Nemo réajusta le col de son pull. La pénombre était très fraîche et laissait présager une nuit glacée qu’agitaient déjà, les souffles venteux de l’orage. Il était gelé et la maigre prise qu’affirmait Raffaele sur son bras n’était pas pour le réchauffer, au contraire, à le tirer ainsi au devant des grandes façades noirâtres du « Manoir Dracula », elle lui donnait des sueurs froides. Nemo se maudit. Cette mise à l’épreuve était, encore, une de ses idées farfelues qu’il avait pris l’habitude de lancer au détour d’un bon petit déjeuner entre tartines, croissants et chocolat chaud. Jusqu’à présent, elles avaient apporté plus d’ennuis que de bien, mais Nemo ne pouvait s’en empêcher, dés qu’il en avait une sur le bout de la langue, il la disait. Et, Raffaele, -en dépit de tout bon sens- n’avait jamais refusé un pari. C’en était presque devenu un loisir quotidien. Cependant, alors qu’ils s’enfonçaient ensemble dans l’allée boueuse où seul régnait le croassement des corbeaux et le craquement sinistre des arbres morts, Nemo, se demandait si, cette fois, ils ne s’y casseraient pas quelques dents. La réputation de l’endroit était sans doute d’une morbidité surfaite, il n’empêchait que le jeune homme était terrifié. Il déglutit et avisa d’un œil inquiet les portes de la bâtisse se profilaient à l’horizon. Elles étaient immenses, faites d’un vieux bois que le temps avait moisit et pourrit aux moindres recoins. Aussi poussiéreuses que tassées par les siècles, c‘était un miracle qu‘elles ne se soient pas effondrées.
-Vraiment, vraiment parfait pour une nuit d‘Halloween. -murmura Nemo d’un ton couinant.-
On accédait à l’entrée, après un petit escalier sale et glissant. Le blond ralentit le pas et fit mine d‘essuyer ses chaussures crottées sur le gravier des marches. Il fit crisser les souliers noirs durant cinq bonnes minutes et prit même le temps de réajuster les manches de sa belle chemise blanche, spécialement revêtu pour l’occasion. En vérité, Nemo ne voulait pas avancer. Du courage, vil vantard, il ne possédait pas deux noises et seul, sa vanité, le retenait de prendre la poudre d‘escampette. Un long silence s’ensuivit et parce qu’il ne voulait pas se trahir davantage, Nemo enjoint Raffaele à continuer le premier.
-Bon, eh bien…Ne restons pas planté ! Ce n’est qu’un vieux château. -affirma-t-il plein d’assurance, c‘était à croire qu‘il n‘était pas l‘auteur de la courte pause.-
Nemo s‘éloigna de Raffaele, escalada le reste des marches en deux grandes enjambées et vint saisir la poignée orange-rouille des portes, d‘un frisson. Il aurait juré avoir entendu le bois supplicié murmurer.
« Faites que ce soit condamné ! » -pria-t-il en son for intérieur tandis qu’il poussait les portes sans résultat, puis les tirer.
Sous la traction de son bras, les battants cédèrent d’un son mal huilé et douloureux à l’oreille. A la pâle lueur de la lune montante, l’intérieur apparut sous la forme d’un immense hall désertique, aux contours incertains. Par-dessus son épaule, Nemo adressa un regard nerveux à Raffaele. Il avait l’impression d’être envoyé en Enfer.