Tu t’appelles Camille. Tu t’appelles Shin.
Tu t’appelles Maddox.
Tu as 22 ans. 24. 26 ?
Tu es né à Rome. Tu es né à Milan ou peut-être Gênes.

Cette histoire commence là où une autre se termine. Tu troques Maddox pour Camille. Tu échanges Shin pour Santeria. Tu te réinventes une vie pour oublier l’ancienne. Tu souhaites une autre existence, neuve, vierge de toute blessure. Quelque chose de simple. Tu fais table rase de tes souvenirs, tu effaces. Nouveau disque dur, plus rien en mémoire. Du moins, c’est ce à quoi tu aspires.

Juillet 2026, tu pars pour la Capitale. Tu t’appelles Camille Santeria, tu as 22 ans, tu es verseau et ton plat préféré est. Ta couleur favorite est. Les livres de ton chevet sont. Tu n’écoutes pas de musique, tu choisi le silence. Tu as arrêté de fumer. Tu as arrêté de te droguer. Tu travailles dans une boutique de prêt-à-porter. Tu sors le soir avec deux trois amis. Tu rencontres des filles, tu penses apprécier l’une d’elle.

Août 2026, Rome toujours. Au détour d’une rue tu sembles reconnaître quelqu’un. Comme une ombre dont tu connais l’identité, dont tu veux te rappeler. Et l’idée s’insinue dans ton esprit. Comme un virus, elle se propage, te parasite, te rend malade. En quelques jours, elle a réussit à te paralyser. Tu n’as pas l’habitude. Tes vies précédentes n’étaient jamais si persistantes. Tu n’arrives plus à lutter, tu recommences à te souvenir. Milan. Saki. Erwin. Vito. Sôma. Neth. Sen. Et cette ombre qui recouvre toutes les autres, cette ombre qui t’empoisonne jusqu’à la moelle, qui t’obsède sans répit. Caïn.

Et le vide de ton cœur s’accentue. Ta poitrine te brule à en crever. Il est le seul pour lequel tu te souviennes de tout. Ses traits. Son odeur. Sa voix. Ses gestes. Ses coups. Ses mots. Tu te rappelles de l’origine de toutes tes cicatrices. Tu te rappelles de l’origine de tes souffrances. Tu te souviens de la raison qui t’avait poussé à partir.

Ces pages sont ton histoire, ta mémoire, celle qui persiste, celle que tu n’as pas encore oublié.

Et tandis que les paysages défilent, tandis que la fumée s’empare de ma gorge et qu’on m’arrache le cœur, je ne pense qu’à Lui. Amour. Poison. Prison. Exile. Échappatoire. Je l’ai tellement détesté qu’il me fallait le tuer, le voir disparaître. Mais Maddox est lâche. Pas de courage, l’idée n’a fait que lui effleurer l’esprit. A l’époque, je n’étais pas épris de Saki comme je le serais de son amant. Je me suis attaché à elle en me rendant compte que c’était la source de mes problèmes. C’est ce qui me tenait éveillé. Comment un mec comme Maddox a-t-il réussît à rester en vie pendant tout ces années ? Ta gueule Saki, tais-toi, arrête de me parler de lui, de combien il compte pour toi. Ne reviens plus couverte de coups, ne reviens plus marquée de son amour néfaste. Ne reviens plus du tout. Pour ton bien, pour le mien.

Et si tu pensais tout fini, si tu croyais ton heure arrivée, encore une fois, tu te trompes, pauvre ignorant que tu es. Tu ne comprends pas sur quoi repose ta vie, comment elle tient encore dans cette réalité. Sans fondement, tu tombes de haut. Tu cherches les problèmes pour sentir ton cœur vibrer au son des coups. Tu feins la fuite. Et ton reflet se ternit dans la glace. Tu pers toute contenance au point de ne plus savoir quel est la place que l’on t’a attribué.

A ses côtés, tu t’appelles Vérité. Shin. Et si le dessin dans ton dos est là pour te rappeler ton passé, tu l’adores subitement quand il passe ses doigts dessus. Amour. Je m’accroche à toi avec la volonté du désespéré. Car c’est là, contre ton corps que je me sens le plus fort. Et chacun de tes gestes, même le plus terrible provoque un ouragan dans ma tête. Ne songe même pas à l’éventualité de me faire dégager, la seule solution serait de me tuer.

Il ne s’y résoudra pas, et tandis qu’il exhorte les râles de l’agonie, Maddox touche au bonheur du bout des doigts. Tu es à moi, une partie de moi. A la vie, a la mort. Si tu crèves, je pars avec toi. Le choix est vite fait. Tu ne te rends pas compte de combien je t’aime, de tout ce dont je serais capable si tu me le demandais. Tu sais, avec toi, je pourrais vraiment devenir quelqu’un de bien. Mieux, j’irais défier les dieux, j’irais mourir heureux. Le fil s’écoule mais on perd déjà le sens de cette histoire là.

Si tu pars, j’irais mourir comme Juliette, aussi con et désespéré. Entre folie et réalité ; Tyler. Si je m’écoutais, je te mettrais en cage, je te pousserais d’un pont, je te ferais jurer fidélité. Allégeance. Dépendance. Ne m’en veux pas si je te dis ça. Ne m’accuse pas de n’importe quoi. Et ton corps réclame le sien. Tu te dis que l’Enfer serait doux à côté de son absence, que s’il venait à disparaître, tu devrais en faire de même. Chaque seconde loin de lui ressemble à une nuit de torture. Mais c’est la nuit qu’il est beau de croire en cette lumière. Et durant ces instants là, tu te rends compte plus fort encore à quel point il a envouté ton cœur, charmé ton esprit, empoisonné tes pensés. Tu sais tes paroles sincères, peut-être pour la première fois. Tu n’as pas peur de l’étouffer avec ton amour pour qu’il l’accepte, qu’il fasse avec et y réponde un jour peut-être.

Et pourtant, certain continuent à se dire que cet amour est aberrant, qu’il dépasse le raisonnable. On te dit ça, à toi. Mais tu ne relèves pas. Peuvent-ils seulement comprendre la lumière qu’il t’apporte ? Peuvent-ils espérer toucher du doigt ce que tu ressens pour lui ? Et tu auras beau leur expliquer que toutes les parcelles de ton corps sont attirées par son être, que même sa haine est désirable, qu’il ne t’en faudrait pas plus pour vivre encore cent ans, leur perplexité t’exaspère. Fermez vos gueules, allez vous-en, ne venez pas m’emmerder.

Il est ce qui te tient en vie, ce qui t’attache au monde et te donne un semblant d’existence. Il est ami, amant, amour. Il est ton ciel et ta terre. Il est ton air, ton eau. Il est tes pensées, tes désires, tes choix, tes ambitions. Il est ton paradoxe. Il est le rose de tes joues, l’étincelle dans tes yeux, l’empressement de tes mains, le sourire sur ton visage. Il est ta chaleur. Il est ton héroïne. Il est ton passé, ton présent et ton futur. Il est ton envie viscérale de continuer. Il est ta raison de tuer. Il est ton cyanure, ton oxygène. Il est ton Soleil et ta Lune. Il t’est plus précieux que n’importe quel personne sur cette Terre. Il est ton Coran, ta Torah et ta Bible. Son nom compose ton Mantra. Il s’appelle Caïn.

Oui mais voilà. Caïn part, Caïn s’en va. Et ta douleur s’accentue, ton souffle se perd dans la nuit. C’est là, je crois, que l’histoire, cette histoire, commence vraiment, parce que tu prends une décision, tu choisis ta fuite : l’oubli. Tu te dis qu’il est préférable de tout effacer, même Maddox et Shin, même Milan, même tes amis, même Lui. Tu te dis qu’il est plus facile de vivre dans un monde où il n’existe pas que d’avoir à supporter son absence, ce vide dans ta vie, dans ton cœur.

Et tu deviens Camille Santeria.