lui avait fait, malgré l’impossibilité de nouer à nouveau quelque chose qui ressemble de près ou de loin à leur relation d’avant. Livio avait beau savoir que ses espoirs étaient voués à l’échec, il se souvenait de la joie de l’avoir à ses côtés et de le croiser par hasard. Les bonnes blagues qu’ils échangeaient à longueur de temps, leur complicité et même ... Le jeune homme se serait donné une gifle pour oser penser à ça dans un moment pareil, alors qu’il menaçait très clairement sa famille par l’intermédiaire de la sienne. Mais oui, cette ambiguïté qui l’avait fait rêver de lui à plusieurs reprises, dans des situations pour le moins éloignées de celle qu’ils vivaient à présent. Livio se souvenait de chacun des fantasmes, des rêves incontrôlables dans lequel il était apparu. C’était même, vers la fin, rarement quelqu’un d’autre qui soulageait son esprit, à défaut de son corps. Si le militaire s’était à l’époque détesté d’avoir de telles pensées, il se haïssait bien plus à présent d’y repenser, sans que le dégoût ne vienne entacher ses souvenirs. Même si depuis il n’avait plus jamais pensé à lui comme ça -les fantasmes étant plutôt des scènes de crimes rêvées et attendues-, Livio n’arrivait pas à oublier que cela avait un jour été le cas.
Quand à savoir ce qu’il ressentait vraiment pour son meilleur ami de l’époque, c’était autrement plus compliqué. Une proximité qui se teintait de désir, sans doute. Certainement pas plus, puisque sinon rien ne se serait sans doute passé de cette manière. S’il avait été ... s’il ... ah ! C’était même trop dur à penser. Bref, s’il éprouvait des sentiments particuliers pour Valente, Livio n’aurait pas pu lui faire mal à ce point, non ? Ce n’était pas vraiment logique. Il se serait aplati devant lui, aurait cherché une autre solution. L’aurait fait passer avant son travail. Parce que Livio avait bien conscience qu’ils avaient tous deux fait passer quelque chose avant l’amitié qu’ils se portaient. Même en croyant que rien n’était plus important ... Livio, son travail et Valente, sa famille. Mais savait-il à quel point cela était important pour lui ? A quel point il lui était vital de se retrouver quelque part, autre part que son simple regard bienveillant ? Il lui fallait bien une raison d’avancer, et ce ne pouvait être une personne dont il serait alors trop dépendant. Et puis bordel, il n’avait pas fait exprès. S’il était bon, voire très bon au tir il n’avait pas pu prévoir, à cause de l’étrangeté de la scène, qu’Alesio se jette sous sa balle pour protéger celle qu’on lui avait confiée, pour quelques secondes supplémentaires. Un beau gâchis qui n’aurait jamais du avoir lieu. Mais oui, naïvement Livio avait espéré qu’en s’expliquant calmement il pourrait s’excuser, aller se présenter à sa famille et payer sa dette de quelque manière que ce soit. Il avait été prêt à faire ce qu’il fallait pour assumer son erreur, qui lui était entièrement due. Mais qu’on le dédouane de toute intention de tuer était à ses yeux important, et même son meilleur ami en avait été incapable. Triste et accablante réalité qui l’avait cloué sur place, plus sous ses mots que sous ses balles.
Mais il ne voulait pas le tuer. Par respect pour ce qu’ils avaient vécu, ce que Livio arrivait maintenant à revoir dans la brume des souvenirs qu’il croyait éteints. Si plus aucun sentiment ne pulsait en lui à l’égard de cet homme, s’il restait froid et clairement rancunier, la haine avait laissé place à la colère sourde, à la rancune tenace. Mais il pouvait revoir plus loin, ouvrir les yeux sur un passé qu’il pensait piétiné en même temps que leur amitié. Et il ne voulait pas le tuer, parce qu’il désirait le faire regretter. Voir un jour son regard lui demander pardon. Et pour ça, l’accabler sans relâche de ses erreurs, être odieux, détestable, être l’ennemi parfait. L’abîmer, oui. Le faire souffrir, oui. Mais le laisser en vie pour admirer tout cela et ne jamais s’éloigner de l’idée qu’il était à lui, et qu’il n’avait en conséquence pas le droit de disparaitre aussi rapidement. Pour protéger ceux qu’il menaçait sans aucune honte, aussi. Livio était en colère, évidemment, et c’est ça qui jaillissait au visage de Valente, sous la forme d’accusations qu’il savait justifiées, de reproches directs et violents. Mais au fond, quelque part, le jeune homme était déçu. Alors il était vraiment tombé aussi bas ? C’était ça aussi, les mauvais côtés qu’il n’avait pas vraiment cherché à voir grâce à leur amitié ? C’était ça, sa fierté et ses airs de dandy ? Derrière il y avait cette violence, cette attitude malsaine et détestable qu’il ne pouvait ni cautionner ni pardonner. C’était peut être un moyen de se sauver la peau, mais même pour cette bonne raison, Valente n’aurait pas du toucher à sa famille. Lui qui louait tant la sienne, il n’hésitait pas à piétiner celle de son ancien ami ? La déception était grande, malgré ce que le militaire voulait bien montrer. Mais pour une raison encore trop complexe, trop élaborée pour lui, il ne voulait pas le tuer. Alors il rangea son arme, oui. Pliant devant lui, faisant passer sa menace pour un coup de manche, ce qu’il détestait. Parce qu’il perdait sa crédibilité, même si la peur tenace et réelle de Val en valait bien la peine.
Son sang, le sang du seul qui devenait l’ennemi réel et encore vivant de Livio. Le flot qui coulait sur son visage, les restes qui maculaient son poing. Son sang, merveilleuse preuve de souffrance, et de vie. Livio, en voyant les dégâts qu’il venait de causer, décida de ne pas regretter son choix. Il préférait passer du temps à le frapper ainsi, à lui envoyer ses horreurs à la figure. A le laisser vivre. Même s’il devait en payer le prix, même s’il n’en retirerait rien de bon. Comme ce qui allait suivre. Mais souffrir de sa main, c’était tout aussi justifié que ce qu’il lui faisait subir de son côté. Il était le seul, l’unique à avoir le droit de lui faire ça. Parce qu’il avait créé un vide en lui, sans doute semblable au sien. Parce qu’ils avaient tant partagés que, même dans la haine, cela continuerait sans relâche. Alors non, il ne se dégagea pas. Lorsqu’il sortit son propre revolver, Livio n’envisagea même pas le fait que Valente pouvait le descendre là, d’une balle. Ne s’en soucia pas un instant et resta donc immobile, ses yeux se fermant au claquement du coup, attendant que la baille l’atteigne alors qu’elle finit sa course ... dans le mur. Ce fut une douleur bien plus superficielle et hargneuse qu’il ressentit tout à coup sur son bras, à travers sa veste qui devrait pour la peine se faire raccourcir une manche, brûlée par le bas. Il sentit sa peau crépiter, le feu dévorant sa chair sans pour autant grimacer. Tout comme lui, il supporta la marque qu’il savait justifiée. Pire, il l’aimait déjà. Parce qu’il savait que c’est ce qui les lierait à présent, dans la déchéance et l’auto destruction, mais que rien ni personne ne pourrait se mettre entre eux. Il accueillit avec un sourire moqueur son coup de poing, moins fort que le sien mais plus que ceux dont il avait l’habitude avec lui. Il sentit une dent se tordre, et le goût métallique envahir sa bouche. Sa lèvre inférieure était fendue et laissait un filet rouge tracer sa route le long de son menton, jusque dans le creux de son cou. Oui, ça faisait mal. Mais c’était grisant, c’était à la fois douloureux et agréable. Un mélange étrange qui ne se déclenchait qu’à son contact à lui.
- Fais pas ton martyr alors que t’allais me buter sans sourciller ! Niveau mépris c’est clair que contre toute attente, je ne t’arrive pas à la cheville. T’es qu’un chien de garde obéissant aveuglement au moindre ordre qu’on te donne pour obtenir un os à ronger en récompense ! Je me demande qui de nous est le plus pitoyable !
- Tu t'es jamais dit que j'avais des raisons de faire ce que je fais ? C'est pas de la soumission, c'est des convictions, nuances. Mais toi tu n’obéis pas aveuglément à ton petit papa chéri peut être ? Pour quoi, sa reconnaissance ? Coupe le cordon, Valente, t’es encore qu’un gosse. Et le chien de garde te buteras plus tard. C’est tellement drôle de te voir te pisser dessus de peur que je veux pas manquer de revoir ça. Merci pour le spectacle, d’ailleurs.
La réponse avait été rapide, lancée du tac au tac comme une balle que l’on renvoie pour s’en débarrasser. Mange toi ça, Val. Parce que ce n’est que la première d’une longue série. Livio rigola quand son interlocuteur s’approcha pour le saisir par le cou et le menacer de son regard qui en disait long. Sauf que cela n’arrivait pas à l’impressionner. Pas alors qu’il venait de le voir aussi démuni. Malgré sa douleur dans une lèvre qui pulsait, devenant violette à vue d’œil. Malgré sa peau qui le grattait en continuant de le brûler, la chaleur dévastatrice se répandant dans les couches inférieures de son corps, ravageant sur son passage les nerfs. Livio savait bien qu’il ne sentirait bientôt plus rien sur cette partie du corps. Anesthésié à vie par une simple réplique de Valente. Il avait presque hâte de voir ce que cela donnerait, la prochaine fois.
- Si ça peut te faire plaisir, j’en ai pas rien à foutre de toi. Rassure toi je pense qu’en fait c’est même tout à fait le contraire. Et ce que tu as fait, que tu le veuilles ou non ne restera pas impuni. Parce que te buter. Ca serait te faire un beau cadeau. Si tu veux mourir et expier. Fais-le tout seul ! Moi j’ai encore des raisons de vivre ! Malgré la ruine que tu as provoqué !
Ah parce qu’il le prenait pour un suicidaire ? Mais il était complètement con, ou quoi ? Bon, c’était juste de la provocation au final, comme il savait si bien en faire. Bassesse sur bassesse, se raccrochant à tout ce qu’il croyait pouvoir l’atteindre.
- J’ai aussi des raisons de continuer à vivre, figure-toi. Te faire payer, jusqu’au bout. Jusqu’à ce que tu n’en puisses plus. Et aussi pour Lucia, que tu menaces sans hésiter avec tes grands airs fiers et droits.
Livio marqua une pause, le repoussant d’un mouvement du coude avant de lui donner un coup de poing directement dans l’épaule, pour le faire reculer plus loin de lui. L’éloigner, avant d’avoir de nouveau envie de l’abattre dans l’instant. Affichant un air goguenard, le militaire croisa les bras pour bien montrer qu’il n’avait pas un seul instant peur de ce qu’il pouvait lui faire.
- La ruine que j’ai provoquée ? Laisse-moi rire, tu m’as enlevé mon meilleur ami et tu t’amuses à venir me le rappeler perpétuellement. T’es qu’un con.
Voilà qui n’avait rien de bien glorieux comme réplique, mais c’était sans doute la plus grande vérité qu’il lui ait jamais dite. Au fait, il avait bien dit qu'il n'en avait pas rien à faire de lui ? ...
Valente Genovese
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HUMEUR : Tant qu'on ne lui cherche pas des noises, ça va.
Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Mer 13 Juin - 12:02
Il l’avait vu. Il l’avait remarqué. Il connaissait Livio. Enfin, il ne pouvait pas mettre sa main au feu que ces dernières semaines ne l’avaient pas totalement changé mais il pouvait se targuer quand même d’être quelqu’un dont il avait été très proche… Ainsi il vit son hésitation. Il vit son poignet s’abaisser à peine. Il remarqua son attitude figée qui n’avait rien de celui qui allait tirer. Il savait. Il ne pouvait pas le tuer… Pas plus que lui-même n’arriverait à mettre un terme à la vie du militaire. Il avait beau dire et croire qu’il avait tiré un trait sur cette partie de lui-même, c’était plus facile à dire qu’à réellement faire. Livio. Livio était important et s’il devait le haïr, le frapper, le blesser pour que ça reste comme ça, il le ferait. Il n’irait plus dans les bras en sa compagnie et sans nul doute que chacune de leurs futures rencontres se feront dans la douleur. Mais après ? Il savait endurer la douleur. Livio. Cet ami si cher à son cœur, mettant un terme à la vie d’un de ses cousins. Jamais personne ne devrait à faire ce choix… Il ne regrettait pas. Du moins c’était ce qu’il voulait se persuader. Mais de toute façon c’était trop tard, allait-il vraiment pouvoir lui poser une main sur l’épaule avec un sourire en lui disant que tout était pardonné ? Non c’était impossible, trop de coups avaient été portés, trop de phrases tout aussi douloureuses. Tout avait basculé et des mots d’excuses étaient inenvisageables. Surtout vu leurs états respectifs. Car si Livio pouvait discerner beaucoup de choses en Livio, il savait pertinemment que c’était réciproque et que Livio lisait en lui comme un livre ouvert. Qu’aurait-il caché à un ami si important ? Quoique lui lui avait caché son appartenance au GDP… Ce n’était quand même pas rien mais passons, ce n’était pas le moment. Tout ça pour dire que si Valente connaissait les tics et les postures de son ami, lire dans sa tête, ce n’était pas des plus aisés.
Car Valente, aussi en colère, méprisant et rancunier qu’il l’était, ne pouvait mettre un terme définitif à ce qui les unissait. Et il fallait bien avouer que le voir avec cette détermination, cette haine envers lui, cette attitude… Ca l’impressionnait encore plus que d’habitude. Pas forcément dans le sens où il le redoutait, quoique il avait quand même, en osant l’avouer, eu peur quand il l’avait mit en joue. Non, il l’impressionnait par son charisme, sa présence, son physique, son visage. Valente préférait la plupart du temps, quand il approchait des hommes, ceux qu’ils pouvaient dominer. Jamais il ne se faisait prendre… Sauf peut être cette fois avec ce barman bien trop insistant mais ça jamais il ne le dirait à quiconque. Et pourtant, ce que dégageait Livio, cette impression bestiale, ça lui donnait des idées qui ne devraient pas être là dans un tel contexte. D’ailleurs il essaya de s’en débarrasser et de faire focus sur autre chose. Car Livio n’avait pas vraiment l’air spécialement heureux d’être là, et il doutait que son hésitation n’était pas du à son envie de ne pas le tuer mais plutôt à celui de sauver sa famille. Et Valente s’en voulait encore d’avoir dit ça. C’est vrai qu’il était un pourri pour avoir dit ça. Et même si la fin justifiait les moyens, elle ne justifiait pas un tel chantage. Le mafieux n’aurait pas du, mais il n’aurait pas du faire et dire beaucoup d’autres choses qui avaient été quand même faites et dites. Ca lui arrivait un peu trop en ce moment. A son grand désespoir. Mais lui aussi il avait besoin de s’en sortir, de se préserver un peu. Il ne pouvait pas tout le temps penser à Livio et arranger les choses. Elles ne pouvaient pas l’être autrement que par la violence maintenant que la spirale s’était engagée là dedans, et il n’avait pas la moindre idée de la façon dont il pouvait la stopper. Et puis il fallait aussi dire qu’il n’en avait pas la moindre envie pour le moment. La violence allait peut être être ce qui allait les sauver, il ne pouvait pas laisser passer ça.
Bon d’accord, il aurait peut être aussi préféré éviter de se prendre un coup d’une telle violence tant qu’à faire. Mais il ne faisait jamais les choses à moitié. Il aimait ça, le voir dans cet état. Malgré son propre état un peu abîmé, il avait toujours été plus fort physiquement que lui. Valente n’en avait jamais tenu rigueur vu qu’il ne se battait pas contre lui, avec des armes et des méthodes différentes. Mais maintenant qu’il était devenu sans nul doute une de ses cibles de prédilection, il regrettait un peu ce bloc de granit face à lui. Car ses bonnes résolutions de vouloir un jour revenir à une relation plus ou moins saines vacillaient en voyant son sourire fier et satisfait de le voir reculer comme ça. Il voyait en lui ce que Valente voyait dans le militaire. La peur et la souffrance, qui même s’il luttait contre, transparaissait sur son visage pour l’œil aguerri. Et il se détestait d’avoir été un jour si proche qu’on puisse déceler ça chez lui. Il ne se privait pas le grand blond. Entre ses menaces, sa brûlure, ses phrases pleines d’amabilité, et ses coups, nul doute qu’il prenait son pied à le dominer physiquement. Et c’était intolérable pour Valente, devant qui on pliait constamment. Il n’aurait pas du rentrer dans son jeu en lui renvoyer la balle et la violence à son tour. Mais comme dit plus haut, le cercle vicieux ne pouvait pour l’instant par arriver à son terme. Il venait à peine de commencer sa spirale destructrice, entrainant dans ses filets deux anciens amis prêts à en découdre. Et ça n’était pas prêt de s’arrêter.
Valente passa une main sur son visage, utilisant sa belle chemise blanche pour éponger le sang qui coulait dans ses yeux. Il lui devait encore une chemise sur la liste de ses fringues qu’il avait déjà souillées depuis le début de cette déplorable erreur. Mais étonnement, il doutait que ça trouve un écho chez Livio qui semblait tellement satisfait de cette déchéance. Ah putain, ça l’énervait. Il avait envie de lui en foutre plein la gueule. A cause de lui ça lui piquait les yeux, son visage allait être gonflé demain, il aurait des bleus, il serait moche et en plus ça lui ferait un mal de chien. Et putain si cette arcade sourcilière pouvait arrêter de saigner ça l’arrangerait ! Ce geste de rage envers Livio, il l’avait bien mérité. Il ne s’en voulu absolument pas de brûler à son tour la peau, causant un tatouage définitif. Et cette fois, ce n’était pas l’odeur de sa peau brûlant qui flottait dans l’air. Ce n’était même pas de l’envie de lui faire mal. Il voulait se venger, il voulait lui faire ravaler son sourire satisfait de l’effet qu’il produisait chez lui. Il du tout de même avouer que ça lui fit un plaisir malsain de voir à son tour le sang de Livio couler sur son menton. Mais dans le même temps… Ca le rendait encore plus… Hey, oh, c’est vraiment pas le moment on a dit. Ca aurait pu éventuellement être le moment si Livio ne cherchait pas par tous les moyens à l’écraser. S’il aimait ce que Livio dégageait, il ne supportait pas que ça soit envers lui. Et la suffisance, ça lui connaissait pourtant. Il était hors de question qu’il le laisse agir comme s’il pouvait tout se permettre avec lui sous prétexte qu’il avait des biceps plus développés que lui. Ca jamais. La force physique ne fait pas le reste Livio.
- Tu t'es jamais dit que j'avais des raisons de faire ce que je fais ? C'est pas de la soumission, c'est des convictions, nuances. Mais toi tu n’obéis pas aveuglément à ton petit papa chéri peut être ? Pour quoi, sa reconnaissance ? Coupe le cordon, Valente, t’es encore qu’un gosse. Et le chien de garde te buteras plus tard. C’est tellement drôle de te voir te pisser dessus de peur que je veux pas manquer de revoir ça. Merci pour le spectacle, d’ailleurs.
Et bim Valente. Prends-toi ça dans la gueule. Il sourit cependant. C’était de bonne guerre. De toute façon le gagnant n’était pas celui qu’on pouvait l’attendre dans cette situation, où la mauvaise foi était reine. Il prit un air un peu ennuyé.
- Je pensais que tu me connaissais un peu mieux que ça à vrai dire. Ce qui prouve que tu n’as rien compris au fonctionnement de ma famille. Alors ne prends pas tes grands airs en jouant sur les mots quand ça t’arrange. Tu méprises mon institution, je méprise la tienne. Son sourire devint amer mais il reprit. - Excuse-moi d’avoir des sentiments et des sensations, tout le monde n’est pas un robot froid comme tu peux l’être.
Son corps lui faisait à nouveau mal, entre les anciennes et les nouvelles blessures, en plus de ce qu’il lui disait. Ca faisait quand même beaucoup pour aujourd’hui… Tout en sachant pertinemment que ça serait à présent pareil toutes les autres fois. Il se demanda si un jour ça pourrait évoluer ou non. Mais à vrai dire sur le moment, il s’en fichait un peu, ce n’était pas ça qui comptait, mais ne pas perdre la face devant lui et de ne pas lui et ne pas lui laisser de faille dans laquelle s’immiscer. Car il les connaissait, ses failles, de sa famille à son frère en passant par son boulot ou sa soit disante incapacité d’assurer. Il le savait tout ça. Alors il ne fallait pas qu’il parte au quart de tour comme d’habitude. Pas avec lui. Il résisterait. Livio ne valait pas la peine qu’on s’énerve pour lui. Et pourtant Dieu sait qu’il bouillait, principalement à cause de sa monstrueuse connerie, de son visage bien mit à mal par son poing de merde, et par tout le reste. Il méritait de souffrir lui aussi ! Ce fut pour ça qu’il lui attrapa le col pour lui cracher sa haine au visage. La retenue n’avait jamais été une des qualités principales de Valente.
- J’ai aussi des raisons de continuer à vivre, figure-toi. Te faire payer, jusqu’au bout. Jusqu’à ce que tu n’en puisses plus. Et aussi pour Lucia, que tu menaces sans hésiter avec tes grands airs fiers et droits.
Ce qui était sûr, c’était que ça allait le suivre un bon moment. Mais ça il ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Et même si c’était pour s’en être sorti, il n’aurait peut être pas du utiliser un moyen de pression aussi bas. Mais c’était le seul qui lui était venu à l’esprit pour le faire plier momentanément. Il avait réussi, mais au point de se faire mépriser profondément par le militaire, guère étonnant à vrai dire… Livio n’avait pas menacé Lucilla ou quelqu’un d’autre. Quoique il aurait apprécié qu’il menace Cristiano, qu’il le butte aussi, ça lui aurait fait des vacances, s’ils pouvaient s’entretuer aussi pourquoi pas à vrai dire. Il aurait été débarrassé de ses deux gros problèmes existentiels. Mais il préférait gérer le grand blond tout seul et son frère… Il préférait qu’il se fasse buter au fond d’une ruelle sombre. Mais ça impliquait de devoir prendre la succession. Et il avait beau dire que Cristiano avait toutes les chances du monde d’être né le premier. Il n’avait guère été préparé à prendre sa place et il préférait être plus libre de ses mouvements plutôt que d’avoir autant de responsabilités qui écrasaient son frère, même s’il faisait tout pour ne pas le montrer. Son frère avait beau lui dire qu’il était faible et le dernier des crétins, lui aussi avait des failles. Comme chacun d’entre nous. Et le jeu d’aujourd’hui consistait à exploiter tour à tour les siennes et celles de Livio. Ce n’était pas reluisant pour d’anciens amis si proches. Mais ils ne pouvaient communiquer que comme ça pour le moment. C’était ainsi. Faire souffrir. Il grimaça quand il le repoussa avec sa force habituelle, ne vacillant pas. Aïe bordel, son épaule, fait chier… Pour ça aussi tu le paieras. Pour tout le reste. Il n’imaginait même pas les courbatures le lendemain à vrai dire. Valente ne prit pas la posture miroir de son interlocuteur et prit le temps de se rallumer une cigarette, réveillant la douleur pulsante sur son poignet brûlé. Il tira quelques fois pour se calmer. Sans grand effet à vrai dire vu son état actuel. Il irait bien passer à tabac son frère pour se défouler mais bon. Pour sur que sur le coup ça ne le mènerait pas à grand-chose.
- Quel admirable grand frère. Tu as beau me connaitre, ne pense pas que tu me feras craquer aussi facilement. Et surtout sans combattre. Je n’attends que ça, que tu me fasses payer, pour que je puisse te le rendre au centuple.
- La ruine que j’ai provoquée ? Laisse-moi rire, tu m’as enlevé mon meilleur ami et tu t’amuses à venir me le rappeler perpétuellement. T’es qu’un con.
La seule chose qu’il pouvait noter là dedans, c’est qu’eux deux avaient au moins la même impression. Ils s’accusaient mutuellement de s’être fait prendre leur meilleur ami. Et ils en souffraient tous les deux. Il ne savait pas si c’était une bonne chose ou pas, mais c’était sûrement la seule chose sur laquelle ils étaient d’accord pour le moment. Le jeune mafieux continua de tirer sur sa clope en le regardant, son corps en miette, le visage en sang mais qui se mettait doucement à sécher. Tu parles d’une tête pour porter un deuil. Il n’y avait plus de respect dans Milan en ce moment. Il fallait mettre fin à cette discussion car c’était lui qui perdait pour le moment, même si ça le répugnait de le penser. Il n’aurait fallu que quelques autres coups à Livio pour le mettre à terre. Et ça il n’aurait clairement pas pu le supporter et péter un câble, être beaucoup moins mesuré. Et il ne voulait pas que ça dégénère comme ça malgré tout.
- Tu crois que te voir en connaissant notre passé me fait plaisir ? Je ne tire aucune satisfaction de tout ça.
Enfin un peu d’honnêteté Valente, il était temps.
- On forme un beau couple alors, car je n’en pense pas moins de toi.
Il jeta sa cigarette aux pieds de Livio. Non cette situation ne lui plaisait pas. Ce n’était que haine rancune, envie de faire souffrir et de rendre la pareille, de lui faire payer le poids de sa trahison. Alors qu’il y avait un mois à peine il était si heureux en sa compagnie. Alors ça serait stupide de se complaire dans cette situation insoutenable. Mais l’avouer ne voulait pas dire changer. Loin de là. Car Valente n’avait toujours pas l’intention, malgré ses pérégrinations mentales, d’en rester ici.
- Ce n’est pas fini Livio. Et je suis certain que je te croiserais malgré mon interdiction de venir ici. Et si c’est pour voir ce que je vois actuellement, je n’ai pas hâte.
Valente rajusta son chapeau par habitude. Prendre congé enfin… Il avait besoin d’une douche, d’un café, d’une longue longue nuit de sommeil… Et d’une discussion avec Lucilla.
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Sujet: Re: Ciao, mon coeur [PV] Dim 17 Juin - 16:08
Livio se sentait vraiment mal en point. Rares étaient ceux qui avaient réussis à l’amener à ce point de douleur, à la fois superficielle et sourde. Son bras le démangeait affreusement sous la blessure qui s’arrêtait déjà, rougissant sa peau d’une marque bien plus profonde que n’importe quelle autre cicatrice. Mais il n’y avait pas que ça. Son visage était tuméfié à présent, et clairement abimé. Sa lèvre gonflait à vue d’œil et offrait un spectacle assez peu réjouissant, tant elle se colorait d’un violet un peu trop évident. Les coups de poings de Valente avaient également laissés leurs traces, souvent plus légères, sur son visage et son corps. Il sentait ses muscles ankylosés à force de recevoir des coups qu’il ne cherchait plus à éviter. Des marques rouges, il en avait partout sur le corps. Hématomes qui prennent tout leur temps pour se dissoudre. Etrangement, Livio les aimait également. A une époque, il rêvait que son ancien meilleur ami lui fasse bien d’autres marques, mais celles-ci remplaçaient dans son esprit un peu tordu celles qu’il n’aurait jamais. Il se sentait lui appartenir par ces coups dont il le couvrait, et c’était un sentiment assez étrange. Jamais Livio n’avait courbé l’échine, devant personne. Aucun être humain n’avait pu prétendre le soumettre par la force, jamais. Et Valente y arrivait pourtant sans mal, et sans véritablement passer par la violence de ses attaques. Dans ce domaine, Livio le dépassait largement. Mais le fait de prendre son poing dans la mâchoire avait quelque chose de plaisant, quelque part.
Ils n’arrivaient plus à communiquer que comme cela, et Livio savait que tant qu’on lui laisserait la possibilité de se battre avec son ancien ami, alors tout ne serait pas fini entre eux. Parce que cela voulait dire qu’il intéressait, agaçait suffisamment Valente pour qu’il lui donne de son attention, et qu’il risque de blesser ce corps dont il était si fier, dont il se vantait tant. Pour la première fois de sa vie, Livio avait l’impression de se soumettre d’une manière ou d’une autre à son vis-à-vis. A quelqu’un. Chaque nouvelle marque était une preuve supplémentaire de l’envie de Valente de le dominer, de l’absorber tout entier. Et il en était content, quelque part, de susciter cette envie si dévorante. Parce qu’il ressentait la même en miroir, et chacun de ses gestes envers lui était fait dans l’optique de le dominer, à sa manière. Jamais il n’avait ressenti cet échange malsain avec quelqu’un, et il ne se serait jamais douté le vivre un jour avec l’ami qu’il chérissait tant. Et même si Livio regrettait plus que tout cette amitié perdue, cette complicité si chère à son cœur, l’actuelle position n’était pas aussi catastrophique qu’il aurait pu l’imaginer, n’est-ce pas ? Ils étaient en vie, et continuaient de se voir même si pour cela ils avaient besoin de se haïr. Livio avait bien conscience qu’il y avait un réel problème dans tout cela, et que rien de ce qu’il faisait n’était logique, voire même moral. Il se sentait en dessous de tout quand il s’avouait apprécier, malgré tout, la proximité conservée avec Valente même s’ils ne parlaient plus que par les coups.
D’autant plus que Livio le touchait ainsi presque plus qu’auparavant, et si cette idée le répugnait, et bien il fallait bien avouer que ses instincts refoulés l’appréciaient. En tout cas, ce ne serait pas lui qui mettra fin à cette relation malsaine, tordue et souillée par une vision déformée de la réalité. Tant pis pour les malentendus, tant pis pour la souffrance, tant pis pour son corps qui accueillait chaque coup de Valente avec un certain plaisir masochiste. Mais quand Valente le touchait, même avec de la haine au fond des yeux, Livio avait l’impression que tout irait bien. Il avait beau insulter son propre honneur en menaçant la famille Gianelli, Livio savait qu’il le lui pardonnerait et qu’à leur prochaine rencontre il ne lui en tiendrait plus rigueur. S’il avait été fou de rage sur l’instant, il savait bien pourquoi Val l’avait fait. Ne le cautionnait pas, ne le pardonnait pas –de toute façon il ne lui pardonnait rien-, mais il saisissait ce qui l’avait acculé à cette seule possibilité. C’était lui. Livio était responsable de cette menace aussi ridicule que déplacée. Et s’il n’en voulait qu’à son ancien ami, pour plus de commodités, le militaire se savait en faute dans toute cette histoire. Mais il ne céderait pas. Hors de question qu’il aille s’excuser platement pour tout en se flagellant et acceptant tous les reproches.
Car il s’était déjà excusé pour son erreur, mais refusait d’oublier celles de Valente. Et de toute manière, le jeune blond savait qu’il n’y avait aucune chance pour que tout redevienne comme avant. C’était la guerre perpétuelle, ou rien. Et Livio savait parfaitement ce qu’il préférait dans ce choix décisif, tout en ayant la ferme impression que Valente en était arrivé à la même conclusion. Sinon, le cadet des Genovese serait déjà loin, en train de commanditer un assassin pour lui régler son compte. Mais c’était plus ... profond qu’une simple rancune… Ils allaient tous deux bien plus loin ... Ce qui amenait Livio à se réjouir du fait que Valente ait utilisé un chantage aussi bas et ridiculement lâche avec lui. Parce que s’il ne l’avait pas fait, Livio aurait été obligé de le tuer. Il n’aurait eu aucune excuse pour baisser son poing, n’aurait pas pu reculer sans raison au vu de la haine qui crépitait entre eux. S’il n’avait pas dit cette monstrueuse connerie, Valente Genovese aurait du être mort à cet instant précis. Et Livio responsable de la mort d’un second fils Genovese, autant dire un homme mort avant l’heure. Sans parler des nombreuses tortures qui lui seraient infligées à lui, à ses proches, pour lui faire payer son erreur absolument innommable. On ne touchait pas à la mafia italienne, encore moins à cette famille milanaise qui avait la main mise sur beaucoup de points critiques. Comme le droit implicite de vie et de mort sur à peu près n’importe qui dans la région.
Mais le physique n’était pas le seul à se plier aux effets de leur rencontre. Livio, aussi assuré et droit qu’il semblait être, avait l’impression de se noyer, de manquer d’air et d’étouffer peu à peu. La simple vision de Valente, aussi loin, lui serrait le cœur. Il avait tellement envie de tout effacer pour le prendre par l’épaule, voire le dos, et enfin réaliser ce qui le hantait depuis des mois. Ce qu’il n’avait jamais osé faire. A présent, il ne risquait plus rien et l’aurait bien fait, pour ne pas mourir idiot. Histoire de voir s’il avait rêvé la teneur du baiser de Valente, de confirmer ses idées. Là, il savait qu’il aurait droit à une étreinte courte, non consentante. Ses lèvres se feraient déchiqueter par les crocs acérés du mafieux. Il en avait d’autant plus envie, et l’aurait sans doute réalisé si Valente n’avait pas franchi une ligne de trop en menaçant sa famille. Ça l’avait comme qui dirait refroidi. Et pourtant, en lui quelque part, continuait de pulser cette envie dévorante, cette impatience qui ne faisait que grandir en même temps que sa rancœur. C’était le seul sentiment qui lui restait de leur amitié, le reliquat de leur ancienne relation qui n’aurait pourtant pas du exister dans leur fraternelle amitié. Livio ne voulait pas s’en débarrasser comme ça, et se savait de toute façon incapable de rejeter cette envie secrète qui montait en lui à chaque fois qu’il le regardait. Il n’avait plus rien à perdre, à présent, et ce fantasme devenait presque envisageable. Une fois, rien qu’une fois, pour vérifier qu’il ne se montait pas la tête tout seul. Pour éprouver ce qu’il y avait à découvrir dans ce simple geste qui risquait de lui coûter sa vie.
Mais vu son état, il n’était plus à ça près, pas vrai ... Son sang perlait, en miroir à celui de Valente, et Livio essaya de l’essuyer du revers de la main mais il en revenait toujours. Sa bouche coulait d’un liquide épais, rougeâtre, et il ne trouvait rien de mieux que de se concentrer sur le sourire insupportable de Valente. Ce sourire qu’il aimait tant, quand il ne lui était pas destiné ....
- Je pensais que tu me connaissais un peu mieux que ça à vrai dire. Ce qui prouve que tu n’as rien compris au fonctionnement de ma famille. Alors ne prends pas tes grands airs en jouant sur les mots quand ça t’arrange. Tu méprises mon institution, je méprise la tienne. Excuse-moi d’avoir des sentiments et des sensations, tout le monde n’est pas un robot froid comme tu peux l’être.
La flèche fila droit dans le cœur de Livio, qui mit quelques secondes à s’en relever, mentalement. Un robot dépourvu d’émotions ? Est-ce que Valente l’avait un jour connu pour dire cela ? Le militaire se doutait bien que le but de son ancien ami était de le faire souffrir, quitte à employer le mensonge. Mais s’entendre reprocher sa froideur alors qu’il était justement le seul à parvenir à le dérider, c’était dur à entendre malgré tout. Valente était une des rares personnes en présence de qui il riait, se laissait aller, abandonnait la posture guindée qui avait pourtant conditionnée sa vie. Il laissait tomber le rôle pour redevenir l’homme, et c’était quelque chose de bien rare. Avec Valente, Livio avait été animé de tant de sentiments, d’impulsions. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, tout y passait. Avec lui, le jeune homme avait eu l’impression de trouver quelqu’un qui le connaissait. Qui décryptait ses plus petites expressions, sur un visage lisse qui avait appris à ne rien laisser paraitre. Valente pouvait déceler le moindre changement d’humeur de sa part, et il savait à quel point Livio était complexe sous les apparences.
Lui dire ça comme ça, c’était comme si Valente se proclamait à nouveau illustre inconnu. Qu’il refusait la connaissance qu’il avait de l’agent du GDP, préférant se positionner comme le premier ennemi qui passe et qui ne savait absolument rien sur Livio Gianelli. Il reniait chaque découverte, chaque moment passé ensemble durant lesquels Livio se livrait peu à peu pour le plus grand plaisir de son ami. Le militaire dû prendre sur lui, vraiment, pour ne pas réagir de manière trop puérile et montrer la souffrance que cela lui avait causé. Il essaya à son tour de sourire, sans grand résultat.
- Toi, des sentiments ? Tu n’es dicté que par ton père, et ce qu’il attend de toi. Tu préfères ne pas entendre mes excuses pour ce tragique incident et me jeter la pierre, parce que c’est ce que tu dois faire. Celui qui fait passer le travail avant le reste, c’est bien toi. Je ne t’autorise même pas à parler de notre amitié, tu ne sais pas ce que c’est.
Encore une clope. Décidemment, ce mec allait le tuer à sortir une cigarette à se griller dans un moment pareil. Pourtant, étonnamment, cela relâcha un peu la pression sur les épaules de Livio et il put se décontracter légèrement pour s’adosser au mur et enfin sentir la douleur physique affluer, courant le long de ses nerfs pour lui lacérer le cerveau d’informations douloureuses. S’adossant au mur, le militaire put doucement faire tourner ses articulations, appuyer un peu sur ses lèvres ouvertes, et respirer plus calmement. Après les poings, les mots. Livio sentait qu’ils allaient devenir experts dans ce domaine. Même si Valente était bien meilleur pour faire mal avec ses phrases aiguisées comme des lames de rasoir, et Livio davantage centré sur les dégâts physiques. Ceux qui peuvent guérir. Encore une fois, le militaire avait l’impression que son ancien ami était beaucoup plus injuste avec lui que l’inverse ...
- Quel admirable grand frère. Tu as beau me connaitre, ne pense pas que tu me feras craquer aussi facilement. Et surtout sans combattre. Je n’attends que ça, que tu me fasses payer, pour que je puisse te le rendre au centuple.
- Au moins tu es toujours autant capable de pêter plus haut que ton cul, hein. T’as aucune crédibilité en disant ça, ajouta-t-il en hochant les épaules d’un air blasé.
Lui rendre au centuple ? Voilà qui était une belle ambition, que Livio doutait Valente capable de tenir. Parce qu’il n’aurait de cesse de renchérir. Jusqu’à se détruire mutuellement si telle était l’issue de leur relation. Livio était préparé à tout, sauf à le perdre vraiment. Souffrir ne le dérangeait pas, tant qu’il pouvait répliquer. Même à terre, il sourirait encore en le provoquant pour qu’il en rajoute. Et n’aurait, de son côté, aucune autre pitié que celle de le laisser en vie. Entre eux, il n’y avait plus que ça. Le besoin que l’autre survive, pour que la colère puisse trouver une cible et s’y fixer avec acharnement.
- Tu crois que te voir en connaissant notre passé me fait plaisir ? Je ne tire aucune satisfaction de tout ça. On forme un beau couple alors, car je n’en pense pas moins de toi.
Livio regarda la cigarette s’écraser à ses pieds, les sourcils un peu levés d’un air moqueur. Puis il fixa de nouveau son ancien meilleur ami, actuellement meilleur ennemi. Où était la frontière, et finalement n’était-ce pas encore plus intense entre eux, comme ça ? C’est d’une voix moqueuse que Livio répondit, alors qu’il réajustait ses vêtements, retroussait sa manche brûlée et tentait de se recoiffer avec grimaces en sentant son corps ressentir les effets de sa petite séance de torture de la journée.
- Si tu n’aimais pas ça, Valente, je serai déjà froid. Tu aimes trouver un adversaire à ta hauteur, finalement. C’est ça qui te fait bander, hein. T’as jamais trouvé de résistance avec personne, et maintenant que je te maitrise totalement, tu parles déjà de couple ? Calme toi !
Son ton, jusque là grave et empli de haine, s’était fait plus cynique et bien plus moqueur. Il en était le premier surpris, mais réalisait que c’était un registre qui marchait plutôt bien, manifestement. Se moquer de lui lui faisait tout autant de bien que le frapper. Il en avait besoin, de cette ambiance tendue perpétuellement. Et si les poings s’apaisaient, il fallait que les langues s’activent pour rabaisser toujours l’autre, tenter de le soumettre. Aussi, quand Valente lui tira sa révérence en lui promettant une future rencontre, Livio garda ce même ton sur les lèvres.
- Pour ce que j’en fais, de ton interdiction. Et franchement, à ta place je me tairais. Regarde toi, tu es loin de tes costumes impeccables et de ton gominage pour cheveux.
Livio eut un petit sourire en coin, et de sa bouche s’échappa un bref éclat de rire. Cela n’avait pourtant rien d’amusant. Mais il était rassurant de voir qu’ils se déchiraient pour ne pas s’abandonner ...
C'est là dessus qu'il décida de quitter la scène. Gravant une dernière fois l'image de Valente abîmé et blessé dans sa mémoire, il lui lança un ultime regard méprisant avant de faire demi-tour. Essayant de ne pas boiter, il s'éloigna tant bien que mal jusqu'à la rue suivante où il profita d'un peu de calme retrouvé pour récupérer doucement des forces, et scruter sa cicatrice. Il l'aimait déjà, et la caressa en souriant en coin. Rien n'était fini. Ce n'était qu'un nouveau départ ...
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