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 Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]

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Cassidi Natale [Othello]

Cassidi Natale [Othello]

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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeLun 16 Mai - 13:58

Lorsque l’on dormait à poings fermés, il était rare que l’on ait conscience de profiter au maximum de profiter de cet état de semi-coma. A la rigueur, on constatait cela au réveil ; on le devinait à l’état détendu de ses muscles, à la certitude d’avoir sommeillé d’une traite, sans souffrir d’une panne de marchand de sable durant la nuit. Cassidi semblait bien partie dans cette direction, et sans doute aurait-elle atteint le terminus si un certain rugaru n’avait pas profité de l’instant pour passer à l’action.
La jeune femme, en temps normal, ne dormait pourtant presque jamais sur ses deux oreilles. Il y a avait toujours chez elle, indépendant de sa volonté, un infime fragment de conscience se refusant à baisser la garde. A lâcher prise. Alors elle rejoignait le pays des rêves, oui, mais à la manière des alpinistes – bien assurée par une corde qui se tendrait au moindre problème, afin de la ramener sur Terre. D’ailleurs, si elle n’avait pas été si fatiguée, il n’aurait fait aucun doute que Cassie aurait glissé un revolver sous son oreiller, un peu comme le faisaient les gamins avec leurs dents de lait en attendant la petite souris. Manque de pot, Cass avait oublié le flingue. Le monstre choisit toutefois d’être sympa ; pistolet ou non, dent ou pas, il passa tout de même. Charitable, le type.

Avant que ses crocs ne se referment sur l’épaule de Cassidi, il y eut une infime déchirure dans le temps, un fragment de seconde plus poli qu’un autre, plus éclatant aussi, où la chair ne fut que frôlée par la dentition. Comme une caresse oubliée là par un amant de passage, comme un baiser volé ; ce fut si bref que l’instant se perdit, humilié qu’il l’était par la jubilation des secondes. Pourtant, pourtant, Cassie ouvrit les yeux à cet exact moment. Et si elle n’identifia pas le problème, pas plus qu’elle ne comprit ce qui allait lui tomber dessus, elle put pleinement profiter, bien éveillée, de la douleur qui explosa dans son épaule. En fait, ce fut bien mieux que cela : de cette dernière, elle saisit la moindre nuance, le plus ténu des accents, et la réalité revêtit une robe carmine qu’elle ne lui avait encore jamais vue sur le dos.
Le monde explosa à ses yeux. Plus rien ne subsistait, si ce n’étaient la fatalité de l’épreuve et la certitude d’avoir toqué à la mauvaise porte du destin. Il n’y avait plus qu’une petite fenêtre libre que sa conscience maintenait ouverte ; de là, la jeune femme pouvait survoler les évènements. Et encore, ce n’était pas si clair. Ce qu’elle avait vaguement connaissance d’observer semblait imperméable à son regard, et finalement, il n’y avait pas grand-chose qu’elle put saisir. Le clair-obscur ciselait un visage à quelques centimètres du sien, un poids pesait sur son corps — quelque chose, oui quelque chose s’acharnait sur la chair de son épaule. Lorsqu’un son parvint à Cassidi, achevant d’écorcher ses sens malmenés, il lui fallut un moment avant de comprendre qu’il s’agissait de son propre cri.

Et soudain, le tangible de la situation la rattrapa. Le monstre. Un terme simple, qui fit l’effet d’une seconde bombe H dans son esprit. Alors elle hurla, se débattit, sacrifia toute son énergie dans des tentatives pour se dégager de l’emprise de la créature, cependant que celle-ci la plaquait de plus belle sur le matelas. Cassie paniqua, purement et simplement. Elle céda à ce sentiment qui vous privait de toute maîtrise ; elle y versa comme ce sang qu’elle sentait lui échapper, fuir, laisser sa place à l’horreur. Et elle découvrit, sous le voile rouge, une cathédrale de vérités. Un peu comme si un type les avait laissées là à son attention. Elle découvrit que l’adrénaline ne suffisait pas à faire mentir les statistiques. Elle découvrit qu’il existait un stade où un larynx, à force de peur, de contorsions musculaires et de vasoconstrictions secondaires à une élévation de la tension artérielle, échappait au contrôle de son propriétaire. Tant et si bien qu’elle s’était déjà tue quand le meurtrier la bâillonna d’une main griffue.
La suite parut confuse à la victime. Le silence, loin d’être revenu, brillait par son absence. Elle n’entendait plus que les battements affolés de son cœur. L’écho assourdi des coups qu’elle assenait à l’agresseur. La mastication appliquée du monstre penché sur elle. Ce dernier ne s’était pas embarrassé de fioritures en la muselant ; et l’air, d’abord raréfié, avait cessé de lui parvenir, pour ne plus constituer qu’un souvenir. Mais les pensées, elles, se bousculaient dans sa tête. Elles étaient plus claires que jamais, à leur façon. Plus colorées. Il n’y avait plus de place pour les doutes et autres interrogations d’ordre existentiel. Seule une regrettable conscience des choses subsistait, doublée d’une lucidité qui ne se connaissait pas d’exutoire.
Il y avait les crocs, il y avait la douleur. Il y avait la chair que l’émail fouillait, fouaillait de son biseau ; il y avait l’ombre de la Faucheuse qui s’invitait à la scène. Et elle devait rire, rire de voir Cassidi se tortiller — comme si cela allait dévier la course de sa petite existence ! Comme si ç’allait changer quelque chose à l’état de ses muscles. Comme si ç’allait ressusciter le deltoïde et le trapèze, clamper les veines mises à mal par l’assaut. Mais ce n’était pas là l’ensemble du tableau, ce n’était pas là toute l’image qu’une main avait peinte dans le sang. Parce qu’il y avait la peur, aussi. Les loups-garous. Les wendigos tapis dans les grottes. Les polymorphes au sourire gouailleur. Les démons. Les monstres sous le lit. Les croque-mitaines dans les placards. Les yeux jaunes dans les conduites d’aération. C’était là ce qui se tramait sous le crâne de Cassie : un spectre consistant, venu remplacer l’hémoglobine perdue et glacer son âme.

Milo !

Puis tout alla très vite. A l’horloge, la trotteuse retrouva sa vigueur ; le temps, lui, reprit son vol. Et soudain, Cassidi se retrouva seule sur le matelas. Quelques bruits sourds lui parvinrent. Elle entrevit, par-delà la brume rouge, la silhouette de son frère aux prises avec une autre, plus imposante, qu’elle identifia comme l’agresseur. Mais Cassie n’en était pas sûre. Elle ne parvenait pas à focaliser son attention sur la lutte s’étant engagée à quelques mètres d’elle. Elle ne vit pas Milo sortir son arme, ni la bête prendre la fuite. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’un linceul l’enveloppait d’un voile chaud, chaud comme l’hémoglobine dont s’abreuvaient les draps.

L’instinct lui commandait de quitter le lit, d’abandonner les draps souillés de sang, pour aller s’enfermer dans la salle de bains. A double tour et recroquevillée sur elle-même. Elle n’en fut pas capable. Ce fut tout juste si elle put remuer un orteil ; son bras valide, en revanche, se déplaça de façon à ce qu’elle atteigne, du bout des doigts, la zone de chair endommagée. La bile lui monta aux lèvres lorsque son index épousa les contours de ce qui ressemblait à des fossés. Cassidi comprit, en outre, que le ruissellement glacé sur ses joues devait être des larmes. Et ce cœur qui ne se calmait pas, et cette pompe qui s’emballait encore, lui ôtant la vue et la reléguant au rang de poupée de son.
Et soudain Milo fut là, assis à ses côtés, à répéter son surnom, à l’interroger sur son état de santé — ses traits lui apparaissaient vaguement. Ne pose pas de questions débiles, voulait-elle lui dire. Mais ne t’inquiète pas trop. Arrête de tirer cette tête-là. Une lampe s’alluma. Dans sa confusion, Cassie sut que son aîné s’inquiétait de ce qui restait de son épaule. Si tu me dis que oui, ça va aller, je te croirai. « Oui », c’est rassurant. Elle faisait confiance à son frère. Si tu ajoutes « absolument », je t’en voudrai. « Absolument », c’est tout sauf rassurant. Toujours indistinctement, elle pouvait entendre Milo évoquer un médecin, la rassurer, parler à des gens. Elle profita de ce qu’il nouait un pan de tissu autour de la blessure pour fermer les yeux, l’espace d’un instant. Le temps de récupérer un peu.

Lorsqu’elle les rouvrit, Cassidi se sentait un peu mieux. Le visage de Milo lui apparaissait plus distinctement et, comprit-elle, l’état de choc s’estompait. L’état de torpeur demeurait, elle avait toujours la sensation d’évoluer dans un monde cotonneux, mais elle retrouvait une conscience moins aiguë de ce qui pouvait se passer autour d’elle. Un peu comme si la caméra s’éloignait afin d’englober la scène dans son ensemble, ou que la part d’attention accordée par son cerveau à un détail — le feu dans ses membres — passait par le filtre de la réalité. Mais elle n’eut pas la bêtise de bouger. Elle savait que c’était certainement la chose la plus débile à faire dans ces circonstances, d’autant qu’un médecin semblait en chemin pour le motel. Alors elle s’appliqua à demeurer éveillée, à sourire à son aîné ; un murmure lui échappa même, inaudible mais synonyme de remerciement.
Intérieurement pourtant, elle tremblait encore. Les couvertures pesant sur son corps ne suffisaient pas à dissiper ses frissons. Elle savait les crocs disparus. Elle ne comprenait juste pas pourquoi le froid, lui, s’acharnait à la dévorer ; sur ses pieds, sur sa tête et partout, la glace, le givre, le gel. Il y avait beau n’y avoir que quelques mètres entre Milo et elle, elle ne parvenait pas à se sentir rassurée — même en sachant la créature partie. Les Wincessero avaient eu affaire à des monstres au point d’être incapables d’énumérer les situations où cela s’était produit, et souvent, ç’avait été physique. L’un comme l’autre, ils avaient reçu leur lot d’ecchymoses, de coupures, ou même des plaies plus sérieuses. Ils avaient l’habitude. Cassidi n’avait jamais trouvé spécialement traumatisant d’être prise à la gorge par un truc comme un démon. Toutefois, il y avait une différence entre s’attendre à une attaque et se faire presque égorger dans son sommeil. Une sacrée différence, qui faisait tout le jeu de l’état d’esprit de Cassie.

La visite du médecin raidit un peu plus la jeune femme. Oh, pas qu’il ait l’air méchant. Il se présenta, Chuck Profete. Son visage chevalin, les pattes d’oie autour de ses yeux alors qu’il lui souriait, la voix douce dont il usa pour lui parler ; tout poussait à lui accorder sa confiance. Sauf que Cassidi n’était pas exactement partante pour qu’un inconnu s’occupe d’elle. A la rigueur, elle préférait encore se vider de son sang, tant que cela n’impliquait pas de se justifier auprès d’un type avec un nom bizarre. Et le soignant devait posséder un certain sens de l’empathie, car il n’insista pas vraiment. Il se contenta d’une vague explication à propos de la bête qui avait attaqué les filles dans les journaux. Pendant ce temps, Milo discutait avec Nerilla.
Profete fit son boulot sans investir la sphère privée de Cass autrement que par les soins qu’il prodigua. Les plaies, localisées à la base du cou et au niveau du galbe de l’épaule, étaient profondes ; il les nettoya à l’eau claire, à l’aide de compresses stériles, qu’il appuya fermement sur les zones concernées. Au terme de quoi Cassidi fut étonnée et rassurée de constater que le flot de sang finit par se tarir, même si les draps témoignaient de la quantité perdue. Une fois que le médecin eut désinfecté au moyen d’un antiseptique, il constitua des pansements solides. Cassie lui assura que ses vaccins étaient à jour et, après qu’elle ait mentionné faire partie de l’AISI, Profete parut rasséréné.

« La peau a été largement arrachée, expliqua-t-il, sûrement très content d’avancer cet état de fait. Et même si ça semble impressionnant, ça n’est pas si grave. Ça reste globalement superficiel, hormis concernant deux ou trois petites zones que les crocs ont mieux imprégnées. J’ai fait ce que je pouvais pour désinfecter, mais je —
—Je n’ai pas le temps de me rendre à l’hôpital,
coupa Cassidi.
—D’accord. Libre à vous, je ne peux pas vous y forcer. Néanmoins, je vous conseille de consulter un médecin au cours des vingt-quatre prochaines heures, afin de vérifier que ça ne dégénère pas. Des points de suture n’ont pas l’air très utiles, et c’est tout aussi bien, mais mieux vaut se méfier, mademoiselle Laslos. »

Cassidi hocha la tête, en coulant un regard à son frère. Elle préférait éviter de laisser une trace trop tangible du passage des agents Laslos et Almeida. Chuck Profete confia à Milo un kit de compresses, d’antiseptiques et de nécessaire à pansements, en lui expliquant comment changer ces derniers et à quels moments. Il déconseilla à Cassie l’usage d’anti-inflammatoires, déconseillées lors d’un saignement prolongé, et lui fila une boîte d’antalgiques plus adaptés à sa condition. Il ajouta qu’il fallait qu’elle se repose et que, en cas de douleur trop aiguë, il était impératif qu’elle se présente dans un centre de traitement des infections. Luce Laslos assura qu’elle comprenait. Et enfin, avant de quitter les lieux, Profete laissa sur la table de chevet un tube de comprimés. « N’hésitez pas à en prendre un si vous vous sentez anormalement stressée. » Cassidi eut un sourire tendu. Il n’y avait pas de raison pour, voyons.

Enfin, les frère et sœur se retrouvèrent seuls. L’agitation dans le motel était visiblement retombée. La porte refermée, Cass se leva, prudemment, et enfila un pantalon sous son débardeur, histoire de cesser de claquer des dents. Elle retourna à son lit, s’y assit en tailleur ; après quoi elle dévisagea Milo en triturant les pansements.

« Merci, lui lança-t-elle. Vraiment. J’ai cru que j’allais y passer. Donc merci. » Sa voix tremblait un peu et elle se savait au bord des larmes. Elle s’en foutait. Elle changea de sujet, sans doute afin d’éviter à Milo un instant de gêne, qui aurait requis une étreinte de sa part. « Tu as pu parler à Robertazzo, alors ? »

Elle ne s’était pas départie du sourire par lequel elle avait répondu à Profete à la mention du stress post-traumatique. Elle savait que Milo verrait au-delà — elle le savait bien. Et pourtant, c’était plus facile comme ça. Même si ça supposait de se mentir à soi-même.


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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeLun 16 Mai - 19:57

Milo du faire appel à des choses qu’il ne se soupçonnait pas, ou plutôt que les gens ne soupçonnaient pas, afin de rassurer sa sœur toute tremblante. Il cacha une colère exponentielle sous une voix plus douce que d’ordinaire pour lui dire des mots dont il ne se rappelait plus une minute plus tard. De toute façon, il aurait parié que Cassie ne l’écoutait pas vraiment, bien qu’elle le regardât de temps à autre. Très vite à court de paroles réconfortantes, il entreprit de la couvrir de son épais manteau d’agent Almeida et s’occupa d’elle jusqu’à l’arrivée du médecin, un type répondant au nom improbable de Chuck Profete. Après lui avoir brièvement expliqué la situation, il lui confia Cassidi, à qui il se contenta de dire qu’il reviendrait bien vite. Milo aurait pu faire une blague cocasse à l’humour évolué en lui recommandant de ne pas mordre le médecin, mais en plus du fait qu’il n’était pas du genre à plaisanter d’un ton léger, cela lui semblait d’assez mauvais goût. Aussi relégua-t-il cette improbable idée au rang de pensée mort-née redevenue poussière dans les tréfonds de sa boite crânienne avant d’aller s’acquitter de tâches encore plus contraignantes ; rassurer le proprio, lui expliquer la situation en révélant le moins d’informations possibles, gérer Nerilla qui devait depuis être au courant et trépigner à l’autre bout du fil.

Il était hors de question que le commissaire et sa bande rapplique alors qu’il était au moins vingt-trois heures et que Cassidi mourrait de fatigue. Elle avait besoin de se reposer et de se ressourcer après l’épreuve et de toute façon, Milo s’estimait parfaitement capable de gérer la situation tout seul. Aussi pria-t-il poliment le policier de ne pas intervenir ce soir, de rester dans son lit douillet auprès de sa charmante femme et de ne s’inquiéter de rien. Il y avait eu plus de peur que de mal et la bête avait dû profiter de la nuit pour se cacher ; ils ne la retrouveraient pas, même avec une battue. Lorsque Nerilla demanda quelques détails supplémentaires sur l’agresseur, Milo resta très vague, arguant la pénombre pour ne pas compromettre l’existence du rugaru. Il ne voyait pas très bien comment expliquer le phénomène à son interlocuteur, même si ce dernier était compétent et ouvert d’esprit. De plus, il préférait éviter toute discussion prolongée. Sa couverture pouvait craquer à n’importe quel moment et tant qu’à faire, Milo préférait rester un ou deux jours de plus, juste le temps qu’il fallait avant l’arrivée des véritables agents de l’AISI, pour trouver la bête, la tuer et pour permettre à Cassidi de se remettre. Là, il ne se voyait pas trop lui faire subir les affres d’une conduite de nuit. Il remercia néanmoins Nerilla pour sa sollicitude et lui promit de le laisser faire son enquête le lendemain matin. Puis il raccrocha –il avait dû torpiller son budget téléphone en une soirée-. Son regard tomba sur sa main. Et sur l’autre. Elles étaient pleines du sang de Cassidi, transformé en fine pellicule qui s’effritait dès que l’on grattait un peu. Il gagna alors la salle de bain pour se laver les mains tandis que le docteur Profete en finissait avec ses soins.

A vrai dire, il ne se sentait pas très bien. Cela n’avait rien à voir avec la douleur sourde qui s’installait dans sa mâchoire sous la forme d’un hématome noirâtre. Il pensait à Cassidi, dans un mélange d’angoisse concrétisé après sa discussion avec Robertazzo et d’émotions post-accidentelles. Il avait eu peur pour elle, vraiment. Pas le genre d’inquiétude qu’il pouvait avoir pour sa propre personne quand il était condamné à ramper dans un boyau sombre à la recherche de on ne sait quelle immondice. Mais la crainte viscérale et dévorante de voir sa sœur en danger, en danger de mort. Il aurait du avoir l’habitude avec toutes ces chasses plus dangereuses les unes que les autres. Cassie se prenait autant que lui des pains monumentaux, des coups divers, des balles ou des éclats de verres quand ce n’était pas des blessures d’origine plus exotique. Mais même lorsqu’ils étaient aux prises avec chacun un ennemi, il ne s’en faisait pas vraiment. Il avait confiance en ses capacités, en la force de son poing et en ses talents de tireuse. Et parce qu’il était présent, aussi. A côté, prêt à intervenir, supervisant du coin de l’œil ce qui se passait. Doté de la capacité à l’aider. Capacité qu’il ne possédait pas quand il était absent et en l’occurrence, il l’avait presque été. Que ce serait-il passé si Milo avait choisi de rester en bas, dans le salon, à conter fleurette à la barman ? S’il était parti se coucher, ou si… Enfin bref, s’il n’avait pas été devant la porte au moment même où le cri de Cassie retentissait ? Ce son strident lui vrillerait les tympans longuement encore, bien après que les ondes se soient évanouies. Peut-être était-ce ça, la différence. Entre une bagarre « normale » et ce qui venait d’arriver. Dans le premier cas, Cassidi ne criait pas. Outre cette peur, il y avait celle de l’avoir vu blessée, couverte de sang, l’épaule bien mal en point, le regard hagard. Ces visions qui vous hantaient et qui bordaient vos cauchemars ; la crainte toujours proche d’avoir un jour à voir Cassie allongée sur le sol, livide, les yeux à peine entrouverts, un filet de sang coulant le long de ses lèvres. Et de, une fois encore, ne rien pouvoir faire ; car il serait trop tard.

A cela se superposait, par intermittence, dès qu’il fermait les paupières, le souvenir d’une face véreuse congestionnée, tellement blanche qu’elle en paraissait grisâtre et dont le bas était barbouillé de sang. De ces veines bleutées qui saillaient sous la peau tendue. De ces iris très clairs, cerclés de noir comme celles des chats, assombries par une idée bestiale et obsessionnelle. De la langue luisante et poisseuse d’hémoglobine qui jurait avec les lèvres desséchées couleur craie, entourée d’une rangé de dents pourries.

En fait, Milo n’en avait pas vraiment eu peur. Ca, ce genre de créatures, il connaissait. Il était blasé par leurs apparences, comme quelqu’un écœuré des thrillers après en avoir trop vu et connaissant par cœur chaque scénario possible, chaque ressort, chaque élément caractéristique. Mais dans de ce visage, il reconnaissait celui de l’agresseur, celui qui avait failli le lui enlever Cassidi. Celui qui avait été autrefois un humain et par un comportement anormal, s’était écarté de la voie que lui dictait la nature. Il s’est laissé tenter et il a payé. Il ne redeviendra jamais un homme. Il n’en est plus un. Ce faciès, en réalité, était celui qui se postait au bout d’un chemin, le masque qu’il faudrait revêtir et qui collerait bientôt à la peau. Qu’il serait désormais impossible d’enlever. Et ce chemin… Etait-ce celui qu’empruntait Cassidi ? Voilà, Milo l’avait fait. Il l’avait dit, pensé. Oui, c’était ce qu’il craignait en outre mesure, ce qui accentuait sa sensation d’étouffer. Ce petit bout d’angoisse lui serrant la gorge, qu’il avait eue au téléphone avec Robertazzo. La cerise sur le gâteau de l’horreur.

Milo prit son temps. L’eau glacée qui jaillissait du robinet avait quelque chose d’apaisant qui lui permettait de se recentrer. De combler la légère fissure, de consolider le mur lézardé. Milo n’aimait pas se sentir brusquement fragilisé. Les traces écarlates disparurent bientôt, emportées par le flot. Il garda les mains sous le jet plusieurs minutes avant de tourner la poignée et de s’adosser au mur de l’étroite pièce. Ses yeux se fermèrent. Cassie allait bien, c’était l’essentiel. Il avait vraiment cru, pendant de douloureuses secondes, que ce fluide épais provenait de son cou. Que son souffle s’était tari en même temps que ses actions. Qu’il était intervenu trop tard, que la gorge était ouverte, que la plaie béante laissait échapper la vie de sa sœur adorée. Bâtard. Sale bâtard. Milo le retrouverait, il lui ferait sa peau –littéralement, avec un couteau- et verserait du sel sur ce qui resterait. Après quoi, il le ferait rôtir tel un immense gigot pascal, assaisonné à point.

Il n’avait pas menti lorsqu’il avait expliqué à Nerilla que peu importe ce qu’ils feraient, ils ne retrouveraient pas le rugaru cette nuit. Ces bêtes étaient passées maîtres dans l’art de se camoufler, de se cacher et de se faire oublier. Un wendigo, par exemple, était extrêmement discret. De plus, le noir était leur élément ; elles se fondaient dedans, une fois le forfait accompli, et pouvaient aisément vous semer, vous pister, vous traquez et vous piégez tout en vous faisant croire que durant tout ce temps, vous dominiez la situation. Mario avait du se terrer dans une cachette soigneusement préparée avant. Etre obsédé par la nourriture ne signifiait pas qu’il était devenu abruti.

Ah oui ; Milo avait bien reconnu le visage du sympathique boucher dans les traits du monstre. Aucun doute n’était possible. C’était logique, après tout ; il s’en voulait de ne pas avoir réalisé plus tôt, ou de ne pas avoir accordé autant de crédits qu’il l’aurait fallu à cette théorie. La bouchère avait été la première à y passer ; la chambre froide avait été vidée. On n’avait pas retrouvé le corps du mari. Chacune des victimes étaient passées au moins une fois dans la boucherie auparavant. Bien sûr que c’était Mario. Il répondait aux descriptions, correspondait aux empreintes. Ainsi, la seule chose positive que l’on pouvait tirer de cette soirée, c’était d’avoir un coupable désigné, autant par sa nature que par son nom. Dès demain, Milo irait acheter le nécessaire pour tuer le rugaru et n’aurait plus qu’à le débusquer.
Il se massa les tempes ; la pulpe de ses doigts était glacée. Enfin, après un instant de réflexion, il quitta le local exigu pour retrouver Chuck Profete et Cassidi dans la pièce voisine. Il s’approcha du lit où se trouvait toujours sa sœur, et se sentit rassuré à la vu des bandages propres qui couvraient désormais son encolure. Le doc’ avait fait du bon boulot. Les Wincessero, abonnés aux coups et blessures, avaient depuis longtemps appris à faire les soins maisons. On n’avait pas forcément le temps ou l’occasion d’appeler un médecin. Ni l’envie d’expliquer d’où provenaient les étranges plaies. Bonjour monsieur, je viens de me faire boxer par un démon qui m’a démit le bras, vous ne voudriez pas tout remettre en place et envoyer la facture à mon assurance ? Alors, à moins qu’un camion ne leur passe sur le corps –et, hélas, c’était déjà arrivé- et que leur état soit vraiment inquiétant, Milo et Cassidi ne fréquentaient pas les hôpitaux et le corps médical qui allait avec. Ils possédaient leur brevet des premiers secours aux chasseurs ; le fil pour se recoudre, la pince pour retirer l’éclat ou la balle, le pansement et le mercurochrome. Hop. Vite fait… bien fait ? En tous cas, à part leurs collections de cicatrices, ils n’avaient pas à se plaindre.

Dans le cas présent, Milo préférait voir Cassidi entre de bonnes mains qui veilleraient à la bonne guérison de son épaule. Elle lui adressa un regard, il lui retourna un demi-sourire qu’il souhaitait encourageant. Cela ne lui posait pas de problèmes qu’elle refuse de se rendre à l’hôpital ; lui aussi préférait la discrétion et ils n’avaient vraiment pas de temps à perdre après ça. Il prendrait soin d’elle en attendant, veillerait à ce qu’elle prenne correctement ses cachets. Pas d’inquiétudes, doc’.

Il déchanta sec quand Profete lui refila tout un tas de babioles que les deux bras de Milo peinaient à contenir. Il s’efforça néanmoins d’écouter attentivement les recommandations du médecin et hocha plusieurs fois la tête dans un signe d’approbation. Enfin, l’éminent docteur prit congé après un dernier conseil à l’adresse de sa patiente. Milo referma la porte derrière lui. Il vint s’asseoir près de sa sœur qui avait mis ce temps à profit pour se couvrir plus chaudement. Elle souriait, mais tout son corps indiquait son haut degré de nervosité. Logique. Milo la considéra gravement.

- Merci, fit-elle en rompant le silence nocturne. Vraiment. J’ai cru que j’allais y passer. Donc merci.

La fragilité de sa voix était un marteau venant fracasser la lézarde. Il tressaillit tandis que Cassie embrayait immédiatement :

- Tu as pu parler à Robertazzo, alors ?

Milo aurait bien aimé répondre ; seulement, il ne pouvait pas. Les mots restaient coincés dans sa gorge en même temps que son souffle. Il ouvrit les lèvres, s’apprêta à parler, les referma. Finalement, sa main vint se poser sur celle de Cassidi et l’ôter de l’épaule blessait où elle vagabondait, tremblante. Il ne la lâcha pas mais passa délicatement son autre bras, le plus proche de Cassidi, autour de sa taille. D’habitude, il l’enlaçait plutôt par le haut, mais au vu des circonstances, c’était impossible.

- Arrête avec ça, dit-il doucement. Ils viennent juste d’être faits et je n’ai aucune envie de les changer.

Il l’attira délicatement contre lui et posa son front contre ses cheveux.

- Je suis content que tu n’aies rien de grave. Et oui, j’ai pu lui parler. Je venais juste de le quitter quand je t’ai entendue. Ce qui t’a attaquée est un rugaru.

Milo lui révéla alors tout ce que Robertazzo lui avait dit sur la bête. Il sentait Cassie frissonner contre lui, mais il la tenait fermement. De toute façon, il était évident qu’il n’allait pas la laisser seule ici ensuite ; Cassidi viendrait dormir dans sa propre chambre –pour une fois qu’ils en avaient deux séparés et pas un lit double pour jeunes mariés coquins…-, il fermerait soigneusement les volets –quelle idiote, aussi- et resterait sur le fauteuil pendant qu’elle se reposerait. Il n’avait aucune envie que Cassie avale à la place les cachets de Profete qui le narguaient depuis la table de chevet.
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Cassidi Natale [Othello]

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MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 19 Mai - 14:51

Cassidi guettait quelque chose sur le visage de son frère. Elle ne savait pas quoi, mais elle guettait. La courbe de la mâchoire qui se durcit, la bouche qui se tait, le regard qui chuchote ; elle voyait tout ça, et elle attendait, comme mise sur la touche par l’instant. Elle-même gardait le silence. Parce qu’il n’y avait pas de mots à jeter comme on lâcherait une horde, parce que Milo était déjà au courant. Il savait que, paroles rassurantes du médecin ou non, présence fraternelle ou pas, elle crevait encore de trouille – telle la petite fille qui n’aurait pas aimé ce qu’elle avait découvert en grattant la couche de peinture. Et d’une certaine façon, il lui semblait qu’elle avait honte. C’était comme si elle craignait d’avoir peur pour de mauvaises raisons. Ou plutôt, comme si elle avait plus peur de la peur elle-même que du reste. Elle n’ignorait pas qu’il était impossible de bien vivre une attaque, d’autant que les conséquences de celle-ci auraient pu trouver une issue bien plus tragique que celle de quelques lambeaux de peau. Mais soudainement, ce n’était pas le soulagement d’avoir survécu – grâce à l’intervention de Milo – qui la saisissait ; c’étaient les souvenirs qui tenaient le rôle principal. Ceux des clichés qu’elle avait visionnés et mémorisés plus tôt dans l’après-midi, ou encore des photos que son propre cerveau avait prises des restes de Silvia Berlusconi.
Dans cette mare boueuse, il n’y avait qu’une certitude qui surnageait. Une seule. Alimentée par l’anxiété. Les derniers instants vécus par ces filles avaient dû être un enfer. Bien malgré elles, elles avaient eu droit à leur tragédie ; leur grand moment de gloire, leur étoile de sang sur le Walk of Fame de l’horreur. Aux oreilles de Cassidi sifflaient encore la lourde respiration, le crissement des crocs fouillant la chair … Et pourtant, cette affaire, quel que fût le coupable, ne changeait pas tellement de ce dont les Wincessero avaient pris l’habitude de s’occuper. Presque toujours, des gens mouraient – et ce n’était jamais ni beau, ni agréable. La seule différence, c’était que Cassie, sur ce coup, avait pu voir par les yeux de la victime. Eprouver le doute dans son organisme. Tenir la distance du tête-à-tête avec la mort. La suffocation dans l’horreur, le feu dans les veines, le raz de marée qui submerge le cœur ; tout cela, Cassidi en avait fait l’expérience.

Ça n’impliquait pas uniquement de comprendre la trouille de la victime, pour Cassie. C’était en devenir une. Sauf que ça n’avait jamais été son rôle. Elle, elle traquait, d’aussi loin que remontaient ses souvenirs ; elle n’était pas traquée. Ça changeait la donne – les piques remplaçant les cœurs –, et les gonds s’ouvraient sur une zone d’ombre du placard qu’il ne lui semblait pas avoir connue avant ce soir. Alors, pour une chasseuse, est-ce que c’était grave d’avoir peur d’avoir peur ? Est-ce que ça ne renversait pas un équilibre sacro-saint, est-ce que ça ne venait pas tout remettre en question ? Pire, Cassidi savait déjà qu’elle ne brillait pas par ses talents de chasseuse. Réussirait-elle à mettre tout ça derrière elle, afin que cela ne nuise pas plus à ce qu’elle ne maîtrisait pas comme Milo le faisait ?

Alors elle scrutait le visage de ce dernier ; elle le scrutait comme si, en accrochant son regard, elle pouvait se soustraire à l'emprise de la peur.
Ses doigts s’acharnaient sur un bout de strap aseptisé. Il fallut encore quelques secondes à la jeune femme pour comprendre que les questions qu’elle se posait n’avaient pas de fondement. Qu’elles étaient débiles, qu’il ne s’agissait jamais que d’une litanie rimant avec des si. Il n’y avait rien d’anormal, au contraire. C’était plutôt comme si, le temps d’un battement de cœur à l’échelle de son existence, le hasard lui avait rendu sa place. Parce que dans le fond, avant d’être une chasseuse, avant d’être capable d’arracher la vérité à un coffre-fort organique, elle était une gamine. Petite, on l’avait balancée sur un échiquier, en lui demandant de choisir une case – et de s’y tenir. A ceci près qu’une règle n’avait jamais passé la barrière de sa conscience : on ne pouvait pas toujours gagner. C’est à l’instant même où cette vérité – sa vérité ! – la frappait que Milo leva la main vers la sienne, l’éloignant des pansements.

« Arrête avec ça. Ils viennent juste d’être faits et je n’ai aucune envie de les changer. »

Cassidi acquiesça faiblement, les lèvres pincées afin d’en endiguer les tremblements. Le ton employé par son frère était sans équivoque – elle n’avait pas été la seule à avoir peur. Et s’il y avait une chose qu’elle se savait autorisée à se reprocher, c’était bien d’avoir eu la bêtise d’ouvrir sa fenêtre. Cette ânerie tutoyait les sommets de la connerie, dans le genre. On ne pouvait pas être parfait, mais quand on chassait des créatures surnaturelles depuis près de vingt ans, il y avait des erreurs que l’on n’était pas censé faire. En son for intérieur, Cassie doutait qu’une vitre eût stoppé le monstre ; le bris du verre aurait pourtant suffi à l’éveiller, à lui rendre prise sur la réalité. Et Milo aurait eu moins peur. Elle lui adressa un regard désolé.
Lorsqu’il l’attira à lui avec une délicatesse qu’elle ne lui connaissait pas, Cassidi en oublia ses doutes. Elle les boucla dehors, derrière la fenêtre close, avec la bête ; puis elle se laissa aller dans les bras de son frère. Le geste était attentionné – il veillait à ne pas lui faire mal –, et l’étreinte, source d’une chaleur qui la changeait des frissons. En retour, elle passa son membre valide dans le dos de son frère. Ses frémissements, la crispation de ses doigts sur la chemise de Milo, son attitude tendue, tout trahissait un malaise qui ne s’embarrassait pas de suaire, et pourtant, Cassidi allait déjà bien mieux. Il était parfois bien de ne pas être une chasseuse, de ne plus être la fille au détecteur de mensonges. D’être seulement la petite sœur pendue au cou de son aîné. On pouvait désormais deviner, à l’imperceptible étirement de ses commissures, qu’un sourire jouait avec les lèvres de Cassie.

Milo éleva de nouveau la voix, sans la lâcher : « Je suis content que tu n’aies rien de grave. Et oui, j’ai pu lui parler. Je venais juste de le quitter quand je t’ai entendue. Ce qui t’a attaquée est un rugaru. »

Cassidi fronça les sourcils. Un souvenir lui revenait. Quand ils étaient petits, il arrivait que Milo et elle, lorsque Giovanni partait en chasse plus longtemps que prévu, soient gardés par Robertazzo. Ce dernier, une fois, avait chopé Cassie sur le fait, à la cuisine, en pleine nuit et la main dans un pot de bonbons qu’il avait achetés pour les deux gamins. Il avait accepté les excuses de la fillette avec un sourire et lui avait conseillé de retourner se coucher, en la traitant de petit rugaru, avec ce qui devait être sa façon d’exprimer son affection. Cass n’avait pas saisi la référence, pas plus qu’elle n’avait posé de questions à ce propos. Elle avait pensé qu’il s’agissait là d’un jeu de mots visant à minimiser son méfait.
Apparemment, c’était bien plus qu’un jeu de mots. Avec le recul, elle regrettait de ne pas s’être penchée sur cette affaire. Mais ça ne faisait rien. De la part de Tazzo, Cassidi aurait été prête à croire n’importe quoi, et s’il affirmait aujourd’hui qu’un rugaru l’avait attaquée, alors ça lui convenait. Les informations apportées par le vieil homme, avec celles de Milo, étaient sans doute les seules qui ne se retrouvaient pas soumises à la méfiance de Cassidi. Ils auraient pu s’y mettre à deux pour lui expliquer que la Terre n’était pas ronde qu’elle les aurait crus. L’analyse de la balance mensonge-vérité ne s’appliquait tout simplement pas aux paroles de ces zigotos, qu’elle prenait pour ainsi dire pour argent comptant.

En outre, il était soulageant de mettre enfin la main sur la nature de la bête qu’ils avaient prise en chasse. La traque se parait ainsi d’une autre couleur, et Cassidi, bien qu’effrayée par la teinte en question, se sentait capable de mettre ses doutes de côté. Milo enchaîna en lui rapportant dans le détail ce qu’avait dit Robertazzo ; les tremblements de la cadette des Wincessero, eux, s’estompèrent. Maintenant qu’elle comprenait, tout allait mieux. Tout devenait plus clair. Ils n’avaient plus seulement une piste mais une base, et surtout, un nom. Celui de Mario Abatucci, le mari de la première victime. Mais ça, c’était pour la forme. Dans le fond, la situation n’en était pas moins intriquée, voire alarmante. La créature promettait d’être autrement plus difficile à éradiquer qu’un fantôme de bas étage, ou même qu’un loup garou. Là où ces derniers n’étaient guidés que par l’appel du sang ou de la revanche, les rugarus semblaient avoir conservé leur intelligence. Ça posait problème. Comme s’il n’allait pas déjà être compliqué d’approcher la nouvelle nature de Mario ! Il ne se laisserait pas exactement rôtir avec la quiétude d’un écolier terrifié par la maîtresse.

Cassie finit par se dégager de l’étreinte de son aîné. Bien qu’attentionnée, celle-ci n’était pas des plus confortables sur le long terme, en raison du sort qu’avait subi son épaule. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle se serait endormie là – la fatigue la rattrapait, plus rêche encore que celle ayant émoussé son attention un peu plus tôt. Sauf que la douleur, elle, était tenue en éveil par la position actuelle. La jeune femme laissa sa main reposer sur l’avant-bras de son frère ; elle hésitait encore à le lâcher, de peur de finalement craquer.
Un pli soucieux barrait son front lorsqu’elle parla.

« Ça va pas être de la tarte, commenta-t-elle. Même si on le retrouve, même s’il ignore que nous le traquons et que nous avons les moyens de l’abattre, il ne se laissera pas faire. A ce propos, Mario doit bien avoir une planque. Les bêtes de son acabit en ont toutes une. Il faudrait qu’on se renseigne sur lui, histoire de se faire une idée des endroits où il va habituellement. Il est possible qu’il ait choisi le plus évident – celui où personne n’aurait idée d’aller regarder justement parce qu’il est le premier auquel on penserait. J’espère juste qu’on arrivera à la griller, littéralement, avant que quelqu’un n’aie des soupçons à son propos. » Cassidi baissa les yeux, pianota un instant sur le bras de Milo. « Ou avant qu’il ne se dégotte un pique-nique de consolation. »

Ce n’était pas parce qu’Abatucci avait compris qu’il valait mieux pour lui de ne pas revenir rôder du côté du motel qu’il en allait de même de sa perception du restant de la ville. Le rugaru devait se trouver fort mécontent à l’heure actuelle ; on lui avait piqué son plateau-repas alors qu’il l’avait tout juste commencé, et il avait sûrement faim. Au vu de son historique, il était à craindre qu’à ses yeux, la revanche ne fût pas un plat qui se mangeait froid.

Les yeux étrécis, Cassidi réfléchissait à voix haute.

« Et puis, Nerilla et ses flics sont aux aguets. Il faudra se débarrasser de Mario aussi discrètement que possible, sans éveiller les soupçons. J’ai moyennement envie d’être coursée par des poulets à qui on aura sans doute sauvé la vie. »

Ni par des types pour qui j’aurais pu crever. A cette pensée, Cassie rétracta sa main et se leva d’un bond ; elle trouvait à la bile qui montait un goût d’angoisse et de colère mêlées. Elle n’ignorait pas que son agacement se trompait de cible. Les flics n’étaient pas le problème – c’était Mario, et c’était encore Mario qui avait bouffé toutes ces filles. Et pourtant, était-ce bien de sa faute ? Il était coupable, certes. Mais coupable d’avoir dérapé, pas d’être né comme ça, bombe à retardement qu’il ignorait être. Et cette idée glaçait Cassidi, pour une raison qu’elle ne voulut pas identifier.
Le mouvement d’humeur l’ayant mise sur pieds avait été brutal, et le sang, dans la seconde qui suivit la bascule du centre de gravité de Cassie, n’eut pas le temps de monter à son cerveau. Pas tout de suite, du moins. Alors elle pâlit, alors elle sentit ses oreilles bourdonner ; ce fut presque par hasard qu’elle trouva le réflexe de se rasseoir. Ce ne fut qu’en retombant sur le matelas qu’elle prit conscience du sang qui le maculait, et elle revint à Milo, dont il lui semblait qu’il avait esquissé un geste à son attention.

« T’occupe, ça va. Bref, si tu as une idée pour piéger ce cher rugaru, je t’écoute. Et, euh … Ça n’a aucun rapport, mais mon lit est foutu. Est-ce que je peux dormir dans ta chambre, cette nuit ? »

Parce que tout ce sang, c’est dégoûtant, tu comprends. Pas parce que j’ai peur. Pas parce que je crève de trouille à l’idée de me retrouver toute seule dans les heures qui viennent. C’est juste le matelas, Milo.


Dernière édition par Cassidi Natale [Othello] le Sam 4 Juin - 10:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 19 Mai - 19:37

Milo n’aimait pas le regard de chien battu que lui adressa Cassidi à travers le voile de ses cils. Il lui contractait l’estomac. Une raison introduisant systématiquement une conséquence, il s’efforça de barrer le passage à ce regard en se redressant un peu. Il devait compenser Cassi, comme elle comblait les vides qu’il laissait derrière lui. Des fois, Milo se sentait un peu comme un frère siamois. Une partie de lui-même était soudée à sa sœur, tandis que l’autre côté était libre de ses mouvements et venaient compléter l’autre côté libre de Cassidi. Une espèce de monstre bizarroïde qu’on aurait pu appeler le Wincessero. Parce qu’ils n’avaient qu’un point commun, un point d’attache en la personne de Giovanni, et que tout le reste était différent, quoiqu’on en dise. Pourtant, cela ne les rendait pas d’autant plus proches ? Plus que des frères et sœurs normaux, qui partageant en tout point le même sang, se ressemblent trop pour être deux faces d’une même pièce ? Cette moitié de gènes qu’ils n’avaient pas en commun, n’était-ce pas en quelque sorte un nouveau type de combinaison ? Too much information, Milo, se morigéna-t-il en baissant les yeux. La fatigue, le stress post-accident et la situation bizarre dans laquelle ils se trouvaient faisaient naître en lui des pensées dénuées non seulement d’intérêt mais en plus de sens.

C’était vrai que la scène avait l’air anormal, presque déplacée. Que Milo avait l’impression d’être passé dans une autre dimension, ou de regarder ça à travers l’écran d’une télé, ou que quelqu’un s’était amusé à effacer ce qui venait se passer avec une gomme géante toute-puissante. On parlait toujours du calme avant la tempête ; mais plus rarement de celui qui survenait après. Après, quand tout est déraciné, que les immeubles sont tombés, que les gens ont cessés de hurler, quand on se retrouve péniblement blottis contre ses proches à la lueur d’un réchaud, l’air hagard, secoué mais toujours vivant. Et du calme serein qui survenait : J’ai survécu. On a survécu. Cette nuit, il ne s’agissait pas de victimes rescapées d’une tornade américaine ou d’un tremblement de terre nippon –ou encore, dans le menu local, des survivants du Vésuve-. Milo en lui-même n’avait jamais eu à craindre pour sa vie. Il n’y avait que celle de Cassidi qui avait été jetée sur la table ce soir là. Mais il fallait croire que ces évènements extrêmes pour le corps et le cœur attisaient l’âme, l’aiguisaient, la sensibilisaient à ce qui l’entourait d’ordinaire à tel point que tout devenait plus ou moins indifférent. Milo prenait conscience, comme à chaque fois, à quel point il tenait à cette petite poupée devenue grande qu’était sa demi-sœur. Il savourait presque la quiétude de la sentir se blottir contre lui, de pouvoir toucher une peau chaude et vivante, de respirer l’odeur fruitée de ses cheveux. Tous ces petits détails, Milo les connaissait par cœur. Pourtant, ils ne faisaient que partie de ces éléments qui nous entourent quotidiennement, au même titre que le goût de l’eau, l’air que l’on respirait ou les sensations de notre propre corps. En général, on s’en fichait éperdument. Ils étaient invisibles. Mais ce soir-là, ces « détails » signifiaient une vérité absolue que l’on ignorait trop souvent : elle était vivante, elle allait bien. Il n’effleurait pas un corps glacé, rigide, que tout parfum, toute vibration avait quitté.

Et malgré la peur, malgré le malaise diffus, malgré l’accident, Milo se sentait bien dans ce moment de paix et de complicité silencieuse. Pas besoin de pouvoirs psychiques ou d’extra-lucidité pour sentir couler d’une personne à l’autre une compréhension mutuelle. Il savait que Cassidi était effrayée mais qu’elle aurait préféré se jeter par la fenêtre plutôt que de l’avouer autrement que par ce laisser-aller. Et elle savait, elle, que Milo avait eut peur et qu’il tenait à elle. Peut-être Milo aurait-il pu trouver ça gênant ou incongru, et d’ailleurs, ni l’un ni l’autre n’étaient d’ordinaire enclins aux démonstrations sentimentales autrement que par des sarcasmes affectueux. Plus Milo que Cassidi, sans doute. Parce qu’elle était une fille, et que, c’était bien connu, ces dernières n’hésitaient pas à serrer n’importe qui dans leurs bras, du petit bébé mignon à leurs copines en passant par les parents et les petits amis. Mais ce soir, ils se l’autorisaient, parce que la circonstance le permettait.

Trêve de sentiments. Milo se donna quelques secondes de répit avant de s’obliger à être ce qu’il devait être ce soir ; quelqu’un de rassurant et de solide. Et il l’était d’autant plus, il le savait, quand il se comportait normalement –la mâchoire un peu serrée, les yeux sombres et tout le tralalala-. De toute façon, c’était comme ça qu’il était le mieux, au sens où il s’agissait de ses réactions normales, qu’il n’avait pas besoin de se forcer pour le faire et que Cassidi savait pertinemment que cela ne signifiait pas qu’il était froid ou distant. Cassidi en fit de même –la nature reprenait le dessus, la sensibilité nouvelle s’envola- et rompit l’étreinte en se redressant. Milo essaya de ne pas avoir trop l’air de quelqu’un réveillé en plein milieu de son sommeil et continua à la regarder attentivement, attendant sa réponse.

- Ça va pas être de la tarte. Même si on le retrouve, même s’il ignore que nous le traquons et que nous avons les moyens de l’abattre, il ne se laissera pas faire.

Première remarque très pertinente. Milo approuva d’un hochement de tête la seconde. L’entreprise serait d’autant plus difficile qu’il voyait mal Cassidi piloter un lance-flamme ou même tirer avec son revolver avant un petit bout de temps. L’aîné se doutait bien qu’il serait finalement seul face au rugaru ; du moins le seul à pouvoir le tuer. Il n’était pas vraiment certain, par contre, de la réussite d’une telle entreprise. Il avait réussi à effrayer la bête avec son pistolet, tout à l‘heure ; Mario ne se flairait pas encore qu’il n’avait plus rien à craindre des lames et des balles. Par contre, Milo avait bien senti dans leur brève lutte celui d’entre eux deux qui possédait le plus de muscles. Et ce n’était pas le jeune homme. Qui plus est, il ne bénéficiait pas non plus d’une rangée de dents bien aiguisées. En gros, la tactique du bourrin ne marcherait pas ici. Elle avait réussi tout à l’heure uniquement grâce à l’effet de surprise. Milo n’en bénéficierait plus. Comme pour traquer un loup-garou, un vampire ou un démon –bref, comme dans la plupart des cas que connaissaient les chasseurs- il faudrait ruser et vaincre la chose avec son cerveau plutôt qu’avec ces biceps. Pas de problèmes, Milo et Cassidi étaient rôdés à l’exercice, peu importe lequel d’entre eux tenant le rôle de l’exécuteur.

- A ce propos, Mario doit bien avoir une planque. Les bêtes de son acabit en ont toutes une. Il faudrait qu’on se renseigne sur lui, histoire de se faire une idée des endroits où il va habituellement. Il est possible qu’il ait choisi le plus évident – celui où personne n’aurait idée d’aller regarder justement parce qu’il est le premier auquel on penserait. J’espère juste qu’on arrivera à la griller, littéralement, avant que quelqu’un n’aie des soupçons à son propos. Ou avant qu’il ne se dégotte un pique-nique de consolation. Et puis, Nerilla et ses flics sont aux aguets. Il faudra se débarrasser de Mario aussi discrètement que possible, sans éveiller les soupçons. J’ai moyennement envie d’être coursée par des poulets à qui on aura sans doute sauvé la vie.

De nouveau, Milo acquiesça, cette fois-ci usant d’un « ouais » de rigueur. Trois possibilités dans cette histoire : la première, c’était que Mario fasse un remake de La Lettre en se cachant au nez et à la barbe de tout le monde. La seconde, misant sur un côté plus stupide de la créature, serait qu’il se choisisse une planque assez évidente, un lieu anciennement fréquenté de préférence sombre et humide. Enfin, que le rugaru décide qu’il serait plus judicieux pour lui d’aller se dissimuler dans un endroit sans rapport avec lui-même, comme un dégoût, une tanière dans la campagne ou un dépotoir à l’écart de la ville. Tout dépendait de la… personnalité de la bête, de ses rituels. Les vampires prenaient un nid discret capable d’accueillir du monde, un wendigo un repaire ténébreux et effrayant, un polymorphe les sous-sols de la ville où il pouvait muter à son aise… Le rugaru, nouveau spécimen dans l’expérience des deux Winceserro, était pour le moment imprévisible. La tactique que proposait Cassidi était la plus sensée, la plus logique. Elle convenait à Milo –l’habituel protocole-.

- Idem. S’il s’agit d’une cabane de jardinage, ça sera facile, jugea Milo. Il suffit de la faire brûler, il mourra dans l’incendie, on ne retrouvera pas son corps, pas de problèmes avec la police. Par contre, s’il se tanque dans une maison ou quelque chose de plus visible, ça ne sera pas évident pour le tuer dans le dos de Nerilla. D’ailleurs, à ce propos, on a intérêt à se dépêcher. Je suppose que les véritables agents de l’AISI ne vont pas tarder à arriver si Nerilla leurs a adressé une demande. Il faudra être loin à ce moment là.


Il s’apprêtait à poursuivre quand Cassie décolla du matelas, comme piquée par une guêpe. Par habitude, Milo porta la main à sa hanche, prêt à dégoter son revolver. Mais un regard adressé à la pièce vide, puis un second au visage de sa sœur lui appris que rien ne se passait. Sans se détendre le moins du monde, il observa la moue des lèvres, le roulement des yeux, le dessin des sourcils. Ca ressemblait à de la colère. Milo ne comprit pas son geste et l’administra sur le compte de l’angoisse qu’elle ressentait, en tout légitimité. Son inquiétude grandit quand il la vit pâlir. Ce n’était que du sang quittant les pommettes, mais cette nouvelle couleur avait la marque de la fatigue, du stress et du poids des blessures. La sentant à deux doigts de tourner de l’œil, Milo faillit se lever pour la soutenir. Mais Cassidi eut l’intelligence de se rassoir et ce ne fut que lorsqu’un peu de rouge gagna de nouveau ses joues que Milo cessa un tantinet d’être sur le qui-vive. Ses épaules s’abaissèrent, plus en signe de défaite que pour signaler le repos qu’il autorisait à ses membres. Sa sœur était plus que crevée, elle avait besoin d’autre chose qu’une discussion stratégique à bientôt minuit.

- T’occupe, ça va, garantit-elle avec indifférence. Bref, si tu as une idée pour piéger ce cher rugaru, je t’écoute. Et, euh … Ça n’a aucun rapport, mais mon lit est foutu. Est-ce que je peux dormir dans ta chambre, cette nuit ?

Pulsions Milo, pulsions. Cassidi est une grande fille, elle était libre de faire ce qu’elle voulait, d’assurer sa protection seule sans avoir une baby-sitter sur le dos. Mais, néanmoins… Oh, et puis zut.

- J’ai quelques idées, oui, répondit-il sur le même ton. Mais on verra ça demain.

Et d’ici demain, peut-être Mario aurait-il croûté d’une autre jeune fille. Milo n’y croyait pourtant pas trop ; la police avait été alertée et connaissant désormais les goûts du tueur, elle devait veiller les rues de la ville à sa recherche. Il serait sûrement difficile pour Mario de trouver cette nuit une victime isolée.

- Pour le lit, tu rêves, reprit-il, cassant. Chacun sa croix, je n’ai pas envie de dormir sur la carpette.

Il leva les yeux au ciel.

- Évidemment que tu vas dormir dans ma chambre, cette nuit. Je ne vais pas te laisser là. Je suis peut-être un grand frère indigne, mais pas à ce point, quoique tu en penses. Allez, viens*.

Milo se leva et soutint Cassidi tout en s’efforçant de ne pas avoir l’air de trop y toucher jusqu’à la chambre voisine. Il alluma consciencieusement les lumières, jeta un coup d’œil circulaire dans la pièce pour y dénicher les éventuelles bestioles affamées de chair humaine tapies, puis alla fermer les volets et la fenêtre tandis que Cassidi se plongeait dans les délices des draps propres et frais dénués de sang. Avisant le confortable fauteuil dont la pièce était meublée, Milo déplaça le meuble près du chevet de sa sœur et s’y installa, repliant nonchalamment une jambe dessus.

- Extinction des feux, et je ne veux rien entendre, ordonna-t-il. Demain, je parie qu’on aura Nerilla sur les bras dès potron-minet alors, tâche de te reposer. Si tu as envie de râler, tu le feras au réveil.

Il lui adressa un bref sourire avant de tendre la main pour éteindre la lampe. Ne resta plus que ce noir épais que voient les yeux non-habitués et le silence d’une tranquille nuit italienne. Avec les minutes, Milo put distinguer les courbes du drap sous lequel était mottée sa sœur, l’encadrement plus clair de la fenêtre, les meubles de la pièce. Il sentait dans sa main la présence rassurante du revolver. Il ne comptait pas vraiment veiller toute la nuit, mais juste rester éveillé le temps que sa sœur s’endorme et d’être certain qu’aucune bestiole, pas même une sourie, ne se glissât dans la pièce pour la grignoter. Après quoi, relativement bien installé dans le confort de son épais manteau d’agent Almeida, il s’autorisa à somnoler jusqu’à ce que sa tête aille s’affaisser à mi-chemin d’un accoudoir et du dossier où il s’endormit pour de bon.


* : Le lecteur s’abstiendra de faire une remarque loquace en complétant cette affirmation par un « Allez, viens là ! Viens avec moi, ne pars paas sans moi… », etc.
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Cassidi Natale [Othello]

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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeVen 20 Mai - 9:03

Cassidi repensa un instant à ce qu’avait dit son frère à propos de la planque du rugaru. Une cabane de jardinage … Ah, si seulement ça pouvait être aussi simple ! Elle ne ricana pas – trop fatiguée –, mais le cœur y était. En revanche, elle acquiesça à la mention de l’AISI. L’affaire prenait une ampleur que le gouvernement ne pourrait laisser plus longtemps aux mains de simples flics ; encore un peu, et Mario Abatucci se taillerait une bonne place dans la triade des plus grands tueurs en série italiens. Un record que le pays, ne serait-ce que pour des raisons statistiques, ne devait pas crever d’envie d’afficher : mauvais pour les affaires. Même s’il ne fallait pas cracher sur la publicité, car c’eût été mettre sur la touche une autre forme de tourisme, celui de ces gens qui se découvraient un jour ou l’autre une fascination pour le glauque. Si l’on pouvait trouver des débiles prêts à se cosplayer au nom d’une série de bouquins au nom qui craignait, il y en aurait forcément pour faire un pèlerinage axé sur la conduite du tueur local. Bon, évidemment, ce serait pour après, tout ça – après que ledit meurtrier atterrisse derrière les barreaux ou six pieds sous terre. Cons, mais pas fous, les gens.

« J’ai quelques idées, oui, lâcha Milo en réponse à sa question. Mais on verra ça demain. » La jeune femme avait à peine ouvert la bouche pour protester que l’aîné enchaînait : « Pour le lit, tu rêves. Chacun sa croix, je n’ai pas envie de dormir sur la carpette. »

Si Cassie avait eu vent des blagues de mauvais goût que Milo avait retenues un peu plus tôt, elle se serait abstenue de lui lancer un regard noir. Une part d’elle-même n’ignorait pas que son frère plaisantait ; l’autre, au contraire, était trop fatiguée pour céder la place à des conclusions n’impliquant pas de tomber dans le panneau. Milo, lui, leva les yeux au ciel, et elle ne fut certaine qu’après coup qu’il plaisantait.

« Évidemment que tu vas dormir dans ma chambre, cette nuit. Je ne vais pas te laisser là. Je suis peut-être un grand frère indigne, mais pas à ce point, quoique tu en penses. Allez, viens.
—Gros abruti »
, marmonna-t-elle en retour.

Ce fut avec sa superbe habituelle que Milo l’ignora, bien sûr. Lorsqu’il se leva, Cassidi suivit le mouvement ; cette fois-ci, elle se montra plus prudente et prit soin de ne pas aller trop vite. Peut-être justement parce qu’il se laissait aller à blaguer, il était clair pour Cassie que son frère n’avait pas fini de raccrocher les wagons de la réalité, tout comme elle. Alors, inutile d’alimenter sa pétoche – toute touchante qu’elle fût – par un malaise.
La cadette Wincessero ne cracha pas sur l’aide que Milo lui apporta pour rejoindre la pièce adjacente, en revanche. Une fois dans le couloir permettant de rejoindre cette dernière, Cass, au contraire, affermit sa prise sur l’avant-bras de Milo. Elle se sentait mal. En temps normal, un corridor mal éclairé n’aurait même pas donné lieu à une pensée sous son crâne. Elle l’aurait traversé sans réfléchir ; tout au plus, pour peu qu’elle eût un début de migraine, elle aurait béni les lumières vacillantes. Ce soir, c’était différent. Oh, son cerveau tournait très bien ; il remarquait que la moquette aurait tout eu à gagner à être changée, il notait la teinte crème des murs. Le problème était son subconscient – un peu trop envahissant, un peu trop prompt à imaginer des silhouettes là où les ombres se prêtaient aux devinettes. Et son cœur, lui, s’emballait désagréablement. Aussi Cassidi remercia-t-elle son frère d’un signe de tête quand, dans la chambre, il prit soin d’allumer les lumières.

Alors que Milo prenait le temps d’examiner la pièce, Cassie, avec une démarche d’automate, rejoignit le matelas. Elle s’y vautra avec toute la liesse que son épaule lui autorisait – s’enterrant sous les couvertures, se blottissant entre les oreillers. L’hôtel n’était certainement pas un cinq étoiles, mais les draps qu’il fournissait avaient le mérite d’être en coton pur. Dès lors qu’ils n’étaient pas maculés de sang, leur contact comptait parmi les plus enviables qui soient ; les nerfs de Cassidi appréciaient le changement de stimuli après ceux de la soirée. Rabattant l’édredon sous son menton afin de voir ce qui se tramait dans la chambre, Cassie chercha son frère du regard, et le trouva assis non loin d’elle. Il avait pris place dans le sempiternel fauteuil dont se dotait chaque motel ; les talons en appui sur un meuble bas, il s’était installé du mieux qu’il le pouvait, et surveillait la jeune fille.
Par bien des façons, c’était touchant, comme scène. L’ours qui s’attendrit au point de sacrifier son sommeil à sa petite sœur, le mec qui se veut à tout prix bravache mais prend on ne peut plus au sérieux son rôle d’aîné. Mais c’était au sacrifice du matelas que l’on reconnaissait la véritable abnégation. Si c’était pas mignon, ça.

« Extinction des feux, et je ne veux rien entendre. Demain, je parie qu’on aura Nerilla sur les bras dès potron-minet alors, tâche de te reposer. Si tu as envie de râler, tu le feras au réveil. »

Cassie grogna, mais pas à l’encontre de l’extinction des feux, qui lui semblait justement très adaptée à la situation – plutôt contre Nerilla. A l’idée d’affronter ce type zélé le lendemain, elle se sentait capable d’hiberner. Elle n’aimait pas l’idée d’avoir à mentir à un type gentil ; ils n’en rencontraient que trop rarement, des flics comme lui, pour penser autrement. Mais surtout, le commissaire serait au courant de l’attaque. Alors il risquait de tenir son rôle de good cop, et par là de coller de près ses précieux agents de l’AISI. S’ils devaient mener leur petite enquête de leur côté, ça n’allait pas faciliter les choses. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il se souviendrait d’être, techniquement parlant, leur inférieur hiérarchique, et qu’il leur foutrait la paix. Cassie voulut faire part de cette pensée à Milo – il faudrait qu’ils donnent à Nerilla un hoax à se mettre sous la dent, histoire de l’occuper –, mais il éteignait déjà la lampe de chevet, coupant court à la conversation.
Il eut bien raison. L’heure avancée rendait les débats inutiles, et ils avaient tous deux besoin de sommeil. A l’abri sous les couvertures, consciente de la présence de son frère à ses côtés, Cassidi commença à se détendre.

« Bonne nuit, Milo », lança Cassidi dans l’obscurité.

Manquait un je t’aime pour parfaire le tombé de rideau sur cette scène d’amour fraternel. Il planait de toute façon dans les esprits ; aussi Cassidi choisit-elle de se taire, et de garder ça pour les grandes occasions.
Avec précaution, la cadette Wincessero bascula sur le flanc que les crocs de Mario avaient épargné. Les antalgiques donnés par Chuck Profete tenaient leurs promesses, constata-t-elle. Deux oreillers vinrent caler sa tête et ses paupières se fermèrent toutes seules, sans qu’elle eût d’effort à fournir pour passer un deal avec le marchand de sable. Un quart d’heure plus tôt, elle se serait jurée incapable de trouver le sommeil ; sans doute se serait-ce passé ainsi s’il n’y avait pas eu le souffle de Milo, à deux mètres de là, pour calmer son cœur. Et bientôt, sa propre respiration suivit la cadence toute indiquée. Cassie s’endormit comme une masse, incapable de veiller un instant de plus, avec une pensée pour ces filles qui n’avaient pas eu la chance de posséder un garde du corps aussi dévoué.


— 8h03 à l’horloge murale. —

Au matin, ce furent les élancements jetés par son épaule comme autant de plaintes qui firent émerger Cassidi. La première chose qu’elle fit fut de se lever, en prenant garde à ne pas réveiller son frère, qui dormait à poings fermés sur le fauteuil. En quittant son lit, elle le couva d’un regard attendri ; ce brave Milo, blotti dans son manteau, en travers du dossier, bavait presque sur l’accoudoir durant son sommeil. Ce fut en veillant à ne pas faire de bruit que Cassie, sur la pointe des pieds, quitta la chambre. Elle se faufila jusqu’à la sienne et rassembla, sur la table basse, les affaires qu’elle y avait laissées la veille – sac, téléphone portable, vêtements, médicaments et autre matériel médical fournis par Profete. Elle se sentait le besoin de prendre quelques minutes pour elle. Le temps de faire un brin de toilette, ou de noyer dans le lavabo le souvenir de rêves plus colorés que d’habitude.

Prestement, Cass enfila son costume d’agent de l’AISI, sans accorder un regard aux draps tachés d’hémoglobine qui la narguaient. Inutile de préciser que sa chemise lui posa quelques problèmes d’ordre existentiel, d’autant que son corps endolori n’aspirait qu’à dormir quelques heures de plus. Elle la boucla néanmoins du mieux qu’elle le pouvait, et noua tant bien que mal la veste assortie autour de sa taille, avant de passer à la salle de bains. Son reflet lui arracha une grimace. Le seul intérêt que Cassidi trouva à son teint cireux et aux cernes lui bouffant les joues, outre qu’ils puissent figurer dans un livre des records, étaient qu’ils la vieillissaient de deux ou trois ans – et par là, la crédibilisaient en tant qu’agent Luce Laslos. Mais, passés ces détails, le tableau d’ensemble était tout sauf mélioratif.
Elle se passa de l’eau sur le visage et se lava les dents, en priant pour que Mario n’ait pas planté les siennes dans la gorge d’une autre fille. Son portable lui avait appris que Nerilla n’avait pas tenté de l’appeler, mais cela ne signifiait pas qu’il ne s’était rien passé. Le corps éventuel pouvait très bien ne pas avoir été encore retrouvé. Cela fait, Cassie alla fouiller dans sa trousse de maquillage ; un trait de crayon vint encadrer de noir ses yeux fatigués. En jetant un nouveau coup d’œil au miroir, elle constata que, si ce n’était pas parfait, le résultat semblait déjà plus probant. Elle compléta la séance d’ablutions en se nattant les cheveux, après quoi ses effets personnels retournèrent à la besace prévue, et elle-même à la chambre de Milo.

Cassidi ne s’embarrassa pas de silence en se coulant dans la pièce. Son sac posé dans un coin, elle alla ouvrir fenêtre et volets, et réveilla Milo en lui ébouriffant les cheveux.

« Debout, princesse Aurore », le secoua-t-elle. Elle déposa un baiser sur le front de son frère. « On a un rugaru à buter, si ça te rappelle quelque chose. »

La jeune femme se trouvait plus ou moins reposée. La tension de la veille, elle, ne s’était pas envolée au cours de la nuit. Mais rien ne l’empêchait de sublimer cette dernière en détermination, et c’était ce qu’il lui semblait arriver. Milo peinait à faire surface et Cassidi accéléra les choses en le tirant par le bras, sans oublier de ménager son épaule estropiée. Plus tôt ils s’y mettraient, plus tôt ils arrêteraient Mario Abatucci ; l’équation était simple et suffisait à insuffler à Cass l’énergie qui lui manquaient. Elle parvint finalement à traîner son frère hors de la chambre, en usant de l’argument du petit déjeuner compris dans la formule qu’ils avaient prise avec la location des chambres. Il ne fut pourtant pas de tout repos d’amener Milo au réfectoire. L’ours mal léché avait le sommeil lourd et le gérant de l’hôtel vint tourner autour des deux jeunes gens, en les pressant de questions quant à leur état de santé et au sommeil que ses murs leur avait permis de trouver. Le type ne pensait pas à mal. Son inquiétude était authentique, jugea Cassidi, et il ne voulait pas qu’il y ait de malentendu vis-à-vis de l’intrusion. Mais il restait collant. La cadette Wincessero se débarrassa de lui en arguant qu’ils étaient fatigués et qu’ils pouvaient se passer, en tant que membres de l’AISI, d’un interrogatoire quant au sujet qu’il leur revenait de maîtriser.
Intérieurement, elle savait qu’il n’y avait pas que ça. Elle refusait purement et simplement, en fait, de parler de l’attaque avec une personne autre que Milo ou Robertazzo.

Elle poussa le premier à une table et prit place en face de lui. Il n’y avait qu’un autre couple dans la cafétéria, ce qui signifiait qu’ils ne pourraient pas compter sur le brouhaha pour masquer leur conversation. Cassie fit signe à une serveuse de s’approcher et revint à Milo, qui n’avait pas décroché une parole intelligible depuis son réveil.

« J’espère que tu as bien dormi, parce qu’on doit décider de pas mal de choses, aujourd’hui. A commencer par ce qu'on va dire à Nerilla, et par les recherches qu'on va devoir se débrouiller pour faire sans éveiller l'attention sur Mario », avança-t-elle à voix basse.


Dernière édition par Cassidi Natale [Othello] le Sam 4 Juin - 10:56, édité 1 fois
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeVen 20 Mai - 19:25

Nous ne parlerons pas des rêves que fit Milo cette nuit là pour la bonne raison que leur propriétaire les oubliait systématiquement à son réveil, ce qui l’avait persuadé depuis longtemps déjà d’être doté de l’imagination psychique d’un champignon moyen. De ce fait, à part le dérangement systématique causé par un réveil, Milo ne souffrit pas tellement de la voix de Cassidi lui ordonnant d’ouvrir les yeux. Son grognement de pure forme fut plutôt dû à l’arrivée brutale de lumière dans la pièce pour ses iris trop habituée à l’obscurité. Le léger bisou qu’il reçu peu de temps après adoucit néanmoins ce pénible moment.


- Debout, princesse Aurore. On a un rugaru à buter, si ça te rappelle quelque chose, entendit Milo à travers sa brume matinale.

Qui ? Un ruga quoi ? Il se frotta les yeux tel le garçonnet de trois ans moyen. Ah oui. Le machin véreux avec des crocs jaunes, là. Difficile à oublier pourtant. Sa sale gueule prenait un malin plaisir à réapparaitre dans sa tête, comme inscrit sur les paupières. Oui, voilà. Le cannibale à brûler, amateur de cerises conf… De Cassidi. C’est bon. Point fait. La référence à « Princesse Aurore », par contre… Encore un savoir typique des filles, sans doute. Genre Barbie. De toute façon, Milo n’eut pas le temps de s’abimer dans une recherche intérieure à la « Google it ». Sans cérémonie, il se fit tirer du confr… -ouille, le dos- fauteuil sur lequel il avait passé sa nuit. Il ne pu même pas se changer ou se rafraichir le visage. Prise de frénésie, Cassie souhaitait les voir descendre au plus vite et usa du prétexte de la nourriture pour amadouer son frère. Genre. Genre, Milo était un mignon écureuil qu’on attirait en agitait un sac de noisettes et en déposant tout au long du chemin un peu du précieux contenu. Genre, ça allait marcher et éviter à Cassidi la mauvaise humeur mat… L’idée de se plonger dans un grand bol de café coupa court aux récriminations de Milo qui se laissa emmener, bon gré, mal gré. Il se disait qu’une fois assis dans le réfectoire, il pourrait de nouveau dormir à moitié tout son soul. C’était sans compter l’arrivée intrusive du gérant de l’hôtel. Sans s’en préoccuper plus de lui, comme s’il n‘était qu’une abeille enquiquinante vrombissant gaiement près de ses oreilles, il laissa Cassidi s’en occuper. Elle paraissait parfaitement réveillée elle. Tant d’énergie. Milo bailla et considéra vaguement la table en abaissant le regard. Vide. Le sentiment de surprise mit beaucoup de temps à imprégner son esprit. Il se frotta un peu la joue. Passa la main dans ses cheveux –sa tignasse, pardon-. Une vague de mauvaise humeur succéda. Bla, bla, à côté. Il jeta un bref regard de serial killer à la source de ce bruit. Devait-il prononcer un « Vos gueules » adapté ou bien les ignorer superbement et s’en retourner à son café ? Ah oui. Pas de café. Fallait vraiment tout faire ici. Quel service pourri. Pas de pourboire, ça, c’était clair. Ceci dit, la question ne se posait même pas ; Milo et Cassidi n’étaient riches que de leurs fausses cartes bancaires. Finalement, la personne en face de lui tenta d’entrer en communication. Milo lui adressa son regard le plus grincheux, puis fit retomber sa tête entre ses mains. Les mots lui passèrent dessus à l’image de ces dizaines d’avions qui volent au dessus de nous dans le haut ciel bleu radieux sans que l’on s’en aperçoive. Quelque chose en lui intima que les sons produits par son… interlocuteur ? attendait une réponse. Il grogna. Ca pouvait convenir à n’importe quoi, ça un grognement. Une approbation, une négation, une suggestion. Que l’individu choisisse l’interprétation qui lui plaisait le plus pour ce borborygme.

Une main charitable posa devant son nez un immense bol de café. Milo manqua de faire tomber sa tête trop lourde dedans. Il huma les délicates nuances corsées avec délice et s’abandonna dans l’absorption du contenu.

Il émergea cinq minutes plus tard, les idées plus précises. Cassidi souhaitait faire un brainstorming avant l’arrivée de Nerilla. Soit. Il se concentra quelques secondes, puis la regarda enfin, toute brume disparue.

- Déjà, on peut ou le décrire le moins possible, ou transformer la description. Et lui raconter une histoire bidon, ou le laisser piétiner. Tu pourrais rester avec lui comme hier, il t’aime bien et sera trop content de veiller sur son précieux agent spécial. De mon côté, je peux chercher une idée de repère ou nous armer contre le bestiau au cas où il reviendrait ce soir, mais j’aimerais autant éviter.

Ca faisait beaucoup de « ou ». Ouais ben, eh il n’allait pas tout trouver seul, hein. Pour sa défense, il venait juste de se faire réveiller –assez brutalement-. Son esprit n’était pas encore bien rôdé aux délicats rouages que nécessitent les machinations et les mensonges. Bien sûr, il avait dit hier soir que quelques idées lui étaient venues à l’esprit. Mais à l’éclat de cette nouvelle journée, la plupart lui paraissaient dénuées d’intérêts. Trop capillotractées, trop vaseuses ou bien impossibles à réaliser à seconde vue. Il reprit après s’être beurré un toast :

- D’ailleurs, pour le griller, Robertazzo m’a filé des tuyaux pour nous faire nos propres lance-flammes de bricoleur du dimanche, mais on peut tout aussi utiliser un simple bidon d’essence et un paquet d’allumettes. J’opterais plutôt pour cette solution, c’est plus discret si jamais les flics nous collent toute la journée.

Ouais, il imaginait bien la scène. « Dites, agent Almeida, vous faites quoi avec votre artillerie à la Men in Black ? ». Bonne question, Barilla. Non, Nerilla.

- En outre, ça nous demandera moins de préparation et on pourra plus s’occuper de la planque du rugaru.

En fait, Milo avait bien une idée plus précise sur le pourquoi du comment, mais il hésitait à en faire part et espérait que Cassidi aurait une solution plus intelligente que la sienne. Le jeune homme partait du constat que Mario souhaiterait en finir avec son repas d’hier soir. Il ne fallait jamais laisser de restes, après tout. Et ça faisait des traces en moins, s’il n’était pas totalement abruti par la faim. Du coup, Milo pensait qu’il ne tarderait pas de nouveau à convoiter la chair de Cassidi et accessoirement, à se venger d’avoir été interrompu par la même occasion. Si on mettait innocemment Cassidi en évidence dans un lieu stratégique… Ceci dit, cela revenait tout bêtement à utiliser la manœuvre de l’appât et cette idée ne plaisait que très moyennement à Milo. Il mâchonnait pensivement son morceau de pain grillé. Instrumentaliser Cassie le dérangeait encore plus, mais cela valait mieux qu’utiliser une mignonne gamine de dix ans, bien potelée, bien appétissante. Cette pensée lui coupa brusquement l’appétit et il s’étrangla à moitié avec les miettes. Et puis, encore une fois, Milo avait une confiance absolue en Cassidi pour ce genre de chose. Elle était parfaitement apte à gérer ces situations lorsqu’elles dégénéraient et que Milo se retrouvait bloqué ailleurs. Habituellement.

Aujourd’hui, le contexte était différent. Cassidi n’était plus dans l’optique d’une chasseuse, il le savait. C’était complètement différent de se poster quelque part, prêt à piéger une sordide créature, que de l’attendre en sachant ce qu’elle pouvait faire –et savoir, surtout, ce qu’elle pouvait vous faire à vous-. Milo ne voulait pas demander à Cassidi de faire ce travail si c’était au-dessus de ses moyens. Il comprendrait parfaitement.

Alors, il préféra ne rien dire et se resservir du café. Généreusement. Histoire de ne pas retomber dans un état catatonique dès l’effet de la première tasse disparue. Que pourraient-ils donc raconter à Nerilla lorsque celui-ci se pointerait, sans doute dans quelques minutes ? La vérité, peut-être, tout simplement. Laslos agressée, méchant mis en fuite, rien vu dans le noir. Rester flou. Indiquer une vague direction dans le parc. Seulement, être aussi évasif pouvait soulever des soupçons que tant qu’à faire, Milo préférait éviter. Il ne comptait plus les fois où les Wincessero s’étaient mis à dos la police ou les autorités. Les fois où les agents, les vrais, les attendaient devant tel égout ou tel maison sombre. Il devait y avoir plein de mandats d’arrêts pour usurpations d’identité, délits de fuite et compagnie quand ce n’était pas pour meurtres. Beh oui, comment expliquer à quelqu’un de sensé le cadavre de telle personne sans lui dire « Ca ? C’était un vilain loup-garou » ? Heureusement, Cassie et lui possédaient de nombreux noms qui leurs évitaient la plupart de ces tracas dirons-nous… administratifs. Néanmoins, le jour où un inspecteur ou un véritable membre de l’AISI un peu plus fin que la moyenne ferait le rapprochement, ils seraient cuits. C’était quelque chose de pouvoir louvoyer dans cinquante états différents, c’en était une autre de se contenter des quelques 301 336 kilomètres carrés de l’Italie. Peut-être qu’un jour, Milo et cassie émigreraient aux Etats-Unis, après tout. Ou étendraient leurs fonctions à l’Europe entière, histoire de moins rester à respirer le même air vicié.

Mais, pour l’heure, avant de faire de jolis projets, les Wincessero avaient un rugaru sur les bras et un Nerilla zélé sur le dos. Et une Cassie blessée. La balle semblait plutôt dans leur camp. Oh, il ne s’agissait pas d’une situation dramatique, ils avaient connus bien pires. Des chasses qui se terminaient en débandade pour la vie avec les deux blessés. De plus, Mario, malgré son côté anciennement humain, restait diminué par son envie obsessionnelle de nourriture. Il serait sûrement aisé de le piéger, sans forcément se montrer soi-même malin. Sauf s’il se révélait teigneux et coriace, mais tant que Cassie et lui restaient maintenant avec un spray à essence et un briquet dans leurs mains… La seule chose délicate était de réussir à l’abattre avant qu’il ne se mette à convoiter une collégienne par dépit, si ce n’était déjà fait.

Bref, dans tout ça, l’essentiel était d’éloigner Nerilla. Agiter un vieux squelette dans un placard moisi ferait l’affaire. Restait à trouver le placard et Milo consulta ce qui restait au fond de sa tasse dans l’espoir d’y lire un message occulte lui donnant sinon la solution, du moins un indice. La tasse se montra particulièrement récalcitrante à l’exercice.

- Tu pensais à quoi, toi, pour Nerilla ? demanda-t-il alors. Pour Mario, j’ai établi une rapide liste des lieux où il pourrait se cacher, en partant du principe qu’il se tapit dans un endroit en rapport avec son ancienne vie. Il y a sa maison, bien sûr, surtout le grenier, et la cave de la boucherie. Je ne vois pas grand-chose d’autre ; le bled est petit, il a toujours mené une vie tranquille… S’ils ont déménagés, peut-être leur ancienne maison ? Après, il a peut-être préféré s’installer dans un endroit à proximité d’une nourriture fraîche et pas trop surveillé par la police… Une école en bordure du village ? Si jamais on y trouve un bâtiment vide, avec vu sur la cour de récré ou la ruelle étroite qui mène chez papa, maman… Je pense qu’il y sera.

Après tout, la lente régression dans le choix de ses victimes l’amènerait fatalement à goûter les fillettes de quatrième, maintenant. Cassidi étant l’exception qui confirme la règle.
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Cassidi Natale [Othello]

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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeDim 22 Mai - 8:18

Enoncer que Milo n’était pas disposé à discuter eût été verser dans l’euphémisme. Cassidi avait l’habitude, de toute façon. Milo, c’était ce type que l’on représentait par un ours mal réveillé dans les vieilles pubs pour Ricoré. C’était aussi et surtout l’archétype du mec incapable d’émerger le matin venu à moins que son existence ne se trouve directement menacée. Et il fallait reconnaître que Cassie, avec ses soixante kilos un jour de ski, n’était pas exactement des plus menaçantes. Aussi n’eut-elle d’autre choix, pour l’heure, que de se montrer patiente. On ne raisonnait pas l’aîné Wincessero au saut du lit ; point, barre, retour à la ligne. A la serveuse, elle demanda un bol de café – Milo fit de même –, et ajouta à la commande un panier de croissants et quelques tartines. La boule d’angoisse logée dans sa cavité abdominale lui nouait les entrailles, un peu comme l’aurait fait un bloc de glace, brûlant et anesthésiant tout au passage. Elle n’avait donc pas spécialement faim, et si ça n’avait tenu qu’à elle, elle se serait passée de petit déjeuner et aurait planté là Milo, non sans lui avoir subtilisé les clés de l’Impala. Elle savait toutefois que, pour une fois qu’ils pouvaient s’offrir un petit dej décent, il leur fallait en profiter. Et d’autant plus le savourer qu’ils risquaient d’avoir besoin de leurs forces et de toute leur tête dans les heures qui suivraient. La jeune femme demeura donc sagement assise sur sa chaise, et adressa un sourire poli à la serveuse lorsque leur commande leur fut apportée. L’employée du réfectoire les quitta avec une ultime touche de curiosité dans le regard ; l’ignorant, Cassie poussa l’un des bols de café sous le nez de son frère.
Milo ne tarda pas à en percevoir les effluves et il s’abîma dans le breuvage brûlant. Il s’appliquait à engloutir sa boisson, et pourtant, il sembla à sa sœur qu’il envisageait sérieusement de s’endormir dans le bol. Elle hésita même, l’espace d’un instant, à lui envoyer son talon dans le tibia. Mais elle n’en fit rien. Cassidi, pour sa part, piocha deux croissants dans la jatte – un par main – et s’appliqua à les dévorer, s’autorisant de temps à autre une lampée de café.

Ce faisant, elle réfléchissait. On ne pouvait pas en dire autant de Milo, certes, mais elle réfléchissait. A Nerilla. A son sourire agréable, son esprit ouvert. Il aurait été plus pratique qu’ils le mettent au parfum de l’affaire en cours – tellement plus pratique. Au point où Cassie voyait plus d’avantages à prendre le risque de griller leur couverture en lui parlant qu’à ne pas le faire. L’homme était authentiquement préoccupé ; tout portait à croire qu’il souhaitait arrêter le rugaru presqu’autant qu’eux. Mais voilà : le problème était qu’il était droit. Sûrement trop. La cadette Wincessero avait beau l’apprécier en tant que commissaire et être humain, elle ne pouvait pas se voiler la face. Matteo Nerilla était de ces gens qui, en dépit d’un intellect suffisant, s’astreignaient à emprunter les routes que la Loi dessinait. By the book. Rien ne laissait présager que Nerilla, plus qu’un autre, soit capable d’évoluer hors des sentiers battus. C’était même le contraire. Lorsque l’on avait déployé tant d’énergie à s’ancrer dans la réalité et autres représentations utopistes de justice, on ne choisissait pas comme ça de retourner sa veste. Et puis, Nerilla ferait un meilleur flic en ignorant l’existence de ce qui sommeillait dans l’ombre.
Cassidi reposa son bol sur un coin de table, une fois qu’elle l’eût vidé. Sa décision était prise. Si quelqu’un mettait Nerilla au courant de quelque chose, ce ne serait pas elle. Et tant pis si cela leur compliquait la tâche – ils avaient déjà eu à se frotter à des situations bien plus complexes que celle-ci. Ses petites angoisses existentielles ne devaient pas entrer en ligne de compte, aussi Cassie laissa-t-elle tomber ses réflexions.

Presque au même moment, Milo braqua sur elle des yeux déjà plus réveillés. Un coup de peigne n’aurait pas nui à l’image débraillée qu’il donnait – RIP, l’AISI –, mais au moins, il avait trouvé une voie de sortie à son univers brumeux. Alors qu’il parlait, Cassidi tendit la main vers un autre croissant. Elle acquiesça en constatant que Milo et elle se rejoignaient sur le sujet de Nerilla : ils lui serviraient la version édulcorée de l’histoire. Restait à trouver laquelle en particulier. Il semblait plus simple de lui parler d’une créature sauvage qu’ils n’auraient pas réussi à identifier. Sauf que rien ne garantissait que le motel n’était pas doté de caméras de surveillance – ce matos électronique était une pourriture, décidément –, et il leur faudrait être prudents dans leurs assertions. Un homme étrange, dont l’allure cadrerait avec l’ADN inhumain retrouvé sur les victimes, alors ? Pourquoi pas. La peur du nucléaire pouvait faire des miracles ; les scientifiques auraient tôt fait de voir ce qu’ils souhaitaient voir dans la séquence d’acides nucléiques, et on songerait à une mutation génétique. Les articles à ce sujet promettaient d’être sympas. « Tchernobyl, en 1986, ne s’est pas arrêté aux frontières italiennes, et c’est aujourd’hui qu’il frappe à la porte des bons citoyens. » Ouais, ça devrait suffire. Quant au corps du rugaru, les Wincessero s’en débarrasseraient, et un professeur de biochimie viendrait évoquer la théorie de la combustion spontanée ne laissant pas de traces. Comme c’était pratique.

Le plan que proposait Milo plaisait déjà moins à Cassidi. Elle n’avait aucune envie d’être séparée de son frère tant qu’elle ne serait pas certaine que la bête ne traînait plus dans le coin. Elle savait bien que, loin de vouloir se débarrasser d’elle en suggérant qu’elle rejoigne les rangs des policiers, Milo cherchait à lui offrir une protection. Sauf que l’uniforme d’un flic n’était pas exactement ce que Cassidi aurait appelé un facteur rassurant. Les explications de Tazzo le prouvaient ; si seules les flammes pouvaient venir à bout d’un rugaru, les flingues des policiers n’auraient pas de grande utilité en cas de confrontation.
Elle se souvint toutefois que Mario avait eu peur du revolver de Milo, la veille. C’était une bonne chose, et la jeune femme dut reconnaître, d’un hochement de tête, que le raisonnement de Milo se tenait. Même s’il prenait au rugaru l’envie de récupérer son repas cassidien, la vision d’une patrouille de flics suffirait à le décourager. Momentanément, certes, mais on ne crachait pas dans la soupe. Mais qui couvrirait les arrières de Milo ? Le rugaru avait suivi Cassidi jusqu’au motel – car il avait dû la repérer dans la journée, peut-être même au parc –, il n’avait pas pu ignorer son frère. Si cela n’avait pas suffi à Mario, sa confrontation avec l’agent Almeida, dans la chambre, avait dû ancrer son souvenir dans sa mémoire. Rien ne l’empêchait de l’attaquer quand il se retrouverait seul, en proie facile. D’après Robertazzo, les rugarus avaient faim ; le leur préférait la chair féminine, mais des pulsions revanchardes pouvaient le pousser à s’orienter vers des hommes. Et cela, Cassie l’appréhendait.

Elle baissa les yeux sur son croissant, inquiète et cherchant ses mots. Déjà Milo continuait :

« D’ailleurs, pour le griller, Robertazzo m’a filé des tuyaux pour nous faire nos propres lance-flammes de bricoleur du dimanche, mais on peut tout aussi utiliser un simple bidon d’essence et un paquet d’allumettes. J’opterais plutôt pour cette solution, c’est plus discret si jamais les flics nous collent toute la journée. En outre, ça nous demandera moins de préparation et on pourra plus s’occuper de la planque du rugaru. »

Une nouvelle fois, Cassidi hocha la tête. Elle aurait trouvé plus tranquillisant de manier un lance-flammes géant, mais c’était une question de goûts. Elle termina son croissant sans croiser le regard de Milo. Elle savait que la trouille qu’elle avait de Mario Abatucci commençait sérieusement à nuire à son objectivité. Elle savait aussi que son frère était capable de se débrouiller seul. Ce n’était pourtant pas un problème de confiance ; d’inquiétude toute justifiée, plutôt. Ils avaient déjà bêtement perdu leur père, ce même père qui avait résolu des énigmes autrement plus ardues que celle d’un camion piloté par un démon et lancé sur leur bagnole, au beau milieu de la nuit. Ils n’auraient rien pu prévoir, certes. Les mauvaises choses avaient une propension bien plus élevée que les bonnes à survenir lorsque l’on travaillait dans ce milieu. Mais ç’avait été avertissement. Et Cassie comptait bien le garder en tête jusqu’à la fin de ses jours – petit post-it rouge, agité par une brise rieuse en périphérie de son champ de vision. Aussi refusait-elle de voir Milo mourir à cause d’une connerie.
Quand ce dernier se mêla d’ajouter quelques questions à propos de la planque du rugaru, Cassidi se secoua, et investit la discussion.

« On n’a qu’à dire à Nerilla que tout est allé trop vite pour qu’on voie bien l’agresseur. Qu’on a juste remarqué qu’il n’était pas tout à fait humain, et que ça correspond à ce que l’ADN suggérait. Genre mutation génétique qui survient au mauvais moment et a fait péter une durite à un homme X ou Y … Et pour la planque, je pense qu’avant de chercher des trucs évolués, il faut regarder du côté de l’ancienne vie de Mario, s’intéresser aux endroits qu’il fréquentait. Ça semble plus plausible. Ce type est un tueur en série, mais pas un génie. » Cassie faisait un effort pour que les intonations de sa voix ne jouent pas aux montagnes russes lorsqu’il lui fallait faire une référence directe au rugaru. Elle ramena une mèche de cheveux derrière son oreille, histoire de se donner une contenance. « Va pour que je reste avec Nerilla et ses potes … mais fais attention de ton côté, Milo. Abatucci préfère les filles mais il pourrait changer de bord pour te faire payer ton intervention d’hier », ajouta-t-elle, indifférente au double-sens dont se dotaient ses paroles.

Elle allait insister sur le fait qu’il devait être prudent – attacher sa ceinture, faire un double-nœud à ses lacets, tout ça –, quand la porte du réfectoire s’ouvrit sur Nerilla, dans le dos de Milo, accompagné par trois policiers. Cassidi fit de son mieux pour conserver un visage neutre, et elle indiqua à son frère les nouveaux arrivants d’un discret signe du menton. Les quatre hommes les repérèrent dans la seconde qui suivit leur arrivée ; ils se dirigèrent vers eux. Cassie se leva et lui serra la main, un sourire pincé jouant sur ses lèvres.

« Bonjour, lança Nerilla à ceux qu’il prenait pour des agents. Le gérant du motel m’a averti de votre réveil. J’espère que vous avez tout de même réussi à dormir, et je suis sincèrement désolé pour ce qui s’est passé – et ce qui a failli se passer. Je venais voir si tout allait bien … et si vous avez pu glaner quelques informations, malgré tout. Il indiqua les trois officiers, derrière lui. Je suis venu avec mon équipe. D’autres attendent devant l’hôtel. Je me demandais si vous souhaitiez vous joindre à nous pour l’enquête, aujourd’hui ?

Les subordonnés de Nerilla affichaient l’air curieux de ceux qui hésitent à intervenir devant deux agents émérites de l’AISI. Ils observaient les Wincessero à la dérobée, et Cassidi nota que l’un d’eux la fixait avec intensité, visiblement à la recherche des blessures infligées par le tueur dont il avait entendu parler. L’instinct commanda à la jeune femme de porter une main sur son épaule, comme pour la dissimuler aux regards.

« Bonjour, monsieur. Ne vous faites pas trop de souci, c’est allé. Plus de peur que de mal, et le docteur Profete s’est montré compétent. En revanche, je suis désolée de vous annoncer que nous n’avons pas pu identifier le tueur. Il faisait trop sombre, et tout ce dont nous avons pu nous rendre compte, c’était qu’il n’était pas tout à fait … normal. Disons que ça confirme les analyses de vos experts. Ce qui n’était pas un mensonge. L’agent Almeida et moi avons pu discuter, et je me joindrai à vous pour une partie de la journée. Lui-même doit s’entretenir avec nos supérieurs et doit achever les interrogatoires entamés hier auprès des voisins des victimes. Et puis, il en profitera pour consulter les participants de la fête à laquelle Silvia se trouvait avant de passer par le parc. A ce sujet, du nouveau ? Et pourriez-vous fournir à Almeida une liste de ces personnes ?
—Aucun problème. Monsieur Almeida, vous n’avez qu’à vous présenter au commissariat pour récupérer la liste en question, avec les adresses de ces gens. Vous …
—Merci, commissaire »
, coupa Cassidi.

Elle tapota l’épaule de Milo, en tournant le dos à Nerilla, de façon à ce qu’il ne voie pas ses traits. Je vais avec eux, disait son regard. Toi, tu t’occupes des préparatifs pour le cocktail Molotov, et tu me fais signe lorsque tu en as terminé. Et tu fais attention, aussi. Vraiment attention. J’ai pas envie d’avoir à enquêter sur ta mort.

« Vous me tenez au courant. »

Après quoi elle pivota de nouveau vers Matteo Nerilla, et indiqua la sortie du réfectoire.

« Je doute qu’on y trouve quoi que ce soit, mais on peut toujours commencer par examiner la chambre où il m’a attaquée …
—On vous suit. »


Dernière édition par Cassidi Natale [Othello] le Sam 4 Juin - 10:55, édité 1 fois
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeDim 22 Mai - 17:46

L’avantage d’une méchante attaque et d’être blessé, c’était que cela vous creusait l’appétit. Du moins, c’était ce que supposait Milo qui entre l’admiration de son propre petit déjeuner –rien n’était meilleur que le pain craquant du matin avec une fine lamelle de beurre- relevait également l’intérêt de Cassidi pour les malheureux croissants de la corbeille. S’il n’avait pas été réveillé aussi énergiquement et traîné de force jusqu’à la cafétéria, Milo aurait presque pu croire que sa sœur était aussi endormie que lui. En général, c’est ce que témoignait une aussi grande attention pour le contenu des bols. A l’inverse, Cassidi semblait ne pas écouter un mot de ce qu’il racontait. Un brusque retour de fatigue émotionnelle ? Non ; elle réfléchissait juste, conclut Milo lorsque la tête de sa sœur se redressa et qu’elle prit la parole :

- On n’a qu’à dire à Nerilla que tout est allé trop vite pour qu’on voie bien l’agresseur, proposa-t-elle. Qu’on a juste remarqué qu’il n’était pas tout à fait humain, et que ça correspond à ce que l’ADN suggérait. Genre mutation génétique qui survient au mauvais moment et a fait péter une durite à un homme X ou Y …

Ouaip, c’était potable. Et pas très loin de la vérité ; après tout, il se pouvait bien qu’il y ait une explication scientifique à tous les étranges évènements dont les Wincessero avaient été témoins… aurait dit une Dana Scully armée de son bagage médical. D’ailleurs, servir une telle explication fit sourire à demi le jeune homme qui y vit un scénario cadrant à la perfection les habituelles intrigues de sa série télévisée préférée. Une explication qui aurait convenu à Mulder autant qu’à sa coéquipière, d’ailleurs, après quelques moments de doute et de scepticisme. Une explication, qui bien qu’elle fut suffisamment tirée par les cheveux pour qu’on eut dit qu’elle était l’invention d’un auteur de thriller amateur de science-fiction et un tantinet écolo, serait recevable par un esprit ouvert que Nerilla. Si elle était exposée avec l’assurance d’un agent de l’AISI sérieux et rigoureux, qui plus est… Le commissaire, les journalistes et les habitants du village avaleraient ça avec l’enthousiasme d’un mioche devant du sirop pour la toux. Enrobé de cette note caramélisée, elle serait ingérée jusqu’à la dernière goutte. Le sourire de Milo, plus visible dans ses yeux que sur la courbe de ses lèvres, s’agrandit encore un peu devant l’admiration amusée qu’il éprouvait pour Wikicassie.

- Et pour la planque, poursuivait ce même logiciel, je pense qu’avant de chercher des trucs évolués, il faut regarder du côté de l’ancienne vie de Mario, s’intéresser aux endroits qu’il fréquentait. Ça semble plus plausible. Ce type est un tueur en série, mais pas un génie.

Tout à fait d’accord. Milo était intimement persuadé que s’il avait conservé son intelligence d’autrefois, le rugaru restait diminué par la faim et la violence de ses désirs. L’instinct et la satisfaction de ses besoins bruts primaient sur sa prudence et sa logique. Une légère contrepartie en échange de ses muscles décuplés –surtout que le modèle original n’était pas exactement un gringalet maigrichon champion de la catégorie poids plume-, de ses dents coupantes et de sa mâchoire puissante. Merci, karma. La brève de lutte d’hier soir lui en était témoin ; à mains nues, au moindre faux pas, Milo se ferait facilement broyer les os. Littéralement. Donc, tout ça ne l’aidait pas vraiment, sinon à surprendre leur proie avant que les rôles ne s’inversent.

- Va pour que je reste avec Nerilla et ses potes … finissait par concéder Cassidi, mais fais attention de ton côté, Milo. Abatucci préfère les filles mais il pourrait changer de bord pour te faire payer ton intervention d’hier.

Milo ne dit rien à ce sujet, mais il fut surpris. C’était rare que Cassidi lui fasse des recommandations. En fait, il se considérait moins tête brûlée qu’elle et ils avaient l’habitude de se laisser à chacun une grande marche de manœuvre dans les enquêtes. Cassidi pouvait passer une journée toute seule sans que Milo s’en inquiète de son côté, certain qu’il était de la retrouver le soi. Les exhortations à la prudence étaient rarement de mises, sauf face à un ennemi connu et puissant –un gros badass de démon, par exemple, ou bien un nid de vampires-. Néanmoins, un battement de paupières sur ses yeux noirs chassa immédiatement la surprise. Cassidi avait été attaquée, elle voyait Mario d’une façon irrémédiablement différente, maintenant. Et sûrement ferait-elle de même s’ils tombaient, à l’avenir, sur un autre spécimen de rugaru. Milo espérait que non ; la peur entretenue rendait moins fiable, plus apte à l’erreur. Si Cassidi faiblissait, il devrait compenser derrière ; ça ne le dérangeait pas, mais il n’avait pas la possibilité de toujours jouer le rôle du garde du corps avec sa sœur. Enfin, pour l’heure, la question ne se posait pas ; Cassidi serait avec Nerilla toute la journée, pot de miel entouré d’abeilles prêtes à défendre leur labeur face à un grizzli affamé. Milo n’aurait pas de trop gros soucis à se faire de ce côté-là ; la présence de policiers dissuaderait Mario d’intervenir pour finir son repas. Il ne craignait pas les armes à feu, mais le nombre serait un adversaire compliqué. C’était comme avec les cambrioleurs ; une porte fermée ne l’empêchait pas de s’inviter chez vous, mais plus il y avait d’obstacles, plus il y avait des chances que votre visiteur se lasse et préfère se rabattre sur une demeure plus aisée. Pour lui-même, Milo ne s’affolait pas. Il était prévenu et armé comme il le fallait. Sa vigilance serait d’autant plus forte et il n’était pas assez sot pour se compromettre dans des situations inextricables sans une porte de secours ou un allié. De nouveau, les pensées de Milo vagabondèrent jusqu’à X-Files ; quel dommage que l’un des Wincessero ne soit pas un profileur spécialiste du comportement criminel ! Il leur aurait été facile, alors, de savoir si Mario était du genre à vouloir se venger ou à faire une fixation sur ses victimes. Aisé également de découvrir le lieu où il se tapissait. Mais ce n’était pas le cas, et Milo devrait se faire tout ce boulot au petit bonheur la chance –sûr que c’était la méthode la plus efficace de l’univers-. Il se renfrognait déjà à l’idée de passer la journée à se farcir des mademoiselles Casabelle hystériques et phéromonant à qui mieux-mieux devant un séduisant agent de l’AISI. « Bonjour, agent. C’est à vous, cette belle Cadillac ? » « Du thé, agent ? Côôôômme ça doit être fatiguant pour vous de passer toute la journée debout à cavaler ! ». Gloussements, gloussements. Si vous saviez, mademoiselle, répondrait alors, morne, le pauvre Almeida desséché.

- Ne t’inquiète pas, Cassie, répondit-il en achevant son café d’une lampée. Je serais prudent.

Du bruit dans le fond l’incita à se tourner de trois-quarts pour mieux voir la scène, le coude posé sur le dossier, l’air fatigué à l’avance des courbettes que les deux faux agents devraient faire. Repérant Nerilla et ses acolytes, Milo passa rapidement la main dans ses cheveux pour leur donner un semblant de tenu. Il espérait qu’il n’avait pas la trace du canapé sur la joue, incrustée aussi profondément dans sa peau qu’il l’avait été dans le sommeil. Déjà, les policiers étaient sur eux ; Cassidi s’était levée pour les saluer d’une poignée de main virile. Dans son rôle pas trop forcé d’original spécimen de l’AISI asocial, Milo se contenta d’un hochement de tête poli, l’air sombre –pas forcé non plus-. Trop snob pour se fatiguer à accueillir cordialement de simples représentants de l’ordre campagnards, trop occupé aussi. Ca passait comme une lettre à la poste, surtout vu le peu de fois qu’il avait eu à faire avec Nerilla et le fait que Cassidi ne lui avait pas laissé le temps de se changer tout à l’heure.

- Bonjour. Le gérant du motel m’a averti de votre réveil. J’espère que vous avez tout de même réussi à dormir, et je suis sincèrement désolé pour ce qui s’est passé – et ce qui a failli se passer. Je venais voir si tout allait bien … et si vous avez pu glaner quelques informations, malgré tout. Je suis venu avec mon équipe. D’autres attendent devant l’hôtel. Je me demandais si vous souhaitiez vous joindre à nous pour l’enquête, aujourd’hui ?

Blabla, blabla. Heureusement que Cassidi était là pour assurer le côté tact, cordial et relationnel du groupe qu’ils formaient. C’était elle la plus habile à soutirer des informations aux gens qu’ils interrogeaient, avec son sourire aimable et compatissant, ses puppy eyes qui ne laissaient personne insensible et son verbiage plus élevé que celui de son frangin. Elle était parfaite en agent de l’AISI, en assureur ou en n’importe quoi d’autre officiel. Elle inspirait la confiance avec ses paroles mesurées et compréhensives et paraissait plus crédible de ce point de vue là que Milo et son assurance blasée. Milo était bien pour appuyer leur couverture, leur donner un côté d’efficacité rapide, et pour dissuader les plus impétueux de se défier d’une simple et très charmante fille. Dans un pays aussi macho que l’Italie, l’aide était indéniable. Ainsi donc, comme à leurs habitudes, Milo laissa à sa sœur le privilège exquis de se farcir les formalités et les phrases au jargon spécialisé de rigueur. Il suivit la conversation avec une austérité et une retenue plaquées sur le visage toutes professionnelles. Nerilla s’adressa brièvement à lui :

- Aucun problème. Monsieur Almeida, vous n’avez qu’à vous présenter au commissariat pour récupérer la liste en question, avec les adresses de ces gens. Vous …
- Merci, commissaire.

Milo hocha la tête pour approuver et agita vaguement sa main pour signifier qu’il passerait au commissariat. Cassie fit volte-face pour lui intimer quelques consignes du regard. Imprimer, même. Avec le support qu’utilisaient les êtres humains pour communiquer, elle préféra un bref :

- Vous me tenez au courant.

Almeida nota dans un coin de sa tête quelques remarques à lui faire en privé, plus tard. Comme, lorsqu’on est un tandem d’agents qui travaillent ensemble depuis plus d’un an, on se tutoie. Cela fait moins rigoureux, certes, mais dans la réalité, les agents de l’AISI se comportaient comme des hommes et non pas comme de froids fonctionnaires. Ils prenaient donc quelques familiarités avec leurs proches collègues. Le jeune homme aurait parié que c’était également le cas pour Nerilla et ses alter-egos. Lorsqu’il n’y avait de rapports de force hiérarchiques, c’était tout à fait usuel.

- Ne vous inquiétez pas pour ça, Luce, répéta Milo en tapotant la poche qui contenait son portable. N’oubliez pas de faire de même.

Et pas d’utilisation inconsidérée de charmes ou bien… du charme, mais Milo le lui rabâchait tant de fois dans l’Impala que Cassidi devait avoir développé une madeleine de Proust à ce sujet. Ils se séparaient et hop, la voix de Milo, mécontente, retentissait dans sa caboche. Tandis que tout ce petit monde s’éloignait, Milo se leva, engloutit un croissant, unique rescapé du massacre perpétué par un monstre d’origine inconnue, puis jetant sa veste à travers l’épaule, remonta dans sa chambre récupérer quelques bricoles dont il aurait besoin pour sa journée. Il veilla à ce que sa piaule ne laissa pas présupposer à un policier trop méfiant que les deux agents de l’AISI n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être puis gagna l’Impala. Il fit courir ses doigts le long de l’acier de la portière, savourant ces retrouvailles, puis monta. L’odeur de cuir, le contact du volant, tous ces éléments familiers chassèrent momentanément la mauvaise humeur inlassablement présente chez lui. La pensée de revoir Casabelle, elle, anéantit ces efforts. Youpee. Milo prit le temps de se dresser une liste écrite des lieux qu’il tenait à visiter et de quelques suggestions qu’il tenait à vérifier. Mais avant de s’employer à réduire cette liste, il devait tout d’abord passer à la supérette du coin. Il défit sa cravate, ouvrit un peu sa chemise, relégua la veste sur le siège arrière. Pour faire ses emplettes, Milo préférait ne pas ressembler à Almeida ; cela paraitrait bizarre, quand même, qu’un membre de l’AISI acquiert un gros bidon d’essence et quelques allumettes. En fait, même pour un type normal, cela aurait paru douteux. « Vous comptez vous immoler, ou c’est juste une soudaine envie de faire cramer la voiture de votre voisin ? ». Il profiterait de la supérette pour faire quelques courses bidons, et irait ensuite chez le garagiste pour le bidon. Il en profiterait même pour laver l’Impala. Avec sa fausse carte de crédit, il pouvait largement se le permettre.

Lorsque ce beau programme fut accomplit, et qu’il se retrouva de nouveau en tête à tête avec sa dulcinée toute parfumée et rutilante, il réalisa les gestes vestimentaires inverses, fit le nœud de sa cravate, ferma tous les boutons de la chemise, passa de nouveau sa veste. Oh, il n’était pas de dupe. Le village était trop peu peuplé pour que la tête d’Almeida n’en fasse pas le tour, même si tous les habitants n’avaient pas été présents hier au parc. Si le garagiste ou la caissière se trouvaient là, ils auraient vite fait le rapprochement, s’ils étaient un tant soit peu physionomistes. Mais changer son apparence, même aussi peu, était souvent suffisant pour troubler les gens et semer le doute dans leurs esprits. Ce n’était guère qu’une précaution qui ne voudrait plus rien dire demain, lorsque Cassie et lui seraient sur les routes de Milan et que les véritables agents débarqueraient, furieux. Oui, Milo avait pour objectif de réussir à buter la saloperie qui hantait la ville avant ce soir. Il ne souhaitait pas voir d’autres victimes et pourtant, chaque jour en appelait une nouvelle. Finalement, c’était presque étrange que Mario n’avait pas été arrêté plutôt, songea Milo en descendant de l’Impala pour inspecter prudemment la boucherie fermée pas à cause du risque rugaru, hein, mais à cause du risque Casabelle-. A force de sortir se nourrir, les gens auraient réagis comme les plus frustres des paysans –schéma de défense classique d’une communauté-, auraient organisés une battue, l’auraient trouvés puis mis en pièces détachées sans sommation. Sanglant, mais néanmoins assez efficace ; il y avait toujours un plus hystérique que les autres pour avoir l’idée de foutre le feu aux restes. Et si sauvage fut Mario, Milo doutait de ses capacités à vaincre une centaine d’âmes en colère. Voir même à fuir. Pour éviter ce carnage, qui aurait signé son arrêt de mort, Mario avait dû finalement lutter contre la violence de ses appétits ; au lieu de se nourrir une fois par jour, il s’était refréné pour ne casser la croûte que tous les deux, trois jours. A cause de Cassie, il aurait une sacré dalle aujourd’hui… Ce qui fit penser à Milo que Mario devait avoir une cachette de viande non-humaine pour ronger son frein en attendant. Dans ce cas, la boucherie était une planque toute indiquée…
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Cassidi Natale [Othello]

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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeMer 25 Mai - 12:20

Cassidi Wincessero se l’avouait sans peine : elle trouvait reposant d’incarner l’agent Luce Laslos. Evidemment, le fait d’usurper l’identité d’un membre émérite de l’AISI n’allait pas sans amener son lot de préoccupations existentielles, et l’on pouvait – tout aussi légitimement – craindre d’éventuelles représailles, si jamais la couverture sautait. Ça restait une grosse prise de risques. Et puis, les qualités pré-requises sur un CV pour jouer avec ce type de feu avaient majoritairement trait à de la connerie pure – n’usurpait pas qui voulait. S’adonner à de telles pratiques, c’était garder dans un coin de sa tête une idée, une crainte, celle d’être un jour démasqué et envoyé en taule pour quelques millénaires.
Mais c’étaient là les inconvénients. Les avantages, eux, suffisaient à éclairer la situation d’un autre camaïeu de lumières. En tout premier lieu, cela revenait à jouir d’une autorité qui faisait force de loi auprès de qui que ce soit. Il était bien plus simple de se faire entendre lorsque l’on exhibait un badge des forces spéciales. Et surtout, rien n’obligeait à justifier telle ou telle action : en plus de vous écouter et de vous obéir, on vous passait tout. Ce qui changeait un peu les chasseurs de leurs habitudes, eux qui se trouvaient souvent obligés d’œuvrer dans l’ombre et, lorsque ce n’était pas le cas, confrontés à un bloc d’incompréhension de la part de Ceux-qui-ne-savaient-pas. C’était donc un luxe que les Wincessero, de temps à autres, aimaient à se payer. Cassidi plus que Milo, vraisemblablement. Il arrivait souvent à la jeune femme de penser qu’elle aurait dû boucler ses études avant de suivre son frère et tenter de devenir officiellement membre de l’AISI. Sans être un génie, Cassie n’était pas idiote ; en outre, les concours permettant d’intégrer l’élite des services de renseignements italiens n’étaient pas inaccessibles. Ç’aurait été pratique lorsqu’il se serait agi de recueillir certaines de ces informations que le gouvernement ne lâchait pas en pâture aux journaux, tels les résultats des analyses d’ADN pratiquées sur les victimes de Mario Abatucci. Le problème était que ce job aurait constitué une attache gênante, à la longue, plutôt qu’autre chose, en plus de lever le voile sur son existence. Et en fin de compte, Cassidi trouvait tout aussi bien de se contenter d’usurper une plaque. Plus simple.

Nerilla, de son côté, fit tout pour que Luce Laslos ne trouve pas handicapante la présence des policiers, même s’il n’eut pas à se forcer pour que cela lui paraisse agréable. Il se montra bien plus prévenant avec la jeune femme que la plupart des flics qu’elle avait déjà rencontrés. Cassidi se doutait que cela avait à voir avec l’attaque qu’elle avait subie dans sa ville, mais il ne fut pas pesant pour autant. Il lui offrit même, discrètement, de se faire examiner en duty free à l’hôpital de la ville voisine, afin d’assurer la guérison de son épaule. Ce à quoi elle répondit par la négative, en lui enjoignant de ne pas s’inquiéter pour sa santé. Elle ne précisa pas que, à peu de choses près, elle avait déjà dû vivre pire, mais le ton y était. Nerilla accueillit cette réponse avec un sourire tout paternel, et si Cassie n’aimait pas plus que cela être maternée, elle n’allait pas cracher sur l’humanité du commissaire.
Quant aux autres officiers, ils observèrent une distance polie. Ils se présentèrent à l’agent Laslos lorsqu’ils eurent quitté le réfectoire ; elle ne retint pas leurs noms, en sachant qu’ils ne lui en tiendraient pas rigueur. Elle avait compris depuis longtemps qu’il suffisait d’accorder un semblant d’attention aux flics des petits patelins pour que ceux-ci s’en contentent. Les spécimens actuels n’échappaient pas à cette règle. Aussi Cassidi ne fit-elle pas de manières et se contenta-t-elle de leur serrer la main en acquiesçant lorsqu’ils lâchèrent leur nom.

Comme prévu, ils commencèrent par se rendre à ce qui aurait dû être à la chambre de Cassie. En chemin, Matteo Nerilla fit signe à quelques experts et un officier supplémentaire de les suivre ; l’agent Laslos leur ouvrit la voie – et la porte.
Cassidi n’eut pas grand-chose à faire au cours de l’examen minutieux qui s’ensuivit. Les officiers laissèrent aux experts le soin de recueillir ce qu’ils pouvaient recueillir, et pendant ce temps, Nerilla et un flic recueillirent de façon plus officielle le témoignage de leur demi-victime. Cette dernière n’eut aucun mal à étayer son histoire de quelques uns de ces petits détails contextuels et autres illustrations gestuelles communément compris comme des manifestations de la vérité. Elle aurait pu leur expliquer qu’un dragon l’avait attaquée, pressentait-elle, qu’ils auraient de toute façon bu ses paroles. Elle se contenta donc de rester assise dans un coin, sagement, en se fendant d’un commentaire lorsqu’elle le jugeait nécessaire, ou répondant aux questions des experts.

Quelques échantillons de sang furent recueillis. Dans la poubelle, la police scientifique s’intéressa aux compresses utilisées par Chuck Profete, la veille, pour nettoyer les blessures de Cassidi ; histoire de vérifier que l’ADN du meurtrier n’avait pas changé. Ils s’attardèrent également sur les empreintes qu’ils purent relever sur le rebord de la fenêtre et le balcon adjacent, alors que deux policiers étaient chargés d’examiner le parc. Si ces derniers ne confirmèrent pas grand-chose d’autre que des traces de pas semblables à celles recueillies sur les autres lieux de crime, bien que cela ne prouve rien, les premiers trouvèrent quelque chose. Ou plutôt, plusieurs types d’empreintes.
Bien sûr, il ne fallait pas s’étonner de trouver des empreintes dans un hôtel. Les femmes de ménage avaient beau faire un travail correct, il aurait été ridicule d’imaginer qu’elles poussaient le zèle à l’effacement des traces de doigt sur un cadre de fenêtre. Les experts relevèrent donc une foule d’empreintes, dont la plupart se révèleraient sans doute appartenir à des clients de membres du personnel du motel. Ils demandèrent les siennes à la jeune femme.

Cassidi fronça les sourcils – pour deux raisons.
La première, c’était que, dans une affaire comme celle-ci, certaines des empreintes risquaient d’être conservées. Les siennes, en l’occurrence. Et ce n’était pas l’idéal pour une chasseuse cherchant à se fondre dans le décor. Si le gouvernement mettait la main sur ses empreintes, et qu’il apprenait, par la suite, que la détentrice de ces dernières s’était fait passer pour un agent de l’AISI, ça risquait de poser souci. Elle ne se faisait pas d’illusions : un portrait-robot de Milo et elle devait déjà circuler en Italie, car, sans s’être fait prendre la main dans le sac, les autorités devaient avoir compris depuis longtemps que de fausses plaques circulaient. Mais si, au portrait-robot, le gouvernement pouvait joindre des empreintes, en cas d’arrestation, les Wincessero risquaient gros. Adieu l’alibi et la présomption d’innocence. Il serait donc utile que Cassidi fasse disparaître ces preuves. Encore fallait-il qu’elle en ait l’opportunité ; elle décida de profiter de la moindre occasion.
La seconde raison concernait les empreintes du rugaru. L’attaque avait permis à Cassie de retenir que les doigts de la bête étaient griffus ; mais qu’était-il de ses signatures digitales ? Avaient-elles changé ou, au contraire, restaient-elles les mêmes ? S’il en possédait toujours, qu’il en avait laissées sur la fenêtre ou le balcon et que les flics les identifiaient, ils ne tarderaient pas à faire le rapprochement avec Mario Abatucci. L’homme était considéré comme disparu et faisait partie d’éventuels suspects. Il était donc à parier que les flics s’étaient débrouillés pour prélever des empreintes de l’homme en question. Ils auraient tôt fait de remonter jusqu’au concerné, ADN correspondant ou pas. Et ça, c’était mauvais pour tout le monde. Si Milo parvenait à établir une piste pour retrouver Mario, la police ne serait pas longue à faire de même, ne leur laissant que peu de temps pour intervenir.

Par conséquent, Luce Laslos prêta une attention toute particulière au trajet suivi par le matériel des experts. En interrogeant l’un d’eux, elle apprit que tout ce beau monde atterrirait au commissariat, où un labo avait été établi tout spécialement pour le cas des meurtres en série. Parfait.

Le motel, lui, comme l’avait craint Cassidi, était doté de caméras de surveillance. Le dispositif prévoyait que les images soient conservées dans la base de données durant les vingt-quatre heures suivant leur enregistrement ; Nerilla et ses hommes purent les visionner. Elles montrèrent que, aux alentours de 23h, un homme corpulent, revêtu de ce qui ressemblait à un trenchcoat, avait approché la façade de l’hôtel, avant de s’introduire par la fenêtre correspondant à la chambre de Cassie. On l’en voyait ressortir peu de temps après. Milo apparaissait alors dans l’encadrement et s’y figeait quelques secondes avant de disparaître dans la pièce. Après quoi, l’interrupteur était poussé à l’intérieur ; la fenêtre s’illuminait et la scène cessait d’être intéressante.
La vidéo, hélas – ou heureusement ? – était de mauvaise qualité. Et puis, l’image était trop sombre pour que l’on puisse en faire quoi que ce soit. Nerilla se débrouilla pour obtenir une copie du fichier, qu’il confia à un flic : celui-ci devait l’envoyer à des types capables de la trafiquer, afin d’établir, le cas échéant, une image plus nette et, par là, utile.
Cassidi ajouta la vidéo à la liste des trucs craignos dans cette histoire.

Les heures qui suivirent furent encore moins palpitantes. Ce fut en s’inquiétant pour Milo que Cassie passa le temps ; il n’y avait rien qu’elle puisse faire, techniquement, pour accélérer le processus. D’autant qu’elle ne souhaitait pas accélérer quoi que ce soit, et qu’il était tout aussi complexe de mettre des bâtons dans les roues de l’enquête.
Le groupe finit par quitter le motel. Cassidi les suivit au commissariat, où les experts, d’après Nerilla, s’attelèrent immédiatement à la tâche que constituaient les empreintes digitales. Celles-ci pouvaient être rattachées à d’éventuels suspects dans la journée ; l’ADN, en revanche, prendrait au moins trois jours, et les officiers ne nourrissaient pas de grands espoirs de ce côté-là.
Cassie, désœuvrée, réclama à Nerilla de se pencher de nouveau sur les fichiers consultés la veille. Ce fut sans plaisir qu’elle retrouva la pile de dossiers, mais cette fois-ci, elle savait quoi chercher. S’isolant dans une pièce, Cassidi se dirigea immédiatement vers les notes consacrées à Mario Abatucci, qu’elle parcourut avec bien plus d’attention que le jour précédent.

Sur l’homme, elle n’apprit pas grand-chose de nouveau. Né d’une famille moyenne, parents décédés. Un frère et une sœur, sachant que le frère s’était tué dans un accident de voiture quatre ans auparavant. Pas de casier judiciaire – tout juste quelques PVs pour stationnement gênant. Un homme décrit comme ouvert, voire jovial, par ses connaissances ; pas le genre à péter une durite et devenir son propre boucher. Des études qui n’avaient rien de brillant mais correctes, une femme qu’il avait épousée une vingtaine d’années plus tôt. Pas d’enfant. Bref, un couple de commerçants tout ce qu’il y avait de plus normal, lorsque l’on oubliait que l’un d’eux n’avait jamais été qu’une bombe à retardement …
Cassie regarda de plus près les possessions de Mario, et notamment ses biens fonciers. Il apparut que si son enseigne ne lui rapportait pas des fortunes, le boucher n’en était pas moins riche lorsque l’on s’attardait sur le plan de l’immobilier. L’appart dans lequel les Abatucci vivaient était relativement grand, situé au-dessus de la boutique ; celle-ci possédait une arrière-salle de dimensions respectables, ainsi qu’une cave toute aussi spacieuse. La jeune femme nota cette information dans un coin de sa tête. A cela, il fallait ajouter l’héritage de Mario : de son frère, il avait reçu un studio T4 dans une grande ville à proximité et, de ses parents, une villa restée invendue en périphérie du patelin.

La relecture des rapports apprit à Cassidi que studio et villa avaient été examinés de fond en comble par les policiers. L’appart était de toute façon trop loin d’ici, et localisé au beau milieu du centre-ville ; on pouvait d’ores et déjà le rayer des possibilités. Lorsque l’on ne ressemblait plus à un être humain, il était déconseillé de se balader dans une cité de plus de cinquante-mille habitants.
Restait la villa, déjà plus intéressante stratégiquement parlant. Les flics l’avaient peut-être visitée, mais s’il était bien une chose que Cassie avait apprise ces vingt dernières années, c’était qu’une ville aussi ancienne que celle-ci comportait des cachettes dont les plans ne parlaient pas. Le patelin datant d’avant la seconde guerre mondiale, tout portait à croire que les leçons de la première avaient été apprises. On ne comptait plus les vieilles baraques que les proprios, effrayés par l’éventualité d’une attaque aérienne, avaient munies de caves secrètes, un peu à l’écart du domicile lui-même. La World War II leur avait donné raison et, au cours de celle-ci, des milliers de planques avaient rejoint les invisibles bataillons des premières à avoir été construites. Le grand terrain adjacent à la villa Abatucci était susceptible de comporter un abri de ce type.
Cassidi prit en photo avec son téléphone les lignes concernant la villa, et les envoya à son frère.

Puis elle referma les dossiers, et déambula dans le commissariat. Elle attendait. L’heure de se sustenter approchant, Nerilla l’interpella dans un couloir et lui proposa de venir déjeuner avec lui au réfectoire du commissariat. La cadette Wincessero accepta, faute de mieux. Ce fut donc au cours du repas qu’elle partageait avec l’officier qu’un policier vint les trouver, l’air inquiet. Il les informa qu’une mère de famille avait passé un coup de fil au poste ; le matin même, elle avait laissé sa fille de dix ans, Olivia, se rendre seule à l’école. Lorsque la mère de la petite s’était pointée à la sortie de l’établissement pour l’emmener manger, elle ne l’y avait pas trouvée. Elle s’était inquiétée et, quittant la voiture, avait parlé aux professeurs encore sur place. La maîtresse de la gamine lui avait appris qu’Olivia ne s’était jamais présentée en classe ce matin-là, et la maman, paniquée, avait appelé les flics.
Ce qui était déjà inquiétant en temps normal l’était d’autant plus lorsque l’on savait ce qui se tramait actuellement. Impossible de ne pas faire le lien.

Cassie s’excusa auprès de Nerilla, annonçant qu’elle devait consulter ses supérieurs. Une fois seule, elle composa le numéro de Milo, et fut soulagée de l’entendre décrocher :

« Allô, Milo ? Oui, on a un problème, là … Une gamine de dix ans n’est jamais arrivée à l’école primaire ce matin, alors qu’elle fait ce trajet à pied tous les jours. Sa mère s’en est rendue compte uniquement parce qu’elle ne la laisse pas manger à la cantine et était venue la chercher à la sortie. Comme ce sont des circonstances exceptionnelles, Nerilla va lancer l’avis de recherche, c’est l’alerte générale par ici. Je crois qu’on ferait bien de retrouver Mario très rapidement. Tu as reçu ce que je t’ai envoyé ? »


Dernière édition par Cassidi Natale [Othello] le Sam 4 Juin - 10:53, édité 1 fois
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeDim 29 Mai - 20:44

Milo mâchonnait des olives vertes trempées dans leur huile pimentée avant de recracher des noyaux par la fenêtre ouverte de l’Impala. Méthodiquement. A intervalles réguliers. Il aurait même pu mettre ses talons de part et d’autre du volant s’il n’avait pas été horrifié par l’idée de salir le précieux cuir du tableau de bord. Cela faisait presque deux heures qu’il moisissait là, pas loin de la boucherie qu’il avait visité –prudemment- en début de matinée. Il avait eu le temps de faire le tour des lieux inscrits sur sa liste de repaires potentiels à rugaru affamé, mais n’avait rien trouvé de concluant. En fait, il avait surtout deux gros doutes ; cette maison, là, et la villa héritée des parents de Mario, en périphérie. Les autres étaient situées à des endroits que même le premier des imbéciles n’aurait pas choisis. Trop près du commissariat, ou d’un gros croisement, exposés à la vue de tous, à louer ou il ne savait plus quoi encore. Pour chacun, Milo était descendu de voiture et avait rôdé autour. Parfois, il était entré dans le bâtiment, le plus silencieusement possible, avait examiné quelques salles, ainsi que les alentours. Pas de traces, pas de poussière déplacée, pas de plumes de poulet impitoyablement dévoré. Rien. Pour la villa, il avait reçu des photos de Cassie par le biais de son téléphone portable avant de se rendre sur les lieux. Au sein même de l’élégante demeure, rien de suspect. Milo était descendu à la cave, sans succès ; mais il avait bien remarqué qu’il s’agissait d’une ancienne maison et s’était demandé si le rugaru ne vivait pas dans les fondations ; seulement, il avait promis à Cassie d’être prudent et de ce fait, ne se voyait pas ramper dans les boyaux muraux pour descendre plus profondément encore. Alors, il était ressortit.

C’était stupide de dire ça, mais lorsqu’il avait garé l’Impala devant le trottoir et était descendu, lorsqu’il avait posé son regard sur la façade blanche, il s’était senti un frisson remonter tout le long de sa nuque. Ou une étrange sensation dans le dos. Bref, quelque chose d’indéterminé, mais qui visiblement l’alertait. Appelons ça un instinct de chasseur, conféré par une longue habitude des fantômes, des lieux glauques et des dangers mortels. Milo aurait mis ses os au feu qu’il aurait trouvé dans l’héritage de Mario ce que les Wincessero cherchaient ; mais aucun indice n’était venu confirmer sa puce à l’oreille. Dépité –il lui semblait pourtant n’avoir rien négligé-, Milo était repartit pour finir ses « visites ».

Et puis, finalement, il avait échoué derrière la boucherie, garé dans une ruelle, à fixer la porte de derrière si terne qu’on la remarquait à peine de feu les Abatucci. Et depuis, il bouffait des olives en s’ennuyant à mourir, guettant par intermittence un signe divin –un signe de sa sœur sur son portable-. Après tout, il était treize heures quarante-sept, pour être précis. Et ses toasts du matin remontaient. Un jeune homme en pleine croissance et dépense physique comme Milo nécessitait une nourriture saine et abondante, voilà tout. Il ne pouvait pas aller se chercher un repas plus conséquent sans manquer, peut-être, le moment où Mario ferait de même. Alors, il se contentait de ce qui se trouvait dans le sac sur la banquette arrière. D’ailleurs, il avait déniché un vieux paquet de chips –pommes de terres sélectionnées à la main, puis coupées finement en tranches avant d’être salées délicatement et passées au four, croustillant garanti, connaissez vous nos chips saveur fromage, blablabla-. Dédaignant sa barquette d’olives marinées qui diminuaient à vu d’œil, Milo s’empara de sa trouvaille, déchira l’emballage entre ses dents et prit entre son index et son majeur la plus grosse chips qu’il pu trouver dans le paquet. Il aurait apprécié faire passer le tout avec une bonne rasade de bière, mais il était contraint de se contenter de la bouteille d’eau minérale abandonnée par Cassie dans la portière. On faisait ce qu’on pouvait. Nouveau balayage de la rue, coup d’œil au portable.

Là non plus, ce n’était pas un moment très palpitant de la chasse. Néanmoins, Milo ne pouvait rien faire d’autres ; il avait exécuté ses tâches benoîtement et à moins de se payer la sorcière vaudou du coin ou la diseuse de bonne aventure, il ne localiserait pas mieux Mario. Il se devait juste d’attendre qu’un mouvement furtif derrière les barreaux du soupirail vienne confirmer sa théorie –ou l’infirmer s’il persistait à ne pas se montrer-. Ah, encore une fois, ce fameux et gratifiant job de chasseur ! Riche en relations sociales, en fric et en mode de vie sain. Mais, trêve de plaisanteries, Milo n’était pas du genre à cracher dans cette soupe. Tout ça, finalement, ça lui plaisait. C’était en adéquation avec son caractère. Cassie, elle, avait toujours eu plus de mal. Parce qu’il s’agissait d’une jeune fille aimable qui ne méprisait pas l’ensemble de la race humaine, ou moins que Milo. Lui, il avait toujours été un solitaire, à la fois contraint par Giovanni, mais aussi par son ADN. Les gens, il les aimait de passage, futilement. Il n’était pas doué pour se faire des amis, ni pour les garder. En fait, Milo se soupçonnait de ne pas en avoir envie. D’apprécier de se refermer sur Cassidi, sur Tazzo, et de faire son autiste bienheureux derrière eux. Il ne cherchait pas à aller vers les autres ; il s’en foutait. Cinq minutes, le temps d’un verre, quelques jours, le temps d’une chasse. Oh, il ne dédaignait pas la compagnie de personnes à son goût. Mais il finissait systématiquement par ressentir une lassitude, un manque d’intérêt qui se traduisait par un cessez-le-feu sur les efforts fournis pour être aimable et ouvert. Tel un pokémon humain –Oui, oui-, il mutait pour redevenir Milo le taciturne. Et contrairement à ce qu’un naïf innocent pourrait croire, ce n’était pas franchement reposant. Chaque remarque était ponctuée d’une réponse acerbe, prononcée d’un ton grognon qui clamait le dérangement causé par l’inutilité de l’affirmation de son interlocuteur. Son visage renfrogné se tournait ostensiblement vers des choses plus intéressantes ; la vitre, le portable, ses lacets, sa montre. Il levait les yeux au ciel, croisait les bras, se renfermait dès qu’il le pouvait. Une sorte de tempête concentrée, en fait, comme le coulis de tomates. Et seules les personnes qui résistaient à ces démonstrations d’humeur finissaient par avoir vraiment grâce à ses yeux. Comme Cassie, par exemple. Cependant, il était vrai que le frère et la sœur se connaissaient depuis très longtemps et qu’ils avaient menés une existence toute particulière ; de ce fait, Milo adoptait en sa compagnie des comportements un peu différents de ceux de l’ordinaire. Cela n’empêchait pas les crises de « grumpyttude » de se déclencher, mais Cassie était totalement immunisée et s’en moquait royalement. Et elle, elle bénéficiait des petites plaisanteries, des gestes anodins qu’elle savait décrypter comme des marques d’affection et de tendresse. Robertazzo, comme Giovanni d’ailleurs, n’avait jamais été de dupes des grands airs furieux de Milo, comme de son fameux « j’ai avalé trois citrons et ils sont restés dans ma gorge histoire de bien imprégner le palais ». Somme toute, les gens possédant cette capacité étant rares, Milo était heureux dans sa vie actuelle. Pas de responsabilité sociale, pas de « Bonjour madame Michu » en sortant les poubelles le soir, pas de fêtes entre collègues ou de barbecues dominicaux. Juste lui et le silence de l’habitacle, comme en ce comment, ou lui et Cassie. Qu’aurait-il fait sans sa petite sœur ? Sans doute serait-il devenu le plus affreux misanthrope que la terre est porté, aigri au dernier degré, une âme de vieillard dans un corps de zombi. Cassie, son interface avec la société. Qu’aurait-il fait sans elle ?

Il scruta dans un accès de vigilance rageuse la façade de la boucherie. Sur le siège passager, à côté de lui, Milo avait déposé les petits sprays au liquide hautement inflammable qu’il avait concocté l’heure précédente. Si Mario se ramenait, l’aîné des Wincessero –et accessoirement son briquet- ne le manquerait pas. Soudain, la sonnerie de son téléphone retentit. Habitué au silence de ce midi italien, Milo sursauta et décrocha. Cassidi. Un problème ?

- Allô, Milo ? Oui, on a un problème, là … Une gamine de dix ans n’est jamais arrivée à l’école primaire ce matin, alors qu’elle fait ce trajet à pied tous les jours. Sa mère s’en est rendue compte uniquement parce qu’elle ne la laisse pas manger à la cantine et était venue la chercher à la sortie. Comme ce sont des circonstances exceptionnelles, Nerilla va lancer l’avis de recherche, c’est l’alerte générale par ici. Je crois qu’on ferait bien de retrouver Mario très rapidement. Tu as reçu ce que je t’ai envoyé ?

Ah oui, problème. Une bouffée d’adrénaline s’empara de son cerveau. L’organe cherchait à mettre le doigt sur un détail.

- Je crois que tu as raison, ouaisMais si ça remonte à ce matin, elle est déjà morte, pensa-t-il sinistrement-. Tu parles des infos sur la villa ? Oui, j’ai reçu, je suis allé v…

Milo s’interrompit. Une minute. Voilà l’élément qui le titillait. Il y avait une école pas loin de la villa. En outre, pour avoir bien exploré la boucherie, il était presque certain que Milo n’avait pas emmené sa victime ici dès potron-minet. Il aurait au moins entendu des… bruits de mastication si le rugaru s’était caché dans les fondations, lorsque Milo se trouvait à la cave. C’était la première demeure qu’il avait fouillé. Il tourna la clé et démarra.

- Tu as le nom de l’école ? Il y en a une à quelques pas de la villa, une de ses fenêtres donne sur la cour de récré. Il est sûrement resté dans les parages, il n’aurait pas pu se balader en centre-ville avec la fillette sur l’épaule ou sous son trench-coat… Je viens te chercher, ne bouge pas. Tu es au commissariat ?

Sans attendre la réponse, qui ne tarda pas à venir, Milo appuya sur l’accélérateur et se hâta de rejoindre sa sœur en un temps record. Pas le temps d’acheter des paninis, aujourd’hui. Il grilla un ou deux feux. Ca ne le gênait pas spécialement, au point où il en était dans le respect des lois et vu le peu de circulation qui agitait le centre-ville à l’heure où tout le monde croûtait sagement chez soi.

Cette pensée le glaça. Ou plutôt, la vision qui apparu dans son esprit lui coupa toute envie pour les olives et les chips délaissées. Milo n’avait aucun espoir de retrouver la gamine vivante. Mario les avait plutôt habitués à déguster sur place ses victimes, sans cuisson et sans assaisonnement. A la rigueur, il avait peut-être transporté le corps jusqu’à une cachette proche afin de se nourrir en toute tranquillité d’esprit. Et maintenant, alors que le pire craint par Milo et sa sœur était survenu, le monstre devait se reposer à l’ombre, un cure-dent dans la bouche, digérant paisiblement. C’était répugnant. Milo ressentait cette fameuse envie d’éliminer de la surface de la Terre ces erreurs de la nature, ces créatures inutiles, ces nuisibles qui lui conférait aucun remord lorsqu’il appuyait sur la gâchette pour commettre un meurtre de sang-froid. Face à ce genre de choses, il n’avait aucun scrupule. Cassie –toujours elle, toujours ce fameux yin dans le groupe qu’ils formaient- en éprouvait sûrement plus, allez savoir pourquoi. Lui, il était intransigeant, de la même façon qu’il l’était sur le sujet fâcheux. Le truc. C’était peut-être une vision un brin primaire, voir binaire des choses mais jusqu’ici, cela avait été un comportement efficace qui l’avait sauvé à maintes reprises. Pas de « Oh, mais comme il est mign…. » devant un fantôme de gamin aux grands yeux tristes –celui qui sortait ensuite un hachoir pour vous trancher la tête-. Et combien de fois avait-il fallu qu’il vienne tirer Cassie d’un mauvais pas où l’amenait son excès d’optimisme en… l’humanité ? la Création ? Que ce soit pour se coltiner avec des vampires ou des loups-garous, elle était toujours partante, ou presque.

Cela ne signifiait pas que Milo était insensible et qu’il ne pouvait pas revenir sur son jugement, non. Parfois, ils étaient tombés sur des vampires assagis, et il leur avait laissé la vie sauce –après beaucoup d’insistances, certes-. Il ne voulait pas se transformer en chasseur fou extrémiste au dernier de gré. Non. Il espérait garder toujours une étincelle de jugement et de retenue. En ce sens, Cass, c’était son Jiminy Cricket perso. Dans le cas présent, de toute façon, il n’y avait pas de doute à avoir ; Mario, bien que ce ne fût pas sa faute, n’avait plus rien d’un être humain et il était dangereux. Milo préférait lui donner le repos que de le laisser faire de même avec des fillettes à l’aube de leur vie.

Milo ne s’arrêta que quelques secondes pour permettre à sa sœur de monter à bord, avant de poursuivre sa route jusqu’à la villa. Elle était comme ce matin ; blanche, proprette, pas trop entretenue mais respirant la maison de retraités.

- Prend les trucs qu’il y avait sur ton siège, ordonna-t-il en stoppant la voiture sur le trottoir. Mais je suis presque sûr qu’il n’est pas dans la maison. Est-ce qu’on se sépare et qu’on fait le tour du pâté de maisons jusqu’à ce qu’on le trouve, ou est-ce que tu as une idée de génie quant à une éventuelle cachette ?


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Cassidi Natale [Othello]

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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeDim 10 Juil - 17:27

Spoiler:
Dire que Cassidi Wincessero se découvrait de nouvelles angoisses existentielles n’avait rien d’abusif. A toutes les questions de Milo, elle répondit par la positive, brièvement, laconiquement. Oui, oui et oui. Sans doute était-ce pour éviter à son frère de l’entendre aussi paniquée, voire dans le but de s’aveugler sur sa propre inquiétude. Parce que la chasseuse ne voulait pas savoir ; elle ne voulait sentir ni l’adrénaline pulser dans ses veines, ni le cube glacé que la peur creusait au cœur de ses entrailles. Certes, son job ne la protégeait pas de la trouille sacro-sainte que l’on ressentait une fois dans le champ de vision d’une bestiole à la dentition évoluée. Ce n’était pas parce que l’on avait la licence de ce club fermé que l’on était assuré des risques qu’il impliquait. Mais c’était la première fois que ce que Cassie ressentait la paralysait – la première fois, aussi, qu’elle échouait à juguler le côté étouffant de la situation.
D’ordinaire, lorsqu’elle ne parvenait pas à mettre la peur de côté, cette dernière finissait par jouer le rôle d’un moteur. C’était presque une exigence physiologique. Et voilà qu’aujourd’hui, cette belle mécanique foutait le camp. Avec quoi était-elle censée continuer, dans cette affaire ? Avec la peur au ventre ? Et surtout, qu’est-ce qu’elle pourrait faire, concrètement, lorsqu’elle croiserait mister rugaru, alors qu’elle n’avait pas besoin de le voir pour se figer ainsi ?

Mais il n’y avait pas que ça ; il n’y avait pas que ces petites questions venues gambader dans la tête de la jeune femme. Il y avait aussi le problème de la gamine – Olivia de son prénom. La Cassidi rationnelle n’ignorait pas que, repas pris la veille ou non, le rugaru n’aurait pas tardé à focaliser sur une nouvelle victime. Dans le fond, c’était très clair. Les photos de Mario prises avant sa transformation suggéraient qu’il n’était pas de ces obsessionnels du décompte des calories lorsqu’il s’attaquait à un repas. L’altération de sa nature ne pouvait en rien arranger les choses. Vivre pour manger, et non pas manger pour vivre – gastronomiquement parlant, chez un humain, ça pouvait être là un adorable dicton. Dicton qui perdait de son charme lorsqu’il s’agissait de l’appliquer à un rugaru. Ce dernier, hélas, était l’un des plus fervents pratiquants de cette religion. Olivia, de ce fait, avait plus de la fatalité que de l’accident, et il n’y avait pas à s’étonner de cette suite logique. C’était un peu comme de déduire du produit de cinq par quatre qu’il menait à vingt-cinq lorsque l’on ajoutait un au multiplicateur.
En l’occurrence, Olivia était le fois cinq. Et jusque-là, c’était clair.
Restait que, dans le cas de Cassidi, l’on pouvait corréler la perte d’un bout de chair à celle d’un bon pourcentage de rationalité. Cette déficience faisait que Cassie entendait à peine ce que lui racontait son frère. Elle s’en foutait, d’une certaine façon. L’emploi du temps de Mario Abatucci, diligemment fourni par son lobe frontal, dressait un tableau limpide : Olivia kidnappée, Olivia bouffée. Avec, en guise d’annotation en bas de page, à l’attention de Cassidi, une certitude aux relents d’accusation. C’est de ta faute. Au point où, pour un peu, elle en serait venue à regretter de ne pas y avoir laissé un peu plus de plumes – ou de viande – la veille.

Et puis, franchement, quelles étaient les chances de retrouver la gosse en vie, dans le fond ? Est-ce que ce n’était pas une façon de plus de se matraquer que d’imaginer qu’ils pouvaient toujours mettre la main sur une gamine en bon état ? Valait-il encore le coup d’envisager le happy ending ? Parce qu’elle avait envie de le garder en tête, celui-là, Cassidi. Elle ne voulait pas le lâcher. Elle préférait y croire tout en sachant que la peau de l’ours était déjà vendue plutôt que d’affronter cette culpabilité dérangeante. Elle avait besoin de cet espoir qui mettrait l’infraction entre parenthèses, le temps d’un sauvetage. Et c’était moche à dire, mais elle aurait préféré que le rugaru en reste aux pétasses comme Silvia. Parce que certes, cinquante kilogrammes de chair dépecées, une cage thoracique transformée en lumignon prêt à servir, ce n’était pas plaisant, mais ce spectacle était toujours mieux que sa version miniature. Les poids-plume du massacre avaient cette force d’impact dont les plus belles pièces montées du milieu n’oseraient rêver.
C’était cette scène que Cassie ne voulait pas découvrir. Ce Pollock bâclé, grinçant, sanglant et crissant. Et c’était cette scène, encore, qu’une main habile jetait sur la toile de son cerveau ; cette scène, toujours, dont elle achevait de fignoler les détails lorsque l’Impala pila devant elle. La jeune femme, en ouvrant la portière, fit l’effort de se composer une autre expression que celle de l’angoisse existentielle. Si c’était possible, elle était encore moins fanatique que son frère de ce type d’expansions. En outre, ils avaient des sujets plus urgents à gérer que ses états d’âme de gonzesse mal dégrossie.

Cassidi salua Milo d’un signe de tête quelque peu pincé ; lui-même démarra immédiatement, en trombe, avec l’empressement de celui qui souhaite arriver à l’heure à une fête. La chasseuse eut presque envie de lui signaler qu’il n’y avait pas lieu de se dépêcher ainsi. De lui dire, pince sans rire, que le kebab serait un peu froid, mais qu’il en resterait sûrement. Elle n’en fit rien, pourtant. Elle se contenta d’attacher sa ceinture — aussi serrée qu’elle le pouvait — et de serrer les dents. Elle avait beau vouer une confiance absolue à son aîné, elle aurait payé cher, autrement plus cher qu’un lambeau de chair, pour que Tazzo soit à leurs côtés aujourd’hui. Il saurait quoi faire. Mieux, il aurait les mots pour la recadrer. Et l’habitude de ces situations dont l’issue ne s’annonçait pas heureuse.

Secouant la tête afin de s’éclaircir les idées, Cassie comprit que Milo tentait de communiquer.

« … je suis presque sûr qu’il n’est pas dans la maison. Est-ce qu’on se sépare et qu’on fait le tour du pâté de maisons jusqu’à ce qu’on le trouve, ou est-ce que tu as une idée de génie quant à une éventuelle cachette ? »

La jeune femme haussa les épaules.

« De génie, je ne sais pas, mais une idée, oui, dit-elle, et sa voix lui parut éraillée. Ces maisons sont vieilles. Elles datent d’avant la seconde guerre mondiale et n’ont pas été rénovées depuis, ou presque pas. Après la première guerre, les gens se sont mis à construire des abris dans leurs jardins — des abris souterrains, des caveaux, à l’écart des jardins … Et évidemment, ils ne figurent pas sur les plans. Alors … »

Elle acheva sa tirade avec un signe de menton en direction de la route. Alors on y va. Elle n’était pas sûre de ses assertions, mais c’était la solution la plus logique. Ou tout du moins, la plus logique avant de passer aux solutions embêtantes, qui prévoyaient que le rugaru ait élu domicile dans la campagne environnante. Et l’idée de partir à la recherche du grand méchant loup dans les bois, en plus de ne pas être exaltante, était trop gourmande en temps. Temps que les Wincessero n’avaient pas. Cela signerait l’arrêt de mort d’Olivia. Il était déjà à craindre qu’ils doivent faire le ménage derrière Mario Abatucci ; s’il avait choisi de se réfugier dans la cambrousse, il leur faudrait plutôt faire de la dératisation qu’autre chose.

Et la petite ville de défiler sous ses yeux, déroutante de quiétude. Le plus curieux, dans ce cadre, résidait sûrement dans le fait qu’il était l’archétype même du lieu dans lequel la jeune femme aurait apprécié de passer des vacances. Ou tout du moins, quelques jours de break. D’ailleurs, plus elle y pensait, et plus elle songeait à faire une pause dans sa vie de chasseuse. Elle ne s’était pour ainsi dire jamais offerte cette dernière. Il y avait toujours quelque chose à faire. On trouvait toujours une énigme à résoudre. Ou alors, l’énigme les trouvait. Et, souvent, ladite énigme était dotée de griffes et de crocs. A croire que la seule connaissance de l’existence des monstres sous le lit établissait un lien entre ceux-ci et vous-même ; un peu comme si, en reconnaissant leur présence à la surface du globe, vous leur allouiez une vie propre. Cassidi était curieuse de savoir si elle pouvait, de façon effective, se retirer de cette vie, même une journée, sans que celle-ci ne lui retourne ses paillettes en pleine figure. La question du sort qui serait alors le sien se posait, bien sûr. Cassie ne s’imaginait pas retourner aux études — pas après les loups-garous, pas après les changelings, pas après les polymorphes. Pas après tout ça. Non, en fait, la véritable question n’était pas de savoir ce qu’elle ferait de sa vie si elle arrêtait la chasse, mais bien de comprendre ce que cette vie lui ferait si elle continuait. Finirait-elle comme ces chasseurs, amis de son père, qu’il lui était arrivé de croiser à la maison — aigris et vides, indifférents à tout ? Comme Robertazzo, seule, dépressive et passablement alcoolique ? Comme Giovanni, son cadavre abandonné à la caresse des flammes ? Ou peut-être que mon corps n’aura même pas cette chance.
Elle jeta un coup d’œil à Milo. L’ours était concentré sur sa conduite, à son habitude. Et si elle ne le connaissait pas si bien, elle n’aurait pas décelé la moindre tension chez lui. Si elle n’avait été qu’une observatrice lambda, ou cette petite sœur qu’il n’aurait pas dû avoir, elle aurait pu croire qu’il avait fini par s’en foutre. Que ces histoires de gamines dépecées ne l’atteignaient plus. Elle savait, au contraire, qu’il était loin de tout cela … Et pourtant, elle n’en supportait pas mieux le détachement que l’on pouvait décalquer sur son profil. Car, un jour ou l’autre, il s’installerait ; et pour de bon.

Cassidi tripotait les bombes de liquide inflammable, nerveuse. Elle les laissa jouer un moment entre ses doigts et, finalement, du bout de l’ongle, elle se mit à tapoter le métal, selon un rythme régulier — tap-tap, tap-tap. Elle finit par se tourner vers Milo, et agita l’un des contenants sous son nez :

« Tu penses que ça suffira, ces trucs-là ? Et puis, mettons qu’on le retrouve dans un caveau, c’est quoi, le plan ? Ce mec a plus de force que nous deux réunis, même si je sais bien que je ne pèse pas bien lourd dans la balance … C’est pas comme s’il allait se laisser faire … Donc si tu as une idée. »

En outre, si Olivia était encore en vie lorsqu’il la retrouverait, ça compliquait encore la situation. Ça voulait dire qu’ils ne pourraient pas recourir à une astuce toute bête, à savoir enfermer la bête dans sa cave et y balancer le Nessie des cocktails Molotov, avant de lancer le minuteur du temps de cuisson. Cassie savait que la balance bénéfice-risque, le cas échéant, désignait comme préférable la mort d’une gosse lorsque l’on savait que le rugaru risquait de poursuivre sa série de meurtres … Mais cette solution ne figurait pas dans son répertoire.
Ou tout du moins, pas encore.
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 28 Juil - 7:40

Spoiler:

A la réponse de Cassidi, Milo retint une soudaine envie de se cogner contre le volant. Geste qui n’aurait fait qu’accroitre son sentiment de stupidité, mais bon. Ce n’était pas comme si c’était lui, d’habitude, qui trouvait – ou devinait- les informations essentielles à leurs enquêtes. C’était juste que ça paraissait tellement évident qu’il se demanda pourquoi il n’avait pas eu une illumination plus tôt, lorsqu’il inspectait la demeure. Ils auraient gagnés du temps. Tel un apprenti moine bouddhiste ou un cadre en stage feng-shui, Milo s’efforça de passer au-dessus de son échec pour se concentrer sur l’essentiel.

- Et je suppose que tu n’as pas la moindre idée de l’endroit où se trouve précisément l’abri ?

Génial, on va chercher. Comme si on avait toute la journée pour ça ! Dans le petit jardin désolé, il ne lui avait pas semblé voir une plaque de béton recouvrant l’entrée d’une éventuelle cachette. Il était vrai qu’il n’y avait pas vraiment fait attention, et il se doutait bien qu’il n’y aurait pas un écriteau sur l’herbe avec la mention « Coucou, c’est ici, vous êtes arrivés ! » et une flèche pointée vers le sol. D’un autre côté, il supposait que si on avait construit des planques, c’était avec l’objectif de s’y glisser facilement et qu’il n’y avait pas de raison pour que l’accès qui y mène soit soigneusement dissimulé derrière un buisson d’if ou sous la poubelle.

Peut-être auraient-ils du mettre au courant Nerilla, d’une façon ou d’une autre, et lui demander de rappliquer avec sa brigade. Ils auraient quadrillés le jardin, trouvés la cachette en moins de temps qu’il faut pour dire « rugaru » et tout le monde aurait été content, à commencer par la gamine disparue. Le hic… Comment expliquer à quinze types rationnels un machin à dents pointues vaguement humain ? Milo aurait parié sur une tactique toute simple ; faire le plus surpris de tous. Pourquoi un agent de l’AISI ne pourrait-il pas tomber, une fois l’an, sur une chose que la science ne pouvait expliquer et devoir l’affronter malgré tout ? Ils buteraient la bestiole, se gratteraient la tête en chœur et abandonneraient le cadavre aux scientifiques de l’AISI qui concluraient sûrement à une mutation génétique bizarroïde. On étoufferait l’affaire et basta. Néanmoins, ceci attirerait une attention indésirable sur deux points ; d’abord, l’existence de créatures ignobles et deuxièmement, sur Almeida et Laslos, les agents-bidons-de-l’AISI. La conclusion de tout ça, c’était qu’à moins d’avoir un très beau sourire, le gouvernement alerté ne les remercierait pas et au contraire, les enverrait finir leurs jours dans une prison de qualité douteuse.

Aussi Milo et Cassidi devraient-ils se contenter, malgré l’urgence de la situation, de chercher par eux-mêmes un foutu abri antiatomique alors qu’une mioche connaissait le sort d’un steak-frites à une heure de pointe et à la brasserie du coin. Les gens n’avaient vraiment pas le sens des priorités.

A ses côtés, la présence de Cassidi dans l’Impala n’avait pas éclairé cette journée d’un rayon d’optimisme. C’était largement compréhensible, mais pas spécialement encourageant, loin de là. Et surtout, l’entendre manipuler et tapoter leurs lance-flammes improvisés dans le rythme classique de la nervosité, c’était agaçant. Si Milo n’avait pas eu les deux mains occupées par le volant, il lui aurait arraché les machins des mains avant de lui jeter un regard courroucé, celui que Papa adresse à sa fillette excitée. Avant même que Milo envisage d’effectuer cette action malgré tout, sa sœur le coupa en demandant :

« Tu penses que ça suffira, ces trucs-là ? Et puis, mettons qu’on le retrouve dans un caveau, c’est quoi, le plan ? Ce mec a plus de force que nous deux réunis, même si je sais bien que je ne pèse pas bien lourd dans la balance … C’est pas comme s’il allait se laisser faire … Donc si tu as une idée. »

- J’ai une tête de spécialiste en explosifs et autres flammes ? rétorqua-t-il. Aucune idée. Il y a quand même pas mal de liquide inflammable dans chacune d’elles, j’ose donc espérer que c’est suffisant pour le rugaru. Après tout, Tazzo ne nous a pas dit si la bestiole était facile à faire cramer. C’est pas exactement du sapin, donc je suppose que juste souffler sur des braises ce n’est pas suffisant, mais deux litres de produits… D’autant que j’ai pris le liquide qui brûle le plus fort. Même s’il n’y aura pas énormément de flammes, ça chauffera dur –et longtemps-.

Ca, au moins, il pouvait le dire. Il ne disait pas vraiment que ça allait marcher –Il n’en savait strictement rien-, mais vu le degré de stress de Cassidi, lui assurer que dans le pire des cas, ils connaitraient une fin rapide ne serait pas pour remonter le moral des troupes. De plus, Milo, comme il venait de l’expliquer, avait fait en sorte de sélectionner le produit qui serait le plus à même de tuer le rugaru. Après, si ça se trouvait, la créature était équipée d’une tenue de pompier à même la peau. Milo touchait du bois en se disant que Tazzo le lui aurait sûrement dit au téléphone. Il ne laisserait pas ses protégés foncer tête baissée dans un danger sans les avoir avertis de chaque détail. Combien de fois s’était-il lui-même déplacé pour leur venir en aide in extremis alors que la fratrie s’était mise dans le pétrin ? Cette tendance à foncer tête baissée –et oui, on n’avait pas tous l’occasion de consulter une immense bibliothèque ésotérique dans sa maison surprotégée- leur avait valu le surnom tendre et affectueux d’ « imbéciles » ou d’ « abrutis », prononcé à chaque fois d’un ton ou exaspéré, ou affligé. Le privilège de la jeunesse. Et encore, la présence féminine de Cassidi tempérait bien les ardeurs de leur duo, bien qu’elle soit aussi championne des gestes inconsidérés comme « je pars sans te prévenir » ou « je complote derrière ton dos avec mes nouveaux pouvoirs bien que tu m’ais interdis de les utiliser » ou « je ramasse une patte de lapin douteuse sans réfléchir ». Et qu’on ne parle pas à Milo d’intuition féminine, s’il vous plait. Oh, c’était sûrement un raisonnement injuste pour Cassidi. Milo était sûrement celui des deux qui était le plus imprudent. Mais lui au moins n’avait pas la sale manie de faire bande à part. Bref, ce n’était ni le lieu, ni les moments de commencer à s’auto-apitoyer sur ses relations avec sa sœur depuis qu’elle avait son « truc ».

Quant au plan, heu… Il pouvait toujours demander à Cassie de le bombarder avec les olives restantes et de la tapenade pour attirer son attention. Mais le rugaru risquait fort de se contenter de bénir le Ciel pour cette manne inattendue et agrémenter son repas du délicieux condiment mariné. Ou alors, ils auraient pu acheter une côte de bœuf et le lui agiter sous le nez. Ah oui, c’est vrai, il n’y avait plus de boucher. Que c’est bête.

- J’ai envie de dire qu’on avisera sur place mais si la fille est toujours vivante, on risque de la tuer en même temps. Ceci dit, les embouts de nos bombes sont assez précis. Si l’on asperge uniquement Mario et qu’on lance une allumette ensuite, il n’y aura que lui qui en pâtira. La hauteur des flammes peut éventuellement blesser sa victime. On peut toujours se partager la tâche ; j’asperge, tu lances l’allumette, et je la plaque au sol pour éviter qu’elle soit touchée.

Moyen, moyen. Très hasardeux, tout ça. L’autre idée, eh bien…

- Je ne suis pas sûr que le deuxième plan te plaise, donc…

Et il ne lui plaisait pas vraiment non plus. Il n’avait aucune envie d’utiliser Cassidi comme appât, même si elle était tout à fait capable et assez maligne pour ne pas devenir une victime. Mais compte-tenu de son agression de la veille, Milo en voulait pas l’obliger à faire de nouveau face, désarmée, au rugaru affamé. Pourtant, dans ce cas là, il suffirait que Cassidi pénètre dans l’antre. Mario, dérangé dans son repas, s’occuperait d’abord d’elle plutôt que du contenu de son assiette. Milo pourrait alors se glisser à son tour et utiliser les lance-flammes avant de jeter une allumette sur le dos de l’ex-humain. Tout dépendait de la taille de la cachette, aussi. Si ce n’était qu’une petite pièce circulaire, avec une échelle menant dehors, ils n’auraient pas d’autre choix que de risquer leurs vies et celle de la gamine. S’il y avait deux pièces, ce serait plus facile. Oui, ses stratégies étaient primaires, et alors ? C’était souvent les plus simples qui étaient les plus efficaces. Et vu la situation, Milo avait beau se creuser la cervelle, il voyait mal comment faire un plan plus ingénieux, un plan brillant, digne d’un roman ou d’un fim.

En fait, beaucoup de détails reposaient sur la qualité des bombes maisons. Aïe. Milo expliqua néanmoins la deuxième solution à sa sœur, tout en espérant fortement –il espérait beaucoup, ces temps-ci- qu’elle-même ait une idée de plan plus élaboré que les siens. Après tout, c’était elle le cerveau du groupe, la grosse tête, celle qui avait fait des études –même si elle n’avait sûrement jamais assister à un cours sur les façons de trucider un rugaru dans son antre-. Ce faisant, maintenant qu’ils étaient descendus de l’Impala, le moment était venu de chercher l’entrée de l’abri. Il se tourna vers Cassidi, guettant son approbation ou un nouveau plan d’attaque. Après quoi, ils se sépareraient sûrement pour tenter de trouver la planque et ils n’auraient plus qu’à se jeter dans la gueule du rugaru.
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeSam 30 Mar - 18:36

« J’ai une tête de spécialiste en explosifs et autres flammes ? »

Cassidi retint un gloussement. Venant de la part de Milo, qui restait tout de même, sinon l’as de piques dans le jeu de chasseurs qu’elle connaissait, au moins l’un des rois, la question avait de quoi faire sourire. Lui, qui avait transformé un Walkman en détecteur à EMF. Lui, dont les connaissances en la matière auraient fait le bonheur du plus dévoué des pyromanes. Alors oui, Milo, t’en as la tête. Tête brûlée, tête cramée ; tout ce que tu veux, mais t’en as la tête.

Et Milo de confirmer, par la suite de sa réponse, qu’il en savait malgré tout plus long sur le sujet qu’il ne voulait bien laisser le monde l’entendre. Cassie lui jeta un regard en coin. La plupart du temps, elle se fichait que le monde ignore tout de ce que pouvait vomir la toile synaptique de son aîné - parce qu’elle, elle savait. Elle l’entendait. Elle avait pu constater, presque au quotidien depuis que Dieu-le-père Wincessero l’avait acueillie sous son toit, que Milo avait un cerveau ; et mieux, qu’il savait s’en servir. Bon, bien sûr, l’adolescence avait réclamé son dû de ce côté-là, et il arrivait à Cassidi de croire que cette maladie n’avait jamais cédé devant l’âge, mais globalement, il s’en était bien tiré, et il avait rapidement repris du poil de la bête, pour devenir ce qu’il était aujourd’hui. C’était à dire le trait d’union entre le puits de savoir et l’annuaire du pragmatisme. Oh, il cachait bien son jeu, le Milo - sous ses airs bourrus, les propos injurieux, les monosyllabes -, mais Cassie savait. Tazzo aussi, pour ce que la fierté pointant parfois dans le regard d’un vieil alcoolique valait.

Mais, mais, mais, il y avait des jours où cette certitude, pour trempée d’acier qu’elle était, ne suffisait pas. Un peu comme aujourd’hui. Ce n’était pas une question de manque de confiance, ni de perte de foi en le duo que les Wincessero Junior formaient - Cassidi l’avait, brave qu’elle était. C’était seulement qu’il était des fois où ça ne suffisait pas. Lorsque la situation se présentait mal, n’offrant en guise d’encouragement qu’une grimace, Cassie se sentait acculée, observée. Ce rictus, l’oeil noir d’un chicot - ils la narguaient. C’était aussi simple que cela.
Et des fois, un peu trop souvent à son goût, la chasse se goupillait mal. Ca se jouait à peu de choses près, généralement: une poignée de secondes de ci, de là, une arme automatique dont le cran de sûreté refusait de sauter, une victime un peu plus bête qu’une autre. Et l’échec, avec son panel de saveurs - amer, acide, salé, avec cette note pimentée qui piquait la gorge et faisait pleurer les yeux des familles.
Des trucs comme ça arrivaient - question de probabilités. Les Wincessero s’y étaient plus ou moins faits. Milo semblait un peu mieux savoir quoi faire de l’after-party que Cassie, ceci dit. Mais c’était peut-être un truc de garçons ; peut-être qu’avec le chromosome Y venait une capacité à compartimenter son esprit, à faire la part des choses, un peu comme on mettrait de l’ordre dans les tiroirs d’un vieux meuble. Le deuil ici, l’ego blessé par là. Et la déception, tout en bas. Sûrement, même. Sauf que s’il était une chose de se retrouver avec le cadavre d’un type de soixante-dix balais sur les bras, celui d’une gosse de dix ans en était une autre, et ce dernier ne pouvait que très mal tenir son rang de poids-plume.

« J’ai envie de dire qu’on avisera sur place mais si la fille est toujours vivante, on risque de la tuer en même temps. Ceci dit, les embouts de nos bombes sont assez précis. Si l’on asperge uniquement Mario et qu’on lance une allumette ensuite, il n’y aura que lui qui en pâtira. La hauteur des flammes peut éventuellement blesser sa victime. On peut toujours se partager la tâche ; j’asperge, tu lances l’allumette, et je la plaque au sol pour éviter qu’elle soit touchée. »

Non, décidément, « poids-plume », c’était un peu glauque, songea Cassie. Elle allait, comme Milo, anesthésier l’aspect organique de la chose, et s’en tenir à l’appellation de victime. Ca rendrait les choses moins difficiles - l’après, également. La jeune femme se secoua, et s’attarda sur les paroles de son frère. Son regard fit escale dans les yeux de Milo, décida qu’il n’aimait pas le point d’interrogation qu’il y trouva, et revint à la route, où le défilé presque militaire des maisons se poursuivait.

« Il craint un peu, ton plan. » Bel euphémisme. Parce que ladite hauteur des flammes, si les accélérants dont Milo avait fait l’emplette valaient quelque chose, risquaient de ne pas poser problème que pour la victime. Si elle pouvait l’éviter, Cassie préférait se tenir loin d’un incendie un peu trop enthousiaste. « Ceci dit, j’ai pas grand-chose de mieux à proposer, et je crois que de toute façon, on va en revenir à la bonne vieille équipe gagnante. »

Toi, moi, et le culot, précisa-t-elle en silence. Parce que, « culot », c’était le nom qu’on donnait à leur fâcheuse tendance à faire un plan, à l’oublier par le menu le moment venu, avant de foncer tête baissée dans le merdier, non? Extrait du dictionnaire Wincessero — culot, nom masculin, synonyme de talent. Ouais, ça devait être ça. Ou pas loin, à quelques conneries près.

« Je ne suis pas sûr que le deuxième plan te plaise, donc… »

La gamine terrifiée qui avait atterri sur le siège passager de l’Impala s’en voulut beaucoup, mais elle ne put empêcher un sourire de papillonner sur ses lèvres. Milo avait raison de ne pas être sûr, parce que non, putain, l’idée ne plaisait effectivement pas plus que ça à sa soeur. Laquelle lui décocha un coup d’oeil perçant, de ceux qui s’alarmaient très fort et hurlaient tout bas. Le sourire demeura, pour sa part. Parce qu’il avait un goût familier. Jouer l’appât, hein? Se séparer, offrir au rugaru la promesse d’un gigot qu’il avait semblé apprécier la première fois qu’il y avait goûté, pendant qu’un tout autre gigot se chargeait de transformer la bête en chair à kebab? Aussi peu alléchante que la théorie fût aux yeux de Cassidi, la jeune femme savait que, dans la pratique, la technique avait porté ses fruits un nombre incalculable de fois. Le plus souvent aux dépens des Wincessero, parce qu’ils n’étaient pas partisans des prises de risques inutiles, mais elle avait marché. Elle elle pouvait fonctionner, cette fois aussi. Après tout, pour le coup, ils savaient que l’un d’entre eux était au goût du rugaru.

Cassie soutint son regard et, l’espace d’une seconde, elle se prit à regretter de ne pas pouvoir tester outre mesure son Truc. Pour ce qu’elle en savait, peut-être qu’il pouvait faire pour elle que de lui apporter la vérité de la bouche de la personne - ou de la chose - qu’elle interrogeait? Réclamer des mots - mieux, les obtenir! -, c’était un pas ; un premier, et un grand. Mais pouvait-elle faire mieux? Avec un peu de pratique et d’abnégation, ne pouvait-elle pas espérer gagner plus à son pari, et formuler des ordres plus tranchés? Par exemple, commander à un ennemi de cesser de bouger, de se figer sur place? Son instinct lui soufflait - désolée, Milo - qu’il y avait là une leçon à en tirer, ou à mettre en application. Peu importait d’où son Truc venait, d’une certaine façon, parce que tant qu’à faire, si elle pouvait en tirer quelque chose, pourquoi pas ... ? « Je peux le faire, donc je le fais » - n’y avait-il pas des exceptions où l’on pouvait se permettre d’appuyer sur un bouton, d’expédier un missile?

« ... Je t’avoue que je crois avoir pigé, et que non, je n’aime pas bien ça, mais ça pourrait marcher, non? Mario m’aime bien, je l’aime bien, y’a moyen de s’entendre. Et de toute façon, on arrive bientôt, donc je crois qu’il va falloir s’en tenir à ce plan. Il me botte pas plus que ça, mais si ça marche ... »
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Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 Vide
MessageSujet: Re: Metamorphosis [PV Cassie Wincessero]   Metamorphosis [PV Cassie Wincessero] - Page 2 I_icon_minitimeVen 12 Avr - 19:08

Spoiler:


Etrangement, Cassidi sourit. Elle lui renvoya son regard, avec cette façon qu’elle avait de faire, comme si ça lui importait peu. Qui signifiait qu’elle n’était pas prête pour passer l’examen, mais eh, il commençait dans cinq minutes et il fallait bien y passer. Et puis, il y avait une note de fierté, de courage, de défi, ou de tout ça à la fois. Si elle devait le faire, elle le ferait : après tout, c’était ce qu’on faisait dans l’entreprise familiale. Un sale boulot nécessaire.

« ... Je t’avoue que je crois avoir pigé, et que non, je n’aime pas bien ça, mais ça pourrait marcher, non? Mario m’aime bien, je l’aime bien, y’a moyen de s’entendre. Et de toute façon, on arrive bientôt, donc je crois qu’il va falloir s’en tenir à ce plan. Il me botte pas plus que ça, mais si ça marche ... »

Milo arrêta vulgairement la voiture –on ne pouvait pas véritablement parler de « garer »- le long du large trottoir type banlieusard qui courait d’un bout à l’autre du quartier. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre : à première vue, rien n’avait changé depuis qu’il s’était pointé quelques heures plus tôt. Toujours la belle maison un peu ancienne, façade blanche, toit en tuiles, grand jardin laissé en friches et envahi par les herbes folles. Parfait pour ramper lorsque l’on était une saloperie répugnante. Et pour attraper des tiques. Milo soupira, et reporta son attention sur sa sœur. Ils échangèrent un lourd regard, chargé d’éloquence. Evidemment, elle ne respirait pas l’enthousiasme. Pas folle, la guêpe. Ou l’abeille. Regrettant d’avoir fait cette suggestion, Milo grogna :

- Comme tu veux, Cassie. Allons-y.

Parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire et qu’il était à court d’idées. Il coupa le contact et sortit de l’Impala, un des lance-flammes de fortune dans les bras.

- Quand je suis passé ici tout à l’heure, confia-t-il à sa sœur, je n’ai rien vu de particulièrement frappant dans le jardin. D’un autre côté, je ne pensais pas y trouver quelque chose et donc je n’ai pas vraiment cherché. Je suppose qu’ils ont fait dans le pratique, lorsqu’ils ont construits la maison. Il devrait y avoir un passage à l’intérieur et une ouverture à l’extérieur, non ?

Si ses souvenirs étaient bons, le passage interne devait être l’entrée de l‘abri ; probablement une échelle dans un gros conduit, moins probablement un escalier. Le passage extérieur serait techniquement rien de plus qu’une bouche d’aération. Dans les deux cas, ce ne serait pas facile d’entrer dans le soi-disant repère du rugaru. Un conduit, qu’il y ait une échelle ou non, ça obligeait de s’y glisser un à un, sans rien voir de la pièce dans laquelle on tomberait. Avec leurs encombrants lance-flammes, ce serait encore moins évident. Et la pièce en elle-même ? Si elle avait été construite dans les fondations de la maison, elle aurait vraisemblablement la même surface en termes de mètres au carré. Et si les propriétaires de l’époque n’avaient pas eu les moyens d’équiper tout cet espace, et bien, ça ferait… quoi ? Dix mètres carrés ? Pas pratique, pratique lorsqu’on se retrouvait face à face avec un monstre affamé et dérangé dans son repas, donc fou furieux. Milo calculait, et les pronostics n’étaient pas bons. Il ne savait même pas ce qu’il préférait. Et puis, quel passage empruntait Mario ? Bedonnant boucher qu’il avait été, il ne s’amusait certainement pas à jouer aux reptiles dans un conduit d’aération qui pourrait être tout juste assez large pour que Milo, lui, puisse y passer. S’il utilisait l’entrée d’origine, le rugaru l’avait forcément camouflé, puisque Milo n’avait rien vu lors de son passage dans la matinée. Donc…

- On commence par le jardin ? proposa Milo. Il surveille sûrement l’entrée principale. Je le vois bien, heu… dîner en regardant sa porte. Je ne suis pas certain qu’on puisse passer par l’extérieur, mais ca vaut peut-être mieux que de défoncer ladite porte à coups de pied et en hurlant pour l’effrayer.

Quoique… Tout en lui faisant part de ces réflexions, il marchait à grands pas dans l’herbe, pressé. Lorsque les Wincessero faisaient face à ce genre de situations, le mot « chasse » prenait tout sa signification. Il s’agissait d’être rapide et d’agir immédiatement, et dans ces conditions, on n’avait pas forcément l’occasion de réfléchir. Alors, oui, des fois, la chasse consistait à courir tête baissée derrière une créature menaçante, quitte à être soi-même poursuivi l’instant d’après. De toute façon, les monstres qu’ils traquaient fonctionnaient exactement sur le même principe. Parfaitement conscients qu’ils jouaient leurs peaux, ils pouvaient se montrer retors ou carrément pervers, mais ils agissaient toujours rapidement. Les démons étaient en général plus malins et mieux préparés, ce qui n’était pas le cas des créatures comme Mario. Philosophe, Milo tentait de ne voir en eux que de simples fauves : certes plus dégoûtants et capables de vous arracher un bras, mais lorsqu’on était prévenu et qu’on faisait abstraction de l’apparence, c’était du pareil au même. Ah, et certains pouvaient se rendre invisibles. Ou changer de peau. Ou vous hypnotiser. Ou encore tout plein de choses merveilleuses et tout aussi charmantes.

Bon, alors, un conduit d’aération, n’importe quoi ressemblant à une bouche d’égout avec une grille, sous les hautes herbes. Ooh, oui, Mario aurait pu trouver refuge dans les égouts, aussi. Combien de fois Milo avait du se laisser tomber dans un de ces tunnels nauséabonds aux parois gluantes ? Sans compter l‘absence relative d’éclairage, qui donnait tout son pittoresque à l’endroit et pimentait la chasse. Même pas peur, les Wincessero les visitaient dès l’adolescence, en guise de cahiers de vacances… ah, peut-être que c’était ça.

Derrière un buisson qui s’était développé sauvagement en envahissant l’espace vital de ce qui avait été des parterres fut une autre époque, une grille toute simple, récemment dégagée de la terre qui s’y était accumulée, protégeait un trou qui semblait aussi large qu’un conduit de cheminée. Un trou particulièrement noir et incertain : on n’apercevait aucune lumière au fond. Tout cela était fort engageant, mais Milo s’accroupit néanmoins et s’appliqua à dévisser la grille avec le tournevis qu’il avait pris soin d’emmener. Il entendait les pas souples de Cassidi qui le rejoignait, derrière lui. Pas besoin de lui intimer l’ordre de se taire : la longue habitude de leurs chasses en commun les avait formés à agir de concert sans discussions, comme une machine bien huilée. Du moins, lorsque la connexion se faisait entre leurs deux humeurs –ce qui n’était pas toujours le cas-. Combien de fois Cassidi avait pris des initiatives dans le dos de son grand frère ? Milo avait en horreur les initiatives de Cassidi, quand elle sortait de sa trajectoire de petite sœur mignonne et obéissante pour faire sa tête de brûlée de « j’suis grande, j’peux le faire moi-même ». Ouaip, fillette, mais préviens-moi avant. Milo haïssait les surprises.

Délicatement, il ôta la grille, le plus silencieusement possible. Peut-être prenait-il des précautions pour rien. Peut-être que Mario et sa victime n’étaient pas au fond de cette cheminée, et peut-être que tout ça ne serait qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Mais inversement, peut-être que la fille était vraiment là, au mieux dans les vapes, au pire ligotée et parfaitement consciente de ce qui se passait autour d’elle –et plus particulièrement du regard avide et des chicots jaunis du rugaru-.

- Je devrais descendre le premier, murmura Milo à Cassidi. Je ne pense pas que l’abri soit enterré profondément, le conduit doit faire quatre à cinq mètres, tout au plus. Tu pourras m’envoyer les lance-flammes une fois que je serai en bas.

Bien entendu, Milo n’envisageait pas de sauter les pieds joints : déjà, la cheminée était à peine assez large, et deuxièmement, Milo avait beau avoir de robustes tibias, il n‘était pas sûr que ces derniers tiennent le choc. Non, il n’avait pas d’autre choix que de descendre le dos calé contre une paroi, recroquevillé comme une gigantesque grenouille en costume d’agent de l’AISI. Cassidi aurait sûrement fait une meilleure acrobate, mais justement, elle le rejoindrait rapidement. Si Mario était en bas et que Cassidi partait en éclaireur, il aurait tout le temps de lui arracher quelques bouchées de chair avant que Milo puisse lui porter secours.
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